Archevêché de la rue Daru, nouvel épisode
Publié : mer. 28 nov. 2018 15:23
Le site de l'archevêché des paroisses de tradition russe en Europe occidentale, exarchat du patriarcat de Constantinople (dit l'archevêché de la rue Daru) vient de publier le communiqué suivant relatif à une décision prise par le saint Synode du patriarcat de Constantinople le 27 novembre 2018 (source: http://www.exarchat.eu/spip.php?article2258 ):
Après tout, en Suisse, depuis 1975, c'est bien de la métropole de Suisse, et non de la rue Daru, que dépend l'unique paroisse orthodoxe francophone "de tradition russe".
Bien entendu, je me réjouirais de voir le patriarcat œcuménique de Constantinople privilégier la création, dans toute l'Europe, de diocèses locaux (de France, de Suisse, de Grande-Bretagne, d'Italie, etc.), avec des fidèles de toutes origines (y compris autochtones comme l'actuel archevêque de la rue Daru), qui pourraient coopérer avec d'autres diocèses locaux dépendant des patriarcats d'Antioche, de Moscou, de Roumanie, de Serbie, de Bulgarie, etc., dans le but d'arriver un jour à créer des Eglises autonomes. Ce serait un grand pas pour l'efficacité du témoignage orthodoxe.
Toutefois, je suis assailli par un certain nombre de doutes. Je me demande si cette décision n'est pas causée par la quasi-absence de vie monastique au sein de l'exarchat, qui rendra de plus en plus difficile le maintien d'un évêque - sans parler de l'hypothèse d'une mise au pas.
Mais plus encore, je redoute que cette décision ne soit suivie d'aucun effet, le diocèse en question ayant toujours fait preuve d'un particularisme pointilleux au motif qu'il serait le seul à appliquer les décisions du concile de Moscou de 1917-1918.
Déjà, en 1966, le patriarcat de Constantinople avait retiré sa protection à l'archevêché de la rue Daru et lui avait alors demandé de réintégrer l'Eglise orthodoxe de Russie (soit le patriarcat de Moscou). L'archevêché avait alors opté pour un statut jusque-là inconnu dans l'Eglise d' "indépendance" (statut anticanonique qui ne l'a pas empêché, jusqu'à ce jour, de s'arroger le monopole de la canonicité en Europe occidentale) avant d'être réintégré en 1971 au sein du patriarcat de Constantinople.
Je m'attends donc aux mêmes résistances, au nom de la "tradition russe" (comprendre "la tradition des aristocrates et des bourgeois libéraux partis de Saint-Pétersbourg en 1920") et des "canons du concile de Moscou de 1917-1918".
Si l'exposé des motifs correspondait à la réalité ou à une intention véritable du patriarcat de Constantinople,ce serait presque trop beau: cela voudrait dire que le Phanar se serait rendu compte que nous ne sommes plus en 1920, que l'émigration "blanche" a depuis longtemps disparu comme réalité sociologique, que cet exarchat est constitué de paroisses dont les fidèles sont dans leur écrasante majorité des citoyens français, belges, néerlandais, norvégiens, etc. d'origine russe ou pas, et qu'il est peut-être plus constructif d'avoir des diocèses territoriaux, conformément aux canons, que des diocèses basés sur une lointaine origine ethnique, fût-elle rebaptisée "tradition".Le Saint Synode du Patriarcat œcuménique, dans sa session du 27 novembre 2018, a décidé de révoquer le tomos patriarcal de 1999 par lequel il octroyait le soin pastoral et l’administration des paroisses orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale à son archevêque-exarque.
Cette décision répond aux besoins pastoraux et spirituels de notre époque, dans le plus grand respect du droit canonique et de la responsabilité spirituelle qui nous incombe.
En effet, les circonstances historiques ayant conduit à sa création d’une telle structure au lendemain de la Révolution russe d’octobre 1917, il y a tout juste une centaine d’années, ont profondément évolué. Nous rendons grâce à Dieu pour l’infatigable courage dont vos communautés ont fait preuve à travers le temps en préservant la riche tradition spirituelle venue de Russie au lendemain des sanglantes persécutions commises par le nouveau régime athée. Nous nous réjouissons spécialement que l’Église mère du Patriarcat œcuménique ait pris la responsabilité d’offrir sa protection canonique à ces communautés et d’ainsi leur permettre de jouir, dans le respect de l’ordre ecclésial, d’une liberté synonyme de vie dans l’Esprit Saint.
