Islam/Orthodoxie

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totocapt
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Islam/Orthodoxie

Message par totocapt »

Je recherche un article de fond portant sur les comparaisons entre
spiritualités orthodoxe et musulmane, et pas spécialement sur un ton polémique; en effet, c'est pour un algérien d'origine musulmane, qui a dans sa famille un égyptien copte, et qui s'intéresse de facto au christianisme oriental... Il m'a demandé de lui trouver cet objet rare... D'avance merci si vous pouviez me le transmettre sur ce forum, ou du moins me donner des contacts... :-)
Gnôthi seauton!
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

En attendant de vous donner une bibliographie qui corresponde plus à ce que vous demandez (c'est-à-dire une comparaison entre les positions de l'Orthodoxie et celle de l'Islam), je pense que vous pouvez déjà recommander à votre ami algérien un très bon livre qui explique l'histoire, l'art, la liturgie, la doctrine, la vie spirituelle et la sociologie de l'Eglise copte d'Egypte. Puisque j'ai cru comprendre qu'il aimerait en savoir plus sur les chrétiens d'Orient du fait qu'il a un Copte dans son entourage, je pense qu'il lira avec profit le livre suivant:

Christian Cannuyer

Les Coptes

Collection Fils d'Abraham

Editions Brepols

Ce livre est facilement disponible.

Vous pouvez aussi signaler à votre ami algérien qu'il y avait une paroisse copte à Alger dans les années 1970 à l'époque du boom pétrolier. Même si je pense que la plupart des Egyptiens qui résidaient en Algérie ont dû rentrer dans leur pays, peut-être cette paroisse existe-t-elle encore?
totocapt
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Ok!

Message par totocapt »

Merci pour vos deux infos, dans ce sujet là et dans l'autre... J'attends donc ce qui viendra, pas de problèmes, et merci! Pour ce qui est de l'église dont vous parliez en question, cela ne pourra que l'intéresser effectivement... Car je crois que vous faites mention d'une église donnée par l'église catholique aux coptes catholiques, l'église Sainte Marcienne d'Alger. Cela l'intéressera d'autant plus qu'étant kabyle, Sainte Marcienne était une sainte kabyle catholique (ou orthodoxe, comme vous voulez), originaire de Dellys... Et que c'est le seul cas connu en Algérie de spoliation d'église, considéré comme tel par la commission des droits de l'Homme: sainte kabyle, donc politiquement incorrect? En plus une église donnée à des chrétiens arabophones? Elle a été malheureusement depuis transformée en mosquée... Cette spoliation reste semble-t-il une question encore discutée actuellement, donc sera-ce définitif?
Gnôthi seauton!
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Dans le Radeau de Mahomet, Péroncel-Hugoz parle de la confiscation de l'église utilisée par la paroisse copte d'Alger en janvier 1981, mais il ne précise pas si c'était une communauté copte orthodoxe ou copte uniate. Comme vous me paraissez bien informé, je pense que l'affaire que vous décrivez doit être la même que celle qu'évoque Péroncel-Hugoz.

C'est intéressant que votre ami soit Kabyle. Il y a pas mal de protestants en Kabylie maintenant. Je sais qu'il y avait à Paris une librairie berbère chrétienne, rue Etienne-Dolet. Serait-il intéressé par d'éventuelles références bibliographiques sur le christianisme ancien au Maghreb?
Au VIème siècle, il y avait des évêchés orthodoxes dépendant d'Alexandrie dans plusieurs villes de l'actuelle Algérie.

L'éparchie de Numidie avait pour primat local le métropolite de Sitiphis (aujourd'hui Sétif / Stif), avec comme suffragants les évêques de Calamae (Kelma); Tebeste (Tébessa / Tbessa); Hippo Regius (Bône / Annaba); Taphruri, Castabagae et Cascala (?); Badea, Badia et Grand Collops (Collo / El Koll); Myraeon (Mila); Laribos (El Arrouch?); Bedeiros (Aïn Beïda); Ilgiligile (Djidjelli /Jijel); Tipase (Tefessad); Bagaze (La Calle / Ek Kalla); Cirta (Constantine / Kacentina); Icosion (Alger / El Djazaïr); Saldae (Bougie / Béjaïa) et Rusicade (Philippeville / Skikda).

