jeremy a écrit :j'avoue ne pas comprendre pourquoi on ne peut concelebrer ensemble.... je suppose qu'il y a des raisons qui m'echappent, mais je trouve ça tellement dommage... le Christ ne valide t'il pas la sainte cene des protestants et l'eucharistie catholique ? leur tourne t'il le dos quand ils vivent cet evenement ? je pose la question sans animosité, je ne comprends vraiment pas....
j'ai rendez vous avec un pretre orthodoxe d'ici une dizaine de jours, apres une liturgie à laquelle je vais participer (pour la premiere fois) hormis bien sur les sacrements, je vais lui poser la question car j'ai toujours autant envie de devenir orthodoxe tant j'adhere aux dogmes, à la vie spirituelle personnelle qui y est conseillée, à l'enseignement de ses saints Pères etc.... Mais ça me deprime à l'avance de devoir decliner le pain et le vin quand je serai avec mes amis protestants ou l'eucharistie avec mes amis catholiques...
désolé si je suis hors sujet mais puisque c'etait abordé...
J'avoue ne pas comprendre votre désarroi, ne pas voir où est le problème.
D'emblée, je dois vous avouer que je ne savais pas que les catholiques romains distribuaient l'eucharistie, et les protestants la cène, de manière aussi libérale, sans préparation et sans unité de foi. Par exemple, il me semble que chez les protestants, c'est un symbole et que chez les catholiques romains, il y aurait un certaine doctrine de la transsubstantiation. Est-ce vraiment la même chose? Hors de toute considération religieuse, n'y a-t-il pas un certain illogisme à distribuer le sacrement de l'unité à des gens qui ne sont même pas unis sur la nature dudit sacrement?
Quoiqu'il en soit, le problème est ailleurs. Je ne vois pas quelle obligation vous auriez de devoir communier quand on vous le propose et où est la faute à ne pas le faire.
Les catholiques romains ont un commandement selon lequel il faut communier au moins une fois par an à Pâques; je ne sais pas s'ils l'appliquent encore ou s'il est tombé en désuétude comme tout le reste. A cette seule exception, qui ne concerne ou ne concernait que les catholiques romains, personne à ma connaissance n'a une obligation morale de communier.
Dans le passé, il y a eu des Etats qui ont prétendu imposer une obligation juridique de communier afin de démasquer les dissidents.
A Pâques 1686, en France, on avait imposé aux protestants la communion obligatoire dans les églises catholiques (puisque l'Etat avait décidé qu'il n'y avait plus de protestantisme en dehors de l'Alsace). Je ne sais pas combien d'entre eux ont cru de leur devoir de "décliner" l'eucharistie qu'on prétendait leur imposer. La seule chose que je sais, c'est que le professeur Chaunu disait que cela avait réveillé le protestantisme en France, les "nouveaux catholiques" ayant commencé à douter de la bonne foi d'une Eglise qui prétendait que l'hostie était le corps du Christ et voulait en même temps imposer la manducation obligatoire de ce corps. Pour ma part, je pense que cela a surtout montré aux convertis de force de 1685 que l'article 12 de l'édit de Fontainebleau, qui garantissait la liberté de conscience malgré la suppression de la liberté de culte, n'était qu'une duperie et qu'il ne leur restait plus qu'à se battre.
En Russie, pendant les décennies où les Romanov sciaient la branche sur laquelle ils étaient assis en abaissant l'Eglise orthodoxe par tous les moyens possibles, on avait voulu (du temps de Nicolas Ier, me semble-t-il) rendre la communion pascale obligatoire pour les orthodoxes, ceci afin de débusquer les Vieux-Croyants qui ne voulaient bien entendu pas recevoir les sacrements de l'Eglise officielle. En général, pour éviter le scandale qu'aurait entraîné l'application de la loi ou contre espèces sonnantes et trébuchantes, le clergé inscrivait comme ayant communié des gens qui ne l'avaient pas fait, et Saint-Pétersbourg n'y voyait que du feu. Toutefois, le gouvernement impérial n'avait pas poussé l'outrecuidance jusqu'à vouloir imposer la communion obligatoire aux hétérodoxes, ce qui, au demeurant, aurait été totalement dépourvu de sens.
Mais voilà, ces pressions politiques n'ont plus cours de nos jours (surtout pas en Europe francophone), et je ne vois pas qui, et au nom de quoi, pourrait vous obliger à communier.
En outre, si vous vous intéressez un peu à l'histoire du christianisme, vous verrez qu'avant les années 1960, on était beaucoup plus circonspect sur la communion et que la plupart des gens auraient eu des scrupules inverses des vôtres: ils auraient plutôt eu un trouble de conscience à communier dans une confession dont ils ne professaient pas les croyances. Par exemple, le calendrier des saints de l'Eglise orthodoxe est rempli de gens qui ont préféré mourir plutôt que de recevoir l'eucharistie uniate ou catholique romaine (voyez le cas de saint Athanase Todoran ou des martyrs de Tartou). Je ne parle que de ce que je connais, mais je suis sûr que les uniates ou les catholiques romains refusaient aussi les sacrements des orthodoxes.
Par ailleurs, j'ai peur que vous ne soyez surpris lorsque vous découvrirez les exigences de la préparation à la communion chez les orthodoxes (jeûne, canon de prières, confession). En milieu orthodoxe traditionnel, la mentalité est plutôt de ne pas communier du tout que de communier en état d'impréparation; c'est un peu le contraire de l'état d'esprit que vous décrivez dans votre message.