Le synode de Byzance en 899.

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Rod
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Le synode de Byzance en 899.

Message par Rod »

En 899, à Byzance, a eu lieu un synode ordonné par l'empereur Léon VI et le patriarche Antoine Kauleas, en vue de resserer les relations entre les Eglises d'Orient et d'Occident suite au schisme de Pothius. C'est tout ce que je sais là desssus.
:arrow: Ce que j'aimerai savoir, c'est les différents sujets abordés lors du synode, les personnages qui y étaient présents et si il existe des textes sur ce synode.
La moindre petite piste est la bienvenue, mes recherches s'étant avérés infructueuses...
Stephanopoulos
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Bonjour Rod,

Tout d'abord ce fameux VIIIème concile Oecuménique tenu à Constantinople n'eut pas lieu en 899, mais en 879-880!

Il fut prescrit par le pape Jean VIII et c'est le patriarche Photios qui le présida. Furent présent les légats du pape de Rome et les sièges patriarcaux d'Orient : le prêtre Cosma, légat d'Alexandrie; Basile, archevêque de Matyropolis, légat d'Antioche; Elie, légat de Jérusalem. En tout, 383 évêques furent présent après les légats; c'est-à-dire toute l'Eglise!

Je vous livre ici les informations que vous auriez pu trouver sur ce présent site (pensez à utiliser la fonction "rechercher") :

Ce concile n’est jamais évoqué par les historiens catholiques. Voici, dans les grandes lignes le déroulement et les décisions de ce concile :
Les légats du pape Jean VIII au Concile qui se tint à Constantinople en 879 adhérèrent avec ceux des sièges patriarcaux de l’Orient (et avec tous les évêques présents) à la condamnation solennelle que ce Concile prononça au cours de sa sixième session contre le filioque qui avait été si malencontreusement ajouté en Occident au Symbole de Nicée, et que le pape Nicolas 1er (24 avril 858-13 novembre 867) avait approuvé.
“Tant par sa composition que par le caractère de ses décisions, ce Concile porte tous les caractères d'un Concile Œcuménique. Tous les cinq patriarcats composant l'Eglise de cette époque y étaient représentés, y compris le patriarcat de Rome, de sorte que ce concile fut le dernier qui ait été commun à l'Eglise d'Orient et à celle d'Occident. Ces participants étaient au nombre de 383, c'était donc le plus grand concile après celui de Chalcédoine. Il fut convoqué en tant que Concile Œcuménique et, dans ses actes, s'intitule « grand et œcuménique concile ». Il ne fut pas il est vrai, reconnu officiellement par l'Eglise comme Œcuménique parce qu'une telle reconnaissance avait lieu généralement au Concile suivant et qu'il n'y en eut plus. Toutefois, une série de personnalités ecclésiastiques l'appelèrent Huitième Concile Œcuménique. Ce furent par exemple le célèbre canoniste du XIIe siècle, Théodore Balsamon, Nil de Thessalonique (XIVe siècle), Nil de Rhodes (XIVe siècle), Syméon de Thessalonique (XVe siècle), saint Marc d'Ephèse, Gennade Scholarios, Dosithée de Jérusalem (XVIIe siècle), etc... Ainsi que l'a montré le professeur Dvornik dans son œuvre connue «Le Schisme de Photius » et ainsi que cela est admis à présent par la science historique, même catholique-romaine, le Concile de 879-880 fut considéré également en Occident jusqu'au XIIe siècle comme le Huitième Concile Œcuménique. Il n'y eut jamais de rejet de ce Concile par le pape Jean VIII, ni aucun «second schisme photien » (c'est-à-dire aucune rupture entre Photius et Jean VIII). Tout cela, ce sont des légendes inventées par les ennemis de Photius ; elles ne furent admises en Occident qu'au XIIe siècle lorsque, les prétentions des papes à une juridiction universelle croissant constamment, les canonistes romains se mirent à considérer comme Huitième Concile Œcuménique non celui de 879-880, mais le conciliabule anti-photien de 870. Les travaux du Concile de 879-880 sont aussi revêtus d'un caractère œcuménique. Tout comme les Conciles Œcuméniques il adopta une série de décisions de caractère dogmatico-canonique.
1) II proclama immuable le texte du Credo sans Filioque et jeta l'anathème sur tous ceux qui y apporteraient des modifications. « Ainsi, décide le Concile, quiconque, arrivé au degré extrême de la folie, aura l'audace d'exposer un autre symbole... qui ajoutera ou qui enlèvera quoi que ce soit au Symbole qui nous a été transmis par le Saint Concile Œcuménique de Nicée... qu'il soit anathème ». Cette décision est d'autant plus signi ficative que le Filioque était, à cette époque, déjà introduit dans le Symbole à maints endroits en Occident et qu'en Bulgarie les missionnaires latins insistaient sur son insertion. Les légats du pape ne firent aucune objection à cette décision du Concile.
2) Ce Concile reconnut le second Concile de Nicée (anti iconoclaste) de 786-787 comme Septième Concile Œcuménique.
3) II établit les relations avec l'église de Rome et reconnut la légitimité du patriarcat de Photius, condamnant ainsi indirectement l'intervention anticanonique des papes Nicolas Ier et Hadrien II dans les affaires de l'Eglise de Constantinople.
4) Ce Concile délimita le pouvoir des patriarcats de Rome et de Constantinople ; il rejeta les prétentions de l'évêque de Rome à un pouvoir juridictionnel en Orient, ne lui ayant pas reconnu le droit de recevoir dans sa juridiction ni d'acquitter par son propre pouvoir les clercs condamnés en Orient (de même que vice-versa, l'Orient ne devait pas recevoir les clercs condamnés en Occident). Ce qui est particulièrement important, le Concile interdit en même temps toute modification future de la situation canonique de l'évêque de Rome.
Telles sont les décisions dogmatico-canoniques du Concile de Constantinople de 879-880. Comme texte symbolique de l'Eglise orthodoxe, l'importance des décisions prises à ce Concile est incontestable. Il apparaît très désirable que le Concile Œcuménique à venir proclame le Concile constantinopolitain de 879-880 qui formula ces décisions - Huitième Concile Œcuménique. En effet, il l'était par sa composition et comme ayant exprimé la foi que l'Eglise tout entière gardait depuis toujours concernant le Credo ainsi que les droits de l'évêque de Rome, en rapport avec les questions de l'addition du Filioque et des prétentions des papes à une juridiction universelle qui apparurent alors." (1)

