Saint Basile le Grand sur la Tradition non-écrite

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Jean-Louis Palierne
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Saint Basile le Grand sur la Tradition non-écrite

Message par Jean-Louis Palierne »

De la Tradition non-écrite de l’Église

Saint Basile le Grand, évêque de Césarée de Cappadoce

Ces deux textes ont été insérés dans la collection canonique de l’Église comme “canons 90 et 91” de saint Basile

91 De la Tradition non-écrite de l’Église

Extrait du chapitre 27 du Traité du saint Esprit

Parmi les dogmes et les kérygmes que nous conservons dans l’Église, une partie d’entre eux nous sont parvenus par l’intermédiaire de la Tradition écrite, mais pour le reste nous les avons reçus dans le mystère de la Tradition qui nous a été transmise depuis les Apôtres. Pour notre piété elles jouissent, tant l’une que l’autre, d’une force égale. et personne n’ira s’y opposer pour autant qu’il ait un minimum d’expérience des affaires ecclésiastiques.

Si en effet nous entreprenions de rejeter les traditions non-écrites, sous pré-texte qu’elles seraient sans valeur, nous porterions atteinte, même si c’était sans nous en apercevoir, à des points essentiels de l’Évangile, et plus même nous viderions de tout contenu le nom même de la prédication catéchétique.

Pour commencer, je n’en citerai qu’un point comme exemple, le premier et le plus commun : qui nous a enseigné par écrit à marquer du signe de la Croix ceux qui ont placé leur espérance dans le nom de notre Seigneur Jésus Christ ? et que nous devions nous tourner vers l’Orient pour prier, quelle écriture nous l’a ensei-gné ? Les paroles de l’épiclèse de l’Esprit saint lorsque nous désignons le pain de l’action de grâces, quel saint nous les a consignées par écrit ? Nous ne nous contentons pas en effet des mots dont l’Apôtre et l’Évangile nous ont laissé le souvenir, mais nous les faisons précéder d’autre chose et nous les complétons aussi par autre chose, car nous estimons que ces mots possèdent une valeur im-mense et aussi parce que nous les avons reçus de la Tradition non-écrite. D’après quelles écritures d’autre part bénissons-nous l’eau du Baptême et l’huile de l’Onction ainsi que celui qui est baptisé ? N’est-ce pas d’après la Tradition arcane et secrète ? Quoi encore ? L’onction elle-même de l’huile, quel texte écrit nous a enseigné à la faire ? Et d’où nous vient qu’un homme doit être baptisé par triple immersion ? Et tout ce qui concerne le Baptême, de renoncer trois fois à Satan et à ses anges, de quelle écriture cela nous vient-il ? N’est-ce pas de cet enseigne-ment non-public et secret que nos Pères ont gardé intact à l’abri de toute curiosité et indiscrétion, sachant bien par expérience que le caractère vénérable des saints Mystères doit être bien gardé par la discipline de l’arcane ? Car ce que les non-initiés ne devaient même pas voir, eût-il fallu en divulguer l’enseignement en le consignant par écrit ?

[et un peu plus loin]

La raison d’être des traditions non-écrites est que si la connaissance des dogmes, était mal interprétée, le grand public pourrait s’habituer à les mépriser. C’est en effet une chose que le dogme, mais c’en est une autre que les kérygmes : alors que les dogmes sont enveloppés de silence, les kérygmes sont proclamés en public. Une autre forme de silence est cette obscurité qu’emploie l’Écriture, ménageant une sorte d’incompréhensibilité du sens des dogmes en vue de l’utilité de ceux qui les lisent.

De là vient que tous nous nous tournons vers l’Orient durant la prière, mais nous sommes peu nombreux à savoir que la direction vers laquelle nous nous tournons ainsi est celle de notre antique patrie, ce Paradis que Dieu avait planté dans l’Éden à l’Orient. Et c’est debout que nous faisons nos prières le premier jour après le sabbat, mais nous n’en connaissons pas tous la raison : si nous nous tenons debout durant la prière, ressuscités avec le Christ, aspirant aux réalités d’en-haut , ce n’est pas seulement pour nous rappeler la grâce qui nous est accordée en ce jour de la résurrection, c’est aussi parce que ce premier jour de la semaine semble en quelque sorte être l’image de l’éternité à venir. C’est en effet justement en tant qu’il est le premier des jours que Moïse parle à son sujet non pas du premier jour, mais d’un jour. Et ce fut le jour, et ce fut le matin, jour un. C’est parce que ce jour revient à plusieurs reprises qu’il est à la fois le jour un et huitième, manifestant par lui-même le jour un et huitième que le psalmiste rappelle dans le titre de certains psaumes, et qui représente par lui-même l’état qui suivra notre temps présent, ce jour sans fin, sans déclin et sans succession, le siècle sans terme et toujours nouveau. Il est donc nécessaire que l’Église nous enseigne à nous, ses disciples, à nous tenir debout lorsque nous nous réunissons en elle pour la prière, afin que par ce continuel rappel de la vie infinie nous ne négligions point les moyens d’y parvenir.

