Schismes et hérésies (1)

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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Jean-Louis Palierne a écrit :(2ème partie)

JLP: Le papisme n’a réellement et complètement submergé les Églises des pays occidentaux que grâce à Napoléon, qui voyait en France deux Églises catholiques : celle des réfractaires, qui avaient refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé et vivaient dans la clandestinité, et celle des assermentés, qui l’acceptaient. Napoléon a utilisé la complicité du Pape (qu’il avait fait enlever à Rome et retenait prisonnier à Fontainebleau) pour créer une troisième Église, à sa botte, et lui imposer le respect de ses lois civiles à lui. C’est cette Église qui survit aujourd’hui sous le nom d’Église catholique. L’Église gallicane d’avant la Révolution n’était pas orthodoxe, et on doit le lui reprocher, mais elle n’était pas papiste, pas plus que l’Église gallicane. J’aimerais avoir des éclaircissements pour l’Espagne etc.

Ce débat est d'une très haute tenue. Je savais que Jean-Louis Palierne et Antoine Serri avaient des arguments dans leur besace, mais je suis aussi particulièrement heureux qu'Irène Monique Dupuy nous ait rejoints et je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à ses messages; qu'elle sache cependant que je trouve ses interventions très profondes.

Cela étant, je n'ai pas le temps d'entrer dans le coeur du débat, sauf que je voudrais demander à Jean-Louis Palierne, qui a abordé à plusieurs reprises la question du concile de Moscou de 1620 prescrivant la réception des catholiques-romains par baptême, quelle est son opinion à propos de l'Horos du patriarcat de Constantinople de 1755-56 prescrivant la réception par baptême des protestants, des catholiques-romains et des Arméniens et sur le fait que saint Nicodème l'Hagiorite - si mes souvenirs sont bons - mentionne en note dans le Pidalion qu'il faut recevoir les catholiques-romains par baptême.

Je voudrais juste ponctuellement intervenir à propos de la remarque de Jean-Louis Palierne sur le gallicanisme. J'avais commencé la présente réflexion en novembre 2001 sur l'ancien forum dans un fil qui s'appelait "Du père Romanidhis et des Capétiens".

Pour moi, il est clair que l'histoire de l'Eglise dominante en France (même s'il est clair qu'elle ne représente plus maintenant qu'une faible minorité de la population, bien qu'ayant gardé les bâtiments) se divise en cinq périodes:
1. Jusqu'en l'an 794, une appartenance incontestable à l'Eglise orthodoxe, les germes des hérésies futures ne circulant que dans des petits cénacles d'augustiniens;
2. De 794 à 1054, une guerre civile à l'intérieur de sa théologie, sa foi orthodoxe étant progressivement démolie par la rencontre de l'idéologie de la secte augustinienne et des ambitions impériales de Charlemagne;
3. De 1054 à 1801, la période gallicane (même si le point de départ officiel est la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438, le gallicanisme a des manifestations dès le XIème siècle dans l'opposition farouche que Grégoire VII rencontra en France);
4. De 1801 à 1965, l'apparition d'une nouvelle hiérarchie totalement fonctionnarisée, l'ultramontanisme sans racines, la consécration de nouvelles hérésies dont certaines avaient été combattues même par un Thomas d'Aquin, et le triomphe de fausses dévotions déséquilibrées et inquiétantes;
5. Depuis 1965, le renforcement de l'ultramontanisme et de la monarchie papale, qui s'accompagne d'une protestantisation généralisée de la liturgie et de la spiritualité ("arianisme ecclésiologique", écrivait Olivier Clément voici une vingtaine d'années).

Il est évident pour tout observateur objectif que la monarchie française a joué un rôle important pour empêcher que l'Occident ne bascule dans l'ultramontanisme au Moyen Âge.
Et c'est là que j'ai été terriblement déçu par la lecture de l'Histoire que fait le père Romanidhis.
En effet, il ne voit pas que Charlemagne, qui est le promoteur indiscutable de la séparation des Eglises, n'a jamais agi en roi de France, mais en usurpateur de l'Empire. Ses héritiers, ce sont les empereurs germaniques, pas les rois de France. Les Carolingiens apparaissent comme une parenthèse de mégalomanie impériale entre deux "races" royales qui se sont contentées d'être ce qu'elles étaient.
C'est bien un empereur germanique, Henri II, qui a imposé le filioque à Rome en 1014, pas un roi de France.
Les thèses du père Romanidhis faisant de la monarchie française l'héritière du projet frank de Charlemagne se heurtent à une réalité que je vis à chaque instant de ma vie: entre Bruxelles et la Méditerranée, entre l'Atlantique et Fribourg, nous sommes tous Latins et locuteurs d'une langue latine. C'est plutôt dans le pays des Ottoniens qu'il faudrait chercher les vrais héritiers de Karl der Grosse, non?
D'où l'incroyable contre-sens du père Romanidhis voyant dans la Révolution française de 1789 une revanche du Tiers-Etat constitué de Gallo-Romains contre l'aristocratie constituée de Francs. Il ne se rendait pas compte que cette thèse avait en fait été developpée dans les années 1750 par le marquis de Boulainvilliers, inventant le mythe d'une origine franque de la noblesse, pour détruire le pouvoir royal et défendre les prétentions des nobles, contre une monarchie qui avait été systématiquement hostile à l'aristocratie. Et hostile à la Papauté - j'y viendrai.
Les entreprises des Croisés contre Constantinople en 1204 ont été le fait de seigneurs féodaux, la monarchie se désintéressant totalement de cette affaire. Et on oublie un peu facilement l'aide apportée par Charles VI à Manuel Paléologue pour débloquer Constantinople encerclée par les Turcs.

La lutte des rois de France et des papes a été bien plus sérieuse que la lutte des empereurs germaniques et des papes.
Cela peut paraître exagéré, mais il faut comprendre que nous avons tendance à sous-estimer le rôle du royaume de France parce que notre regard est biaisé par l'effondrement démographique que ce pays a connu à partir de la Révolution française et surtout du Code Napoléon (dans les frontières actuelles, 28 millions d'habitants en 1789 et 41 millions en 1914; dans le même temps, la Grande-Bretagne passait de 7 à 40 millions et trouvait le moyen de peupler l'Amérique du Nord, l'Australie et la Nouvelle-Zélande - c'est pourtant un Français, Bodin, qui avait écrit "Il n'est de richesses que d'hommes"). Mais les démographes actuels estiment que le royaume sur lequel régnait Philippe IV le Bel - le Roi de Fer, le pire ennemi que la Papauté ait sans doute jamais eu parmi les têtes couronnées- représentait à l'époque 5% de la population mondiale - le cinquième de la population de toute l'Europe. Cette puissance s'est révélée pendant sept siècles un obstacle sur lequel ont échoué beaucoup d'entreprises pontificales.

Je n'ai pas le temps de faire ici l'historique de cette lutte, de la fureur des papes devant la croyance que les rois capétiens étaient des 'évêques de l'extérieur), de l'attentat d'Agnani où le chancelier du Roi de Fer, Guillaume de Nogaret, souffleta un Boniface VIII qui avait prétendu avoir la souveraineté universelle, de l'excommunication de Louis XIV (et Dieu sait s'il est difficile à un Genevois de comprendre le persécuteur des calvinistes de son royaume!), et des diverses autres péripéties par lesquelles les rois de France parvinrent à maintenir le gallicanisme. Tous ces faits sont connus. Mais, ce qui est moins connu, c'est que les Français, et tous les francophones avec eux, continuent à payer le prix de la frousse qu'a inspiré à la Papauté le comportement de sa prétendue "fille aînée".

Il faut quand même garder à l'esprit que la francophobie présente dans tant de pays d'Europe n'a pas seulement pour source les souvenirs des destructions causées par les armées napoléoniennes. De même que, dans un Occident devenu massivement athée, la malveillance systématique des media à l'égard de la Grèce, de la Serbie et de la Roumanie s'explique en grande partie par les traces laissées dans le subconscient par mille ans d'enseignement du mépris de la part des papistes, si vous grattez un peu sous les causes apparentes de ce sentiment francophobe si fort en Espagne, en Autriche, en Pologne et dans bien d'autres pays (et devenu franchement comique quand on voit le rapport des forces actuel), vous y trouverez la haine que les ultramontains ont portée pendant des siècles au pays qui avait eu le front de faire gifler le plus prépotent de tous les papes...

"Il n'y a de remède que dans la guerre sainte contre les Français, ces ministres de l'enfer, les ennemis les plus implacables de Dieu et des hommes, les ennemis de tout bien, les apôtres de tout mal..." (Mgr Rafael Menéndez de Luarca, évêque de Santander à l'époque des Lumières.)

Vous croyez que ce genre de discours, répété pendant des siècles, ne laisse pas de traces?

Cette Eglise gallicane n'était plus orthodoxe; elle était même franchement hérétique, puisque croyant au filioque, au purgatoire, aux indulgences, etc. Mais elle représentait en même temps un conservatoire, et, dans une certaine mesure, le souvenir que quelque chose d'autre avait existé. Il suffit de voir ce qui s'est passé après la disparition de cette Eglise.

Le grand politologue ultramontain Anatole Leroy-Beaulieu (1842-1912), au détour d'une page de son livre L'Empire des tsars et les Russes, partie III, livre I, chapitre VII (page 1046 de l'édition de 1991 dans la collection Bouquins), a bien montré que le gallicanisme ne pouvait survivre à la chute de la monarchie: le bas-clergé, qui avait trouvé dans le roi un protecteur contre la tyrannie des évêques, alla chercher cette protection auprès du pape, préférant un suzerain omnipotent, mais lointain, à un maître moins puissant, mais trop proche...

Mais il est évident que cette évolution n'a pas été naturelle. Ce n'est pas "les dernières marches du trône" et la décapitation de Louis XVI qui ont entraîné ispo facto la chute du gallicanisme. Il a fallu le Concordat de 1801, la combine entre le Premier consul Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII, contraignant à la démission tous les évêques de France, les évêques légitimes réfractaires à la constitution civile du clergé comme les évêques dits constitutionnels, afin de recréer de toutes pièces un épiscopat qui n'a plus aucun lien de succession historique (pour ne même pas parler d'une succession apostolique perdue depuis longtemps) avec leurs prédécesseurs.

