Le problème de l'Orthodoxie en France

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totocapt
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Le problème de l'Orthodoxie en France

Message par totocapt »

Suite à la dispersion d'orthodoxes d'origines diverses à travers le monde au XXe siècle, la traditionnelle symphonie a été placée devant un problème assez conséquent. En effet, pour ce qui concerne l'Europe Occidentale, cette dispersion ne s'est pas faite en termes de mission, mais souvent sur des terres de vieille chrétienté où personne ne peut revendiquer valablement la juridiction en fonction de privilèges anciens datant de l'Empire Romain, qui n'existe plus. Certains prétendent que le canon 28 du concile de Chalcédoine donne en fait la juridiction à Constantinople sur toute terre en dehors de l'Empire. Cependant, ce droit est explicitement fondé sur la qualité de capitale de l'Empire de Constantinople-Nouvelle Rome, et il est pour le moins étrange d'assimiler la France, l'Italie ou l'Angleterre à des régions "barbares", au sens de "non chrétiennes" à évangéliser. Et c'est là qu'entre en scène le passé orthodoxe de la France, pour le moins bafoué...

En effet, le caractère spécifique de l'Eglise des Gaules, et le plus original, était sa liturgie. Les "Lettres" de Saint Germain de Paris datant du VIe siècle, retrouvées au XVIIe siècle, ainsi que les manuscrits liturgiques gallo-romains, permirent semble-t-il, à cette époque, une reconstitution livresque. Au XIXe siècle, une seconde restauration du rite des Gaulles fut célébrée (abbée Guettée, dont on a parlé sur le forum non?). Au XXe siècle cette oeuvre de restauration fut poursuivie, et trouva son achèvement avec le père Eugraph Kovalevsky, qui devint le premier évêque de l'Eglise dite orthodoxe de France (ECOF), où ce rite, à la fois occidental et orthodoxe, est célébré depuis 1945...

Alors bon, après avoir dit tout ça, je n'ai pas à juger l'ECOF, car je crois que cette église est (malgré elle?) à la source de diverses polémiques... Mais il me semble important de dire que de toute manière, que cela passe par l'ECOF ou autre chose, il appartient à l'orthodoxie de valoriser son héritage occidental, pour être réellement une église occidentale, et non pas seulement une église en occident. Chercher à orientaliser à tout vent avec une imposition quasi générale du rite byzantin serait non seulement pour moi un impérialisme culturel, mais aussi un manque d'ouverture de cette église, un refus de se relier à son passé occidental... Ce qui l'a discréditerait à mes yeux, car elle ne vaudrait ainsi pas mieux que l'église romaine qui a cherché à éliminer autrefois de son côté le rite celtique, qui avait pourtant autant de légitimité que le romain... L'orthodoxie se veut plus souple que la romaine: n'est-ce pas là le moyen pour elle de prouver que c'est vrai en France? J'attends avec impatience vos réactions... :-)
Gnôthi seauton!
Antoine
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Message par Antoine »

Totocapt vous écrivez:
Certains prétendent que le canon 28 du concile de Chalcédoine donne en fait la juridiction à Constantinople sur toute terre en dehors de l'Empire. Cependant, ce droit est explicitement fondé sur la qualité de capitale de l'Empire de Constantinople-Nouvelle Rome, et il est pour le moins étrange d'assimiler la France, l'Italie ou l'Angleterre à des régions "barbares", au sens de "non chrétiennes" à évangéliser. Et c'est là qu'entre en scène le passé orthodoxe de la France, pour le moins bafoué...
Il serait bon que vous lisiez l'articler de Grigorios Papathomas à la rubrique "ancien forum, sous-rubrique "Exercice de la juridiction du Patriarcat de Constantinople".
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Il semble que l'essai de reconstitution de la liturgie gallicane écrit par le père Guettée ait été célébré une fois, à titre expérimental, à la chapelle de l'Académie de Théologie de Saint-Pétersbourg en 1874. Le père Guettée lui-même n'a pas été convaincu du résultat et il a célébré le rite byzantin tout le reste de sa vie, traduisant en français la divine liturgie de saint Jean Chrysostome et l'évangéliaire byzantin.

Sur la liturgie gallicane, l'ouvrage le plus complet reste:

Mgr Louis Duchesne
Origines du culte chrétien. Essai sur la liturgie latine avant Charlemagne
3ème édition
Fontemaing Editeur
Paris 1903 (556 pages)


Je ne vois pas bien l'intérêt des tentatives de rendre vie à la liturgie gallicane. Pour les raisons suivantes:
-on ne dispose d'aucun missel gallican complet: toute reconstitution est donc entachée d'une part d'arbitraire ou d'emprunt à d'autres rites;
- le rite gallican n'ayant plus été célébré depuis plus de 1'000 ans, la tradition est interrompue et il n'y a donc plus de tradition;
- le rétablissement du rite gallican suppose que le public concerné (Français de France et d'Amérique, Wallons et Romands) soit conscient de son Histoire, de son héritage et de ses traditions, ce qui n'est pas le cas; les 50 dernières années ont puissamment contribué à faire tabula rasa de toute conscience historique et identitaire dans les pays francophones;
- nous, convertis occidentaux, avons plutôt besoin de nous mettre humblement à l'écoute de ceux qui sont toujours restés fidèles à la foi dont nos ancêtres ont été privés il y a mille ans; nous avons beaucoup à apprendre et le meilleur moyen d'apprendre, c'est de rester en union dogmatique, canonique et liturgique avec les Eglises orthodoxes de rite byzantin qui nous ont accueillis;
- l'utilisation de rites occidentaux rendrait encore plus difficile notre intégration dans des communautés à qui nous avons déjà tant de peine à faire comprendre que l'on puisse être orthodoxe et occidental;
- l'utilisation de rites particuliers entraîne de facto un risque de formation d'ecclésioles, comme le montrent les tribulations de l'ECOF;
-le rite byzantin est suffisamment universel et adaptable pour servir de base à une présence orthodoxe en Occident;
- enfin, des raisons pratiques: si nous utilisions un rite gallican, il faudrait des vêtements et des objets liturgiques appropriés, investissement coûteux alors qu'avec le rite byzantin, nous pouvons nous fournir à Athènes chez l'honorable M. Angouris et chez ses émules.

