à propos des stigmates

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Anne Geneviève
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stigmates et Pierre II

Message par Anne Geneviève »

Puisque personne n'a, semble-t-il répondu à la question que posait en passant... Eliazar me semble-t-il... (mais j'ai lu rapidement tout le fil et je m'embrouille dans les intervenants) sur la "prophétie" de Pierre II, je m'y colle. Il s'agit de la célèbre prophétie des devises attribuée à l'évêque catho Malachie d'Armagh, contemporain et ami de Bernard de Clairvaux. L'ennui, c'est qu'aucun historien n'a pu trouver de version antérieure au XVIe siècle où ce texte apparaît dans l'indigeste compilation d'Arnold de Wion, un héraldiste avant tout, intitulée Lignum Vitae, l'arbre de vie. Comme quoi la mode des titres ronflants n'est pas d'aujourd'hui... Wion proposait, entre autres, deux prophéties "à devises" et pas seulement le poulet du pseudo-Malachie mais comme la seconde était nettement plus courte, la fin du monde aurait du se produire au milieu du XVIIIe siècle, d'où le succès encore actuel de la version longue. Derrière ces devises et leur date réelle d'apparition au XVIe siècle, il y avait bien évidemment un enjeu politique, l'éternelle bagarre entre les Orsini et les Colonna qui a rythmé l'histoire de Rome durant plusieurs siècles.
Quant aux stigmates, j'avoue avoir beaucoup ri à la mésaventure de BHL, si elle est authentique car avec ce bonhomme, toutes les publicités sont bonnes à prendre... Mais c'est un processus psychologique qui commence d'être bien connu et qui n'est la preuve que de l'intensité du désir et de la concentration. On peut faire apparaître ainsi nombre de marques corporelles, pas seulement l'imitation des plaies du Christ. Il est évident qu'une vie de prière intense dans un contexte culturel qui met l'accent sur le mimétisme (voir le succès à certaines époques du fameux bouquin intitulé l'Imitation de Jésus-Christ) peut entraîner des stigmates mais... le déséquilibre psychologique aussi. Ce n'est jamais, en soi, un critère de quoi que soit.
Claude le Liseur
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Re:

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :
Ta Myriam a eu un modèle intéressant au XVIème siècle, qui a influencé le grand humaniste Guillaume Postel, si l'on en croit Alain Boureau, La Papesse Jeanne, Collection Champs, Flammarion, Paris 1993, pp. 223 ss.

"Guillaume Postel et sa papesse Jeanne

Guillaume Postel (1510-1581) fut un de ces grands illuminés de la Renaissance qui mêlèrent l'érudition la plus vaste et l'hermétisme le plus syncrétique; l'éclat de sa réputation et de sa carrière empêche de le réduire à la folie ordinaire des inventeurs de systèmes théosophiques, si nombreux au XVIème siècle. Après des études solides (il fut maître ès arts en 1530), il accompagna en 1535 l'ambassadeur Jean de la Forest à Constantinople, d'où il rapporta de nombreux manuscrits et une connaissance certaine des langues orientales; à son retour, il composa la première grammaire de la langue arabe en français et devint lecteur de mathématiques et de "langues pérégrines" au Collège royal. Il reçut en bénéfice un doyenné en Anjou. Puis il vint à Rome, entra dans la Compagnie de Jésus, dont il fut rapidement exclu, car il mettait déjà en place son système politico-théologique et clamait haut les deux principes qui sous-tendent son oeuvre: la primauté du concile sur le pape et le droit de primogéniture du roi de France sur la Monarchie universelle. En 1547, il s'occupe à Venise d'une traduction glosée du Zohar et parallèlement, à l'hôpital Saint-Jean et Saint-Paul, il assure la direction spirituelle d'une "béate" (le mot désigne à peu près l'équivalent méditerranéen d'une béghine) illettrée, la Mère Jeanne. Cette femme qu'on ne connaît que par Postel lui-même, se disait pape et épouse de Jésus, comme le raconte celui qui devint son exégète: "Me dict, dont fort m'esmerveilloy que, elle, estant femme, le Pape angélique et Reformateur du monde estoit. Ce que, me considerant d'elle comme femme et non estant remplie du Saint Esprit et substance de Jesus, souverain duc de l'Eglise, me scandaliza. Mais quand elle m'eust dict: "Voy sarete il mio figliovolo de la mia substanzia e di quella del mio sposo Jesu generato", alors j'entendis bien ce qu'elle havoit voulu dire en elle mesme, car c'estoit pour moy."
Convaincu par ce message qui l'élit lui-même, Postel part à nouveau pour l'Orient, en Terre Sainte et revient en France en 1551. Il se proclame pape en 1552 sous le nom de Pierre II: malgré ses extravagances, Postel ne réussit pas à intéresser l'Eglise: l'Inquisition le déclare fou ("amens"); il fallut qu'il écrivît contre Paul IV à Rome en 1559 pour qu'on le mît en prison quelque temps. Et Catherine de Médicis lui proposa le préceptorat d'Hercule-François de Valois. Il mourut paisiblement en 1581.
Vers 1550, Jeanne, qu'il appelait aussi Jechochannah ("Grâce du Seigneur" en hébreu) était morte en déléguant son immortalité à Postel, qui se proclama, selon l'enseignement de sa papesse, premier né de la Mère Jeanne et de son époux Jésus, Caïn, fils de l'Adam nouveau et de l'Eve nouvelle. "
Encore plus fort que Vassula Ryden, la Mère Jeanne, à la fois papesse et interprète de la Kabbale:


Postel gagne alors Venise, la ville marquée par la Providence, car il va y trouver le Zohar et y rencontrer la Mère Jeanne. C'est en effet à lui, l'homme qui a quitté la cour et les bénéfices pour vivre "en pauvreté, douleur et mépris", rejeté par tous, qu'on va fournir un Zohar qui vaut 5'000 ducats, mais plus encore, puisqu'il est "l'intelligence resplendissante" des Ecritures. Sans doute Est-ce dans le cercle de Bomberg, qui aidera encore Postel de ses deniers pour son second voyage au Levant, en 1549. Postel, en devenant l'aumônier de l'hôpital San Giovanni e Paulo, où descendaient les premiers Jésuites, y rencontre une dévote qui a consacré sa vie aux pauvres, la Mère Jeanne. Celle dont il devait écrire l'histoire aussi stupéfiante que nécessaire à lire, Les premières nouvelles de l'autre monde ou l' admirable histoire intitulée La Vierge Vénitienne, était une "vieillote femme" de cinquante ans, qui prophétisait et annonçait le Pape angélique, et dont Postel, le directeur spirituel devint le fils. Encore qu'illettrée, c'est elle qui inspire Postel pour comprendre les mystères du Zohar, dont il a commencé la traduction:
"Elle m'inspirait par son point de vue certains doutes les plus élevés du monde, auxquels je ne savais que répondre, alors elle me disait: "Oh! que vous savez peu de choses par votre compréhension." Après quoi je trouvais dans le texte du Zohar les mêmes questions qu'elle m'avait proposées mais à la manière antique, c'est-à-dire avec une solution très obscure, ou bien avec cette simple recommandation: Vehabenze, ce qui signifie: Pense bien et comprends ceci. Quand je voulus faire la paraphrase, il m'aurait été totalement impossible de rédiger si premièrement celle qui a toute doctrine et qui a la clef de David ne me l'avait exposée et développée."

François Secret, Les Kabbalistes Chrétiens de la Renaissance, Archè / Arma Artis, Milan / Neuilly-sur-Seine 1985, pp. 173 s.
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