L'éparchie de Maurétanie Première avait pour primat local le métropolite de Césarée de Maurétanie (Cherchell) avec comme suffragants les évêques de Rhinocoruri (Dellys / Delles); Tenisse (Ténès); Augala (Aumale / Sour-el-Ghozlane); Bide (Blida / El-Boulaïda); Sige (Saint-Denis-du-Sig / Sig); Lanigara (Boghari / Ksar-el-Boukhari?); Arsenaria (Arzew / Arziw); Tubusippu (Aïn Témouchent); Zugabarris (Tizi-Ouzou) et Oppidion (Djémila / Djamila).

Le patriarcat d'Alexandrie avait à l'époque un ressort immense, correspondant aux actuels Etats d'Egypte, Libye, Tunisie, Algérie, Maroc, et , plus théoriquement, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Somalie et Soudan, ainsi qu'à la Sardaigne et à la partie de l'Espagne reconquise par Justinien sur les Wisigoths (avec, notamment, les sièges de Cordoue, Séville, Gibraltar, Cadix et Malaga).

Votre ami kabyle notera peut-être avec profit que plusieurs villes de Kabylie étaient sièges épiscopaux du prestigieux patriarcat d'Alexandrie: Bougie et Jijel en Petite Kabylie, et Dellys et Tizi-Ouzou en Grande Kabylie.
eliazar
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Message par eliazar »

Cher Claude,

Vous avez écrit, à propos d'éventuelles références bibliographiques sur le christianisme ancien au Maghreb : "Au VIème siècle, il y avait des évêchés orthodoxes dépendant d'Alexandrie dans plusieurs villes de l'actuelle Algérie."

Je serais d'autant plus intéressé moi-même par de telles références que j'ai dans ma famille plusieurs pieds-noirs, généralement assez kto, et qui ignorent tout de ces origines prestigieuses du peuple kabyle, au milieu duquel ils ont pourtant vécu si longtemps.

Merci de nous faire partager la manne !

Éliazar
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Cher Eliazar,
Mais je donne précisément dans la suite du message la liste des vingt-sept diocèses orthodoxes qui dépendaient du patriarcat d'Alexandrie dans l'actuelle Algérie au VIème siècle.

La liste des diocèses du patriarcat d'Alexandrie à l'époque de Justinien a été publiée dans un livre d'art bilingue grec-anglais sur les trésors du patriarcat d'Alexandrie: Mgr MACAIRE, métropolite du Zimbabwe, Patriarkheion tis megalis Poleos Alexandreias / The Patriarchate of the Great City of Alexandria, Editions Militos, Athènes 1998. Le catalogue des diocèses se trouve pages 107-125, mais il est plein d'erreur de transcriptions des noms modernes (puisque les sons "dj", "j", "ch", n'existent pas en grec); heureusement qu'il n'est pas difficile pour un francophone d'identifier des noms de localités algériennes. J'ai trouvé les noms donnés après 1962 à des villes comme Aumale ou Saint-Denis-du-Sig dans le livre d'André Jouette Toute l'Histoire aux Editions Perrin.

