Paul2 a écrit :Merci pour votre réponse, même si je la trouve un peu choquante.
Tout d'abord une correction. Je n'ai jamais dirigé de chœur dans une église orthodoxe. C'est dans notre paroisse catholique que j'ai eu la joie de faire chanter ce magnifique hymne acathiste à la Mère de Dieu.
Ensuite, je suis un peu choqué par votre intolérance. (...)
Cas d'école: l'interlocuteur (Nikolas) qui a pris la peine d'accueillir le visiteur (Paul2) et a passé un certain temps à lui donner des informations est évidemment catalogué comme «intolérant» et sa réponse est «choquante».
Faut-il comprendre que Nikolas «choque» parce que, en répondant, il a exprimé une opinion qui n'est pas celle du visiteur et rappelé des règles ecclésiales qui n'ont pas l'air de plaire à celui-ci?
Il semble bien que «l'intolérance» consiste à ne pas penser comme notre visiteur, à un tel point que même l'Église n'a pas le droit de ne pas penser comme lui et d'édicter des règles qu'il n'a pas approuvées. Je ne vois guère où est le «profond respect des uns des autres» dans une telle attitude.
On nage en pleine logomachie, dans une espèce de jeu qui consiste à dire «je suis plus tolérant que toi». Cette logomachie me paraît condamnable du point de vue éthique, et, surtout, elle tue toute possibilité de dialogue, puisque les positions d'un interlocuteur sont d'emblée, et sans examen ni discussion, frappées de la condamnation absolue en nos temps politiquement corrects. Il y a donc un interlocuteur qui a automatiquement raison, qui est juge du bien et du mal, qui a le droit de frapper l'autre d'exclusion, de réactions épidermiques et de jugements de valeur («vous êtes intolérant», «vous me choquez»), et un autre interlocuteur qui a automatiquement tort et qui doit se taire même s'il peut, lui, argumenter, expliquer et justifier chaque point de ce qu'il avance. Mais, voilà, Nikolas a ontologiquement tort puisqu'il ne pense pas comme Paul2 - point final. C'est très fort du point de vue de l'agit-prop, mais cela ne cache-t-il pas l'absence d'arguments rationnels?
Poser la question, c'est déjà y répondre et, en vérité, la violence de la réponse qui est adressée à Nikolas ne me surprend guère parce que j'ai retenu l'avertissement de Paul Valéry:
Rappelez-vous tout simplement qu'entre les hommes il n'existe que deux relations: la logique ou la guerre. Demandez toujours des preuves, la preuve est la politesse élémentaire qu'on se doit. Si l'on refuse, souvenez-vous que vous êtes attaqué et qu'on va vous faire obéir par tous les moyens.
(Paul Valéry, Monsieur Teste, in Œuvres, tome II, La Pléiade, Gallimard, Paris 1960, page 61.)
Nikolas doit se taire parce que Nikolas a produit une réponse argumentée et qu'on n'a rien à lui opposer. Alors, puisqu'on ne peut pas lui répondre par la logique, on va lui faire la guerre, la guerre des mots, la logomachie, et on va lui lancer à la figure l'accusation d' «intolérance», une forme de mise à mort médiatique qui n'a rien à faire dans une discussion qui était supposée porter sur des faits.
De tels propos, de telles attitudes sont inacceptables.
Je suis renforcé dans cette opinion par cette phrase surprenante que je relève:
Paul2 a écrit :C'est, je pense, le souhait de mon correspondant.
Je me permettrai de lui communiquer votre texte pour voir ce qu'il en pense.
Ah bon? On vient demander un renseignement ou faire passer un examen? Il y a donc un censeur qui doit examiner les textes de Nikolas? Est-ce si insupportable de penser par soi-même?
