Un test du phylétisme
Publié : sam. 08 mars 2014 20:03
Petit à petit s'est développé au sein de l'Église, particulièrement en Europe occidentale, une ecclésiologie totalement étrangère à la tradition orthodoxe, et selon laquelle les chrétiens orthodoxes en Europe occidentale, dans les Amériques et en Océanie constitueraient une «diaspora»... même s'ils sont autochtones, ou s'ils appartiennent à la quatrième génération d'immigrés nés dans le pays. (Il faudra d'ailleurs demander aux tenants de cette ecclésiologie jusqu'à combien de générations il faut remonter pour être considéré comme autochtone et plus comme «émigré»).
Cette ecclésiologie, qui trouve des défenseurs particulièrement fanatiques sur l'Internet orthodoxe francophone, apparaît comme une espèce de médiocre succédané du judaïsme.
En effet, le grec diaspora (διασπορά) transcrit les termes hébreux galout (גלות ) (cf. II R 25:27) et golah (גולה ) (cf.II R 24: 15-16) , exil, captivité, qui, «dans la Bible n'est jamais un terme abstrait se référant à l'exil, l'errance, l'esclavage ou encore l'aliénation, pas plus qu'il ne désigne une condition objective ou un état d'esprit. L'association du terme avec ces concepts n'a eu lieu qu'après la destruction du Second Temple, à l'époque talmudique. Avec le temps, golah devint synonyme du grec diaspora ( «dispersion»), c'est-à-dire qu'il désignait tout pays, en dehors d'Erets Israël, où vivaient des Juifs, sans qu'il fût tenu compte de la façon dont ils y étaient parvenus» (publié sous la direction de Geoffrey Wigoder, adaptation française sous la direction de Sylvie Anne Goldberg avec la collaboration de Véronique Gillet, Arnaud Sérandour et Gabriel Raphaël Veyret Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Bouquins, Cerf / Robert Laffont, Paris 1996, p. 383).
Ce concept a un sens dans le judaïsme, puisqu'il est le corollaire de l'espérance d'un retour en Terre sainte. Je ne vois pas quel sens il pourrait avoir s'agissant d'une Église universelle et qui a reçu du Sauveur le commandement d'enseigner toutes les nations (Mt 28:19).
Mais il y a un point où nos orthodoxes «diasporiques» sont beaucoup plus «diasporiques» que le judaïsme - en tout cas que le judaïsme de ces mille dernières années.
En effet, depuis au moins le XIe siècle, le judaïsme connaît des «prières pour le gouvernement», qui appellent la bénédiction divine sur le chef de l'État, monarque ou président, et sur le gouvernement. Cette coutume s'enracine dans la Bible, qui ordonne de «craindre Dieu ainsi que le roi »(Pr 24:21) et qui rapporte que, dans le Temple de Jérusalem reconstruit, on priait pour le roi des Perses (Esd 6:10).
C'est ainsi, qu'à l'heure actuelle, dans les synagogues en France, on dit des prières pour la République française et des prières pour le président de la République française, dont le texte a été pour l'essentiel établi au XIXe siècle (texte de ces prières in Wigoder / Goldberg e.a. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Bouquins, Cerf / Robert Laffont, Paris 1996, p. 400). Les synagogues les plus traditionnelles des États-Unis d'Amérique disent une prière pour le président et le vice-président de l'Union, des synagogues moins traditionnelles se contentant de prières pour le gouvernement et ses fonctionnaires.
Nos orthodoxes «diasporiques» sont donc beaucoup plus «diasporiques» que ce judaïsme «diasporique» en ce sens qu'ils se dispensent de prier pour le gouvernement des États où ils résident... dont ils ont la nationalité... où leurs ancêtres résidaient déjà... etc.
Or, c'est un usage établi de l'Église orthodoxe. lui aussi enraciné dans la Bible (Rom 13: 1) que de prier pour le chef de l'État à la liturgie, en le mentionnant par son prénom s'il est orthodoxe. Autrement dit, vous pouvez prier pour le roi de France, mais vous devez prier pour celui qui est aujourd'hui le président de la République française.
A ma connaissance, aucune paroisse orthodoxe en Suisse ne prie pour le Conseil fédéral.
D'après le livre que notre frère Jean Besse avait consacré à l'église orthodoxe roumaine de Paris (les Saints-Archanges), celle-ci aurait été pendant des décennies la seule paroisse orthodoxe parisienne à se conformer à l'usage orthodoxe traditionnel (plus précisément, il semble qu'à la liturgie, on y commémorait le roi Michel de Roumanie et « les autorités de la République française»).
Cette absence de commémoration, à la liturgie, des autorités d'États dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne persécutent pas l'Église orthodoxe, me semble une manifestation incontestable des dérives du phylétisme (on se veut tellement en «diaspora» qu'on oublie où on est ici et maintenant... depuis souvent x générations).
