Schismes et hérésies (1)

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Elisabeth
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Message par Elisabeth »

Au sujet de la forme du rite du baptême, il semble bien que la pratique était celle d’une réelle immersion, comme en témoigne Tertullien dans son Traité du baptême : “l’homme descend dans l’eau et il y est plongé tandis qu’on prononce quelques paroles” (chap 2, 1). Précisons que le traité à été écrit autour de 200.
De même chez St Cyrille de Jérusalem, dans sa 1e catéchèse pour les nouveaux baptisés, on trouve : « On vous a menés ensuite à la sainte piscine du divin baptême comme on a jadis porté le Christ, de la croix au sépulcre voisin. Et on a demandé à chacun de vous s’il croyait au nom du Père , du Fils et du Saint-Esprit. Vous avez fait alors la confession salutaire, puis vous vous êtes plongés trois fois dans l’eau et vous en êtes ressortis.. » ;
Et dans la 2e catéchèse baptismale de St Jean Chrysostome : « Et pour t’enseigner aussi par là que le Père et le Fils et le Saint-Esprit sont une seule substance, voici comment se fait la collation du baptême. Lorsque le prêtre prononce sur l’intéressé : « Est baptisé untel au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », il lui plonge à trois reprises la tête dans l’eau et la relève, disposant le sujet par ce rite mystérieux à recevoir la visite de l’Esprit-Saint. »

On peut souligner l’importance de la confession de foi liée au baptême qui ressort de ces deux derniers témoignages, et que l’on retrouve aussi chez Tertullien, ( je cite un extrait du résumé du Traité que j’avais fait il y a quelques temps, excusez mais c’est plus rapide pour moi, d’autant que je n’ai plus le traité sous la main) : « Nous pouvons au passage pratiquement affirmer la présence d’une profession de foi au moment du baptême, le chapitre 6 faisant manifestement allusion à un credo dont la structure de base est la même que celle du symbole de foi qui sera fixé lors des deux premiers conciles oecuméniques: “ Et puisque le témoignage de la foi comme la garantie du salut ont pour caution les Trois Personnes, nécessairement la mention de l’Eglise s’y trouve ajoutée. Car là où sont les Trois, Père, Fils et Esprit-Saint, là aussi se trouve l’Eglise”. »
D’où il apparaît clairement que la formule trinitaire baptismale n’a pas de sens en dehors de l’Eglise.

Enfin je voudrais juste mentionner le fait que le baptême à proprement parler a toujours pris place dans l’ensemble de l’initiation chrétienne (catéchuménat plus ou moins long accompagné d’une instruction importante –évidemment quand il s’agit d’un adulte-, puis onction pré-baptismale et renonciation à Satan- dans un sens ou dans l’autre, j’ai trouvé les deux..-, baptême –immersion-, chrismation, et enfin communion), même si cela n’apparaît plus de manière évidente de nos jours, et que donc l’en extraire et l’isoler lui enlève en grande partie sa signification.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Le Seigneur nous a laissé un enseignement admirable : la Loi des paraboles, des Béatitudes, etc. Il nous a laissé aussi une institution visible, qon Église, qui a un clergé, qui accomplit des saints Mystères et qui conserve et observe la Loi non-écrite de l’Église (c’est-à-dire non-inscrites dans le Nouveau Restament meis bien fixée dans les canons et dans le déroulement annuel des offices). La foi que nous laisse le Seigneur n’est ni seulement l’un, ni seulement l’autre de ces deux aspects. Les saints Mystères eux-mêmes ont une double dimension : une dimension visible et une dimension invisible. Ils ne sont ni pur spiritualisme, ni pur formulisme (le côté “Harry Potter”)

C’est pourquoi j’ai souhaité laisser sur ce Forum l’article du métropolite Antoine Khrapovitsky. En peu de mots il traite exhaustivement de ce problème des “frontières” de l’Église et des limites qu’elle doit observer, et de son action salutaire à l’égard de ceux qui viennent vers elle. Je regrette seulement qu’il n’ait pas pris un peu de recul par rapport à la conduite que l’Église catholique a adoptée pour ce qui concerne ceux qui, venant de l’Église catholique, s’adressent à l’Église orthodoxe. Il me semble d’ailleurs qu’actuellement l’Église russe hors frontières, qui lui doit précisément son existence, adopte en général une autre conduite, imposant dans ce cas la Chrismation. Je souhaite vivement qu’une conduite semblable soit adoptée aujourd’hui par l’ensemble des Églises présentes en Occident.