L'organisation religieuse qui se fait aujourd'hui appeler Eglise catholique en France n'a aucun lien avec l'organisation religieuse que l'on connaissait dans ce pays sous le nom de Eglise catholique apostolique romaine avant 1789. Les seuls héritiers de cette dernière organisation sont les fidèles de la Petite Eglise, qui, malgré leur disparition sans cesse annoncée depuis un siècle, s'obstinent à ne pas mourir et maintiennent leur témoignage à Lyon, dans les Deux-Sèvres, en Vendée et dans le Charolais. Le catholicisme français aussi a ses Vieux-Croyants ou ses vieux-calendaristes...

Le gallicanisme, mort avec la puissance française, a eu une dernière résurgence sous le dernier chef d'Etat à avoir donné l'illusion qu'il pourrait restaurer cette puissance: Napoléon III. Après lui, ce fut la fin. Qui se souvient des persécutions que la IIIème République première manière, celle du maréchal-président Patrice de Mac-Mahon et du président du Conseil Albert, duc de Broglie, mena contre les derniers gallicans? De l'abbé gallican Junqua (1821-1899) qui passa au total deux ans et demi en prison, entre 1872 et 1877, dont six mois pour avoir porté la soutane malgré l'interdiction du cardinal ultramontain Donnet, archevêque de Bordeaux? Comment le gallicanisme, terriblement affaibli depuis 1789, privé d'évêques, privé de publications, privé de sa cohérence interne, aurait-il pu encore résister au bras séculier s'abattant sur lui au nom du papisme le plus strict?

Nous ne devrions pourtant pas oublier l'exemple de l'archiprêtre Wladimir Guettée (1816-1892), qui sut tirer la conséquence logique de ses convictions gallicanes, et rejoignit en 1861 l'Eglise orthodoxe voulue et fondée par le Christ, réalisant finalement le rêve de retour à la source qui avait été celui de tant de gallicans.
Prions Dieu que le petit reste fidèle de la Petite Eglise anticoncordataire sorte enfin de son isolement et suive la voie tracée par le père Guettée, la seule voie possible pour des gallicans conséquents...


Maintenant, venons-en, pour répondre à la question de Jean-Louis Palierne, à la version espagnole du gallicanisme. Il s'agit du régalisme. Je ne sais pas s'il est d'importation française ou s'il s'agit d'une tendance profonde qui a trouvé au XVIIIème siècles les circonstances nécessaires à son épanouissement, mais nous le voyons triompher lorsque Philippe V, petit-fils de Louis XIV, devient roi d'Espagne. Il va jusqu'à rompre les relations diplomatiques avec le Saint-Siège, mais finira par capituler sous l'influence de son épouse Elisabeth Farnèse et par livrer son ministre Macanaz, "plus régaliste que le roi", à la procédure inquisitoriale. En revanche, son fils, Ferdinand VI, obtient en 1753 un concordat qui reconnaît au roi d'Espagne le droit de patronage, revendiqué inlassablement depuis l'époque des Rois Catholiques à la fin du XVème siècle. On notera aussi que les rois d'Espagne de cette époque prennent part à la lutte commune de tous les Bourbons contre le jésuitisme: la Compagnie de Jésus (bras armé du papisme le plus ultramontain, avec le fameux voeu spécial d'obéissance au pape) est expulsée d'Espagne sous Charles III, par la Pragmatique du 2 avril 1767. Enfin, à partir de 1798, plusieurs gouvernements mènent une politique dite de desamortización, pour confisquer et mettre en vente les biens de mainmorte appartenant à l'Eglise, ce qui n'est achevé qu'en 1860. Connaissant peu l'histoire espagnole, je ne sais pas si ces résistances de l'Etat contre le pouvoir religieux et financier de la Papauté s'inscrivent dans la continuité d'un équivalent espagnol du gallicanisme. Je note seulement que, même dans une Espagne considérée à tort ou à raison comme le bastion du catholicisme romain, la montée de l'ultramontanisme s'est heurtée à de fortes résistances de la part de l'Etat.
Antoine
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Message par Antoine »

Tout d’abord un élément bibliographique concernant les canons :
Il existe en français le livre de Vlassios I.Phidas : Droit canon une perspective orthodoxe, publié par le centre othodoxe du patriarcat œcuménique Chambesy, genève 1998. P 85 Vlassos I. Phidas écrit ceci:

IV. PRINCIPES DE RENOUVEAU DE LA TRADITION CANONIQUE

1. Principes d’interprétation des canons

Les saints canons constituent des sources fondamentales du droit canon, car ils fournissent le témoignage le plus authentique à la fois sur les questions ecclésiastiques posées à diverses époques et sur la manière dont l’’Eglise y a fait face. Cependant, pour évaluer les canons en tant que sources du droit canon, il importe d’adopter une attitude objective sur la nature divino-humaine de l’Eglise, sur le caractère spirituel spécifique des canons et sur leur but historique précis. Autrement dit, il faut discerner, d’une part, leurs présupposés et leur fond historiques, d’autre part, la conscience de l’ ‘Eglise que les canons sont censés manifester lorsqu’il s’agit d’affronter les problèmes qui surgissent en raison d’une compréhension erronée du contenu de la révélation en Christ. Cette distinction est très difficile à opérer, car les canons expriment la conscience de l’Eglise en fonction historique et morphologique du problème auquel l’Eglise est confrontée et des conditions chaque fois en vigueur. Il est évident que ce n’est que moyennant une étude historico-canonique objective, basée sur la méthode historico-génétique, que l’on puisse discerner le fond historique des canons de la conscience de l’Eglise manifestée par eux. Pour parvenir à ce but, il faut procéder à une évaluation des canons, spécifique par rapport aux autres sources de l’histoire de l’Eglise et tenir compte de certains présupposés ecclésiologiques fondamentaux, sans lesquels il serait impossible d’interpréter correctement les canons.
Par conséquent, il est clair que toute la tradition canonique de l’Eglise doit être évaluée par une interprétation correcte de chaque groupe précis de canons, édictés par les Conciles oecuméniques ou locaux, ou découlant de l’autorité des Pères éminents de l’Eglise. Cependant, une interprétation correcte suppose l‘inférence de chaque canon ou de chaque groupe de canons similaires à la plénitude de l’expérience sacramentelle, pastorale et spirituelle de l’Eglise à laquelle se rapporte le contenu entier de la tradition canonique. Sans cet effort d’interprétation anticipé, les contradictions en apparence des canons se multiplient suivant les motivations ou les critères subjectifs, chaque fois adoptés par les canonistes, alors que la prétendue désuétude de certains canons sera au cours du temps de plus en plus affirmée. En effet, souvent la lettre des canons est considérée supérieure à l' ‘esprit et chaque canon est évalué séparément de la tradition canonique tout entière, à savoir indépendamment du contenu de la révélation en Christ et de la substance du mystère de l’Eglise. Il semble donc évident que l’herméneutique des canons ne doit pas perdre de vue certains principes d’interprétation ecclésiologiques et historico-canoniques spécifiques, sans lesquels l’interprétation des canons, ne fût-ce que de canons isolés, risque de s’avérer une évaluation partiale ou même erronée de leur esprit ou de leur volonté:

Puis l’auteur développe en 9 points la méthode à suivre.
(ce qui est en gras l'est par Ndl)

Jean-Louis,

En relisant tout le fil de cette discussion j’ai bien compris que ne devaient être considérés comme « hérétiques » que ceux qui avaient modifié, altéré, bref changé d’un iota la formule trinitaire baptismale. Dans tous les autres cas on doit parler de « schismatiques ».

Vous vous êtes également dans votre argumentation servi de l’icône du baptème du Christ.
Alors j’ouvre une digression et reviendrai après à notre sujet :
Concernant l’immersion de la moitié du corps, j’ai de grands doutes :
J’ouvre par exemple le livre de L.Ouspensky et V.Lossky "le sens des icônes" paru au cerf en 2003, à l’icône de la théophanie, et je vois avec le commentaire que « pour sanctifier les eaux pour notre purification et notre rénovation, celui qui prend sur lui les péchés du monde « se recouvre par les eaux du Jourdan » dit un chant de la fête. L’icône traduit cela dans son langage symbolique en montrant le sauveur debout devant une porte de haute paroi formée par les eaux, comme devant l’entrée d’une grotte. On comprend ainsi que ce n’est pas une partie du corps seulement, mais le corps tout entier qui est immergé – image de la sépulture, puisque le baptème signifie la mort du Seigneur. (col 2,12 : Par le baptème nous sommes enterrés avec le Seigneur )».

Je vois mal qu’on n'enterre qu’à moitié…

<<Et la main droite du sauveur bénit les eaux du Jourdan les sanctifiant par son immersion. Dorénavant elles ne seront plus l’image de la mort mais celle de la naissance à une vie nouvelle.>>Plus loin les auteurs nous expliquent que dans les catacombes, lorsqu’on représente le baptème, le baptisé est représenté enfant car aux premiers siècles du christianisme, l’âge d’un homme était souvent compté à partir non de sa naissance naturelle mais de sa naissance dans la grâce du baptème.
Ceci me laisse penser qu’on baptisait aussi souvent que possible par immersion totale et bien des textes catéchetiques des pères nous l’indiquent.
Mais je retiens de cette similitude que vous faites avec l’icône qu’effectivement le baptème est bien une théophanie trinitaire qui se renouvelle à chaque baptème et je veux bien admettre que cette théophanie se réalise effectivement dans le simple énoncé purement formel de la formule employée.
Mais je me rappelle aussi que si la puissance du nom est effective dans l'evangile les apôtres se sont trouvés aussi dans l'incapacité de chasser certain démon et le Christ leur a explique que cette sorte ne se chassait que par le jeûne et la prière perpétuelle.