En outre, je pense que le rite gallican ne serait susceptible de n'intéresser que quelques dizaines de personnes. L'Orthodoxie, déjà, n'intéresse pratiquement personne en Europe occidentale et au Canada (contrairement aux Etats-Unis où les conversions sont relativement nombreuses). Alors, une Orthodoxie de rite gallican, pour qui?

A mon avis, il est préférable, plutôt que de restaurer le rite gallican, de mettre nos vies dans la droite ligne de ce que vivaient et croyaient nos pères gallicans, vie et foi fidèlement préservées par l'Eglise orthodoxe dans les pays qui lui sont restés fidèles. Notre héritage gallican devrait se manifester par la restauration de la vénération des saints de l'Eglise gallicane qui ont illuminé la terre des Gaules, depuis saint Crescens jusqu'à saint Agobard en passant par saint Irénée, saint Martin, saint Jean Cassien, saint Gontran ou saint Claude, par notre lutte pour que soit levée la chape de plomb qui occultre l'Histoire glorieuse de l'Eglise gallicane et par notre témoignage orthodoxe. Alors, peut-être, pourrons-nous un jour envisager une restauration partielle de la liturgie gallicane, une certaine forme d'autonomie ecclésiastique au sein de l'Eglise orthodoxe et le rétablissement de certaines de nos particularités canoniques exprimées par les conciles mérovingiens, comme l'existence des archi-sous-diacres. Mais nous ne pourrons y arriver qu'en nous imprégnant d'abord de la Tradition préservée au prix du martyre par nos frères de Grèce et d'ailleurs.


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eliazar
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Message par eliazar »

Cher "totocapt",

Je suis bien mal placé pour parler de l’ÉCOF, mais à mon habitude (détestable) je vais y mettre quand même mon grain de sel…
Il y a de longues années (j’étais plus ou moins catho romain) je suis entré dans leur cathédrale du boulevard Blanqui : mon excuse étant que je croyais pouvoir y retrouver un ami de jeunesse perdu de vue depuis des années.
Je n’ai pas pu y rester jusqu’à la fin de l’office (dominical) tellement j’étais oppressé par une atmosphère anti-spirituelle à couper au couteau, en décalage total avec ce qu’un chrétien un peu priant attend de la Liturgie du Dimanche - presque pire que les messes néo-kto à cantiques « gélineau » de l’après-Vatican II, qui m’avaient déjà fait fuir vers le rite melkite, byzantin en grec pour la plus grande partie, et en arabe pour le reste. J’étais angoissé, le Saint Esprit me manquait comme l’air dans un scaphandre à l’ancienne.
Naturellement, cela ne prouve rien, sinon ma sensibilité personnelle. Maladive, soit. Je dois dire que je suis musicien de formation, et que leur mélange de vrai-faux « rite des Gaules » avec ces cantiques un peu niais qu’on prétendait « catholiques et Français toujours » au temps du pape Pie X suffisait à me donner l’impression d’une fugue de Bach jouée sur un piano de bastringue désaccordé.

Mais plus tard, j’ai un peu fréquenté leur « pape de la musique liturgique », et l’ai écouté (avec des sentiments mitigés) disserter sur la liturgie milanaise, qu’il aurait « reconstituée » : c’était encore pire dans l’intimité que dans une église bondée (je parle toujours de mes réactions incontrôlables, illogiques, et tout et tout), j’avais l’impression d’être revenu au bon vieux temps de cet abbé Martin, jeune prêtre kto devenu sur le tard curé de St Gervais, je crois (non, c’était une église près des Halles, peu importe – mais il y avait constitué un excellent chœur), et qui avait lanterné le tout Paris musicologique pendant quelques années avec une « Messe de Couronnement des Rois de France » qu’il prétendait avoir retrouvée dans les combles de la Cathédrale de Laon, je crois - avant d’avouer avec délectation qu’il s’était payé leurs doctes certitudes, et qu’il avait tout composé de sa main, textes, musique et instrumentation « ancienne » compris…

Revenons à votre proposition-suggestion terminale : c’est à la fois plus simple et plus compliqué que ce que vous imaginez. Parce que la liturgie byzantine est un produit composé, et non une sorte de code musical impérialiste comme vous semblez le croire. On ne peut pas le décomposer pour le recomposer autrement – sans sortir de l’Église ipso facto. Car l’Église a ceci de commun avec le nez de Cléopâtre que si vous vouliez le refaire plus droit ou moins long, ce ne serait plus Cléopâtre …

Prenons, par exemple, la Liturgie dite « de saint Jean Chrysostome », celle qu'on appelle souvent "le" rite byzantin. Jean Chrysostome n'était pas Grec, mais un pur produit de l’Église du Moyen-Orient. Il était chantre. Il est bien improbable qu’il ait ensuite créé une liturgie « vraiment » byzantine : les morceaux chantés en « papadique », notamment, ressemblent comme deux gouttes d’eau aux merveilleuses improvisations des (bons ) chantres arabes (melkites ou orthodoxes). Sauf qu’elles sont maintenant « notées » depuis des siècles, et plus improvisées du tout – et que les chantres un peu privés de sentiment (ou d’imagination) les « exécutent » comme des exercices vocaux, sans se permettre le moindre écart d’une sorte de « norme » dans laquelle ils se sont emmurés et qui est tout à fait contraire à leur esprit d'origine.
Et la Liturgie de St Jean Chrysostome n’est pas la seule : il y a aussi dans le rite byzantin ue autre Liturgie - de saint Basile. Je devrais dire « encore », car elle préexistait à celle qu’apporta notre chantre moyen-oriental devenu Patriarche de Constantinople. Il reste aussi des traces de liturgies plus anciennes, celle de Jacques (ou attribuée à lui), etc. Le rite byzantin, c’est un rite qui s’est constitué par agrégations successives, de manière aussi organique qu’une forêt millénaire ! On ne peut pas parler de rite imposé par un impérialisme quelconque : c’est aussi complexe que le Nouveau Testament. Mais si vous retirez les épîtres de Jude ou de Jacques, vous détruisez l’équilibre qui s’est constitué au cours des siècles – et qui EST L’ÉGLISE, lui aussi.