Dès que Jean VIII reçut les actes du Concile, il écrivit au Patriarche Photios :

« Nous connaissons les bruits désavantageux qui vous ont été rapportés sur notre compte et sur le compte de notre Église ; voilà pourquoi j’ai voulu m’en expliquer avec vous avant même que vous ne m’en écrivissiez. Vous n’ignorez point que votre envoyé, en s’expliquant avec nous sur le Symbole, trouva que nous l’observions comme nous l’avons reçu primitivement, sans y ajouter ni en retrancher rien, car nous connaissons le rude châtiment que mérite celui qui oserait y porter atteinte.
« Ainsi, pour vous tranquilliser sur cet objet qui fut pour l’Église un motif de scandale, nous vous déclarons encore une fois que non seulement nous le prononçons ainsi, mais que nous condamnons même ceux qui, dans leur folie, ont eu l’audace d’agir autrement dans le principe, comme violateurs de la parole divine et falsificateurs de la doctrine de Jésus Christ, des Apôtres et des Pères, lesquels nous ont transmis le Symbole par les Conciles ; nous déclarons que leur part est celle de Judas, pour avoir agi comme lui, puisque, si ce n’est point le corps même du Seigneur qu’ils mettent à mort, ce sont les fidèles de Dieu, qui en sont les membres, qu’ils déchirent au moyen du schisme en les livrant, ainsi qu’eux-mêmes, à la mort éternelle comme cela a été pratiqué par l’indigne apôtre.
« Je suppose cependant que votre Sainteté, qui est remplie de sagesse, ne peut ignorer qu’il n’est pas facile de faire partager cette opinion à nos évêques et de changer en peu de temps un usage aussi important, qui a pris racine depuis tant d’années.
« C’est pourquoi nous croyons qu’il ne faut contraindre personne à quitter cette addition faite au Symbole, mais qu’il faut agir avec modération et prudence, en exhortant à renoncer peu à peu à ce blasphème.
« Ainsi donc, ceux qui nous accusent de partager cette opinion ne disent point la vérité – mais ceux qui affirment qu’il existe encore parmi nous des personnes qui osent réciter ainsi le Symbole ne sont pas trop éloignés de la vérité.
« Il convient donc que votre Fraternité ne se scandalise pas trop sur notre compte et ne s’éloigne pas de la partie saine du corps de notre Église, mais qu’elle contribue avec zèle, par sa douceur et sa prudence, à la conversion de ceux qui se sont éloignés de la vérité, afin de mériter avec nous la récompense promise.

« Salut dans le Seigneur, frère catholique et dignement vénéré. »

Signalons que ce même concile de 879-880 a condamné le synode (anti-photien) de 869-870, ce dernier est pourtant reconnu, certainement depuis le XIIème siècle, comme VIIIème concile œcuménique par les catholiques romains.
A la quatrième session de ce concile, les légats du pape Jean VIII demandèrent à ce que les schismatiques, ceux qui refuseraient de reconnaître Photios pour patriarche, soient excommuniés. Ceci fut accepté sans difficulté par le concile. Il fut proclamé, à la fin de cette session, par les légats romains :”Puisque, dit le cardinal Pierre, tous les scandales avaient disparu, par la grâce de Dieu, et que la concorde est rétablie dans l’Eglise, allons tous ensemble à l’église, puisque l’heure des Saints offices est arrivée, et allons célébrer avec le patriarche Photios”. Le concile répondit :”Cette proposition est bonne et agréable à Dieu; qu’il soit fait comme vous l’avez dit! Dieu conserve notre chef et prolonge ses jours pour le bien de son Eglise!” (2)