Je voudrais savoir si, parmi les lecteurs du forum, d'autres ont eu des échos ou des impressions plus positives que moi, et s'ils connaissent des paroisses qui prient pour le gouvernement du pays.
Cette ecclésiologie, qui trouve des défenseurs particulièrement fanatiques sur l'Internet orthodoxe francophone, apparaît comme une espèce de médiocre succédané du judaïsme.
En effet, le grec diaspora (διασπορά) transcrit les termes hébreux galout (גלות ) (cf. II R 25:27) et golah (גולה ) (cf.II R 24: 15-16) , exil, captivité, qui, «dans la Bible n'est jamais un terme abstrait se référant à l'exil, l'errance, l'esclavage ou encore l'aliénation, pas plus qu'il ne désigne une condition objective ou un état d'esprit. L'association du terme avec ces concepts n'a eu lieu qu'après la destruction du Second Temple, à l'époque talmudique. Avec le temps, golah devint synonyme du grec diaspora ( «dispersion»), c'est-à-dire qu'il désignait tout pays, en dehors d'Erets Israël, où vivaient des Juifs, sans qu'il fût tenu compte de la façon dont ils y étaient parvenus» (publié sous la direction de Geoffrey Wigoder, adaptation française sous la direction de Sylvie Anne Goldberg avec la collaboration de Véronique Gillet, Arnaud Sérandour et Gabriel Raphaël Veyret Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Bouquins, Cerf / Robert Laffont, Paris 1996, p. 383).
Ce concept a un sens dans le judaïsme, puisqu'il est le corollaire de l'espérance d'un retour en Terre sainte. Je ne vois pas quel sens il pourrait avoir s'agissant d'une Église universelle et qui a reçu du Sauveur le commandement d'enseigner toutes les nations (Mt 28:19).
Mais il y a un point où nos orthodoxes «diasporiques» sont beaucoup plus «diasporiques» que le judaïsme - en tout cas que le judaïsme de ces mille dernières années.
En effet, depuis au moins le XIe siècle, le judaïsme connaît des «prières pour le gouvernement», qui appellent la bénédiction divine sur le chef de l'État, monarque ou président, et sur le gouvernement. Cette coutume s'enracine dans la Bible, qui ordonne de «craindre Dieu ainsi que le roi »(Pr 24:21) et qui rapporte que, dans le Temple de Jérusalem reconstruit, on priait pour le roi des Perses (Esd 6:10).
C'est ainsi, qu'à l'heure actuelle, dans les synagogues en France, on dit des prières pour la République française et des prières pour le président de la République française, dont le texte a été pour l'essentiel établi au XIXe siècle (texte de ces prières in Wigoder / Goldberg e.a. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Bouquins, Cerf / Robert Laffont, Paris 1996, p. 400). Les synagogues les plus traditionnelles des États-Unis d'Amérique disent une prière pour le président et le vice-président de l'Union, des synagogues moins traditionnelles se contentant de prières pour le gouvernement et ses fonctionnaires.
Nos orthodoxes «diasporiques» sont donc beaucoup plus «diasporiques» que ce judaïsme «diasporique» en ce sens qu'ils se dispensent de prier pour le gouvernement des États où ils résident... dont ils ont la nationalité... où leurs ancêtres résidaient déjà... etc.
Or, c'est un usage établi de l'Église orthodoxe. lui aussi enraciné dans la Bible (Rom 13: 1) que de prier pour le chef de l'État à la liturgie, en le mentionnant par son prénom s'il est orthodoxe. Autrement dit, vous pouvez prier pour le roi de France, mais vous devez prier pour celui qui est aujourd'hui le président de la République française.
A ma connaissance, aucune paroisse orthodoxe en Suisse ne prie pour le Conseil fédéral.
D'après le livre que notre frère Jean Besse avait consacré à l'église orthodoxe roumaine de Paris (les Saints-Archanges), celle-ci aurait été pendant des décennies la seule paroisse orthodoxe parisienne à se conformer à l'usage orthodoxe traditionnel (plus précisément, il semble qu'à la liturgie, on y commémorait le roi Michel de Roumanie et « les autorités de la République française»).
Cette absence de commémoration, à la liturgie, des autorités d'États dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne persécutent pas l'Église orthodoxe, me semble une manifestation incontestable des dérives du phylétisme (on se veut tellement en «diaspora» qu'on oublie où on est ici et maintenant... depuis souvent x générations).
Je voudrais savoir si, parmi les lecteurs du forum, d'autres ont eu des échos ou des impressions plus positives que moi, et s'ils connaissent des paroisses qui prient pour le gouvernement du pays.