Cependant, je pense qu'il ne faut pas se faire trop d'illusions sur le degré de christianisation des Berbères. La domination vandale (les Vandales étaient des fanatiques de l'arianisme) avait déjà porté un coup très dur au christianisme en Afrique du Nord, déjà ébranlé par le donatisme. Lors de la reconquête de Justinien, les Byzantins n'ont pas réussi à reprendre tout l'ancien territoire romain: la frontière sud du territoire romain, le limes, passait bien au sud de Biskra, tandis qu'après la reconquête byzantine elle passait par Lambèse et Tébessa. En outre, le limes romain était continu sur tout le territoire, tandis que le limes byzantin s'arrêtait à l'ouest de Sétif. Le reste de la province byzantine ne comprenait que des enclaves sur la côte de Ténès à Cherchell. La déromanisation de l'Afrique du Nord était donc bien entamée. La foi orthodoxe n'était sans doute solidement implantées que dans les régions encore romano-byzantines.
Si, sur l'ensemble de l'Afrique du Nord, le christianisme était dans l'ensemble majoritaire (selon Ibn Khaldun lui-même), la situation était extrêmement contrastée: majorité d'orthodoxes et survivances du donatisme le long des côtes, mais mélange d'animistes, de païens (notamment adorateurs des anciennes divinités puniques), de juifs talmudiques ou non, de monothéistes sans plus de précision, d'ariens, de donatistes et d'orthodoxes à l'intérieur, dans le pays berbère très peu romanisé. Il est fort probable que les évêques de Tizi-Ouzou étaient en fait des évêques missionnaires avec quelques milliers de fidèles kabyles orthodoxes. Les missionnaires orthodoxes eurent cependant de grands succès dans la deuxième moitié du VIème siècle, plus dans l'actuelle Libye que dans l'actuelle Algérie. Mais beaucoup de conversions étaient peu profondes.
La conquête musulmane du Maghreb commença en 647 et s'acheva en 703. Plus que par les armées impériales coupées de leurs bases, la résistance fut assurée par les Berbères. Mais, comme les Berbères avaient un mode de vie tribal, lorsqu'un chef de tribu changeait de camp, toute la tribu changeait de religion. Cette diminution rapide des effectifs fut encore renforcée par le statut de dhimmi imposé aux chrétiens, par le remplacement de l'influence d'Alexandrie et de Constantinople par celle de Rome, spirituellement moins riche et par la désorganisation de l'Eglise, avec la disparition progressive des évêques, puis des prêtres. Il y avait encore une église à Tlemcen en 963. Le christianisme, probablement privé de clergé depuis des décennies, ne survécut pas en Algérie à l'entrée dévastatrice des Almohades en 1152.
La dernière mention d'une chrétienté berbère est de 1049 en Libye, 1091 en Tunisie, 1150 en Algérie et 1300 au Maroc. La chrétienté latinisée, quant à elle, survivra en Tunisie jusqu'à la destruction du siège épiscopal de Carthage par l'Almohade Abd al-Mumin en 1159.

De nos jours, il y a de nouveau une métropole de Carthage dans le cadre du patriarcat d'Alexandrie. La métropole a son siège à Tunis et a juridiction sur tout le Maghreb. Avec 8 paroisses et 6 prêtres, la métropole dessert des émigrés grecs et moyen-orientaux. (Les paroisses russes de Tunisie et du Maroc dépendent de Moscou ou des Hors Frontières.) Le métropolite exerce aussi les fonctions de représentant du patriarche d'Alexandrie à Athènes. A ma connaissance, il n'y a aucune présence orthodoxe en Kabylie où, en revanche, le protestantisme a su prendre racine au cours des dernières décennies.
totocapt
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Cher Claude...

Message par totocapt »

... Je crois malheureusement que vous allez trop vite en besogne pour ce qui concerne l'étendu de la juridiction spirituelle du Patriarcat d'Alexandrie! Eliazar, ne vous méprenez pas non plus sur cette affaire! ;-)

Lors de l'expansion du christianisme en Afrique chrétienne, en Italie et en Afrique du Nord on adopte la solution de la multiplication crescendo du nombre d'évêchés, alors qu'en Egypte, pendant plus longtemps on préfère la solution de prêtres résidents ou itinérants en dépendance étroite avec l'évêque d'Alexandrie...

Dès lors, à la fin du IIe et début du IIIe siècle, Démétrios (188-230) est le premier évêque d'Alexandrie à poser des actes montrant qu'il est bien conscient non seulement de son rôle de chef et guide des communautés égyptiennes, mais aussi de sa responsabilité de successeur des apôtres au sein de la Grande Eglise. A son successeur, Héraclas (230-246) est donné pour la première fois le titre de "Pape". Le titre de Patriarche ne viendra qu'à la fin du IIIe siècle, mais ce titre de Pape est significatif déjà du rôle primatial assumé de facto par l'évêque d'Alexandrie sur toute l'Egypte, la Lybie et la Cyrénaïque, mais pas plus...