Ainsi votre message du Dim 11 Avr 2004 20:52 nous dit :
Il faut veiller à n’utiliser qu’avec précaution le terme “d’hérésie” et à le réserver, comme le font les saints canons, à ce qui touche à la foi elle-même en Dieu: tri-hypostatique et consubstantiel[…] Quiconque donc baptise au nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit en vue de la rémission des péchés et de la vie éternelle, ne peut être considéré comme hérétique au sens propre et rigoureux de ce mot. Ne peuvent être considérés comme hérétiques que ceux qui ont altéré la formule baptismale que nous ont transmise nos Pères dans la foi
Les autres, ceux qui n’ont pas altéré cette formule trinitaire baptismale, ne sont que schismatiques. Et « ne peuvent transmettre le Mystère du Baptême de l’unique Église (même s’ils font semblant de le faire). » poursuivez vous.
Puis vous écrivez que les clercs schismatiques
« peuvent donc transmettre, un Baptême minimal, c’est-à-dire sans les exorcismes préliminaires et sans le Sceau du don du saint Esprit (Chrismation), qui ne peut être conféré que dans l’Église, et par l’évêque ou un prêtre utilisant le Chrême consacré à ce effet. Mais les schismatiques peuvent être réadmis dans l’Église, et ceux qu’ils ont baptisés doivent alors recevoir la Chrismation.
Cela m’amène alors à penser que la théophanie trinitaire du baptème ne se réaliserait pas qu’au moment de l’immersion seule prise isolément mais qu’il faut nécessairement qu’elle soit accompagnée de la chrismation et de la communion, ces trois sacrements n’en faisant qu’un seul. On voit bien d'ailleurs que les latins qui ont séparé ces trois données d’un seul et même mystère ont fini non seulement par supprimer l’épiclèse, mais par ne donner la communion que sous une seul espèce. Ceci me laisse alors revenir sur ce formalisme de la formule baptismale qui ne serait pas suffisant en soi parce qu’elle n’est pas accompagnée de la Chrismation et de la communion qui, elles, à coup sûr ne peuvent être données que dans l'Eglise. Même si l’Eglise n'a pas mis en place immédiatement cette unicité du mystère baptismal en trois mystères immersion-chrismation-communion, il n’empêche que cela lui a été révélé à sa conscience par l’Esprit et qu’elle le met en application depuis longtemps. Et cette notion même de « baptème minimal » a sans doute évolué et nous devons en tenir compte dans l’étude de nos canons faut de les isoler dans un arbitraire formaliste dépouillé de sens.

Vous dïtes :
Le cas de l’Église catholique est fort embarrassant, parce que d’une part ce groupe a inséré dans le Symbole de la foi un mot, le Filioque, qui met gravement en cause sa foi trinitaire […] et d’autre part ce même groupe a réussi à conserver la formule traditionnelle du Baptême […] et au moins formellement la continuité épiscopale (jusqu’à ce que ce même concile Vatican II modifie la formule de consécration épiscopale). Par contre il avait supprimé l’épiclèse de l’anaphore.
Vous concevez donc bien cet embarras mais vous avez choisi de respecter une observance acribique des canons.
Vous écrivez le Mar 20 Avr 2004 12:29
Cependant la gravité des falsifications catholiques romaines sur la foi trinitaire doit conduire l’Église orthodoxe à re-baptiser les catholiques qui demandent à entrer (en réalité à retourner) dans l’Orthodoxie, et en particulier l’adjonction frauduleuse du Filioque (par contre l’Immaculée Conception ou l’infaillibilité pontificale n’ont pas été ajoutées au “Credo”). Nous ne pouvons donc accepter la définition erronée que les langues occidentales donnent des mots “hérésie” et “schisme”. Ce n’est pas conforme à une observance acribique des canons que nous sommes tenus de garder.
L’observance acribique des canons ne me semble pas résider dans une observance formaliste de la lettre. On peut observer acribiquement un canon en le suivant dans l’esprit dans lequel il a été écrit à un moment donné de l’histoire et en adoptant sous la conduite de l’Esprit son formalisme au besoin du moment.
Ainsi vous écrivez plus loin :
Le critère décisif qui sépare l’hérésie du schisme réside donc dans la foi en Dieu elle-même, telle qu’elle est exprimée dans la règle de foi, c’est-à-dire la formule trinitaire du Baptême (dont le “Symbole de la foi” est le développement)
Il s’agit bien de la foi dans son expression et non pas d’une expression qui ne renvoie à aucune foi.Par exemple si j’utilise la formule baptismale trinitaire mais que, derrière le Père je mets le grand canard Mokoboutou, derrière le Fils son cheval ailé qui porte sa parole, et dans l’Esprit la crinière qui vole au grand vent sidéral qui régit les éléments cosmiques, (je caricature exprès) je doute que l’expression soit l’expression de quoi que ce soit , fût elle canoniquement correct dans la formulation.
Vous dîtes :
l’Église doit respecter la forme sacrée de ce geste accompli sans valeur par les hérétiques(je souliogne), et lui conférer la validité dont il était dépourvu, par l’onction du saint Chrême faite sur le schismatique lorsqu’il est reçu dans l’unique Église, car la Grâce que confèrent les saints Mystères, et celui-ci parmi d’autres, n’est pas une énergie unifonctionnelle. La Chrismation est alors l’activation d’un Baptême ineffectif.
Je ne suis pas convaincu. Cela repose sur cette interprétation formaliste et non pas acribique de canons et d’autre part je crains fort que nous ne tombions dans les arguties scolastiques entre forme et contenu. Vous même dans cette phrase vous avez employé le terme « hérétiques » (que j’ai souligné) alors qu’en suivant votre définition vous auriez dû employé le terme de schismatique. Ce qui montre effectivement bien l’embarras et un canon n’est pas fait pour embarrasser mais pour clarifier à la foi une conduite et une pensée.
Et votre axiome
:« La transmission, fût-elle formelle, de la formule trinitaire baptismale doit être considérée comme suffisante pour que nous considérions les catholiques comme "schismatiques". »

ne me semble pas justifié car il ne s’appuierait que sur le pari de l’abnégation de soi–même et de sa propre foi et de la foi de l'Eglise au profit d’une Tradition figée sur elle même dans une expression scellée à un moment déterminé.
Le Père Sophrony écrit dans son livre "Starets Silouane, moine du Mont-Athos", aux éditions Présence.
<< En tant que présence éternelle et immuable du Saint Esprit dans l'Eglise, la Tradition est le fondement le plus profond de son existence. Aussi la Tradition embrasse-t-elle toute la vie de l'Eglise à tel point que la sainte Ecriture elle-même ne se présente que comme l'une de ses expressions.
Il s'ensuit que si l'Eglise était privée de sa Tradition, elle cesserait d'être ce qu'elle est, car le ministère du Nouveau Testament est un ministère de l'Esprit, il s'accomplit « non pas avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non pas sur des tables de pierre, mais sur les tables de chair du coeur» (II Cor. 3:3-6)
A supposer que, pour une raison ou pour une autre, l'Eglise se trouvât privée de tous ses livres: l'Ancien et le nouveau Testament, des oeuvres des saints Pères, des livres liturgiques, alors la Tradition reconstituerait l'Ecriture, non point textuellement, sans doute, et dans un autre langage. Mais par son contenu essentiel, cette nouvelle Ecriture continuerait d'être l'expression de la même «foi qui a été confiée aux saints une fois pour toutes » (Jude 1:3), et la manifestation de ce même et unique Esprit qui agit immuablement dans l'Eglise.

Il s’agit donc bien de savoir si nous sommes attachés à l’encre des canons ou à leur Ancre qui est l’esprit du Dieu Vivant.

Quand vous dites (le Mar 20 Avr 2004 12:29 )
Cependant la gravité des falsifications catholiques romaines sur la foi trinitaire doit conduire l’Église orthodoxe à re-baptiser les catholiques qui demandent à entrer (en réalité à retourner) dans l’Orthodoxie, et en particulier l’adjonction frauduleuse du Filioque Nous ne pouvons donc accepter la définition erronée que les langues occidentales donnent des mots “hérésie” et “schisme”. Ce n’est pas conforme à une observance acribique des canons que nous sommes tenus de garder.
Vous revenez effectivement à une notion, une définition de "schisme" et d’"hérésie" fixée à un certain moment par les schismes et les hérésies de l’époque et qui peut très bien évoluer canoniquement par une définition réactualisée dans la Tradition à notre époque moderne.

Je ne dis pas que vous avez tort, je ne fais que m’interroger en priant que l’Esprit Saint guide l’Eglise et nos évêques qui en ont la charge. Mais comme vous l’avez déjà dit , ceux-ci ne prêchant pas l’orthodoxie, rien que l’orthodoxie, toute l’orthodoxie, le fidèle que je suis reste bien démuni.
Merci donc d’avoir clarifier toute ces choses même si le choix reste maintenant à mon entier libre arbitre.

Ps le Dim 11 Avr 2004 20:54 vous avez écrit
Avec le Filioque, nous avons affaire à une tentative de revanche et de domination de la structure sur l’hypostase.
Outre que la concision de votre formulation me semble excellemment lapidaire, est-ce dans cette domination que vous voyez la naissance du modernisme ? Dans ce cas vous n’auriez plus besoin de me plaindre…
Dernière modification par Antoine le jeu. 22 avr. 2004 10:01, modifié 1 fois.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

JLP: Il faudra parler un jour de la position de l’Église de Grèce. C’est vrai, on n’en a pas parlé. Sans vouloir m’attarder pour le moment, je dirais qu’elle représente l’excès symétriqye de celle de l’Église russe. Mais je voudrais plutôt répondre aux points d’histoire. Tout d’abord je voudrais avouer que je ne connais rien à l’histoire. Ce n’est pas une position de principe, je suis au contraire profondément convaincu que le christianisme est une religion historique beaucoup plus qu’un religion théorique. Mais mon profil personnel, ma formation, mes rencontres, mon itinéraire perso, etc, etc, font que je n’ai jamais eu l’occasion de m’en occuper.