On aurait pu avoir des explications de Paul2 sur le fait que, par exemple, la communauté juive de Genève a été «intolérante» lorsque la majorité de ses membres a protesté, voici quelques années, parce qu'une minorité avait imposé une présence de non-juifs chantant dans le chœur de la synagogue, ce qui est,
mutatis mutanda, la situation évoquée par le texte de Nikolas. Pour ma part, je trouve que les Juifs en question n'ont pas été «intolérants», mais logiques. Mais de démonstration on n'aura pas. On aura droit qu'à l'accusation d' «intolérance» lancée à la figure de Nikolas, que l'affirmation gratuite que sa position est «choquante» (sans doute parce qu'on ne peut y opposer une argumentation en sens contraire), et à la référence au super-censeur qui va examiner le message de Nikolas. C'est vraiment courtois et «tolérant» envers quelqu'un qui s'est donné la peine de répondre et d'expliquer.
Je prends donc acte du fait que notre visiteur a fermé toute possibilité de dialogue. Dommage, il aurait peut-être pu apprendre quelque chose sur l'Église. Est-ce si insupportable de s'informer, de s'instruire, de s'abstraire des préjugés?
Toutefois, à côté de l'attaque
ad hominem contre Nikolas, il y avait tout de même dans ce pseudo-échange un élément de fait de valeur générale sur lequel j'aimerais exprimer une opinion avant de me taire, ne voulant pas répondre plus avant à la provocation.
L'hymne acathiste à la Mère de Dieu a sans doute sa place dans une paroisse uniate de rit byzantin ou d'inspiration byzantine. Je pense qu'il n'a pas sa place dans une paroisse de rit romain, sauf à sacrifier les richesses propres de chaque rit et, en particulier, à mépriser le rit romain. À force de mettre partout et n'importe comment des icônes détachées de leur contexte liturgique, on finira par jeter au rebut les peintures d'autel et les statues qui sont consubstantielles à l'architecture d'une église romaine et qui sont le produit de formes de piété et de liturgie qui marchent de conserve avec cette architecture. Il en va de même pour les formes de la vie liturgique. En dehors de strates anciennes et profondes communes à toutes les liturgies chrétiennes, la compénétration des rites ne peut se faire qu'à dose homéopathique, dans un contexte qui la produit naturellement, et non pas sous des formes qui ressemblent par trop à un effet de mode et qui risquent de conduire à des offices désarticulés, déséquilibrés et coupés de leur environnement culturel et spirituel. Et oui, comme l'a dit Nikolas,
lex orandi, lex credendi: des offices coupés de leur contexte risquent d'aboutir à une foi coupée de son contexte.
Dans le cas particulier de l'hymne acathiste à la Mère de Dieu, il s'agit tout de même d'une composition qui célèbre un événement bien précis: la délivrance de Constantinople lors du siège de la ville par les Avars et les Perses en 626. Qu'est-ce que cet événement a à voir avec l'histoire du rit romain?
Cela vaut naturellement dans les deux sens. Mettons de côté les paroisses orthodoxes de rit tridentin ou de rit anglican, nombreuses dans les pays anglo-saxons, mais inexistantes en Europe, et pour lesquelles le travail de compénétration a été mené à bien depuis longtemps et avec l'approbation des autorités ecclésiales compétentes: c'est là un environnement dans lequel on a pris en compte tout ce qui, d'un point de vue liturgique, devait être conservé de l'héritage récent. Concentrons-nous sur les paroisses orthodoxes de rit byzantin ou de rit gallican qui sont seules présentes chez nous. L'envie est grande d'utiliser des éléments liturgiques du rit romain, du rit réformé ou du rit luthérien - à condition qu'ils ne soient pas incompatibles avec la foi orthodoxe -, ne serait-ce que pour tenir compte du contexte historique des siècles qui ont suivi la disparition de l'Orthodoxie dans nos contrées. Mais quels éléments pouvons-nous utiliser? Un cantique romain, un choral luthérien, peuvent sans doute (toujours sous réserve d'être compatibles avec la foi orthodoxe) être chantés dans une procession. Mais, en toute honnêteté, je ne vois pas où on pourrait les insérer dans un office: chez les orthodoxes, le rit byzantin et le rit gallican (comme, chez les catholiques romains, le rit romain ordinaire) ont une cohérence interne dans laquelle il paraît difficile d'apporter des éléments externes sans que cette addition, bien loin d'être un enrichissement, ne soit un appauvrissement de l'ensemble. Il faut donc être extrêmement prudent et mesuré dans ce genre de démarche.