De même toute la Pentecôte vient nous rappeler cette résurrection que nous espérons. Car ce jour un et premier, multiplié par sept, constitue les sept semaines de la sainte cinquantaine. Commençant et finissant par ce même jour un, elle le déroule cinquante fois, imitant ainsi l’éternité qui commence, en un mouvement cyclique partant du même point pour aboutir au même. Durant toute cette cinquantaine, la coutume de l’Église nous enseigne à préférer nous tenir debout pour prier, ce qui transporte pour ainsi dire notre esprit du présent à l’avenir par cet évident rappel. Par ailleurs, chaque fois que nous fléchissons les genoux et que nous nous relevons, nous démontrons par nos gestes que nous avons été jetés à terre par le péché et rappelés au ciel par la miséricorde de Celui qui nous a créés.

Le jour entier ne me suffirait pas pour exposer le sens caché des traditions non-écrites dans l’Église. Laissant tout le reste je vous le demande : de quelle Tradition écrite tenons-nous la confession même de la foi, de croire en au Père et au Fils et au saint Esprit ? Si c’est en vertu de la Tradition de notre Baptême, selon la piété que nous devons croire et conformer notre profession de foi, alors qu’on nous accorde le droit de conformer aussi notre doxologie à cette même profession de foi. Si cependant ils rejettent notre doxologie sous prétexte qu’elle n’aurait point été écrite, qu’ils nous fournissent les textes qui confirment notre profession de la foi et tout ce que j’ai encore énuméré. Mais étant donné qu’il y a tant de choses non-écrites qui ont une telle importance pour le mystère de notre foi, ne nous pardonneront-ils pas d’employer un mot qui est venu jusqu’à nous, qui nous vient de nos Pères et que nous avons trouvé, nous, conservé dans la simplicité des Églises non-perverties, mot qui possède une vertu non des moin-dres et contribue grandement à la compréhension du Mystère ?

extrait du chapitre 29 de ce même Traité

91> De cette même Tradition non écrite

Quant à dire que la doxologie avec le saint Esprit n’est contenue ni dans la Tradition ni dans l’Écriture, nous répondrons que certes si l’on n’admet rien d’autre que ce qui a été écrit, on ne doit pas l’admettre non plus. Si par contre cette part de la Tradition qui nous est transmise sous le sceau de l’arcane a bien droit de cité chez nous, bien qu’elle ne nous ait point été transmise par écrit, alors nous devons également recevoir la doxologie sous cette forme. J’estime d’ailleurs qu’il est également conforme au précepte de l’Apôtre de rester fidèle aussi aux traditions non-écrites : Je vous loue, dit-il, de ce qu’en tout vous vous souvenez de moi et que vous gardiez les traditions telles que je vous les ai transmises. Et de même : Gardez les traditions que vous avez reçues, soit par parole, soit par lettre. Or l’une de ces traditions est justement celle-ci, une tradition que ceux qui avaient été enrôlés depuis les débuts ont transmis à leurs successeurs, qui a traversé le temps par l’usage qu’on en a fait, enracinée dans l’Église par une longue pratique.
Si donc, faute de pouvoir vous présenter une preuve écrite, nous pouvons vous présenter, comme c’est possible devant les tribunaux, une foule de témoins, ne pourrons-nous alors obtenir une sentence favorable ? C’est bien ce que je crois : Car toute chose sera confirmée sur la foi de deux ou trois témoins. Et si nous pouvons vous démontrer qu’une telle longueur de temps qui s’est déjà écoulée vient témoigner en notre faveur, ne serons-nous pas en droit de plaider l’irrecevabilité de votre plainte ? Car ce sont les croyances les plus anciennes qui jouissent d’un préjugé favorable : elles tirent leur respectabilité de leur antiquité aux cheveux blancs.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
Verrouillé