Le concile de Nicée de 325 spécifie dans son canon 6 "que les vieux usages restent en vigueur qui existent en Egypte, en Lybie et dans la Pentapole [Sodome, Gomorrhe, Adama, Seboïm et Segor], en sorte que l'évêque d'Alexandrie ait autorité sur toutes ces provinces". Au cours des IVe/Ve siècle, l'autorité du Patriarche d'Alexandrie se renforce, et à partir du Ve siècle, le patriarche est choisi essentiellement parmi les moines égyptiens; Carthage n'a rien à voir dans cette affaire! C'est à ce moment là qu'on commence à parler de l'évêque d'Alexandrie comme d'un "pharaon ecclésiastique". Lorsque le Patriarche refuse le concile de Chalcédoine en 451, c'est toute l'Egypte qui passe au monophysisme et se coupe de l'Eglise melkite, c'est-à-dire impériale; chose que n'a jamais fait Carthage, et ce qui se passe en Egypte ne lui parle pas... A partir de là, il reste bien à Alexandrie un christianisme grec et orthodoxe, mais il tend plus à développer une certaine rivalité avec les autres patriarcats, ce que ne cherchera pas le moindre du monde à faire Carthage...

Alexandrie ne cherchera à faire valoir son autorité que là où elle le pourra en fait: lors du concile d'Ephèse II en 449, Dioscore d'Alexandrie, arrivé avec une armée de moines et de marins, établit "une sorte de dictature d'Alexandrie sur tout l'Orient", selon les mots de Meyendorff. Il obtient de l'empereur Théodose II la validation du concile d'Ephèse II, jusqu'à sa déposition lors du concile de Chalcédoine en 451...

Au cours de des IVe-Ve siècle, un des titres de l'archevêque d'Alexandrie était "Krites tês oikoumenês", Juge de l'Univers. Il revendiquait la juridiction non seulement sur l'Egypte, la Lybie et la Pentapole, mais sur toute l'Afrique, y compris l'Ethiopie, l'Arabie, Carthage, voire même Jérusalem... Mais l'option "monophysite" de l'Eglise d'Egypte marginalise cette Eglise au sein de l'Eglise universelle, au profit de Constantinople, et ses prétentions ne resteront essentiellement que théoriques... D'ailleurs les autres Eglises abandonnent la date de Pâques avancée par Alexandrie, qui servait de référence universelle dans la chrétienté... L'autorité "pharaonique" du Patriarche est renforcée aux VIe-VIIe siècle par les pouvoirs d'ordre juridique, civil voire militaire dont l'investit l'empereur, mais rien en rapport avec une juridiction spirituelle effective!

A côté de cela, lors du concile de Carthage de 256, l'évêque de Carthage est parfois lui aussi qualifié de "Pape", bien qu'il n'ait aucune intention de se poser en "évêque des évêques", "vu que tout évêque est libre d'exercer son pouvoir comme il l'entend" selon Saint Cyprien. Il est vrai que l'Eglise d'Afrique du Nord n'a pas dans un premier temps prétendu à l'apostolicité comme Alexandrie ou Rome. Mais la thèse fera son chemin...

Je ne sais pas si votre définition du primat est orientale ou non, mais à ma connaissance il y avait trois primats qui ont pu se dégager de l'ensemble de ces évêchés africains: le primat de Numidie, qui avait son siège à Tipaza, le primat de Bizacène et le primat de Carthage... Et les relations étaient parfois confictuelles... Ainsi, le primat des évêques de Numidie prit parti pour les adversaires du nouvel archevêque de Carthage en 311; l'élément intéressant est que les deux partis feront appel à l'Eglise de Rome et à l'Empereur pour juger le différent, et non à l'Eglise d'Alexandrie (!) Il faut souligner que la relation avec Rome est dû au fait qu'elles se sentent plus "églises soeurs" que d'autres, et Alexandrie, c'est d'abord l'Orient et l'hellénophonie; important à souligner vu le rôle considérable qu'a joué l'Eglise d'Afrique du Nord pour le latin!...