Une autre piste de réflexion (ces notes décousues n’ont pas d’autre intérêt) serait la difficulté d’établir un rite occidental (je parle toujours du peu que je sais) sans reprendre à l’église de Rome toute la partie de son magnifique chant « grégorien » qui est en réalité de la pure orthodoxie. C'est à dire : qui est à nous, parce qu'elle appartenait à nos pères dans la Foi. Des hymnes comme le sublime Vexilla Regis Prodeunt, par exemple, ont été composées, et chantées, par des Occidentaux totalement orthodoxes. Mais une oreille (pieuse, bien sûr) de notre temps ne peut plus guère les « entendre » qu'en tant que "catholiques romaines", et pas uniquement à cause du latin – alors qu’à splendeur égale, le « Lumière Joyeuse » byzantin, qui est sans doute aussi ancien sinon plus, sonne authentiquement « orthodoxe », lui. On ne peut pas revenir en arrière, le fleuve du temps a tout emporté dans ses flots torrentiels.

Un rite, cher totocapt, n’est pas une représentation, ou la partition d’un opéra dont on pourrait rétablir la version originale du compositeur en s’appliquant studieusement à en supprimer les ajouts postérieurs comme on supprimerait du Requiem de Mozart tout ce qui n’est pas de lui. Un rite est le mouvement même de la vie d’une église – et si on devait le décomposer, on y retrouverait autant d’instants imperceptibles, fondus les uns dans les autres, que de fragments de mouvements dans le « fusil à images » du Dr Marey. En séparer un, c'est mettre la vie en lambeaux.
On ne fera jamais de « Viollet le Duc » avec la Liturgie. Ce serait tuer la vie mystique qui y est enclose ; mystique, donc : silencieuse, cachée, présente-absente à la fois. Ce serait remplacer la merveille priante de St Guilhem le Désert par l’aberrant hangar à avions qu’ils ont creusé à Lourdes pour mieux réussir leurs meetings de pèlerins !

Les reconstitutions "musicales" (du reste hyper-tripatouillées) de l’ÉCOF empêchent de prier. J’ai presque envie de dire qu’elles empêchent de croire. C’est à hurler de fausseté. D’ailleurs, comment auraient-ils pu supporter tant d’années de suite un évêque comme le leur - et pire encore, sa « femme » New Age (au nom de couturier) envoyée en mission sur la terre et rebaptisée d'un nom nouveau par un « archange » (!) si cette Liturgie contenait le moins du monde de Saint Esprit ? Je n’ai aucune condamnation en moi pour les pauvres gens qui n’avaient trouvé que l’ÉCOF, alors qu'ils cherchaient l’Église. Certains (qui y sont encore, hélas !) sont des amis de cœur, depuis bien des années. Mais on ne peut pas être entré dans leurs églises, ou s'être trouvé dans certains de leurs groupes, sans avoir senti l’odeur de Satan.

Pour conclure, je dirai qu’il est désolant que nous ayons, nous les occidentaux, passé tant de siècles à dériver de plus en plus loin de l’Orthodoxie de nos pères. Mais que cette désolation fait partie de notre croix, elle est toute notre croix à elle seule. Il faut l’accepter, hélas, comme nos frères palestiniens ou coptes (ou grecs d’Anatolie) ont accepté le martyre de la main des musulmans, comme nos frères russes l’ont accepté de la main des bolcheviques, comme saint Pierre a accepté sa crucifixion la tête en bas… Car en revenant à la Foi orthodoxe, nous devons bien avoir conscience que nous ne remonterons à bord que comme des naufragés du radeau de la Méduse. Sans rien dans les mains, ni rien dans les poches. Redevenir orthodoxes, après ce millénaire démoniaque, c’est ressortir d’un tombeau déjà puant comme a fait mon cher Lazare le Premier-Ressuscité. Nu sous ses bandelettes.
C’est pour cela que tant s’égarent dans des ÉCOF de rencontre, ou des auberges goettmanniennes… en espérant y retrouver d’autres vêtements bien chauds, à leur taille… bref, du confort.

D’ailleurs, qui croirait que c’était plus facile de suivre Jésus …et d’emporter en même temps sa bibliothèque et ses acquis philosophiques avec soi ? Souvenons-nous du jeune homme riche… Le fils prodigue non plus n’est pas revenu avec son héritage plein les poches !

Tous nos essais pour réconcilier l’inconciliable, pour recoller les morceaux perdus, piétinés, mêlés à la poussière, resteront vains. Pour renaître et retourner dans le sein de sa Mère, il faut se dépouiller totalement, et de tout. Même les chefs d’œuvre de nos diverses cultures… J’en connais qui pleurent en entendant le « Vexilla Regis », qui n’arrivent pas à chanter le « Stabat Mater » sans s’étouffer en route, qui doivent se détourner quand ils chantent (par obligation professionnelle) le « Se hymnoumen, se evloghoumen… » ou le « Tou Deipnou sou tou mystikou… » - et qui pourtant, « font avec ». Parce que rien ne pourra jamais faire que le trésor de l’Église ne soit pas le nôtre, mais en même temps, rien ne peut plus faire non plus qu’il ne nous ait pas été volé, arraché, depuis les plus obscurs lointains de notre propre préhistoire (familiale, personnelle, peu importe) d’occidentaux naufragés. Ou que nous ayons été volés, arrachés, dans un temps au-delà de notre mémoire. Cela revient au même. Comme l’arrachement du liquide amniotique, comme celui du trépas : on ne revient pas en arrière, vers le confort qu’on avait connu.
Nous retrouverons la maison du Père, certes : Il nous l’a promis, par la voix de Son Verbe incarné. Mais comme le mendiant caché sous l’escalier de ce qui avait été sa maison ; le Psalmiste l’a dit pour nous : «… il est meilleur pour moi de rester sur le seuil de la Maison de mon Dieu que d’habiter sous les tentes des méchants »…

Tout cela pour dire qu’il faut accepter avec amour et reconnaissance la Liturgie qui nous est rendue, en l’état où nous la trouvons au XXIème siècle. Sans faire la fine bouche. Qu’est-ce que cela peut nous faire, mon pauvre ami, de chanter dans notre ton ou dans celui de Byzance ? Ce n'est pas pour le rite, c’est pour Dieu que nous chantons. Et Il n’est ni Grec ni Juif ni homme ni femme… mais Il a de grandes oreilles, dit un vieux proverbe.

