Anne Geneviève a écrit :Autant je récuse l'Eglise de Rome sur le plan dogmatique, ecclésiologique, anthropologique même, autant je fais très attention à ce que ce ne soit pas pour moi la muleta qui va faire foncer mon taureau intérieur. J'ai parfois l'impression que ça le devient pour vous, mon cher Claude.
Je me demande bien comment vous pouvez faire un lien entre mes positions sur le suaire de Turin et ce que je peux penser par ailleurs du Vatican dont je vois mal ce qu'il vient faire là-dedans.
En effet, à ma connaissance, l'Eglise catholique romaine n'a pas de position officielle sur le suaire de Turin dont elle n'est d'ailleurs propriétaire que depuis 1983. Elle n'a aucune responsabilité dans le vol de cet épitaphion aux chanoines de Lirey. Il est naturel qu'un objet de cette nature soit exposé à la vénération des fidèles, car, dans tous les cas, c'est une belle image sainte, et je ne fais aucun reproche à ceux qui organisent son ostension. On peut le vénérer comme on vénère n'importe quelle icône, à cause de la vénération qui est due au prototype. Je n'ai réagi que pour faire part de mon scepticisme quant aux caractéristiques surnaturelles de cette sainte image. Dans la tradition orthodoxe, il n'est pas nécessaire qu'une icône ait des propriétés surnaturelles pour qu'elle soit objet de vénération; ainsi qu'il fut longuement expliqué aux iconoclastes, nous n'adorons pas un objet, nous vénérons Celui qui est représenté. Pour la même raison, j'ai toujours trouvé peu convaicants les arguments de ceux qui veulent faire disparaître les icônes collées - sujet sur lequel je me suis déjà exprimé - comme si c'était la nature du support qui importait, et non la représentation.
Pour le reste, on ne peut pas accuser le Vatican d'en avoir fait une publicité excessive ni d'avoir cherché à tromper les gens. Parmi les principaux adversaires de l'authenticité du suaire, on a toujours trouvé des catholiques convaincus comme le professeur Godefroid Kurth. C'est le Vatican qui a permis la datation au carbone 14 de 1988 qui a abouti à la date moyenne de 1325 pour la fabrication du suaire. Les autorités catholiques romaines ont toujours été extrêmement prudentes par rapport à cette question. Je ne vois donc pas le moindre fondement à votre remarque citée ci-dessus.
Ce n'est pas non plus le Vatican - ni même l'épiscopat croate - qui porte la responsabilité de l'immense tromperie spirituelle de Medjugorje, qui continue son bonhomme de chemin malgré toutes les condamnations des autorités catholiques romaines compétentes. Néanmoins, la nature est ainsi faite que lorsque la tromperie se dégonflera, il se trouvera des gens pour en accuser l'évêque du lieu ou ses supérieurs. Il me semble que nous devons exprimer toutes nos réserves sur une image comme le suaire de Turin, dès lors que nous avons toutes les raisons objectives d'être réservés, car c'est tout le christianisme qui sera attaqué si on en fait trop sur des bases aussi incertaines.
Je constate donc que vous usez à mon égard de la même réfutation qu'à l'égard de Broch, et elle ne me convainc pas: le fait que Broch soit matérialiste ne suffit pas à enlever toute valeur à ses arguments, le fait que je sois chrétien orthodoxe ne suffit pas à enlever tout valeur aux miens. Il y a pourtant aussi, je le répète, beaucoup de catholiques romains qui ont la même opinion. Il y a des orthodoxes qui y croient, il y en a aussi qui sont fort sceptiques (cf. les articles que
La Lumière du Thabor avait traduits en leur temps à ce propos).
C'est un exercice délicat que celui auquel vous vous livrez en nous faisant part de vos impressions sur ma psychologie. Il me semble difficile de sonder l'âme de quelqu'un qu'on n'a jamais rencontré de sa vie. En l'occurrence, vous vous êtes livrée à cette exercice difficle, et votre attaque a porté à faux: s'il y a bien une muleta pour moi, ce n'est pas le Vatican - qui n'est pas impliqué dans l'affaire -, c'est le mépris de certains orthodoxes à l'égard de chefs d'oeuvre d'érudition qui n'ont que le malheur d'avoir été écrits en français.
Ceci étant, les attaques contre ma petite personne me laissant indifférent et m'échauffant de moins en moins la bile, je trouverais plus intéressant que vous nous expliquiez sur quoi vous basez votre conviction que le suaire apparu à Lirey en 1357 aurait été dérobé à Constantinople en 1204. Que vous ne soyez pas convaincue par les études du professeur Broch et de ses prédécesseurs, c'est une chose. Mais cela ne nous explique pas pourquoi vous comment vous faites le lien entre Constantinople et le suaire aujourd'hui conservé à Turin. Après tout, le fait qu'il soit ou non passé par Constantinople ne joue aucun rôle quant à la question de son authenticité: vous pouvez tout aussi bien être convaincue de son authenticité en pensant qu'il est venu directement de Jérusalem à Lirey - par exemple à l'époque de la première Croisade. Je voudrais donc savoir pourquoi vous pensez que le suaire est venu de Constantinople. C'est une question, pas une attaque: je voudrais connaître vos sources, car je n'ai pas, pour ma part, de sources qui fasse le lien avec un objet dérobé par les Croisés à la lipsanothèque de Constantinople en 1204.