Cela dit, le crois que l’histoire de l’Église en Occident est très instructive, mais qu’elle ne doit pas nous conduire à une nouvelle forme d’ethnicisme. Ce n’est pas parce que les Balto-Valaques ont au moins XIVème siècle cruellement opprimé le monde hiberno-austro-malankar qous la couverture de l’idéologie freudo-cartéso-sartrienne que les descendants contemporains du vaillant peuple liguro-somalien doivent proclamer leur attachement indéfectible aux valeurs et aux institutions du personnalisme situationnel, malgré les persécutions de l’appareil pyramidal des tourano-cantabres ;-)

Je veux dire que les déterminismes ethniques n’expliquent qu’une petite partie de l’histoire des civilisations, et que les religions ne s’identifient pas aux cultures, les cultures ne s’identifient aux empires, etque les grands empires ont toujours été pluri-ethniques. À quel peuple rattacherons-nous la sainteté et le magistère spirituel d’Irénée de Lyon (probablement Smyrniote hellénophone), d’Ossius de Cordoue (qui portait un nom grec), de Jean Chrysostome (Antiochien, mais pas sémite), de Basile (dont le peuple devait être en partie d’origine celtique), de Maxime le Confesseur (qui pourrait être issu des Samaritains) etc, etc, etc. Nous avons assez souffert de l’ethno-phylétisme dans l’Orthodoxie occidentale, n’en rajoutons pas !

CL: Pour moi, il est clair que l'histoire de l'Eglise dominante en France (même s'il est clair qu'elle ne représente plus maintenant qu'une faible minorité de la population, bien qu'ayant gardé les bâtiments) se divise en cinq périodes:
1. Jusqu'en l'an 794, une appartenance incontestable à l'Eglise orthodoxe, les germes des hérésies futures ne circulant que dans des petits cénacles d'augustiniens;
2. De 794 à 1054, une guerre civile à l'intérieur de sa théologie, sa foi orthodoxe étant progressivement démolie par la rencontre de l'idéologie de la secte augustinienne et des ambitions impériales de Charlemagne;
3. De 1054 à 1801, la période gallicane (même si le point de départ officiel est la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438, le gallicanisme a des manifestations dès le XIème siècle dans l'opposition farouche que Grégoire VII rencontra en France);
4. De 1801 à 1965, l'apparition d'une nouvelle hiérarchie totalement fonctionnarisée, l'ultramontanisme sans racines, la consécration de nouvelles hérésies dont certaines avaient été combattues même par un Thomas d'Aquin
[JLP: Je veux bien, mais lesquelles ?], et le triomphe de fausses dévotions déséquilibrées et inquiétantes;
5. Depuis 1965, le renforcement de l'ultramontanisme et de la monarchie papale, qui s'accompagne d'une protestantisation généralisée de la liturgie et de la spiritualité ("arianisme ecclésiologique", écrivait Olivier Clément voici une vingtaine d'années).

JLP: Tout à fait d’accord. Il faut je crois ajouter que la victoire de l’ultra-montanisme a été elle-même très difficile à obtenir, mais que les dirigeants acquis à l’ultra-montanisme ont constamment joué contre les descendants des gallicans quelifiés de “conservateurs” ou “traditionnalistes” la carte « Il faut aller vers l’avenir, c'est-à-dire vers le peuple. Vous (les “conservateurs”) ne comprenez pas la situation réelle des petites gens. »

D'où une successions de vagues toujours renouvelées : des “catholiques libéraux”, des “catholiques sociaux”, des sœurs de st Vincent de Paule, des patronages, des clubs sportifs, l’Action catholique, la JOC, les paroisses missionnaires (qui se souvient de livres comme France, pays de mission ? ou des Lettres pastorales du cardinal Suhard, qui par ailleurs avait des compromissions à se faire pardonner, Il y a eu aussi la Mission de France, les prêtres-ouvriers, l’ACO (qui avait réussi à faire nommer Mgr Marty à Paris grâce au gal De Gaulle, etc, etc. Chaque nouvelle vague évoquait le souvenir de la précédente avec un sourire apitoyé : « Ils n’avaient rien compris… » Qui fera l’histoire de toute cette mouvance ?

Les derniers néo-cathos ont collaboré à l’édification du “politiquement correct”, y apportant une grande compétence économico-sociale (par ex. le journal “Le Monde”), mais sans pouvoir y jouer aucun rôle politiquement directeur. Tous les responsables idéologiques et médiatiques du “politiquement correct” sont issus d’autres tendances et d’autres groupes culturels et philosophiques (C’est un euphémisme rédigé en termes volontairement prudents). Cependant ce sont les néo-cathos vieillis qui leur ont apporté une partie importante de leur base. Maintenant les revues néo-cathos n'ont plus de public.

CL: Il est évident pour tout observateur objectif que la monarchie française a joué un rôle important pour empêcher que l'Occident ne bascule dans l'ultramontanisme au Moyen Âge.
Et c'est là que j'ai été terriblement déçu par la lecture de l'Histoire que fait le père Romanidhis.

[JLP: Je passe un important passage]

CL: ...Il ne se rendait pas compte que cette thèse avait en fait été developpée dans les années 1750 par le marquis de Boulainvilliers, inventant le mythe d'une origine franque de la noblesse, pour détruire le pouvoir royal et défendre les prétentions des nobles, contre une monarchie qui avait été systématiquement hostile à l'aristocratie. Et hostile à la Papauté - j'y viendrai.

Les entreprises des Croisés contre Constantinople en 1204 ont été le fait de seigneurs féodaux, la monarchie se désintéressant totalement de cette affaire. Et on oublie un peu facilement l'aide apportée par Charles VI à Manuel Paléologue pour débloquer Constantinople encerclée par les Turcs.

JLP: ?????? Je demande des précisions. Je n’en avais jamais entendu parler.

Êtes-vous au courant du peu qu’on sait des martyrs nouvellement révélés de Lesbos ? Saint Raphaël était un hiéromoine des toutes dernières années de Byzance qui avait été envoyé en ambassade en Occident pour y demander des secours. De passage à Morlaix (probablement pour aller à Londres) il avait rencontré un jeune émigré grec (déjà !) qui s’était attaché à lui. Ils ont été martyrisés à la fin du XVème siécle à Lesbos.

[…]

CL: Vous croyez que ce genre de discours, répété pendant des siècles, ne laisse pas de traces?

JLP: Il est certain que le Vatican en a gardé plus que le souvenir. L’attitude très équivoque du Vatican dans les conflits du XXème siècle est très nette.

CL: Cette Eglise gallicane n'était plus orthodoxe; elle était même franchement hérétique, puisque croyant au filioque, au purgatoire, aux indulgences, etc. Mais elle représentait en même temps un conservatoire, et, dans une certaine mesure, le souvenir que quelque chose d'autre avait existé. Il suffit de voir ce qui s'est passé après la disparition de cette Eglise.

Le grand politologue ultramontain Anatole Leroy-Beaulieu (1842-1912), au détour d'une page de son livre L'Empire des tsars et les Russes, partie III, livre I, chapitre VII (page 1046 de l'édition de 1991 dans la collection Bouquins), a bien montré que le gallicanisme ne pouvait survivre à la chute de la monarchie: le bas-clergé, qui avait trouvé dans le roi un protecteur contre la tyrannie des évêques, alla chercher cette protection auprès du pape, préférant un suzerain omnipotent, mais lointain, à un maître moins puissant, mais trop proche...

JLP: Oui, mais le clergé des diocèses français a vite appris également à se méfier des diverses “congrégations” de dimension internationale (les jésuites ne sont que l’une d’elles), et à préférer à leurs “spiritualités” d’activistes la vieille école de spiritualité (?) française (p. ex. st François de Sales). Cette attitude était encore très présente avant Vatican II, et même dominante dans un bon nombre de diocèses.

CL: Mais il est évident que cette évolution n'a pas été naturelle. Ce n'est pas "les dernières marches du trône" [JLP: ????] et la décapitation de Louis XVI qui ont entraîné ispo facto la chute du gallicanisme. Il a fallu le Concordat de 1801, la combine entre le Premier consul Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII, contraignant à la démission tous les évêques de France, les évêques légitimes réfractaires à la constitution civile du clergé comme les évêques dits constitutionnels, afin de recréer de toutes pièces un épiscopat qui n'a plus aucun lien de succession historique (pour ne même pas parler d'une succession apostolique perdue depuis longtemps) avec leurs prédécesseurs.

L'organisation religieuse qui se fait aujourd'hui appeler Eglise catholique en France n'a aucun lien avec l'organisation religieuse que l'on connaissait dans ce pays sous le nom de Eglise catholique apostolique romaine avant 1789. Les seuls héritiers de cette dernière organisation sont les fidèles de la Petite Eglise, qui, malgré leur disparition sans cesse annoncée depuis un siècle, s'obstinent à ne pas mourir et maintiennent leur témoignage à Lyon, dans les Deux-Sèvres, en Vendée et dans le Charolais. Le catholicisme français aussi a ses Vieux-Croyants ou ses vieux-calendaristes...

JLP. : Vieux-Croyants, oui, vieux calendaristes, non. Je me permets de signaler qu’une partie de mes origines familiales remontent probablement à des fidèles de la “Petite Église”.

Le gallicanisme, mort avec la puissance française, a eu une dernière résurgence sous le dernier chef d'Etat à avoir donné l'illusion qu'il pourrait restaurer cette puissance: Napoléon III. Après lui, ce fut la fin. Qui se souvient des persécutions que la IIIème République première manière, celle du maréchal-président Patrice de Mac-Mahon et du président du Conseil Albert, duc de Broglie, mena contre les derniers gallicans? De l'abbé gallican Junqua (1821-1899) qui passa au total deux ans et demi en prison, entre 1872 et 1877, dont six mois pour avoir porté la soutane malgré l'interdiction du cardinal ultramontain Donnet, archevêque de Bordeaux? Comment le gallicanisme, terriblement affaibli depuis 1789, privé d'évêques, privé de publications, privé de sa cohérence interne, aurait-il pu encore résister au bras séculier s'abattant sur lui au nom du papisme le plus strict?

JLP: J’espère qu’un jour vous nous sortirez un gros bouquin pour nous raconter tout cela. Mais si le gallicanisme organisé avait disparu, je puis vous assurer qu’un sentiment d’appartenance à un vieux passé n’a disparu que beaucoup plus tard. En fait le néo-catholicisme, essentiellement recruté dans la bourgeoisie industrielle et commerciale, et orienté vers l’interventionnisme social et la culpabilisation (gauchiste) à l’égard des pauvres, dès qu’il a écrasé son vieil adversaire gallican (qualifié de traditionnaliste) est retombé comme un soufflé , impuissant à prendre une quelconque responsabilité publique. Le néo-catholicisme, dans toutes ses nombreuses variétés, a toujours considéré que toute recherche spirituelle qui ne chercherait pas aller vers les petits, les pauvres, les plus défavorisés, serait inauthentique. Pas question de porter le moindre intérêt à la Tradition des Pères, aux questions canoniques ou juridiques etc… La seule exception je crois a été l'apparition des communautés “charismatiques” qui elles au moins ne se laissaient pas épuiser dans “l'engagement dans les luttes de nos contemporains”.