Éliazar
totocapt
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Il me semble pourtant...

Message par totocapt »

... Qu'une église orthodoxe celtique existe, avec la bénédiction de l'église orthodoxe syrienne? N'est-ce pas plutôt la lacheté qui empêche les francophones de se réclamer de leur héritage, légitime? Car si pour le rite celte il n'y pas de problème avec des questions qui ont du certainement se poser à eux aussi, pourquoi en serait-il avec celui des Gaulles? Je pense que vos remarques, aussi pertinentes soit-elles, ne semblent pas être le véritable obstacle, qui est d'abord l'inertie, l'absence d'information sur un héritage recevable pour tous les habitants peuplant ledit territoire des Gaulles, qui a tous les droits d'être revendiqué... De plus, l'ECOF le pratique, et je ne crois pas que les polémiques à son encontre se portent sur le rituel... Non? Mais malgré tout, je voudrais bien savoir aussi ce que vous voulez dire par "ecclésioles"?

Pour le site de l'église orthodoxe celtique, c'est à voir sur http://www.orthodoxie-celtique.net/

Pour finir, quelle garantie l'Eglise Orthodoxe peut nous fournir quand à une restauration partielle future du rite gallican? Pécheriez-vous par optimisme? A moins que vous avez des exemples à me fournir?

D'autre part, je ne savais pas qu'il y avait une croissance de l'orthodoxie aux USA: pourriez-vous m'en dire plus à ce sujet svp? Auriez-vous des chiffres, des statistiques, ou même des documents à me fournir? Je serais sincèrement intéressé. Vous remerciant d'avance pour tout... :-)
Gnôthi seauton!
totocapt
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Pour Eliazar

Message par totocapt »

Vous remerciant par ailleurs pour votre longue contribution, je me dis que cela serait intéressant et instructif d'aller à une cérémonie de l'ECOF avec un spécialiste de la liturgie et des rites anciens. L'êtes-vous? Ou connaîtriez-vous quelqu'un capable et pouvant m'accompagner puis me renseigner? Ca serait classieux d'avoir l'avis d'un spécialiste! :-)
Gnôthi seauton!
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Mais l'Eglise orthodoxe celtique de Saint-Dolay n'a jamais eu la bénédiction des Syriaques! Au contraire!

Elle revendique une sucession apostolique venant de Jules Ferrette, qui prétendait avoir été consacré évêque en 1866 par le patriarche syriaque, et qui n'a jamais pu présenter de preuve de cette ordination. En 1938, le patriarcat syriaque a nié toute validité aux ordinations de la succession Ferrette et s'est toujours tenu à cette position.

Quand le "patriarche de Glastonbury" dont dépendait ce qui est aujourd'hui devenu l'Eglise orthodoxe celtique de Saint-Dolay a rejoint l'Eglise copte en 1994, il a été ordonné prêtre et consacré évêque (aujourd'hui évêque Séraphin de Glastonbury), la succession apostolique dont se réclame l'Eglise orthodoxe celtique de Saint-Dolay n'étant pas reconnue.

J'écris l'Eglise orthodoxe celtique de Saint-Dolay, car il y a une autre Eglise orthodoxe celtique, centrée sur les Etats-Unis, qui n'est pas en communion avec elle, tout en n'étant pas plus en communion avec l'Eglise orthodoxe... C'est cette Eglise orthodoxe celtique des Etats-Unis qui, au moins, a fait un essai de restauration de la liturgie celtique à partir du missel de Stowe. Le rite utilisé par Saint-Dolay, en revanche, est une création sui generis qui n'a rien à voir avec l'ancienne liturgie celtique.

Ce n'est pas parce qu'un groupe de vagants se proclame orthodoxe qu'il est orthodoxe pour autant.

Puisque vous vouliez savoir ce que j'entendais par ecclésiole, vous en avez vous-même trouvé un exemple parfait...

Quant à la restauration du rite des Gaules, je sais qu'il y a des paroisses françaises dans la juridiction du patriarcat de Roumanie qui ont obtenu l'autorisation de l'utiliser. Je peux donc en déduire qu'une restauration partielle de ce rite est possible, mais cette question ne m'intéresse que modérément, puisque je suis à fond pour le rite byzantin, pour les raisons de fond que je vous ai exposées et qui rejoignent celles d'Eliazar.
eliazar
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Message par eliazar »