Lorsque les évêché nord africains ont des besoins spécifiques, ils doivent en fait passer par Carthage demander du soutien: en 313, l'empereur Constantin envoie une lettre à Cécilien, évêque de Carthage, lui annonçant l'envoie d'une large somme d'argent pour le clergé des provinces d'Afrique, de Numidie et des Maurétanies. Lorsque survient le schisme donatiste, les convertis du donatisme réclament prêtres et évêques que le primat de Carthage n'arrive pas à fournir. Ces mêmes convertis n'auraient pas la moindre idée de faire appel à Alexandrie pour pallier à ces manques... Il faut dire aussi que le primat de Carthage est nommé "Fidélité" par l'Empereur... Un début de titre honorifique?...

En tout cas en ce qui concerne le Ve siècle, une tradition de l'apostolicité de l'Eglise Nord Africaine se développe sur la base, semble-t-il, des Actes Apocryphes de Pierre. Saint Pierre lui-même serait venu, laissant son disciple Crescens comme premier évêque de Carthage; Saint Marc, après Alexandrie, aurait annoncé l'Evangile en Afrique du Nord; Photine, la Samaritaine de l'Evangile, aurait converti Carthage; Saint Matthieu, Saint Simon le Zélote seraient les premiers apôtres de l'Afrique du Nord... Ce qui expliquerait pourquoi l'évêque de Carthage Cyrilla (arien il est vrai) prend la présidence d'un débat contradictoire entre évêques catholiques/orthodoxes et donatistes en 484, en tant que Patriarche. Lorsque les évêques s'exilent lors de persécutions vandales, ils ne fuient pas vers Alexandrie, mais ils vont surtout vers Constantinople!

Lorsque l'Eglise melkite peut bénéficier de plus de sécurité et de paix, les conciles de Carthage de 525 et 535 se doivent de clarifier les choses: face au primat de Byzacène, Libérat, qui se prévalant d'une tradition récente manifestait quelques désirs d'indépendance, les questions d'ordre et de préséance entre les évêchés doivent être clarifiées, et la suprématie de Carthage est réaffirmé. Alexandrie? On reproclame à ces moments là le symbole de Nicée, nul doute que les prétentions du Patriarchat d'Alexandrie n'y est perçu qu'à travers le canon 6...

C'est à partir de ce moment là que la dépendance par rapport à Rome va commencer à apparaître: la persécution vandale a été très dure... Pour savoir si ceux qui ont été baptisés par les ariens peuvent accéder aux charges cléricales, les évêques africains s'en remettent au jugement de Rome. Est-ce à cause des exils en Sicile ou en Sardaigne? Le soulagement de se retrouver dans l'orbite de la romanité leur donne-t-il un sens accru du besoin d'unité avec les autres églises et notamment avec Rome? En tout cas, une délégation est envoyée à Rome, et non à Alexandrie: et pourtant c'est le début de l'occupation byzantine!...

En fait, Justinien et ses successeurs, s'ils sont en relation avec les évêques d'Afrique, tendent à privilégier la relation avec l'évêque de Rome comme la référence pour les églises qui se trouvent dans la partie occidentale de l'empire. Même dans les sanctuaires érigés à l'époque byzantine (à Carthage, Sabrata, Septem, Ceuta...), on a retrouvé que très peu d'inscriptions votives aux saints et martyrs orientaux...

Malgré tout, la conscience de l'Eglise africaine de son identité propre restait présente: lors de l'affaire des trois chapitres, le Pape Vigile, bousculé par l'Empereur, finit par accepter son "Judicatum", à propos d'un compromis conciliant chalcédoniens et monophysites. Alors les évêques d'Afrique se réunissent en concile en 550, ils signifient clairement à Vigile qu'ils ne peuvent accepter son "Judicatum" et rompront avec lui s'il ne revient pas sur son écrit! C'est alors que Justinien convoque les primats de Carthage (Réparatus), de Numidie (Firmus de Tipasa) et de Byzacène (Boethus, trop âgé, qui se fait représenter); seul Firmus de Tipasa se ralliera à l'Empereur, Vigile entre temps ayant retiré son "Judicatum"... Il y aura une résistance en Afrique face à l'autorité de l'Empereur, mais la persécution vandale ayant été ce qu'elle a été, la chrétienté nord africaine doit se soumettre, faute de personnalité forte...