CL: Nous ne devrions pourtant pas oublier l'exemple de l'archiprêtre Wladimir Guettée (1816-1892), qui sut tirer la conséquence logique de ses convictions gallicanes, et rejoignit en 1861 l'Eglise orthodoxe voulue et fondée par le Christ, réalisant finalement le rêve de retour à la source qui avait été celui de tant de gallicans.
Prions Dieu que le petit reste fidèle de la Petite Eglise anticoncordataire sorte enfin de son isolement et suive la voie tracée par le père Guettée, la seule voie possible pour des gallicans conséquents...

JLP: Merci aussi pour les précisions espagnoles. Je suis incapable d’avoir une idée personnelle.

Je vais maintenant essayer de répondre à Antoine.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

XB!

Claude juste une remarque à votre analyse:
vous écrivez
:[...]afin de recréer de toutes pièces un épiscopat qui n'a plus aucun lien de succession historique (pour ne même pas parler d'une succession apostolique perdue depuis longtemps) avec leurs prédécesseurs.

L'organisation religieuse qui se fait aujourd'hui appeler Eglise catholique en France n'a aucun lien avec l'organisation religieuse que l'on connaissait dans ce pays sous le nom de Eglise catholique apostolique romaine avant 1789.
Attention à une lecture trop orthodoxe de cette succession apostolique. Chez les latins elle est en éventail, le pape étant la visse qui tient chaque pan. Tout remonte au pape en matière de succession apostolique et si vous supprimez un bloc entier de l'éventail (l'épiscopat ) pour le remplacer par un autre, cela n'a aucune importance puisque la succession ne se fait pas d'évêques à évêques mais de pape à évêque.
Il n'empêche que vous marquez avec raison la discontinuïté entre "l'organisation religieuse" d'avant 89 et celle d'aujourd'hui. Mais cette discontinuïté n'influe pas sur la succession apostolique latine. Ce qui est regrettable c'est que pour apprécier la validité de cette apostolicité dans la succession latine, l'Eglise orthodoxe se croit obligée de le faire en respectant la règle papale interne au patriarcat de Rome, alors que si elle suivait les critères qui sont les siens, il y a longtemps qu'elle ne parlerait plus "d'Eglise" pour qualifier l'organisation religieuse des latins.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Jean-Louis Palierne a écrit : Cela dit, le crois que l’histoire de l’Église en Occident est très instructive, mais qu’elle ne doit pas nous conduire à une nouvelle forme d’ethnicisme. Ce n’est pas parce que les Balto-Valaques ont au moins XIVème siècle cruellement opprimé le monde hiberno-austro-malankar qous la couverture de l’idéologie freudo-cartéso-sartrienne que les descendants contemporains du vaillant peuple liguro-somalien doivent proclamer leur attachement indéfectible aux valeurs et aux institutions du personnalisme situationnel, malgré les persécutions de l’appareil pyramidal des tourano-cantabres ;-)

Je veux dire que les déterminismes ethniques n’expliquent qu’une petite partie de l’histoire des civilisations, et que les religions ne s’identifient pas aux cultures, les cultures ne s’identifient aux empires, etque les grands empires ont toujours été pluri-ethniques. À quel peuple rattacherons-nous la sainteté et le magistère spirituel d’Irénée de Lyon (probablement Smyrniote hellénophone), d’Ossius de Cordoue (qui portait un nom grec), de Jean Chrysostome (Antiochien, mais pas sémite), de Basile (dont le peuple devait être en partie d’origine celtique), de Maxime le Confesseur (qui pourrait être issu des Samaritains) etc, etc, etc. Nous avons assez souffert de l’ethno-phylétisme dans l’Orthodoxie occidentale, n’en rajoutons pas !

Cher Jean-Louis Palierne,

C'est vous qui avez évoqué le gallicanisme dans ce fil, à juste titre à mon avis, et je n'ai fait que compléter ce que vous aviez écrit.

Le problème de l'ethno-phylétisme à l'occidentale, c'est l'affaire de l'ECOF, pas la mienne. Je n'assiste à la liturgie en français que trois ou quatre fois par an dans un lieu qui se trouve à 250 kilomètres de chez moi. Je ne sers qu'en roumain dans une communauté roumaine. Je ne me sens donc pas concerné par les problèmes d'un éventuel phylétisme occidental.

Cela étant, il me semble totalement utopique de rêver d'une religion complètement séparée du caractère du peuple qui la porte. L'Orthodoxie est une, mais il me semble que chaque peuple la vit d'une manière qui lui est propre.
Je vous ferai ainsi remarquer que, étant Suisse, j'ai l'avantage de me trouver à la frontière de deux mondes, et je peux vous dire qu'il y a en pays francophone un début d'enracinement de l'Orthodoxie que je ne constate absolument pas en terre germanophone, cela concernant aussi bien la comparaison entre la France et l'Allemagne que la comparaison entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. Même si le développement de l'Orthodoxie est plus intéressant en France que chez nous (normal: les Romands n'ont pas eu le même héritage gallican; dès le XVIème siècle, le choix s'est fait entre la Réforme et un papisme ultramontain que la France, l'Espagne ou le Portugal n'ont eu à subir que beaucoup plus tard, et qui a laissé des traces déplorables dans les cantons catholiques).
Qu'on le veuille ou non, ça, c'est le poids de l'Histoire, et à mon avis il y a un héritage historique qui fait qu'une Orthodoxie francophone est d'ores et déjà envisageable, alors que, en revanche, il me semblerait par exemple complètement utopique d'imaginer que l'Eglise orthodoxe de Pologne puisse (à vue humaine) devenir autre chose qu'une Eglise ukrainienne et biélorusse en terre polonaise.

Désolé, mais c'est comme ça. Nous ne vivons pas dans la cité des nuées. Il y a des choses que nous pouvons espérer et des choses dont nous ne pouvons même pas rêver pour le moment.

Cela étant, je ne suis pas plus historien que vous, et n'ai nulles compétences en dehors du droit civil, d'un peu de théologie et d'un peu de comptabilité. Mais l'Histoire, nous la portons tous!
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Mille pardons, mais ce n'était pas vous qui étiez visé.
Jean-Louis Palierne
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Jean-Louis Palierne a écrit : Les entreprises des Croisés contre Constantinople en 1204 ont été le fait de seigneurs féodaux, la monarchie se désintéressant totalement de cette affaire. Et on oublie un peu facilement l'aide apportée par Charles VI à Manuel Paléologue pour débloquer Constantinople encerclée par les Turcs.

JLP: ?????? Je demande des précisions. Je n’en avais jamais entendu parler.
Le roi Charles VI, bien qu'atteint d'une grave maladie mentale, manifestait dans ses périodes de rémission une générosité étonnante. Quand l'empereur Manuel Paléologue envoya son oncle Théodore Cantacuzène solliciter des secours en Occident, le roi de France fut le seul à répondre positivement et à décider d'aider l'Empire.

La flotille envoyée par Charles VI appareilla d'Aigues-Mortes le 26 juin 1399. Cette petite expédition de 2'000 hommes d'armes commandés par le maréchal de Boucicaut (déjà l'incapacité française à organiser des expéditions outre-mer!) allait néanmoins atteindre son objectif. Arrivé à Constantinople, Boucicaut prit avec lui l'empereur Manuel et la petite armée franco-grecque s'empara de toutes les positions turques sur le Bosphore et la mer de Marmara et parvint à détruire de fond en comble la forteresse de Riwa Kalessi qui bloquait l'entrée de la Mer Noire. L'objectif était atteint, puisque le blocus était levé.

Boucicaut eut ensuite un rôle méritoire dans la réorganisation des défenses de Constantinople, mais il eut l'illusion qu'une ambassade menée par l'empereur lui-même aurait plus de succès. L'empereur des Romains et le maréchal français quittèrent la Ville le 10 décembre 1399, laissant aux côtés des Grecs une petite garnison de chevaliers et d'archers français commandés par un dénommé Chateaumorand qui portait le titre exotique de "capitaine pour le roi de France en la ville de Constantinople", mais se battit au demeurant fort bien contre les Turcs.

Tous les orthodoxes francophones connaissent la suite de cette histoire: comment l'empereur Manuel arriva à Venise en mai 1400, comment il fit un long séjour à Paris (février 1401-novembre 1402), comment le roi Charles VI lui donna la Sainte-Chapelle pour y faire célébrer la Divine Liturgie, comment les bords de la Seine virent l'empereur théologien écrire un livre en réponse à un mémoire des professeurs de la Sorbonne sur la procession du Saint-Esprit, et comment les efforts diplomatiques de Manuel n'aboutirent à rien, le roi de France étant décidément le seul intéressé à son sort.

Mais, le 20 juillet 1402, la victoire de Tamerlan sur les Turcs apporta à Constantinople un répit aussi inattendu que durable, et, le 15 juin 1403 (après avoir rendu une dernière visite à son frère d'armes Boucicaut qui était gouverneur de Gênes à ce moment-là occupée par les Français), Manuel Paléologue put rentrer dans la Ville, le coeur enfin apaisé.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Antoine, bien que cela ne concerne guère les orthodoxes, je crois que vous vous trompez en ce qui concerne la succession apostolique de l'Église latine. C'est en effet un point sur lequel elle a maintenu à peu près les usages antiques ; le pape nomme les évêques. Il s'est en effet arrogé peu à peu le droit de nomination initialement réservé aux souverains (Je crois que Claude nous en fera l'histoire). Mais ce n'est pas lui qui "fait" les évêques. Il désigne les trois évêques qui consacreront le nouvel évêque, en principe dans sa cathédrale, comme dans l'ancienne pratique synodale. Les lignées antiques de successions apostoliques subsistent donc encore aujourd'hui, et ne découlent pas de l'évêque de Rome.