Cher totocapt,
Trouveriez-vous un intérêt réel à revendiquer un quelconque héritage historique, alors que nous avons revêtu le Christ ? Même le Royaume, nous ne l’aurons que dans la mesure où c’est le sien (et non le nôtre) – et c’est Lui qui nous en ouvre les portes : parce que nous L’avons revêtu… Sinon, « notre héritage » ne serait que la poussière !
Honnêtement, vous y croyez, vous, à l’héritage gallican ? C’est un rêve d’archiviste ! Sans compter que Claude a parfaitement raison : nous en tirerions une véritable « guerre civile » entre ecclésioles ! Regardez où le rêve idiot de reconstituer un Israël mythique a conduit les Juifs venus de cinquante pays et climats différents dans une terre où rien ne leur convient vraiment - que l’idée qu’ils s’en sont faite ; artificiellement !
Nous ne sommes pas plus les descendants des Gaulois ou des Celtes que les Juifs ashkenazes ne sont les descendants d’un « Araméen nomade ». Ou alors, oui, nous sommes tous descendants d’Adam et d’Ève. Nos origines celtes ou gauloises ou ligures ou vasconnes sont tellement mêlées de sang viking ou frank ou juif ou hun ou berbère (jusqu’à Poitiers, mon cher !) ou alémanique ou …etc. qu’aucun ethnologue n’y retrouverait ses petits.
Cette obsession de retrouver le celtisme ou le gallicanisme est comme le faux blason dont les bourgeois gentilhommes veulent s’affubler ; ce que dit Claude est tristement vrai, il n’y a pas un de nos contemporains sur cent mille qui donnerait un centime d’euro pour ses traditions ou son héritage culturel « celte ». Leur héritage culturel est à New York ou à Hollywood (à Washington, le bureau chargé de promouvoir la culture du chaudbiz français a fermé ses portes la semaine dernière : plus assez rentable !) - et leur religion est dans les stades.
Tout ce qu’on risque à ce petit jeu-là, c’est d’allumer quelques intellos de plus qui voudront faire comme ceux d’Athènes, où ils en sont à faire revivre « leur religion » d’avant le Christianisme (considéré déjà comme un métissage décadent, sans doute) et à célébrer des mariages en costume grec antique (lequel ? de quelle époque ?!) avec des « prêtres de Héra » couronnés de fleurs… sur les ruines de l’Acropole, la nuit ! A force de rechercher leurs origines ils finiront bien par revenir aux Euménides, et chasser Apollon de Delphes comme un nouveau venu…
Après les ecclésioles druidiques, les occidentaux pourraient trouver encore plus « authentique » de se marier dans la grotte de Lascaux… Pourquoi non ? Tout cela est jeu de l’esprit, et vanité des vanités.

L’Église n’est pas une machine à remonter le temps, elle est une échelle sainte pour aller au contraire dans la direction opposée : celle des nouveaux cieux et de la nouvelle terre. Là aussi, Claude a raison : « le rite gallican n'ayant plus été célébré depuis plus de 1'000 ans, la tradition est interrompue et il n'y a donc plus de tradition ». Le gallicanisme n’est pas en apnée, il est mort.

Quant à votre église celtique d’obédience syrienne, vos cheveux se dresseraient sur votre tête si vous en connaissiez l’histoire, la sous-histoire plutôt… C’est du Ponson du Terrail ecclésial ! Soyez plus prudent pour les petites églises fondées par des farfelus ou des illuminés (je ne parle même pas des escrocs, et pourtant il s’en trouve…) : c’est elles aussi qu’évoque l’avertissement du Seigneur : On vous dira : le Christ est ici, il est là-bas ; n’y allez pas !
totocapt
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Que d'infos!

Message par totocapt »

Cher Eliazar: j'ai cru comprendre que dans l'orthodoxie, l'institution de l'Eglise, en tant qu'organisation, n'a qu'un intérêt relatif... Alors pourquoi fermer ses yeux et son coeur à un rituel, d'abord orthodoxe? Ne serait-ce pas aussi pour un orthodoxe vivant en occident retrouver par là une part de son patrimoine, de son Histoire, de sa richesse liturgique?

J'y crois d'autant plus que Claude mentionne des paroisses chapeautées par le Patriarcat de Roumanie, qui ont reçu l'autorisation de l'utiliser: vous allez vite en besogne si vous les traitez eux aussi d'archivistes! :-) Je vois là une référence commune à l'orthodoxie en France, mais peut-être que là de mon côté je me précipite... Et je vous rassure: je ne vois là aucunement un aspect voilé d'ethnocentrisme: l'orthodoxie est multiple en France, et c'est à elle de saisir l'héritage qui se trouve dans ce pays...

Je demande à voir pour ce que vous dites sur les celtes: le celtisme est à la mode aujourd'hui, pour le meilleur et pour le pire, et de plus en plus de gens rattachés à cette culture cherchent à s'y référer toujours plus... Alors l'orthodoxie celtique a vraiment une carte à jouer. J'ose supposer avec l'Europe: n'y aura-t-il pas des intérêts culturels de même type qui vont se développer en France à terme? Le rite des Gaulles: carte à jouer? Ne soyez pas sacarstique: qui peut dire que l'avenir appartient à telle tendance? Si l'orthodoxie celtique aux USA est celle qui a contribué indirectement à l'essort de l'orthodoxie dans ce pays, vous imaginez? Le Christ est ressucité pour les chrétiens: peut-on le montrer avec un rite? :)

Cher Claude: en plus de ce qui concerne l'orthodoxie aux USA, je serais réellement intéressé d'en savoir plus sur cette église orthodoxe celtique aux USA: auriez-vous de plus amples infos, des contacts? Et quelles sont ces paroisses sous la juridiction du patriarcat de Roumanie qui ont obtenu l'autorisation d'utiliser le rite des Gaulles? Pouvez-vous également m'en dire plus svp? Auriez-vous également des coordonnées? Ou préferiez-vous que je vous contacte directement? Auquel cas, échangerions-nous nos téléphones ou coordonnées par mp? Merci d'avance pour tout! :-)
Gnôthi seauton!
christianc
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Message par christianc »

Pour une fois , j'ai peut être quelques informations intéressantes sur le développement de l'Orthodoxie aux Etats Unis..

Les Orthodoxes sont 7.000.000 aux Etats Unis (à comparer aux 37.000.00.000 de baptistes et

Comme dans tous les payx l'Orthodoxie est d'abord structurée par groupes linguistique (Russe, grec,arabe, albanais), et a d'abord existé
par les émigrants et par la province russe d'Alaska (début en 1784).. (Province vendue aux Etats Unis en 1867)..
C'est une implantation ancienne, basées sur l'immigration, les enfants des communautés attestaient avoir beaucoup de mal à suivre les liturgies dans une langue qui était devenue étrangères pour eux. Un trouble d'identité.. (Comme chez les Luthériens Norvégiens)

Au 8eme et 9ème siècle Cyrille et Méthode "Apotres des Slaves" avaient (d'après Kallistos Waré) offert d'entrée une liturgie en Slavon et la traduction des Ecritures. C'est très édifiant d'entendre l'évangile en sa langue, plutôt que d'avoir à en apprendre une autre....

