"En Bretagne, l'interdiction faite aux curés de transmettre leurs bénéfices à leurs fils date de 1127 et un passage de la Vie du bienheureux Bernard de Thiron atteste que, dans la province voisine, le mariage des clercs est, aux dernières décennies du XIe siècle, monnaie courante: "C'était une habitude en ce temps-là dans toute la Normandie que les prêtres prennent femme publiquement, célèbrent leurs noces, procréent fils et filles à qui, par droit de succession, ils laissaient leurs églises après leur mort. Ils mariaient leurs filles et, s'ils n'avaient pas d'autres biens, ils les dotaient fréquemment d'une église. Quand ils prenaient femme, et avant de s'unir à elle, ils juraient en présence de ses parents qu'ils ne la quitteraient jamais." Si tant est que Robert ait prêté ce serment, il ne s'y tiendra guère. Vers 1078, compromis dans les malversations qui entourent l'élection d'un nouvel évêque de Rennes, il s'enfuit de Bretagne et gagne Paris où il recommence des études."
Jacques Dalarun, "Robert d'Arbissel, l'homme qui aimait les femmes", in L'Histoire, n° 82, Paris 1985, p. 38.
Voilà un petit paragraphe qui appelle deux commentaires:
1. Les propagandistes du célibat sacerdotal le présentent toujours comme une tradition apostolique (ce qui est, au demeurant, une argumentation qui n'est pas en phase avec leur propre mentalité: ne font-ils pas constamment reproche aux orthodoxes de s'en tenir à la tradition au lieu de manifester la même "créativité" qu'eux en matière de dogmes). Il est intéressant de constater une fois de plus que, dans l'ouest de la France, on n'avait toujours pas entendu parler de cette tradition en l'an 1127.
2. Le passage de la
Vie de Bernard de Tiron (
vita rédigée après le triomphe de la "réforme grégorienne") cité par M. Dalarun est ambigu à souhait: s'agit-il de discréditer l'antique tradition (réellement apostolique, celle-ci, et conservée jusqu'à ce jour par l'Eglise orthodoxe) qui consiste à ordonner à la prêtrise des hommes mariés en la transformant en mariage de prêtres déjà ordonnés (ce qui ne se voit que dans des cas très rares et avec dispense canonique), ou y a-t-il vraiment eu, au moins en Normandie, une discipline (proche de celle des Eglises protestantes actuelles) consistant à marier des hommes déjà entrés dans les ordres majeurs?