En pratique c'est le nonce qui écrit de Paris pour nnoncer à un prêtre qu'il est nommé sur tel siège. Mais c'est le pape qui nomme (ou en fait la Congrégation des évêques). Dans nombre de pays la Congrégation écrit via le nonce au chef de l'État pour soumettre à son choix une liste de trois noms. On raconte qu'en fait que la Congrégation s'assure qu'un seul des trois candidats "proposés" est acceptable par le Chef de l'État. Il s'agirait donc d'un choix disons "dirigé". On cite cependant un cas où le Vatican a été joué: c'est lorsque le général De Gaulle a choisi un candidat que le Vatican avait proposé parce qu'il le jugeait invraisemblable : ce fut le cardinal Marty, tendance "ACO", que certains catholiques considéraient comme "communiste", en fait surtout "gauchiste", mais qui se revela un homme de pouvoir extrêmement efficace. Il a probablement joué un grand rôle dans la "gauchisation" de l'Église ultra-monatine en France.
Jean-Louis Palierne
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Monique
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Message par Monique »

Bonjour à tous,

En ce qui concerne tout ce fil sur hérésie et schisme, j’ai trouvé cela très docte, très érudit, j’ai appris des mots nouveaux et je mourrai donc un peu moins ignorante.

J’ai trouvé aussi beaucoup de contradiction au sein d’un même post comme si l’on disait une chose et son contraire en changeant de paragraphe.
J’ai lu les canons publiés par le hiéromoine Cassien et je les ai trouvé beaucoup plus facile à comprendre que tout ce qui a été dit dans ce fil, où j’ai même eu parfois l’impression de me retrouver dans un livre de théologie Kto.

Je me permets donc de vous faire part de ma vision personnel sur ce sujet, vous allez la trouver très, très, très simpliste, mais je la trouve plus vivifiante.

Les schismes et hérésies et autres noms qu’on leurs donne, sont des maladies dans l’Eglise et des maladies qui entraînent plus ou moins rapidement la mort spirituelle, et les canons forment une sorte de pharmacopée à l’usage des évêques et synodes. Et l’Eglise étant vivante, les maladies peuvent changer ou évoluer ; et l’Esprit-Saint agissant en synergie avec les évêques, la pharmacopée peut évoluer et être complétée.

En tant que fidèle de base, peu m’importe les modalités de retour de ces malades d’hérésies ou autres dans l’Eglise, cela concerne les évêques et le Saint-Esprit, et ces modalités peuvent différer selon les maladies, mais aussi selon les personnes et selon les périodes historiques. A mon niveau je ne peux que prier.

Par contre la maladie, hérésie ou autre nom, m’intéresse et me concerne car si je ne suis pas vigilante, je peux y tomber, et j’ai l’expérience d’y être déjà tombée. (j’ai glané dans d’autres champs), et après y être tombée j’ai vécu ce refroidissement spirituel que les Pères appellent l’insensibilité.

L’hérésie, qui est pour moi (quoiqu’en dise Jean-Louis Palierne) une altération des dogmes de la foi orthodoxe, n’est pas une affaire d’érudition et de mots savants, mais une affaire de vie et de mort spirituelle.
On peut la rencontrer partout, et en particulier en soi-même.

Quant à réduire la foi orthodoxe à une formule trinitaire qui agirait magiquement quelle que soit la foi des personnes la prononçant, j’ai passé l’âge d’Harry Potter !

Je ne suis peut-être pas politiquement correcte quand je dis que l’église Kto est hérétique, mais quand on rencontre un malade ignorant sa maladie et qu’on lui affirme qu’il va très bien et qu’il n’a pas besoin de se soigner alors qu’on connaît sa maladie, on devient responsable de sa mort. Si on l’averti et qu’il n’en fait aucun cas cela redevient son problème.

On peut aussi prendre l’image d’un voyage :
Quelqu’un voyant son ami partir en voyage vers une contrée où il sait que son ami trouvera la mort, (et en plus son ami emporte des vivres frelatés =sacrements inefficaces) et lui disant « bon voyage ton but en vaut un autre», ne serait-il pas criminel ?
Antoine
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Message par Antoine »

Antoine, bien que cela ne concerne guère les orthodoxes, je crois que vous vous trompez en ce qui concerne la succession apostolique de l'Église latine. C'est en effet un point sur lequel elle a maintenu à peu près les usages antiques ; le pape nomme les évêques. Il s'est en effet arrogé peu à peu le droit de nomination initialement réservé aux souverains (Je crois que Claude nous en fera l'histoire). Mais ce n'est pas lui qui "fait" les évêques.
Oui Jean-louis vous avez effectivement raison. Le tout est de savoir si on s'en tient uniquement à la forme ou si l'on replace l'ensemble par rapport à l'Esprit.

On peut effectivement toujours dire que dans la forme il y a une succession apostolique chez les latins et qu'elle est bien transmise d'évêque à évêque. Mais quand on étudie le cadre dans lequel cela se fait alors on comprend très vite que le cadre a priorité sur la forme et qu'ainsi la forme est complètement viciée et dépossédée de son sens originel.

Exemples:

Mais le collège ou corps épiscopal na autorité que si on I’entend comme uni au Pontife romain, successeur de Pierre, comme à son chef et sans préjudice pour le pouvoir de ce primat qui s’étend à tous, pasteurs ou fidèles. En effet, le Pontife romain a sur l’Eglise, en vertu de sa charge de vicaire du Christ et de pasteur de toute l’Eglise, un pouvoir plénier suprême et universel qu’il peut toujours exercer librement.
L’ordre des évêques qui succède au collège apostolique dans le magistère et le gouvernement pastoral, bien mieux dans lequel se perpétue le corps apostolique, constitue, lui aussi, en union avec le Pontife romain, son chef, et jamais en dehors de ce chef, le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église , pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du Pontife romain. Le Seigneur a fait du seul Simon la pierre.

C'est justement en prenant le
‘Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église’ [Mt 16, 18].
dans son formalisme le plus formel que s'est construite toute la doctrine latine du système papal. Ils ont appliqué à la lettre votre méthode de lecture, et on va voir ci-dessous comment on glisse de ce formalisme vers le pouvoir absolu. Car c'est bien ce qui a été fait au concile de Florence.



IIe Concile du Vatican (XXIe œcuménique)
4e session (14 sept- 7 déc 1965)
Décret « Christus Dominus » (28 oct 1965)

Chaque évêque auquel est confié le soin d’une Eglise particulière sous l’autorité du Souverain Pontife.[…]

Décret presbyterorum ordinis du 7 dec 1965
1ère constitution dogmatique « Pastor aeternus » 18 juillet 1870
Ch 3 :

C’est pourquoi, Nous fondant sur le témoignage évident des saintes Lettres et suivant les décrets explicitement définis de nos prédécesseurs, les Pontifes romains, comme des conciles généraux, nous renouvelons la définition du concile oecuménique de Florence, qui impose aux fidèles de croire que « le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain possèdent la primauté sur toute la terre; que ce Pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, le chef des Apôtres et le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l’Église, le père et le docteur de tous les chrétiens; qu’à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus-Christ plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner toute l’Eglise comme le disent les actes des conciles oecuméniques et les saints canons».
En conséquence, Nous enseignons et déclarons que l’Eglise romaine possède sur toutes les autres, par disposition du Seigneur, une primauté de pouvoir ordinaire, et que ce pouvoir de juridiction du Pontife romain, vraiment épiscopal, est immédiat. Les pasteurs de tout rang et de tout rite et les fidèles, chacun séparément ou tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les moeurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue dans le monde entier. Ainsi, en gardant l’unité de communion et de profession de foi avec le Pontife romain, l’Église est un seul troupeau sous un seul pasteur. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s’écarter sans danger pour sa foi et son salut.
[…]

Si donc quelqu’un dit que le Pontife romain n’a qu’une charge d’inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l’Eglise, non seulement en ce qui touche à la foi et aux moeurs, mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans le monde entier, ou qu’il n’a qu’une part plus importante et non la plénitude totale de ce pouvoir suprême; ou que son pouvoir n’est pas ordinaire ni immédiat sur toutes et chacune des églises comme sur tous et chacun des pasteurs et des fidèles, qu’il soit anathème.



Ch. 4 : Le magistère infaillible du Pontife romain

La primauté apostolique que le Pontife romain, en tant que successeur de Pierre, chef des Apôtres, possède dans l’Eglise universelle, comprend aussi le pouvoir suprême du magistère : le Saint-Siège l’a toujours tenu. l’usage perpétuel des Eglises le prouve, et les conciles oecuméniques, surtout ceux où l’Orient se rencontrait avec l’Occident dans l’union de la foi et de la charité, l’ont déclaré.
Les Pères du IVe concile de Constantinople, suivant les traces de leurs ancêtres, émirent cette solennelle profession de foi : « La condition première du salut est de garder la règle de la foi orthodoxe... On ne peut, en effet, négliger la parole de notre Seigneur Jésus-Christ qui dit : ‘Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église’ [Mt 16, 18]. Cette affirmation se vérifie dans les faits, car la religion catholique a toujours été gardée sans tache dans le Siège apostolique. Désireux de ne nous séparer en rien de sa foi et de sa doctrine.., nous espérons mériter de demeurer unis en cette communion que prêche le Siège apostolique, en qui réside, entière et vraie, la solidité de la religion chrétienne »

Avec l’approbation du IIe concile de Lyon, les Grecs ont professé
«La sainte Eglise romaine possède aussi la primauté souveraine et l’autorité entière sur l’ensemble de l’Église catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l’avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre, chef ou tête des Apôtres, dont le Pontife romain est le successeur. Et comme elle doit, par-dessus tout, défendre la vérité de la foi, ainsi les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies par son jugement

Enfin, le concile de Florence a défini : « Le Pontife romain est le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l’Église, le père et le docteur de tous les chrétiens à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus-Christ plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner toute l’Eglise »


On voit bien où ce formalisme a entraîné les latins.S'ils avaient suivi l'esprit de la citation matthéenne et celui des Pères plutôt que la lettre on n'en serait pas là aujourd'hui.

Les Pontifes romains, selon que l’exigeaient les conditions des temps et des choses, tantôt convoquèrent des conciles oecuméniques ou sondèrent l’opinion de l’Eglise répandue sur la terre, tantôt par des synodes particuliers, tantôt grâce à des moyens que leur fournissait la Providence, ont défini qu’on devait tenir œ qu’ils reconnaissaient, avec l’aide de Dieu, comme conforme aux saintes Lettres et aux traditions apostoliques.
Car le Saint Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi. Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les Pères vénérés, révérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes. Ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurait pur de toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et Sauveur au chef de ses disciples
« J’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères » [Le 22, 32].