Le renouveau Orthodoxe aux Etats Unis, (source revue Christianity Today : qui n'est pas une revue orthodoxe mais protestante), se fait sur plusieurs bases :
- la redécouverte des sources de l'église (grecque)
- la redécouverte de la piété personnelle et de la liturgie
(nous reviendrons sur la liturgie ..)
- une recherche spirituelle très profonde et réelle des jeunes
- l'implication de théologiens d'origine protestante dans cette recherche
Peter Gilquist, Thomas Oden (en train de publier une collection
Ancient Commentaries, c'est un commentaire de la Bible fondé sur
tous les écrits des Pères de l'Eglise)
- l'accueil fait par l'église Antiochienne (Syrienne) à un groupe
protestant évangélique d'origine , qui de 1966 à 1987 a constitué
un mouvement "Evangelical Orthodox" , avant d'être accepté
dans l'Eglise Antiochienne..
- Ces groupes ont énormément tatonné sur la liturgie pour obtenir
une liturgie en langue anglaise, mais ils ont conduit cette approche
en communion avec l'Evêque de l'Eglise Antiochienne

Leurs critiques ont parlé de
- "POP Culture Orthodoxe",
et "aussi de l'inutilité de connaître les évangiles du moment que l'on avait
la liturgie"

On verra, l'histoire jugera..
eliazar
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Message par eliazar »

Chers tous,
Je me confonds en excuse pour mon côté sarcastique. Oui, mea culpa : c’est comme la sueur en canicule, cela me sort par tous les pores …du clavier. On ne devrait jamais badiner avec l’Amour.
Bien. Maintenant je peux recommencer ?!

Christian parle avec pertinence de la difficulté de la langue étrangère, et c’est une réponse (si totocapt l’a prise pour étayer son amour du celtique) qui peut être à double tranchant.

Lorsque je suis entré dans l’Église, j’ai commencé dans une paroisse russe qui célébrait en français (la Crypte de la rue Daru, à Paris). Avant même d’être enfin chrismé (mais je faisais déjà partie du chœur) j’ai ressenti un vague malaise, si je comparais avec la paroisse grecque où j’allais parfois. Pourtant celle-ci ne célébrait qu’en grec – et je ne parle ni le grec ni le russe !
C’était un problème de Méditerranéen ; de plus, sortant d’une paroisse melkite libanaise, j’étais habitué à chanter en grec et je commençais à comprendre à peu près tout ce que je chantais, mais surtout je me sentais (intimement) chez moi au milieu de Libanais, de Syriens, de Grecs … et les Russes restaient pour moi des amis très chers (souvenirs d’enfance dans la colonie russe de Nice) mais… des étrangers amis. Antillais ou Gabonais m’étaient plus proches, à la limite, je n’avais pas besoin de traduire intérieurement leurs réactions dans ma propre sensibilité avant de répondre.

Autre difficulté : la musique liturgique grecque est de plain pied avec le rythme intérieur, et le lyrisme un peu folklorique d’un Provençal : nous avons été si longtemps « Grecs » de culture ! Il en est de même de la musique liturgique des Arabes : cela « va de soi », et même en chantant de l’arabe translittéré dont je ne comprenais pas un mot, je chantais comme un pinson sur sa branche. Au contraire, la liturgie des Russes, une merveille pour un musicien, me restait une sorte de partition d’opéra : émouvante, admirable, mais … écrite par un autre. Il m’est arrivé d’improviser sur un texte liturgique, et cela coule de source dans le « style » grec ou arabe ; il est impossible d’improviser dans le style russe (ancien comme moderne), parce que je ne me sens pas « chez moi » mais « chez un grand compositeur » dont je ne me permettrais jamais de déranger l’ordonnance.

Patience : j’ai l’air de tourner autour du pot, mais on approche doucement de ce que je voudrais dire !

J’ai essaimé de la rue Daru à ma chère paroisse grecque, au point de tenir à être chrismé (lorsque enfin on m’y a autorisé) à la fois par mon ancien prêtre russe et par mon nouveau prêtre grec. Comme je collaborais à ce moment là avec l’évêque grec chargé des media, il présidait et j’ai ainsi été chrismé avec trois célébrants, dans la cathédrale de la rue Georges Bizet ; tout un programme en effet. Eh ! bien, dans ma paroisse grecque, lorsque je lisais l’épître en français après sa lecture en grec, de vieux grecs immigrés de longue date en région parisienne venaient me remercier : ils avaient compris pour la première fois certaines épîtres lues dans leur « langue étrangère d’adoption », alors que depuis leur enfance ils entendaient sans bien écouter, (et ne comprenaient pas tout, loin s’en faut) parce que le grec du Nouveau Testament n’était pas leur grec à eux, le grec de tous les jours.
Alors, je sais qu’en Bretagne on parle encore la langue des ancêtres, en Alsace aussi. En Provence (à part les villages) on la sait encore mais on ne parle plus vraiment que la langue devenue nationale. Il y aurait donc besoin d’une multitude de liturgies « en partie incompréhensibles », et que les jeunes entendraient à leur tour sans l’écouter vraiment – et en attendant qu’on leur relise en français ce que leurs vieux ont (plus ou moins) entendu dans leur « patois », comme j’ai entendu des Provençaux de souche appeler notre langue mère !

Dernière notation sur le sujet : j’étais kto pratiquant au moment de Vatican II et du transfert de la messe en langue vernaculaire. Ma situation m’appelait à beaucoup voyager. Là où j’arrivais, je choisissais un hôtel proche d’une église de centre ville, pour pouvoir aller communier le matin avant de commencer ma journée de rendez-vous. Où que j’aille, le prêtre et moi parlions à Dieu (ou de Dieu) dans la même langue – avec des différences d’accent amusantes, surtout en Allemagne, mais la langue liturgique nous était commune, nous étions deux frères communiant au Verbe de Dieu, à l’aube dans une église déserte (il y avait parfois, rarement, une ou deux vieilles dames insomniaques du cru, à ces « premières messes » de semaine).
Vint Vatican II. J’avais beau parler allemand, anglais, italien, espagnol assez couramment, et connaître les textes de la Messe suffisamment par cœur pour les reconnaître ou les deviner en pointillé, j’ai cessé de servir la messe du prêtre local : c’était tout de même la langue d’un autre peuple que le mien, j’avais peur de faire des fautes, bref ceux qui étaient mes frères l’année d’avant étaient devenus des étrangers amis, de même confession et convictions que moi, mais… des étrangers. Le latin, même de cuisine, était la langue universelle des croyants (kto, bien sûr), et il n’y avait plus maintenant que l’anglais comme langue universelle : une langue de bisenesse avait détrôné la langue des enfants de Dieu.