Un témoignage qui devrait vous plaire: lorsqu'arrive au pouvoir Constant II, le Patriarche Pyrrhus est déposé, et vient se réfugier en Afrique. Là, il voit "...l'orthodoxie honorée et favorisée par un exarque qui laisse peut-être dire ouvertement que l'Afrique était en mesure de donner une fois encore un empereur à Constantinople et la paix à tous..."

La référence à Carthage se précise de plus en plus dans la chrétienté nord africaine lorsqu'en 530/532, l'évêque de Carthage doit faire appel à l'empereur et à Rome pour que soient confirmés à nouveau ses anciens droits. C'est à ce moment-là que le titre de "métropolitain" est attribué à l'évêque de Carthage et ceux qui reconnaissent sa "primauté" au sein de la chrétienté nord africaine le désigne comme "archevêque"... Et ce malgré le fait que les primats provinciaux soient jaloux de leur autonomie: c'est pour cela que, puisque lors des conciles généraux il y a manifestation d'une remarquable unité de vue au profit de l'archevêque de Carthage, ils décident de référer des réunions conciliaires à l'empereur directement, ou par l'intermédiaire de l'Eglise de Rome...

C'est face aux prétentions crescendo du métropolitain carthaginois, que l'Eglise de Rome va profiter de la fragilité de l'Eglise d'Afrique: sous le Pape Grégoire le Grand (590-602), Rome a un homme de main sur place, Hilaire, chargé d'administrer les possessions de l'Eglise de Rome en Afrique, mais qui assume aussi le rôle d'agent de renseignement sur la vie des Eglises. Grégoire s'adresse à Dominicus de Carthage, mais, comme il écrit aussi aux fonctionnaires impériaux, pour réclamer l'ordre et le respect de la discipline ecclésiastique. Il a d'ailleurs un autre correspondant privilégié, l'évêque Colombus de Nicivibus en Numidie (qui n'est pas un primat!) auprès duquel il se renseigne sur les questions touchant les donatistes. Les querelles mesquines, la corruption, la simonie, les conflits entre clercs et laïcs font partie des problèmes dont l'évêque de Rome se mêle directement en Afrique, demandant souvent à l'exarque plutôt qu'à l'évêque de Carthage d'y mettre bon ordre!!!

Il y aurait pu avoir à terme un renouveau et une réaction face à Rome, et un patriarchat, ou du moins une sorte d'église autocéphale, aurait pu apparaître à la faveur d'un réveil de cette Eglise au cours de l'Histoire de cette chrétienté... Mais malheureusement, l'Islam fait irruption dans cette région, et cette chrétienté dépendra de plus en plus de Rome au fur et à mesure de sa disparition: ainsi, à la suite d'un différent ecclésiastique, l'évêque de Carthage fait appel au Pape et le Pape Grégoire VII envoya une lettre à l'évêque de Bejaia (V'Gayet/Saldae) en 1076, ainsi qu'au sultan al-Nasir b.'Alannâs, qui régnait dans cette même ville. L'évêque de Bejaia faisait partie des trois derniers évêques du Maghreb d'alors! C'était donc pour régler un contentieux avec l'évêque de Carthage, emprisonné par le souverain musulman de Tunis, 'Abd al-Haqq b. Khurâsân...

