Sur son site, Jean-François Mayer commente le fameux sondage de l'institut étasunien de recherche sur les religions Pew, sondage que l'hebdomadaire français
Valeurs actuelles a interprété à sa manière voici quelques mois.
https://www.religion.info/2017/11/09/de ... rthodoxes/
Tous ces chiffres sont, bien entendu, à prendre avec une marge d'erreur, mais ils confirment ce que quiconque a un peu navigué dans l'univers orthodoxe sait et que Mayer résume comme suit:
Outre le cas très supérieur à la moyenne de l’Éthiopie (et peut-être les enquêteurs auraient-ils trouvé des résultats semblables en Égypte, si celle-ci avait été incluse), certains pays semblent se distinguer par des taux plus élevés d’adhésion aux croyances orthodoxe, du moins à en croire la perception des personnes ayant répondu à ces enquêtes : en particulier la Géorgie, l’Arménie, la Moldavie, la Roumanie, la Grèce…
En laissant de côté l'Arménie qui n'est "orthodoxe" qu'aux yeux de l'institut Pew, ce que le sondage souligne, c'est qu'une certaine ferveur s'est maintenue en Géorgie, en Moldavie, en Roumanie et en Grèce, tandis que l'Orthodoxie est en très grande difficulté en Russie ou en Bulgarie, par exemple.
On sait que le communisme a plus ou moins liquidé l'Orthodoxie en Serbie, mais pas en Roumanie, de même qu'il a plus ou moins liquidé le catholicisme romain en République tchèque, mais pas en Pologne. Pourtant, le régime de Gheorghiu-Dej était aussi sanguinaire que celui de Tito.
Il faut bien comprendre que des facteurs antérieurs à l'avènement du communisme ont joué pour aboutir à une plus ou moins grande résistance de la société à la persécution religieuse communiste.
C'est encore plus évident dans la comparaison entre la Géorgie, restée majoritairement orthodoxe, et la Russie, devenue majoritairement athée : les deux pays ont connu le communisme presque pendant la même durée (1917-1991 en Russie, 1921-1991 en Géorgie) et ont partagé les mêmes souffrances, Staline n'ayant pas manifesté de mansuétude particulière pour son pays d'origine (encore que, si l'on en croit Françoise Thom, Beria l'ait fait). Tout simplement, la même violence communiste s'es déchaînée, dans le cas de la Russie, sur une société où la religion orthodoxe était beaucoup plus affaiblie, et ceci s'explique par le passage plus tardif de la Géorgie sous la domination des Romanov.
Non seulement la Géorgie a-t-elle été évangélisée six siècles avant la Russie, mais encore n'est-elle passée sous la domination des Romanov qu'en 1801.On sait que les trois derniers tsars, Alexandre II, Alexandre III et Nicolas II, ont à partir de 1855 desserré l'étreinte mortelle que leur dynastie faisait subir à l'Eglise orthodoxe. Ainsi la Géorgie n'avait-elle connu que cinquante ans d'oppression religieuse et anti-orthodoxe de la part de la maison Romanov, alors que cela a duré un siècle et demi (1700-1855) en Russie. La Géorgie n'a subi que les fantaisies anti-orthodoxes d'Alexandre Ier; la Russie avait en plus dû subir celles de Pierre Ier et de Catherine II. De ce fait, l'identification de la population à sa religion était probablement encore forte en Géorgie en 1921, ce qui explique qu'elle ait mieux survécu au communisme.
Je pense que la violence communiste, ou l'intensité de la barbarie communiste, a eu plus d'effets sur les sociétés qu'elle martyrisait lorsque la pratique religieuse avait déjà été vilipendée, méprisée, brimée, et qu'il y avait eu des années de propagande antireligieuse comme dans la Russie des Romanov ou la Tchécoslovaquie d'entre-les-deux-guerres que lorsque la société dans son ensemble (y compris l'aristocratie et les capitalistes) conservait un respect assez important pour la religion majoritaire, comme en Géorgie ou en Pologne.