Le fait que l’Église russe ait adopté au XVIIIème siécle le principe d’une réception des catholiques “par la 3ème procédure” (Réconciliation des pécheurs par le touvher de la main [chirothésie]) tout comme pour les arméniens et les nestoriens, alors qu’à l’époque, et jusque de nos jours, elle avait largement eu l’occasion d’apprendre à se méfier des enseignements et des intentions et des projets des papistes, cependant qu’elle imposait la 2ème procédure (par la Chrismation) aux anglicans (avec lesquels elle nourrit un certain temps un espoir de réunion), aux luthériens et aux Réformés, montre qu’elle cédait à l’influence de la pensée scolastique que cependant le métropolite Antoine dénonce dans son article.

Deux points m’apparaissent, à la faveur de cette discussion
1. Lorsque nous parlons de la violente crise spirituelle qui secoue l’Occident, nous dénonçons un ensemble d’aberrations qui découlent de l’adjonction frauduleuse du Filioque dans le Symbole de la Foi et qui a conduit non seulement à des erreurs sur le mystère trinitaire, mais à une altération profonde de la personne humaine de l’homme occidental. J’ai coutume de dire que l’Église latine a corrompu jusqu’aux sources mêmes de la vie spirituelle en tentant de mutilé la conscience de l’hypostase. Elle nous enferme dans notre subjectivité, nous rendant prisonniers du relationnel, etc, etc. On doit donc bien parler d’hérésie, c’est-à-dire d’une altération de la Révélation.

2. Mais l’Église est une institution divino-humaine, qui se doit de respecter les lois que le Seigneur lui a données. Or ces lois impliquent d’opérer une tri-partition parmi les hommes qui demandent à entrer dans l’Église orthodoxe en sortant des sectes qui ont jadis fait scission de cette unique Église. D’une part, il y a ceux que l’on doit traiter à l’égal des païens, parce qu’ils o,t détruit le fondement même de la Révélation, trinitaire et salutaire. Les Pères et les Conciles les appellent “hérétiques”. Ensuite, il y a ceux que l’on doit recevoir par la Chrismation. Les Pères et les Conciles parlent des “schismatiques”. Enfin il y a ceux que l’on doit recevoir seulement par une chirothésie, tout comme on le fait pour réadmettre les Pénitents dans la communion de l’Église.

3. Le métropolite Antoine Khrapovitsky, que personne ne pourra taxer de laxisme ou de modernisme, nous enseigne que pour déterminer la procédure qui doit être employée pour recevoir certaines personnes, l’Église doit se guider, non pas tant (ou non seulement) sur la qualité notionnelle de la théologie qu’enseigne le groupe dont ils sont issus, non pas tant (ou non seulement) sur la succession apostolique de ces groupes, ou de l’exactitude de la forme extérieure de leur Baptême (puisque de toute façon tant cette succession sont vides de Grâce hors de l’Église orthodoxe), mais au moint autant (ou encore plus) sur les dispositions intérieures du ou des candidats, sur l’évolution théologique, liturgique et canonique de ces groupes et “sur le profit général de l’Église” (c’est-à-dire : “pour le bien de beaucoup”).

4. Il en résulte que la décision finale a pu varier selon l’époque ou le lieu, en fonction des règles qu’ont fixées les Conciles et les Pères et en fonxtion du duscernement de chaque cas par l’évêque, car le discernement fait partie du charisme épiscopal. Les catholiques ont donc tort de persifler la variabilité des décisions orthodoxes en la matière, car eux ne connaissent que des catégories intellectuelles abstraites et désincarnées : scolastiques (et du reste il ne peut en être autrement, puisqu’ils ont perdu la Grâce que le saint Esprit ne déverse que dans l’unique Église du Christ, c’est-à-dire dans l’Église orthodoxe).

Je citerai ici la conclusion du métropolite Antoine :

« La pratique contemporaine en matière de réception peut être définie dans ses lignes de la manière suivante : Il faut qu’il y ait :
1. La succession apostolique dans la communauté à laquelle appartenait la personne à recevoir ;
2. Un baptême conféré de manière correcte (c’est-à-dire par une triple immersion au nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit) ;

« Lorsque ces deux conditions sont remplies, il ne faut pas réitérer le rite du Baptême. Et si la communauté en question possédait aussi le rite que l’on appelle la Chrismation (ou onction par le saint Chrême), celui qui demande à être reçu dans l’Orthodoxie doit l’être par la troisième procédure, c’est-à-dire seulement par le Mystère de la Pénitence.