Je sais, le latin est plus accessible à un Provençal, même peu lettré, qu’à un Alsacien ou à un Breton. Mais des amis allemands, ou anglais, m’ont fait les mêmes remarques. Car au même moment qu’on leur retirait la « langue sacrée », on leur retirait aussi le chant grégorien, l’autre côté de la même feuille. Et la Messe, dans les autres pays, nous était soudain devenue totalement étrangère – à tous ! Nous n’avions plus qu’à nous renfermer dans un isolement casanier, un repli sur son clocher. Je comprenais soudain pourquoi mes ancêtres du Sud de la Gaule avaient pu si facilement accepter, faire intimement leur l’enseignement de nos illuminateurs : venus de Palestine ou de Grèce, d’Égypte ou d’ailleurs, ils parlaient tous le grec (même bâtard) de l’œkoumène. Dans certaines parties de Provence, notamment, on continua à célébrer en grec jusque bien après la rupture entre Rome et l’Église. Et un phénomène identique se renouvela en Provence lors du Franciscanisme : la condamnation des Fraticelli par les Conventuels frappa de plein fouet le peuple provençal qui aimait leur pauvreté, leur vie de mendiants palestiniens, parce que même ceux qui arrivaient de Toscane parlaient « notre langue » de tous les jours ; l’embrasement du protestantisme dans nos régions a dû autant aux in pace où leurs frères jetèrent les Fraticelli qu’aux tours où le roi français fit crever les huguenotes des Cévennes.

Je vous laisse réfléchir : si la Liturgie n’est pas dite dans la langue du peuple local, elle ne catéchisera plus que des lettrés, car elle ne sera pas comprise par ceux que le Christ aime tant. Mais par contre, si la Liturgie n’est plus chantée sur les rythmes et les mélodies byzantins, il n’y aura plus l’Orthodoxie, mais des Orthodoxies - et des replis sur soi frileux. Dieu sait que j’aime Mistral, mais attention au félibrige de vieille fille effarouchée. « On arrivera du Levant et du Ponant, du nord et du midi, et on se mettra tous à table dans le Royaume de Dieu... » (Luc 13, 29).
Je sais que le sujet est délicat, fragile comme un vase antique : le feu de Dieu dans une lampe d’argile... Il y a aussi l'ombre de la dispersion des ouvriers de la Tour de Babel. Je sais...
Mais c’est pour cela que notre discussion, ici, est si merveilleusement passionnante. J’ai si rarement rencontré une telle fraternité, chaude et ouverte, sur un sujet aussi fondamental. C’est vraiment ce que chante le psaume CXXXII « … comme il est délicieux d’habiter entre frères… c’est comme une huile précieuse, versée sur la tête, qui coule sur la barbe, sur la barbe d’Aaron… ».

Merci. Éliazar
eliazar
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Message par eliazar »

Cher totocapt,

Pour l'église pseudo-celtico-syrienne, je répondrai demain. Il faut que je retrouve mes notes, et j'ai plein d'enfants et de petits-enfants à la maison, en ce moment.

Mais Claude et d'autres sont certainement aussi au courant.

Éliazar
totocapt
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Let's go!

Message par totocapt »

Cher Christianc: quand vous dites qu'aux USA "... l'Orthodoxie est d'abord structurée par groupes linguistique ...", je vous dirait pas uniquement (et même de moins en moins): le 12 avril 1970, le synode de l'Eglise russe avec le patriarche Alexis a octroyé l'autocéphalie à ce qui restait de l'ancien diocèse unique d'Amérique du Nord, réduit aux paroisses d'origine russe. L'Eglise autocéphale américaine ("Orthodox church in America") comprend en outre des paroisses roumaines, bulgares et albanaises. L'anglais est la langue dominante; cependant je serais curieux de savoir ce qu'ont donné les divers tatonnements cherchant à faire aboutir ce que doit être la liturgie anglo-américaine...

Cher Eliazar: vous dites "...si la Liturgie n’est plus chantée sur les rythmes et les mélodies byzantins, il n’y aura plus l’Orthodoxie, mais des Orthodoxies - et des replis sur soi frileux..."; moi, je vous ferais remarquer qu'à ce niveau là, ce n'est pas la liturgie à mettre en cause, c'est même un faux problème: la liturgie byzantine n'a d'ailleurs pas eu son rôle à jouer en Orient, si là était son rôle; beaucoup prétendent que chaque Eglise autocéphale doit conserver sa juridiction sur ses propres "émigrés", maintenant ainsi la situation multijuridictionnelle interprétée comme respectant les "droits" de chaque Eglise. Cependant, d'une part, beaucoup de ces "émigrés" sont parfaitement assimilés dans les pays d'accueil, tout en demeurant profondément attachés à leur orthodoxie; d'autre part, cette défense des "droits" fait beaucoup plus ressembler les Eglises à des Etats souverains qu'à des "soeurs", et leur rassemblement plus à l'ONU qu'à un concile: alors bon les "replis", hem...
Gnôthi seauton!
eliazar
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Message par eliazar »

Bien cher totocapt,

Il y a loin de la coupe aux lèvres – et plus loin encore de l’actuelle réunion mensuelle ou trimestrielle des Évêques orthodoxes en France … au Concile pan-orthodoxe que j’appelle de mes vœux – et où chaque évêque aurait le droit d’être entendu, même les VCO, même les ÉCOFISTES, même les Celto-syriaques, même…, même…
Et donc où le Saint Esprit révèlerait sa présence en faisant triompher dans les cœurs la ou les thèses les plus justes, quel que soit le nombre de fidèles - ou la puissance nationale de l’église... - représentés par chaque évêque. Car on a vu déjà un seul « petit évêque » comme Spyridon de Crète dissoudre les objections d’une majorité d’évêques puissants et riches et lettrés.