On voit bien dans ce dernier paragraphe comment cette volonté de justifier un formalisme a tout prix à mené le Vatican à nier jusqu'à l'évidence de l'histoire. Cela est risible l'orsqu'on regarde par qui les 8 premiers conciles ont été convoqués et par qui ils ont été présidés pour s'apercevoir que la papauté n'y a joué pratiquement aucun rôle se contentant de recevoir les actes des conciles.

Alors succession apostolique? sans doute oui d'un point de vue purement formel ; et encore il faudrait aller voir précisément les textes rituels pour vérifier si, simplement sur ce plan formel, la succession y est respectée. Mais j'avoue que ça ne m'intéresse déjà plus puisque le cadre est déjà pourri de mensonges éhontés et de propagandes iniques.
En revanche si on replace cette succession apostolique en relation avec la primauté alors il me semble évident que cette succession n'a aucune autonomie et qu'elle ne prend son sens que dans cette relation. En dehors de cette relation elle n'a pas d'existence en soi. Elle n'est dont plus une succession apostolique en tant que telle. C'est ce que j'ai voulu dire avec mon image de l'éventail.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Irène-Monique

Lorgueil de l’esprit occidental, tel qu’il a été engendré par l’hérésie du Filioque, est une maladie redoutable. Elle a pollué la source même de la vie spirituelle, affectant la nature même de l’hypostase de chaque homme, corrompant le sens du Vrai et du Bien, introduisant comme un poison un esprit de culpabilisation, de servilité, de rationalisme, enfermant la liberté de la personne humaine dans les catégories du subjectivisme, du retivisme, du relationnel.

L’Église orthodoxe bénéficie de toute la Grâce promise par le Verbe à son Église. Les organisations religieuses de l’Occident en sont totalement dépourvues, même l’Église catholique qui s’acharne à maintenir des apparences de Baptême trinitaire et de succession apostolique.

Mais l’Église orthodoxe, dans le dessein d’atténuer les souffrances des âmes des fidèles égarés dans des groupes hétérodoxes et de faciliter leur retour en son sein (je cite là des canons), peut décider de recevoir certains des chrétiens qui ne sont pas dans l’unique Église orthodoxe soit par le Baptême suivi bien sûr de la Chrismation (c’est-à-dire par “la totale”), soit par la Chrismation (qui dans ce cas confère le Baptême + la Chrismation), soit même par une simple chirothésie (le toucher de la main devant le sanctuaire comme pour les Pénitents, qui dans ce cas confère le Baptême + la Chrismation).

Je découvre donc à force de commenter les décisions des Pères qu’il y a une certaine ambiguïté dans l’usage du mot “hérésie” : d’une part les Pères utilisent ce mot “hérésies” pour désigner certaines maladies spirituelles contre lesquelles ils luttent, pour le bien de toute l’Église. L’une des plus graves est certainement le Filioque qui est la cellule-mère de tout ce cancer qui ronge la civilisation occidentale.

Mais une autre acception du mot “hérésie” est celle qu’emploient les Pères et les Conciles lorsqu’ils instituent trois catégories de procédures à utiliser pour recevoir les non-orthodoxes dans l’unique Église orthodoxe : la première catégorie est celle des non-orthodoxes que l’on reçoit comme des païens par le Mystère du Baptême (suivi bien sûr de la Chrismation), ce seul et unique Baptême qu’il est interdit de réitérer ; la deuxième catégorie est celle des non-orthodoxes que l’on reçoit par le Mystère de la Chrismation, en conférant par elle à la fois le Baptême et la Chrismation ; la troisième catégorie est celle des non-prthodoxes que l’on reçoit par seulement le Mystère de la Pénitence.

Or il est également d'usahe dans l'Église de parler des “hérétiques” quand on parle de ceux que l'on choisit de recevoir par la première procédure ; on parle des "schismatiques” pour désigner ceux que l'on veut recevoir par la seconde procédure ; on utilise différents mots dans le troisième cas, disons les “dissidents”.

Il est important de remarquer que l’Église orthodoxe ne fait pas le choix de la procédure à adopter seulement en fonction de la qualité de l’hérésie du groupe auquel appartenait l’homme qui demande à être reçu dans l’Église orthodoxe. Elle a pris différentes décisions selon les époques et les lieux, en fonction non seulement des dispositions spirituelles des groupes et des individus et du profit spirituel qui peut en résulter “pour beaucoup”. C’est cela le vrai sens qu’il convient de donner au mot “économie”. Et c’est l’évêque qui possède le charisme nécessaire au discernement du traitement à appliquer.

En fait l'Église orthodoxe, dépositaire du trésor de la vraie foi, s'intéresse avant tout à diagnostiquer les erreurs qui peuvent provoquer des maladies spirituelles. Ce fut par exemple jadis le cas de l'arianisme, qu'elle a combattu parce qu'il s'attaquait aux bases mêmes de l'Évangile du salut : la nature divine du Verbe et Fils unique de Dieu. Et cependant l'Église demandait aux évêques de recevoir les ex-ariens seulement par la deuxième procédure, alors qu'elle exigeait la première pour des hérésies moins prétentieuse. Cela montre la valeur très relative que l'Église accorde aux constructions humaines que l'Esprit n'a pas inspirées, à leurs doctrines, à leurs institutions et à leurs rites.

Mais je tiens à répéter que je tiens l'Occident pour un homme malade, peut-être comme un malade peut-être sur le point de mourir, et en dernière analyse c'est l'hérésie catholique qui en est la cause.
Jean-Louis Palierne
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Antoine,

Bien entendu je n’ai pas du tout l’intention de défendre le“primat du siège romain” et sa prétendue aurorité sur ses évêques (à laquelle aujourd'hui, même chez les catholiques, peu de gend croient encore). C’est totalement bidon. La succession apostolique des évêques catholiques est purement formelle et n’a pas beaucoup d’intérêt, dès lors qu’il sont dans une Église hérétique pour cause de Filioque.

Je voudrais à ce sujet communiquer au Forum le texte de l’Encyclique de 1848 des Patriarches orientaux. Elle est très ferme et vigoureuse. On dit que le métropolite de Moscou, qui n’était autre que le mét. Philarète, y aurait en fait poussé et participé, mais qu’il ne pouvait pas s’exprimer librement et publiquement sur ce sujet, en raison de la position officielle de l’Église impériale russe à l’égard des Église d’Occident (grande amitié avec l’Église anglicane, un peu avec les luthériens, pas du tout avec les catholiques, mais on les recevait par la 3ème procédure, c’est-à-dire la Pénitence sans Chrismation). Quelqu’un peut-il me donner des informations complémentaires ?

Je voudrais communiquer cette Encyclique, mais elle est un peu trop longue (ces orientaux ne sont jamais concis...). Je crois qu’elle peut être placée sur le site, mais comment dois-je faire ?

En ce qui concerne le Baptême, l’immersion est l’idéal, et je me rappelle avoir demande qu’on construise une piscine baptismale en un lieu où à mon avis cela s’imposait, et c’était tout à fait possible. Bien entendu je n’ai pas été écouté, ni d’ailleurs même entendu. Mais de là à parler sinon d’invalidité, c’est une plaisanterie. Et l’immersion, partout où elle se pratique, se fait avec un homme dans l’eau, la poitrine à ciel ouvert + aspersion.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Elle[l’Eglise] a pris différentes décisions selon les époques et les lieux, en fonction non seulement des dispositions spirituelles des groupes et des individus et du profit spirituel qui peut en résulter “pour beaucoup”. C’est cela le vrai sens qu’il convient de donner au mot “économie”. Et c’est l’évêque qui possède le charisme nécessaire au discernement du traitement à appliquer.
Cela montre bien qu ‘en ce qui concerne le mode de réception dans l’Eglise , nos canons ne peuvent en aucun cas être utilisés comme une jurisprudence.
Une lecture juridique de nos canons nous entraînerait inévitablement vers un formalisme qui réglementerait une sorte de jeu du chat et de la souris.
(En droit pénal, le crime se définit comme étant l’acte puni.)
Dans l’application de nos canons, il s’agit effectivement, comme le souligne Jean-Louis, d’économie, qui tient compte à la fois d’une expression juste de la foi et de la miséricorde à appliquer à chaque personne pour son « profit spirituel ».
L’expression de « pharmacopée » employée par Irène-Monique me semble parfaitement juste en l’occurrence. Mais quel que soit le mode choisi pour la réception d’un hétérodoxe dans l’Eglise , cela ne signifie certainement pas que l’Eglise reconnaît un sacrement de baptême conféré ailleurs qu’en son sein, comme valide. Même si la formule baptismale trinitaire a été respectée. Car comme l’écrit Irène-Monique –
Quant à réduire la foi orthodoxe à une formule trinitaire qui agirait magiquement quelle que soit la foi des personnes la prononçant, j’ai passé l’âge d’Harry Potter !


On peut peut-être avancer que si les Pères ont pu établir à certains moments cet argument de conformité de la formule c’était pour répondre à toutes les élucubrations engendrées par les hérésies multiples et pour canaliser et uniformiser un pseudo langage religieux encore empreint de polythéisme. Le formalisme strict leur aura servi de coup d’arrêt et de frontière entre l’inacceptable et l’irrécupérable.
Notons qu’à l’époque les hérésies étaient bien tranchées, nettes et n’avaient pas le flou de l’œcuménisme ou du modernisme. Elles s’opposaient de façon claire à la vraie foi dans son contenu. Aujourd’hui les hérésies sont diffuses. Ce sont des hérésies ecclésiologiques qui s'attaquent non plus seulement à un contenu de foi mais à l'Eglise dans son institution, à l'Eglise corps du Christ. L'Eglise elle-même est relativisée, son unicité est sans cesse remise en cause, et ses Pères sont reniés et relégués au rang d'un passé révolu. La Vérité n'est plus considérée comme un Révélé mais comme une appréciation personnelle du perçu. Le psychologisme devient le référent absolu. Et je persiste à penser que la réception par le baptême serait une excellente manière de lutter contre cette gangrène et une excellente manière d'affermir les fidèles dans leur foi.
"Vous tous qui avez été baptisés, vous avez revêtu le Christ"
Le Credo proclame: "je reconnais un seul baptème pour la rémission des péchés" et ce pouvoir de rémission a été donné par le Christ à son Eglise.
Si l'on réfute ou si l'on dilue ce révélé, c'est l'Eglise que l'on relativise. Cela me semble grave surtout quand ce sont nos évêque eux-mêmes qui se chargent de cette destruction.
C'est ainsi que j'ai entendu à la Télévision un évêque de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France déclarer tout bonnement que l’Eglise orthodoxe reconnaissait le baptême des catholiques romains.