Pour en revenir à nos moutons, je doute que le Radeau de Mahomet de Péroncel-Hugoz soit une bonne référence, car il me semble qu'il y a un ton polémique qui peut peut-être gêner quelqu'un, pas forcément musulman d'accord, mais qui l'est culturellement, et peut le braquer inutilement: quelque chose de solide ayant trait au dialogue serait mieux...
Et je ne sais pas si des livres traitant du christianisme ancien au Maghreb peut l'intéresser de suite: je pense qu'avant tout il faut lui proposer un texte répondant à sa curiosité culturelle, voire théologique, et qu'après on peut voir si en savoir plus est quelque chose qui le motive... Donc j'attends toujours un copier-coller ou une bonne référence, merci! :-)

Eliazar, si l'Histoire du christianisme en Kabylie en tant que tel vous intéresse, je peux donner l'URL d'un sujet de forum où justement je collecte les infos sur ce thème... Je me suis focalisé sur le catholicisme vu que c'était la demande de départ, mais le christianisme antique est également orthodoxe en Occident... Et puis je doute que l'écho du Schisme Orient/Occident ait eu une réelle influence sur la vie du christianisme nord africain, qui touchait à sa fin... Vous verrez aussi si vous avez la curiosité de vous promenez sur le forum (au cas où l'URL vous intéresse), qu'il y a des sujets comme "Noël en Egypte" ou "le christianisme carthaginois et l'orthodoxie"... Alors à plus? :-)
Gnôthi seauton!
totocapt
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Et pour finir...

Message par totocapt »

... Je trouve aussi que vous enterrez bien vite la chrétienté nord africaine après vos dates: dans le Nafzâwa au 14e siècle il y avait selon Ibn Khaldûn des villages chrétiens, et Moula Ahmed affirma en 1710 que les "habitants de Tozeur sont un reste de chrétiens" (dixit!)... J'ai aussi rencontré une kabyle, bourrée de docs, qui m'a affirmé qu'avant que les français ne viennent, il y avait en Kabylie des villages qui étaient restés depuis toujours chrétiens! Je me demande si ce n'est pas plutôt des croyances chrétiennes d'ordre culturel, auxquelles leur signification chrétienne aurait été révélée par le travail des Pères Blancs, et à partir de là les villages en question auraient renoué naturellement avec leur christianisme d'autrefois... Je fais une supposition, mais il se peut très bien que cette kabyle ait raison au vu de sa doc, que je n'ai pas vérifié...
Gnôthi seauton!
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Mais, mon cher Totocapt, je ne proposais pas le livre de Péroncel-Hugoz comme référence à votre ami algérien, puisqu'il ne s'agit pas d'un livre sur l'Orthodoxie. Je vous écrivais juste que j'y avais trouvé mention de la paroisse copte d'Alger.

Pour le reste, je pense qu'il est préférable de faire lire à votre ami n'importe quel ouvrage de présentation de l'Eglise orthodoxe: les différences avec l'Islam sont à mon avis évidentes. Et je persiste dans ma recommandation très favorable du livre de Cannuyer sur les Coptes.

Sinon, les premières références qui me viennent à l'esprit sont les Entretiens avec un musulman de l'empereur Manuel II Paléologue, traduction et édition par Théodore Khoury, Sources Chrétiennes n° 115, Editions du Cerf, Paris 1966, et les Ecrits sur l'Islam de saint Jean Damascène, traduction et édition par Raymond Le Coz, Sources Chrétiennes n° 383, Editions du Cerf, Paris 1992.
eliazar
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Les Kabyles et l'Orthodoxie

Message par eliazar »

Cher "totocapt",

Bien sûr que je suis intéressé par votre URL !

Et je ne serai certainement pas le seul sur ce Forum: alors, n'en faites plus mystère, je suis toute ouïe (pardon, tout oeil).

Éliazar
totocapt
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Pas de problème!

Message par totocapt »

Je vous invite donc à voir ce sujet du forum des chrétiens berbères et orientaux à http://hokis.free.fr/bbforum/viewtopic.php?t=15
PS: totocapt et problème à mon pseudo! ne sont que la même personne, c'est-à-dire moi! J'ai en effet quelques soucis de connections... ;-)
Gnôthi seauton!
eliazar
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Les Kabyles et l'orthodoxie

Message par eliazar »

Qui n’en a pas ?
« Pax tibi, Marce »…
Et merci mille fois!
Éliazar
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