La décision d’aujourd’hui a pour but de renforcer encore plus le lien des paroisses de tradition russe avec l’Église mère du Patriarcat de Constantinople. Chacune de ces communautés est détentrice d’un héritage spirituel qui s’est établi dans le sillage d’une histoire dramatique marquée par la persécution et l’exil et ayant participé prophétiquement au renouveau théologique de l’orthodoxie au 20e siècle. C’est en effet à travers des personnalités, théologiens, philosophes, artistes, de premier plan, issus de l’immigration russe que la foi orthodoxe a rayonné en Europe occidentale et par-delà. Nous tenons ici à rassurer les pieux fidèles des paroisses de tradition russe en Europe occidentale et leurs communautés. C’est par sollicitude pastorale que le Patriarcat œcuménique a décidé l’intégration et le rattachement des paroisses aux différentes saintes métropoles du Patriarcat œcuménique dans les pays où elles se trouvent (partie souligné par la rédaction). Notre Église mère continuera à assurer et à garantir la préservation de leur tradition liturgique et spirituelle. Le lien de filiation sera d’autant plus étroit avec le siège de Constantinople que ce dernier est désireux de continuer à manifester sa mansuétude pastorale et sa sollicitude apostolique à l’égard du peuple de Dieu dont il a la responsabilité.
Nous prions avec ferveur le Seigneur, dont nous nous préparons en cette période à accueillir la divine nativité, que vous saurez rester fidèles au Patriarcat œcuménique, comme l’Église mère de Constantinople vous est dévouée. Nous souhaitons de tout cœur que vous continuiez à être des témoins de la foi orthodoxe en Europe occidentale par la pratique des vertus et l’accomplissement des principes de l’Évangile.
Nous remercions aussi son Excellence, l’archevêque Jean de Charioupolis d’avoir conduit avec amour et loyauté ses communautés jusqu’à cette nouvelle étape de leur histoire, confiant dans la grâce de Dieu qui nous appelle à « être renouvelés par la transformation spirituelle de l’intelligence et revêtir l’homme nouveau, créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité. » (Eph. 4, 23-24)
Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient toujours avec vous, par les prières de la très sainte Mère de Dieu et celles de tous les saints.
Phanar, le 27 novembre 2018
Après tout, en Suisse, depuis 1975, c'est bien de la métropole de Suisse, et non de la rue Daru, que dépend l'unique paroisse orthodoxe francophone "de tradition russe".
Bien entendu, je me réjouirais de voir le patriarcat œcuménique de Constantinople privilégier la création, dans toute l'Europe, de diocèses locaux (de France, de Suisse, de Grande-Bretagne, d'Italie, etc.), avec des fidèles de toutes origines (y compris autochtones comme l'actuel archevêque de la rue Daru), qui pourraient coopérer avec d'autres diocèses locaux dépendant des patriarcats d'Antioche, de Moscou, de Roumanie, de Serbie, de Bulgarie, etc., dans le but d'arriver un jour à créer des Eglises autonomes. Ce serait un grand pas pour l'efficacité du témoignage orthodoxe.
Toutefois, je suis assailli par un certain nombre de doutes. Je me demande si cette décision n'est pas causée par la quasi-absence de vie monastique au sein de l'exarchat, qui rendra de plus en plus difficile le maintien d'un évêque - sans parler de l'hypothèse d'une mise au pas.
Mais plus encore, je redoute que cette décision ne soit suivie d'aucun effet, le diocèse en question ayant toujours fait preuve d'un particularisme pointilleux au motif qu'il serait le seul à appliquer les décisions du concile de Moscou de 1917-1918.
Déjà, en 1966, le patriarcat de Constantinople avait retiré sa protection à l'archevêché de la rue Daru et lui avait alors demandé de réintégrer l'Eglise orthodoxe de Russie (soit le patriarcat de Moscou). L'archevêché avait alors opté pour un statut jusque-là inconnu dans l'Eglise d' "indépendance" (statut anticanonique qui ne l'a pas empêché, jusqu'à ce jour, de s'arroger le monopole de la canonicité en Europe occidentale) avant d'être réintégré en 1971 au sein du patriarcat de Constantinople.
Je m'attends donc aux mêmes résistances, au nom de la "tradition russe" (comprendre "la tradition des aristocrates et des bourgeois libéraux partis de Saint-Pétersbourg en 1920") et des "canons du concile de Moscou de 1917-1918".