Si nous reconnaissons le baptême des latins comme valide sous prétexte que la formule baptismale trinitaire serait conforme, Nous tombons alors dans le juridisme et nous pourrions tout aussi bien appliquer ce formalisme à toute la vie sacramentelle et considérer la chrismation des latins comme valide, et leur eucharistie comme valide du moment qu’elle comporte bien une épiclèse. Dans ce cas il n’y a plus aucune raison de ne pas participer au même calice. (C'est ce type de raisonnement qui a conduit l'A.C.A.T à demander aux évêques l'intercommunion. Les nuances entre "hérétique "et "schismatique" développées dans nos échanges sur le forum n'étant connus de personne.
"Hérétique" est si violent n'est-ce pas et reflet d'un tel manque d'amour! Quant à schismatique c'est de la basse politique des temps anciens...)
On n’en finirait pas alors d’étudier toute cette jurisprudence et les querelles juridiques justifieraient l’ultime recours à une papauté bien renforcée dans ses prétentions de juge suprême.

Grâce au baptême, on pourrait enfin réaffirmer avec l’article 4 de l’encyclique citée par Jean-Louis Palierne, :
[…]le papisme. de même que l’arianisme qui a complètement disparu (et bien qu'il soit encore vigoureux), ne tiendra pas, il passera et s'effacera et une voix forte venue du ciel dira de lui : il a été précipité (Apoc. 12 : 10).
eliazar
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Message par eliazar »

S’agissant de la réception des Latins dans l’Orthodoxie, Antoine affirme : « …la réception par le baptême serait une excellente manière de lutter contre cette gangrène et une excellente manière d'affermir les fidèles dans leur foi : "Vous tous qui avez été baptisés, vous avez revêtu le Christ".

Sa démonstration, qui est finalement celle vers quoi tout ce passionnant sujet nous ramène (par quelque bout qu’on l’envisage), est d’autant plus évidente que la formule liturgique complète, qu’il a abrégée de mémoire, est :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ ».

Et ce n’est certainement pas par simple goût de la redondance que le nom de « Christ » est répété deux fois. Il me semble que « être baptisé en Christ » est là pour : être baptisé en le Corps mystique du Christ, être baptisé en l’Église – par opposition à l’avoir été (même selon la formule juridiquement valide) en dehors de l’Église, dans une Église qui utiliserait la même formule que l’Église, mais qui se serait coupée du vrai Corps du Christ (comme on ampute le corps sain d'un membre gangrené, ou comme une branche morte est séparée du tronc) et n’aurait donc plus en elle la sève de vie, l’Esprit Saint « qui donne la vie » (cf. la Prière Initiale : « Roi céleste, Paraclet, Esprit de Vérité…/ … dispensateur de Vie… » etc.).

Si je ne m'abuse, « avoir revêtu le Christ » n’est donc plus ici une simple répétition par lyrisme, mais marque au contraire une addition fondamentale : en étant baptisé en l’Église « Corps du Christ », le baptisé a revêtu (potentiellement) la nature régénérée du Christ vrai homme, c’est à dire le Christ ressuscité qui ne meurt plus.

Et un tel surcroît de Vie ne peut lui être donné par une sorte d’effet « Harry Potter » qui découlerait automatiquement de la seule formule – ce dont a parlé avec humour Irène Monique – mais de sa « réalisation » en la seule Église "de la foi juste" : en l’orthodoxie de la foi.

Si l’Église qui a employé la formule ne professe plus l’orthodoxie, sa formule est vaine – de même que si l’Esprit n’accomplit pas la transubstantiation demandée par la prière liturgique du célébrant, aucune formule exacte ne peut y suppléer (au contraire de ce qu’affirment les Latins, sur l’automaticité attachée à la seule profération exacte de la formule – du coup totalement « magique » - et ceci, par exemple, même dans le cas d’un prêtre à qui le sacerdoce aurait été retiré).

J’aurais toutefois une objection en ce qui concerne une conclusion de Jean-Louis Palierne, hier :

« En ce qui concerne le Baptême, l’immersion est l’idéal, et je me rappelle avoir demandé qu’on construise une piscine baptismale en un lieu où à mon avis cela s’imposait, et c’était tout à fait possible. Bien entendu je n’ai pas été écouté, ni d’ailleurs même entendu. Mais de là à parler sinon d’invalidité, c’est une plaisanterie. Et l’immersion, partout où elle se pratique, se fait avec un homme dans l’eau, la poitrine à ciel ouvert + aspersion. »

J’ai été baptisé par triple immersion complète à chacune des trois fois, et je peux dire que même psychologiquement, cette forme est extraordinairement parlante pour le Baptisé. Au moment de chacune de ces trois « suffocations », c’est tout l’homme (corps-âme-esprit) qui ressent dans toute sa profondeur, jusqu’au « cœur » de son être » vivant, le passage à travers la mort, puis la résurrection (en se « relevant » en effet du fond de l’eau vers l’air et la lumière d’en haut).

Il ne saurait s'agir d'un seul effet psychologique, ou affectif. Je ne le crois pas. A l’époque, je n’étais pas certain du bien-fondé de cette exigence épiscopale de re-baptême (tout simplement parce que la formule employée lors de mon baptême de nouveau-né kto avait bien été LA formule exacte, et aurait donc dû selon moi être considérée comme définitivement « suffisante ») – et ce n’est que grâce à cette longue et remarquable discussion que je viens enfin de comprendre pourquoi l’Évêque Photios avait exigé ma réception par le Baptême, et en quoi il avait raison de l’exiger «pour mon profit spirituel » .

Mais sans être certain qu’il avait raison, j’ai tout de même ressenti extraordinairement le sens vital (spirituellement comme biologiquement) du Baptême « dans la mort et dans la résurrection du Christ ». Ce que la posture du Baptême du Christ dans le Jourdain (« un homme dans l’eau, la poitrine à ciel ouvert + aspersion ») ne m’aurait pas permis de vivre si profondément, dans le tréfonds de l’être.

D'où la question que je vous pose : cela ne tiendrait-il pas à ce que le Christ, lui, n’avait à recevoir (par le Baptême de repentance de Jean le Baptiste) que la rémission du péché d’Adam, c’est à dire la rémission des conséquences (pour son humanité) de ce péché « originel » ?

Cela confirmerait en même temps l’absurdité du faux dogme papiste de l’Immaculée Conception de Marie… qui eut alors signifié l’inutilité de baptiser le fils d’une mère qui elle-même n’avait jamais été soumise aux conséquences de ce péché originel « pas même dès le premier instant de sa conception » ? Le fils d’une telle mère n’étant en aucun cas de la descendance d’Adam, Il ne se serait jamais défini Lui-même comme « Fils de l’homme » lors de son entretien nocturne avec Nidodème (justement à propos du Baptême et du retour dans le sein de la mère pour renaître, etc.), car Il aurait été en quelque sorte un "surhomme" et uniquement "né d'en haut".

Par voie de conséquence, la forme du Baptême de Jean le Baptiste ne pouvait évidemment pas représenter le passage par la Mort et par la Résurrection de ce même Jésus Christ … qui ne les avait pas encore traversées Lui-même. C'est pourquoi Paul insiste tant à Éphèse sur la différence entre le Baptême de Jean et celui du Christ (Actes 19,4).

D’où la nécessité pour chacun de nous de cette forme « nouvelle », de la triple immersion totale ? Le Baptême "dans l'eau, la poitrine à ciel ouvert, par aspersion" n'étant figuratif que du Baptême de Jean - qui de toute manière ne baptisait pas au nom de Père-Fils-et St Esprit, ni "en la mort et la résurrection" du Christ.

Tout ceci étant bien sûr une question que je vous pose…
Antoine
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Message par Antoine »

la formule liturgique complète, qu’il a abrégée de mémoire, est :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ ».
C'est volontairement que je l'ai abrégée pour que le raccourci baptème / vêture du Christ soit encore plus visible.
D'où la question que je vous pose : cela ne tiendrait-il pas à ce que le Christ, lui, n’avait à recevoir (par le Baptême de repentance de Jean le Baptiste) que la rémission du péché d’Adam, c’est à dire la rémission des conséquences (pour son humanité) de ce péché « originel » ?
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris cette question . Le christ n'a reçu aucune rémission. Il a sanctifié les eaux pour notre baptème à nous, modifiant le baptème de Jean en un accès à la Vie éternelle. Il est le nouvel Adam. Il a pris toute notre nature humaine à l'exception du péché. Et les conséquences du "péché originel" je préfère dire de la chute, c'est volontairement qu'il les fait subir à sa nature humaine; elles ne lui ont pas été transmises par sa naissance virginale. Il n'est donc aucunement question qu'il en reçoive une rémission. Et si Marie n'avait pas eu ces conséquences comme nous, elle qui n'a pas de naissance virginale, alors le Christ n'auait pas eu besoin de s'incarner. Si le Christ était née d'une union charnelle alors il aurait été nécéssairement soumis aux conséquences de la chute qui se transmet par le mode de reproduction humain que la chute à modifié et qui est entâché. C'est ce que dit le ps 50:"dans l'iniquité ma mère m'a conçu." (ma mère et mon père!) or le Christ n'est soumis à aucune nécéssité. C'est volontairement qu'il fait subir à sa nature humaine les nécéssités d'une nature-ternie-par-la-chute. Et c'est une volonté de chaque instant, permanente. Pas une fois pour toute à la naissance.
Je reviendrai sur ce théme dans la réponse à Elisabeth à la rubrique résurrection. Pour l'instant je ne te réponds que succintement.
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