sabeth a écrit :Bonjour,
je désirais savoir si le slavon des liturgies orthodoxes ressemble au russe, ou si c'est vraiment une langue dite
"morte" et utilisée qu'en liturgie comme le latin pour les romains ?...
Comment est-il possible de s'y initier ?
En fait, ce n'est pas une langue morte comme le latin: c'est une langue qui n'a jamais été vraiment parlée, une langue qui a été créée pour un usage religieux et qui n'est jamais sorti de cet usage religieux. Le slavon n'est pas le vieux slave qui a réellement été parlé et auquel André Vaillant avait consacré deux volumes publiés par l'Institut d'études slaves de Paris.
Cela ressemble-t-il vraiment au russe? C'est toujours la même question de perspective. Pour un observateur qui regarde de Sirius ou du Vietnam, un Français qui fait semblant de ne pas du tout comprendre l'italien est ridicule. Pour un observateur qui regarde de la Suisse, le serbe ressemble furieusement au russe, mais vous trouverez bien sûr des Serbes et des Russes pour vous affirmer le contraire. On exagère toujours les différences quand l'on contemple le voisin le plus proche.
En gros, l'écriture n'est pas la même (avec des caractères qui ont disparu dans les réformes successives de l'alphabet russe et des
nomina sacra écrits sous titlo) - mais, Dieu merci, l'édition la plus courante du texte de la divine Liturgie de saint Jean Chrysostome slavon-français reproduit le texte slavon avec les caractères du russe moderne -, il y a quelques mots inusités en russe et la grammaire est beaucoup plus difficile (notamment avec le maintien du duel qui, à ma connaissance, n'a survécu qu'en slovène alors qu'il a disparu des autres langues slaves, sauf une petite trace en russe avec l'utilisation du génitif singulier après les chiffres 2,3 et 4).
Beaucoup de Russes vous diront que le slavon est incomparablement plus proche du russe que le français l'est du latin, mais j'ai un jour fait le test de demander une fidèle de langue maternelle russe qui avait derrière elle des décennies de pratique religieuse de traduire ce qu'elle venait d'entendre en slavon à l'église (office des douze évangiles) et le test n'était pas si concluant quant au fait que le slavon soit immédiatement compréhensible à une oreille russe. Ceci étant, pour moi qui regarde de Sirius, cela reste quand même très proche du russe.
En ce qui concerne l'apprentissage du slavon, il n'y a pratiquement rien en français: les
Grammaires slavonnes de Militsa Tsarenkov (rédigée directement en français) et de K. Kozmine (traduite du russe) réunies en un seul volume par le monastère de l'Icône-de-la-Mère-de-Dieu-de-Korssoun de Grassac en 1994, et un manuel de slavon liturgique de Jean-Paul Deschler publié par l'Institut d'études slaves de Paris qui est aujourd'hui épuisé. J'ai pu mettre la main sur les
Grammaires slavonnes, mais jamais sur le
Manuel du slavon liturgique.
Néanmoins, il est très facile d'acheter dans les paroisses russes (du moins, dans nos régions, les plus grosses) des dictionnaires slavon-russe qui résolvent le problème en ce qui concerne les mots slavons inusités en russe. Il y a aussi des grammaires slavonnes rédigées en russe; vous pouvez vous renseigner auprès de la librairie russe de Genève, par exemple.
En anglais, je ne vois guère que des grammaires:
Old Church Slavonic: An Elementary Grammar de Gardiner (Cambridge University Press, Cambridge UK 1984) et
Old Church Slavonic Grammar de Lunt (Mouton de Gruyter, Berlin 2001).
Par ailleurs, comme d'habitude, la science allemande remédie à l'incapacité des francophones et des anglophones, puisque vous trouverez en allemand un véritable manuel d'apprentissage du slavon et pas seulement des grammaires:
Nikolaos H. Trunte
Ein praktisches Lehrbuch des Kirchenslavischen in 30 Lektionen. Band 2: Mittel- und Neukirchenslavisch.
Verlag Otto Sagner
Munich 2001
Ceci étant, le slavon reste une langue de traduction. Vous avez aussi, dans votre région, des paroisses orthodoxes qui célèbrent en grec (langue de l'original, et qui nous est tout de même moins étrangère que le slavon du fait de la quantité de mots grecs entrés dans la langue française) ou en français (autre langue de traduction). Ceci pour vous dire que rien ne vous oblige à vous focaliser sur le slavon.
Il arrive aussi souvent que les paroisses russes organisent des cours de slavon (souvent à partir du français dans nos régions). Si vous voulez perséverer dans l'étude du slavon, cela peut être une bonne solution. Je crois savoir qu'en Suisse romande, M. Bernard Le Caro, juriste bien connu et biographe de saint Jean de San Francisco, est tout à fait capable de donner des cours de slavon pour les francophones intéressés.