Ceci dit, cher Toto, « vous me fendez le cœur » quand vous parlez de rassemblements qui ressembleraient plus à l’ONU qu’à mon Concile préféré. Je n’aime pas tellement que vous eussiez raison.

Éliazar la sentinelle-d’avant-l’aurore…

PS : La citation n’est pas de moi, mais du Très Révérend Père +Marcel Pagnol.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Le chiffre de 7 millions d'orthodoxes aux Etats-Unis est une énorme exagération, qui est basée sur l'addition de toutes les personnes issues d'une ethnie de tradition orthodoxe, et qui ne tient pas compte du fait que beaucoup se sont américanisées au fil des générations en passant au protestantisme.

En 2001, le géographe Alexis Krindatch, de l'Institut de géographie de Moscou, était arrivé à un chiffre beaucoup plus réaliste, mais cette fois-ci sous-estimé, de environ 1'200'000 fidèles, non-chalcédoniens inclus. Le chiffre réel doit se situer entre 2 et 3 millions, parce qu'il me semble que Krindatch n'a pris en compte que les pratiquants réguliers.

Les juridictions présentes aux Etats-Unis sont les suivantes:

- l'Archevêché orthodoxe grec d'Amérique, diocèse du Patriarcat oecuménique de Constantinople avec son siège à New York, a 525 paroisses et 440'000 fidèles, ainsi que 18 communautés monastiques. Les fidèles sont très majoritairement d'origine grecque, ayant assez bien préservé leur langue.

-l'Eglise orthodoxe en Amérique, dont l'autocéphalie accordée unilatéralement par le patriarcat de Moscou n'est pas acceptée par plusieurs Eglises orthodoxes, et dont le siège est à Syosset (NY), a 456 paroisses, 115'100 fidèles et 15 communautés monastiques . Elle comprend des diocèses territoriaux auquels s'ajoutent trois diocèses ethniques (albanais, bulgare et surtout roumain). Les fidèles sont majoritairement d'origine ukrainienne, russe et roumaine, auxquels s'ajoutent des convertis et des fidèles d'origine albanaise et bulgare.

-l'Archidiocèse orthodoxe antiochien, siège à Englewood (NJ), a 206 paroisses et 83'700 fidèles, les convertis étant probablement maintenant plus nombreux que les fidèles d'origine arabe. C'est la seule juridiction qui a des paroisses de rite occidental (une trentaine), mais elles pratiquent des versions orthodoxisées des liturgies tridentine ou anglicane, et pas des liturgies antérieures au schisme de 1054.

Très loin derrière viennent l'Eglise orthodoxe serbe (118 paroisses, 5 monastères, 57'500 fidèles), l'Eglise orthodoxe ukrainienne des Etats-Unis dans la juridiction du Patriarcat oecuménique de Constantinople (106 paroisses, 30'000 fidèles), le diocèse carpatho-russe dans la juridiction du Patriarcat oecuménique de Constantinople (76 paroisses, 20'000 fidèles), l'archevêché du patriarcat de Roumanie (14 paroisses, 6'200 fidèles), l'Eglise orthodoxe bulgare (9 paroisses, 4'340 fidèles), le diocèse albanais dans la juridiction du Patriarcat oecuménique de Constantinople (2 paroisses, 500 fidèles) et les paroisses restées dans la juridiction du patriarcat de Moscou ( 33 paroisses, mais pas d'estimation du nombre de fidèles).

Ne sont pas en communion avec le reste de l'Eglise orthodoxe les juridictions orthodoxes suivantes: l'Eglise orthodoxe russe hors frontières (5 monastères, 128 paroisses, quelque 50'000 fidèles), l'Eglise orthodoxe de Macédoine (16 paroisses, 14'500 fidèles), et plusieurs diocèses de vieux-calendaristes grecs (au moins 30'000 fidèles).

Pour ce qui concerne les Eglises pré-chalcédoniennes, l'Eglise copte orthodoxe vient en tête avec 116 paroisses, puis le catholicossat arménien d'Etchmiadzine (89 paroisses, 45'800 fidèles), le catholicossat arménien de Cilicie (38 paroisses, 23'200 fidèles), l'Eglise syriaque "jacobite" (45 paroisses dont 23 syriaques et 22 malankares, 19'440 fidèles dont 15'100 Syriaques et 4'340 Malankars), l'Eglise malankare orthodoxe (59 paroisses, 13'300 fidèles). Les Eglises d'Erythrée et d'Ethiopie ont aussi une présence importante, mais Krindatch ne donne pas d'estimations en ce qui les concerne.

Enfin, complètement isolée du reste et en plus divisée par un schisme sur des questions calendériques, l'Eglise assyrienne (environ 40'000 fidèles).

Je n'ai pas d'estimation du nombre des convertis, mais, à mon avis, il doit dépasser la centaine de mille. En effet, on sait que l'Eglise orthodoxe de Finlande compte 10% de convertis dans ses effectifs. Or, l'Eglise orthodoxe passe pour attirer dans de plus fortes proportions aux Etats-Unis qu'en Finlande. Ce facteur minimum de 10% (qui est sans doute inférieur à la réalité pour des juridictions très intégrées dans la réalité étasunienne comme l'OCA ou l'archidiocèse antiochien, ou très missionnaires comme les vieux-calendaristes grecs), appliqué aux estimations déjà pessimistes de Krindatch, aboutit à un minimum absolu de 80'000 convertis pour les Etats-Unis, pays de 285 millions d'habitants, chiffre à mettre en rapport avec ceux de 3'000 convertis à l'Orthodoxie en France, pays de 62 millions d'habitants, et de 200 convertis à l'Orthodoxie en Suisse, pays de 7,5 millions d'habitants.
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