[…] « Nous pouvons donc conclure que la réception dans l’Église orthodoxe :
1. dépend du discernement pastoral de chaque évêque, et que
2. ce discernement est conditionné par le bien de l’Église en général.
Nous pouvons maintenant ajouter que ce même canon définit aussi la manière dont nous devons procéder aux réceptions par rapport avec celle qui est en usage dans l’Église de Rome et dans d’autres Églises. Ce même canon 68 poursuit en effet : « Ce n’est pas que l’on veuille annuler ainsi les décisions du concile qui a eu lieu outre-mer, mais c’est pour que cette manière d’agir reste bien établie à l’égard de tous ceux qui veulent rentrer dans l’Église catholique, afin qu’ils ne puissent rencontrer aucun empêchement à leur retour vers l’unité. »
Jean-Louis Palierne
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Thierry-VCO
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Message par Thierry-VCO »

Christ Est Ressuscité!


Un grand merci pour l'Encyclique orientale de 1848
Dans celle-ci nous pouvons lire en effet un passage magnifiquement explicite et clair qui mérite une lecture attentive afin d'arrêter les rêveries concernant Louis XVI et autre.
De l'Encyclique orientale de 1848
De même que sur la procession du Saint Esprit est et doit s'appeler hérésie, de même, ceux qui adoptent un tel enseignement, sont et s'appellent hérétiques selon la décision même de saint Damase, pape de Rome : « Celui qui pense sainement sur le Père, mais a une opinion erronée sur le Saint Esprit, est un hérétique » {Confession de la Foi Catholique, envoyée par le pape Damase à l'évêque de Thessalonique Paulin).
Pour toutes ces raisons, l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique, suivant en cela les saints Pères d'Orient et d'Occident, annonce aujourd'hui conciliairement, de même qu'elle le fît jadis du temps de nos Pères, que cette innovation doctrinale faisant procéder l'Esprit Saint du Père et du Fils est par son essence même une hérésie, et que ses partisans, quels qu'ils soient, des hérétiques selon la décision formulée en Concile par le saint pape Damase.
Thierry
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je voudrais maintenant répondre à ceux (en fait, je crois, à celles) qui regrettent qu’on fasse trop de cas de ceux que l’on ne considère que come des “schismatiques”, et qu’on ne les considère pas comme des “hérétiques” purement et simplement.

Certes, dans la langue française courante le mot “schismatique” est utilisé seulement pour parler de ceux qui n’ont que des “problèmes personnels” avec l’Église orthodoxe, en fait des “problèmes hiérarchiques”. N’en sourions pas, il y en a toujours eu et il y en aura toujours, et la hiérarchie de l’Église, même lorsqu’elle est légitime, est parfois bien lourde à supporter. Il en est donc qui se trouvent en séparation avec l’Église. Doit-on dire que dès le moment où ils se trouvent hors de l’Église, ils ne comptent plus pour rien ?

D’autres, pour se séparer radicalement de l’Église, ont construit des édifices totalement illusoires, qui ne singent que quelques apparences de l’Église, mais ce sont en fait des “contre-Églises”.

D’autres n’ont fait que proposer aux fidèles des conceptions que l’Église a rejetées, mais désirent prouver qu’ils ont raison en demeurant pour le reste, c’est-à-dire parfois pour beaucoup de choses, imprégnés de ce que leur avait enseigné la vraie Église dont ils sont sortis.

L’Église sait en outre par expérience que ces groupes sont évolutifs, car leurs conceptions ne sont jamais profondément cohérentes. Seule la Révélation que Dieu a déposée dans l’Église, la seule, la vraie, c’est-à-dire l’Église orthodoxe, seule celle-là peut fournir une base cohérente et stable pour la vie d’une communauté vivante.

L’Église catholique est le fruit d’une évolution particulièrement perverse qui a construit un monde nouveau, apparemment très solide et très puissant, mais au prix d’une lobotomie spirituelle dont nous commençons à percevoir les redoutables effets (à simple titre d’exemple : la banalisation de l’avortement et de l’homosexualité, la multiplication des génocides à l’époque “moderne”, l’altération de l’environnement terrestre, la libéralisation de fait de la drogue, etc.)

