Dans le Pré spirituel de Jean Moschos l’on peur lire les histoires suivantes:
Chapitre 25
[Au sujet d’un frère du monastère de Choziba, des termes de la prières de la sainte oblation, et aussi d’abba Jean.]
Grégoire, du monastère du Scholarios16, nous raconta ceci: « Il était un frère dans la communauté de Choziba qui avait appris les termes de la prière de la sainte oblation17. Un jour, on l’envoya chercher des pains bénis, et, de retour au monastère, il récita la prière comme il l’aurait fait d’une poésie. Les diacres déposèrent ces pains bénis sur la patène posée sur le saint autel. Et, au moment où abba Jean, le prêtre d’alors, surnommé le Chozibite, (lui qui plus tard fut évêque de Césarée de Palestine)18 prononçait la prière, il ne vit pas descendre l’Esprit saint comme d’habitude. Affligé à l’idée d’avoir pu commettre un péché et [pensant] que, pour cette raison, l’Esprit saint s’était tenu éloigné, il entra dans la sacristie en pleurant et se jetant face contre terre ; l’ange du Seigneur lui apparut alors, et lui dit : « Depuis que, sur la route, en apportant les pains, le frère a dit la [prière de la] sainte oblation, ils sont consacrés et parfaits ». L’ancien établit alors une règle, à savoir que personne n’apprendrait la prière de la sainte oblation s’il n’avait pas été ordonné, et que personne ne pourrait la dire à n’importe quel moment, en dehors d’un lieu consacré. »
16. Fondé par Jean Scholarios, son premier higoumène de 510 à 545 ; le terme scholarios désigne les membres de la scholae, la garde impériale.
17. Le texte grec utilise ici l’expression curieuse de proskomidè de l’anaphore ; le premier terme désigne la préparation des espèces eucharistiques avant la consécration, et le second recouvre normalement toute la prière eucharistique. Moschos semble bien pourtant désigner ici uniquement la prière de la consécration. L’histoire se retrouve dans la Vie de Georges de Choziba.
18. Mort vers 536.
p.40-41. Ed. Migne, Col. Les Pères dans la Foi, 2006.
Je me pose donc la question suivante: est-il possible à un laïc de consacrer les saints dons? Ce, en l'absence total de prêtre, plus précisement lorsque les fidèles d'une Eglise ont l'impossibilité totale d'avoir recours à un prêtre.Chapitre 96
[Au sujet du même ancien (ndlr : l‘ancien Patrikios), et de Julien l’Arabe, aveugle.]
Il nous dirent encore ceci à son sujet : « Il y avait ici un autre ancien, d’origine arabe et nommé Julien ; il était aveugle. Cet abba Julien fut une fois scandalisé par Macarios, l’archevêque de Jérusalem, et refusa dès lors de communier avec lui. Un jour, abba Julien informa abba Syméon75, celui qui vit sur le Mont Admirable (situé à neuf milles de Théoupolis), en lui disant: « Je suis aveugle, je ne peux aller nulle part, je n’ai personne pour m’aider, et je refuse de communier avec Macaire. Montre-moi, Père, comment agir face à un frère licencieux et à un frère qui s’est lié à lui par un serment ». Abba Syméon conseilla à abba Julien : « Ne te retire pas, ne te sépare pas de la sainte Eglise. Car elle est à l’abri du mal par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ Fils de Dieu. Sache quand même une chose, frère : peu importe celui qui célèbre (l’eucharistie) dans votre monastère, vous avez là un ancien du nom de Patrikios ; cet ancien se tient à l’extérieur du sanctuaire, derrière tous, près du mur occidental de l’église ; il dit lui-même la prière de l’eucharistie, et la sainte anaphore est considérée comme de lui »76. »
75. Il s’agit de Syméon Stylite le Jeune, 521-592, un contemporain de Moschos.
76. Cette consécration de l’Eucharistie par un autre que le prêtre officiant est à rapprocher du chap. 25 ; ici aussi, proskomidè et anaphore semblent être des termes équivalents.
Op. cit. p.108-109.
Si la réponse est positive, il serait donc possible a un laïc de célébrer la liturgie eucharistique, de dire la sainte anaphore, en l’absence totale et absolu de prêtre bien sur (de la même manière qu’en dernière extrémité un laïc peut baptiser en l’absence de prêtre) et de procéder à la consécrations des saints dons du moment que les prières et le rite soit accomplis de manière convenable, avec Foi, Piété et crainte de Dieu. Cela aurait il put se pratiquer, par exemple, dans l’Eglise « des catacombes » durant les persécutions en Russie? Ou durant la période ottomane en Grèce?
Voilà au premier abord les réflexions que m’inspire ce passage.
Je pourrais également citer les chapitres 196, 197, 227 qui relatent des jeux d’enfant baptisant, consacrant les dons, ou ordonnant des clercs.