Ce ne sont pas les fruits directs de la “hiérarchisation” bureaucratique et scolastique imposée à l’Église, mais le “Filioque” s’est révélé ouvrir la boîte de Pandore de toutes une séries de folies humaines, cependant que le christianisme occidental se divisait, se contre-divisait, se morcelait, s’éparpillait en une multitude innombrable de petites sectes (le “Conseil œcuménique des Églises” ne contrôle plus du tout la situation).

L’adjonction frauduleuse du “Filioque” a asservi le dignité et la liberté humaines — c’est-à-dire l’image de Dieu imprimée dans la nature humaine — en altérant le sens et le goût du Vrai, du Beau et du Bien, en parasitant les possibilités de communication entre les personnes et avec Dieu. Tout le monde veut pouvoir “s’exprimer” et croit avoir un rôle à jouer. Tout le monde est culpabilisé.

C’est pour éclairer le rejet de ces erreurs occidentales par l’Église orthodoxe (qui est en vérité la seule à pourvoir légitimement se prévaloir du titre d’“Église catholique”) que j’ai voulu publier sur ce Forum “l’Encyclique des patriarches orientaux” de 1848, qui répondait à une Encyclique du Vatican. On dit que l’Église russe, par l’intermédiaire du métropolite Philarète, aurait apporté une contribution très active à son élaboration, mais qu’elle ne pouvait le faire publiquement à cause du poids que l’administration impériale russe faisait alors peser sur elle.

Cependant, comble d’habileté, l’Église latine a réussi à tromper son monde en gardant la forme correcte du Baptême et la succession apostolique de ses évêques. Elle a pillé les reliques de l’Église orthodoxe en se les appropriant et elle a créé des hiérarchies parallèles qui ont tenté d’abuser et d’asservir certaines parties du peuple orthodoxe.

Enfin l’Église orthodoxe elle-même a subi l’influence indirecte des erreurs occidentales en acceptant ce que certains ont appelé “la captivité de Babylone”, par exemple dans la théologie des Mystères (en reproduisant la théologie latine des “sept sacrements”), l’enseignement de la “théologie dogmatique” par la méthode scolastique, et c’est l’académisme actuel des Églises orthodoxes, et en se considérant comme des parties prenantes de la construction des États-Nations, qui sont devenus dans le monde orthodoxe, des Églises-États-Nations. Plus tard l’Église orthodoxe a connu l’apparition du “modernisme” qui est encore une forme d’influence occidentale sur l’Orthodoxie.

Devant la multiplication des maux dont elle souffre, l’Église orthodoxe n’est pas dépourvue d’armes. Elle sait que les entreprises humaines sont fragiles (même lorsqu’elles sont capables de massacrer des millions de vies humaines) et que Dieu n’autorise Satan à agir dans le monde qu’à la mesure de nos possibilités. Nous avons sans cesse besoin du secours divin devant les tentations diaboliques, et c’est pourquoi le Seigneur nous a appris à le demander dans la prière : Ne nous laisse pas entrer dans la tentation, demande à laquelle les modernistes voudraient donner une formulation plus “civilisée” (ils ne veulent pas qu’on parle même de l’existence du Diable et de la nécessaire lutte spirituelle).

Mais l’Église sait quelles attitudes elle doit adopter devant ces diverses formes d’erreur et en présence des diverses évolutions de divers groupes. Il n’est pas suffisant de proclamer : Voici ce qu’est l’Orthodoxie, tout le reste n’est qu’hérésie. Certes tout groupe qui se sépare de l’Église orthodoxe part en errance dans un monde dangereux, où abondent précisément les tentations du Malin. Un petit schisme peut devenir une grande hérésie, mais ce qui était à l’origine une grande hérésie peut retomber comme un soufflé (sur ce point, je renvoie au très beau texte du métropolite Antoine Khrapovitsky, que personne ne pourra accuser de modernisme, texte que j’ai placé sur le Forum).

Pour qu’elle puisse répondre aux groupes qui apparaissent sur les chemins de l’histoire, le Seigneur a révélé à son Église des canons qui lui permettent d’exercer une action thérapeutique adaptée au cas de chaque patient (c’est une image à laquelle tenait beaucoup saint Grégoire de Nysse, dans un texte que l’Église considère comme faisant partie de ses canons). Le choix et la mesure de la médecine à appliquer est une des fonctions qui sont le privilège du charisme épiscopal.

Pour sa thérapeutique, l’Église peut en particulier disposer de trois types de procédures que devront suivre les sectateurs abusés par les différents groupes non-orthodoxes. Les canons nous parlent des traitements réservés aux “hérétiques”, aux “schismatiques” et à une troisième catégories qui porte des noms variables. Mais ces noms ne doivent pas abuser, car pour déterminer quel est le traitement qu’il convient d’adopter, l’Église ne prend pas uniquement en compte les doctrines des groupes en question, pas seulement non plus les pratiques qu’elles ont adoptées pour l’administration des imitations de Mystères qu’ils ont conservés (avec ou sans modifications), pas seulement la succession formellement apostolique ou la transmission d’une forme correcte de Baptême, mais elle tient compte aussi des dispositions intérieures de ceux qui demandent à revenir dans l’Église orthodoxe et du bien général qui pourra en résulter pour l’Église qui toujours veut œuvrer “pour le salut de beaucoup”.

C’est pourquoi elle peut user d’une première procédure, qui consiste à donner le Baptême à tous ceux qui veulent entrer dans l’Église orthodoxe, puisqu’en dehors de l’unique Église, il ne peut exister de véritable baptême, mais seulement une forme extérieure, une sorte de coquille vide, que l’Église vient remplir de sa Grâce. Dans ce cas, le Baptême est toujours suivi évidemment de la Chrismation. Mais dans la crainte que cette exigence ne nuise au retour à l’Église orthodoxe de certains groupes, elle peut également choisir d’utiliser une seconde procédure, qui consiste à recevoir ceux qui reviennent vers elle en leur conférant par la Chrismation, à la fois la grâce du Baptême et celle de la Chrismation d’un seul geste. Enfin dans certains cas, l’Église peut utiliser une troisième procédure, qui consiste à recevoir les nouveaux convertis par une chirothésie, de la même manière qu’on réconcilie les pécheurs avec la Communion eucharistique.

Dans ce cas un prêtre peut réadmettre, avec la bénédiction de son évêque, des simples sectateurs de certains groupes hérérodoxes, en leur conférant par cette chirothésie le Baptême et la Chrismation, et l’évêque peut réadmettre certains prêtres de ces groupes au sacerdoce de l’Église orthodoxe (“dans leurs ordres antérieurs” selon l’expression consacrée). On peut même imaginer (et il est arrivé) qu’un évêque orthodoxe reçoive un groupe hérérodoxe dans l’Orthodoxie en admettant tout d’abord son pasteur dans le sacerdoce orthodoxe par cette dernière procédure, puis lui demande de procéder lui-même à la réception des fidèles qui le suivent, par une simple chirothésie.

L’Église orthodoxe dispose ainsi de tout un arsenal de moyens thérapeutiques, qui peuvent être adaptés à chaque cas particulier, faciliter certaines évolutions et respecter, tout en les corrigeant, les traditions qui ont permis à certains groupes de conserver un certain souvenir de la Tradition orthodoxe, et d’y retourner.

Il ne faut pas railler l’aspect “pharmacopée” des procédures canoniques. Il est très réel. Saint Grégoire de Nysse en a parlé très éloquemment. Il y a dans le trésor de la bonté de l’Église un remède à chaque mal, un médicament pour chaque malade. On n’applique pas un “remède de cheval” à un convalescent qui redécouvre ses racines orthodoxes.

Quant à l’aspect “Harry Potter” des Mystères sacrés de l’Église, oui il existe. À son Église, le Seigneur n’a pas seulement donné un ensemble de concepts et de notions et d’idéaux et toute une sublime conception du monde. Il lui a laissé un ensemble de rites, qui sont des pratiques à observer, des actes porteurs de Grâce, mais qui sont aussi des rites à observer. Ils n’ont leur effet salvifique que dans l’Église, mais ils ne sont pas liés à la sainteté du ministre. Un prêtre indigne est encore un prêtre. Et nous devons bien obseerver, dans l’observance de ces rites, un certain nombre de règles formelles.

Saint Basile le Grand a écrit, dans une lettre à saint Amphiloque d’Iconium, un texte remarquable qui décrit ce qu’il appelle “la Tradition non-écrite de l’Église”. Il y montre qu’à côté de la prédication évangélique, qu’il appelle “le kérygme” (c’est-à-dire la proclamation), qu’on peut considérer comme la Loi des Paraboles et des Béatitudes, l’Église repose aussi sur cette Tradition non écrite, qu’il appelle “les dogmes” (ce n’est pas exactement le sens que la langue moderne donne à ce mot) qui régissent la pratique de l’Église, par exemple pour le Baptême, l’Anaphore eucharistique, etc. (Je vais mettre ce texte tout à fait fondamental sur le Forum ; il a été lui aussi retenu par l’Église orthodoxe dans la liste de ses canons). Il y a là des rites, c’est-à-dire des gestes et des paroles, qui sont essentiels à la vie de l’Église. On ne peut admettre d’entendre parler d’un aspect “Harry Potter”, ce serait ne retenir qu’une vision désincarnée de l’Église.
Jean-Louis Palierne
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Monique
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Message par Monique »

Cher Jean-Louis

Je vous demande pardon si par ma prose je vous ai blessé, je me suis laissée emporter et énerver par mon incompréhension.
Ce que j’ai dit sur la pharmacopée n’était pas par raillerie mais parce que je pense réellement que : « Pour qu’elle puisse répondre aux groupes qui apparaissent sur les chemins de l’histoire, le Seigneur a révélé à son Église des canons qui lui permettent d’exercer une action thérapeutique adaptée au cas de chaque patient »
J’aime parler par images qui peuvent paraître parfois pas très respectueuses, et je suis désolée d’avoir donné l’impression de railler.
Quant à ma référence à Harry Potter, c’était une boutade : malheureusement, quand c’est écrit il manque « clin d’œil et mimique » Je pensais bien que ce n’était pas ce que vous vouliez dire, mais c’était ce que j’entendais et cela me mettait mal à l’aise.

Et je vous remercie, pour votre dernier post et pour Antoine Khrapovitsky sur la réception des convertis ; là j’ai compris que ce que je prenais pour des contraires incompatibles, ne sont en fait contraires qu’en apparence et qu’ils sont des degrés pédagogiques.

Que Dieu vous bénisse pour tout ce que vous apportez à ce forum.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Jean-Louis Palierne a écrit :Antoine, bien que cela ne concerne guère les orthodoxes, je crois que vous vous trompez en ce qui concerne la succession apostolique de l'Église latine. C'est en effet un point sur lequel elle a maintenu à peu près les usages antiques ; le pape nomme les évêques. Il s'est en effet arrogé peu à peu le droit de nomination initialement réservé aux souverains (Je crois que Claude nous en fera l'histoire). Mais ce n'est pas lui qui "fait" les évêques. Il désigne les trois évêques qui consacreront le nouvel évêque, en principe dans sa cathédrale, comme dans l'ancienne pratique synodale. Les lignées antiques de successions apostoliques subsistent donc encore aujourd'hui, et ne découlent pas de l'évêque de Rome.
Le fait est peu connu, mais il reste en Suisse trois diocèses catholiques-romains (Bâle, Coire et Saint-Gall) qui sont à ma connaissance les derniers au monde où le pape ne nomme pas les évêques, mais où ceux-ci sont élus par les chanoines. Dans les autres diocèses suisses (Fribourg, Sion et Lugano) prévaut le principe "universel" de la nomination par le pape.

On notera que, contrairement à une opinion fort répandue par l'oecuménisme, la centralisation de l'ECAR autour du pape s'est singulièrement accentuée depuis Vatican II. Cela explique sans doute qu'alors que tous ses prédécesseurs avaient respecté le statut particulier du diocèse de Coire, Jean-Paul II avait essayé de le contourner en imposant comme évêque Mgr Haas, qui avait contre lui la majorité du clergé et des fidèles du diocèse. Après plusieurs années de conflits incessants qui empêchaient le fonctionnement normal de ce diocèse, le pauvre Mgr Haas a été déplacé à Vaduz dans la principauté du Liechtenstein (érigée en archevêché sans suffragants) et remplacé à Coire par un évêque mieux vu des chanoines.
Jean-Louis Palierne
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Inscription : ven. 20 juin 2003 11:02

Message par Jean-Louis Palierne »

Sauf erreur de ma part, le fait existe aussi pour un diocèse néerlandais (Utrecht ???)
Jean-Louis Palierne
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