Petit détail amusant, tant le concile de 879-880 que le conciliabule anti-photien de 869-870 ont condamné le pape Honorius 1er comme hérétique. Ce qui prouve que le concept d'infaillibilité pontificale est bien tardif; il put certainement se développer à partir ou autours des années 1300. En effet, en 1302 le pape Boniface VIII (v. 1235 — 1303) publie la bulle "Unam Sanctam" qui formule à son plus haut point la définition du pouvoir pontifical comme souveraineté universelle. Voici en quelques lignes le portraît de Boniface VIII : "Il avait fait emprisonner son prédécesseur Célestin V après l'avoir d'abord persuadé de démissionner. Puis il s'était manifesté comme fou mégalomane et narcissique, faisant ériger un peu partout des statues de lui-même. Voulant réaliser le rêve théocratique d'être à la fois pape et empereur, il apparaissait tour à tour en habits pontificaux et impériaux tout en hurlant « ego sum Caesar, ego imperator! » (3)

La manière dont le faux concile antiphotien de 869-870, cassé par le concile œcuménique de 879-880, a été transformé en VIIIe concile œcuménique par la Papauté est un exemple intéressant d’une falsification (à côté d’autres comme les Fausses Décrétales ou la fausse Donation de Constantin) par laquelle la Papauté s’est construite. Il est toujours stupéfiant de constater que les gens refusent d’admettre la vérité, même si on leur met les documents sous les yeux.

Si nous nous reportons à l’édition universitaire catholique romaine des décrets des conciles œcuméniques (donc qui considère le faux concile de 869-870 comme concile œcuménique), nous pouvons trouver le fait intéressant qui suit :
« Yves de Chartres affirme clairement que « Le concile de Constantinople, qui a été fait contre Photius, n’est pas recevable.» (4) Yves de Chartres (1040-1116), canoniste renommé, écrivait donc à l’extrême fin du XIe siècle que ce concile n’était pas recevable. Nous ne savons pas à quelle époque ni par quelle manœuvre on l’a soudain transformé en VIIIe concile œcuménique, mais le fait est intéressant quant à la manière dont fut construite l’idéologie papale. Nous n’arrivons pas à dater le basculement dans la reconnaissance du concile anti-photien mais ce que l’on peut dater, c’est sa fixation. Il y a de bonne raison de penser qu’elle a eu lieu lors de la « réforme grégorienne » avec la publication des Décrétales en 1234. On sait que Grégoire IX avait chargé de la compilation et de la réécriture de tout le droit canon le dominicain Raymond de Peñafort, rédacteur également d’un manuel de procédure inquisitoriale. Gratien n’a fait qu’une compilation érudite sans autorité canonique, c’est Peñafort qui a verrouillé le droit canon romain. Il s’agit d’une étape clef de la construction de la papauté, après les croisades d’Innocent III et ses décisions cléricalistes (communion du peuple au seul Pain eucharistique, interdiction de lecture de la Bible en langue vernaculaire, restrictions du droit de prêche).
C’est en tout cas d’une manière éhontée que le prêtre uniate Pierre-Périclès Joannou fait figurer à la suite de son édition des canons des conciles œcuméniques (Grottaferrata 1962) les canons du concile de 869-870, qui n’ont rien à faire dans une collection de canons reconnus par l’Eglise de Constantinople. Il faut se référer au Gouvernail de saint Nicodème l’Hagiorite (5) pour retrouver (pp. 361-366) les canons du vrai VIIIe concile œcuménique, celui de 879-880.

1) Source : http://www.orthodoxworld.ru
2) cf. WladimirGuettée, De la papauté, L’Age d’Homme, 1990 Lausanne, p. 183
3) Franciscus Pippinus Bononiensis, Chronicon [1276-1314], chapitre 47, in L.A. Muratori (éd.), Rerum Italicarum scriptores.., vol. IX, Milano, 1726, p.745, col. 1, C-D.
4) Giuseppe Alberigo e.a, Les Conciles œcuméniques, tome II.1, 1ère édition italienne, Bologne 1973, édition française, Le Cerf, Paris 1994, p. 350.
5) Pedalion, Éditions Basile Rigopoulos, Thessalonique 1998, reproduction anastatique de l’édition de Zante 1864 ; 1ère édition, Venise 1800

Enfin, je ne peux que vous conseiller de vous procurer l'ouvrage de Wladimir Guettée (1816-1892) "De la papauté", Ed. l'Age d'Homme, 1990 Lausanne.
Stephanopoulos
Claude le Liseur
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Re: Le synode de Byzance en 899.

Message par Claude le Liseur »

Rod a écrit :En 899, à Byzance, a eu lieu un synode ordonné par l'empereur Léon VI et le patriarche Antoine Kauleas, en vue de resserer les relations entre les Eglises d'Orient et d'Occident suite au schisme de Pothius. C'est tout ce que je sais là desssus.
:arrow: Ce que j'aimerai savoir, c'est les différents sujets abordés lors du synode, les personnages qui y étaient présents et si il existe des textes sur ce synode.
La moindre petite piste est la bienvenue, mes recherches s'étant avérés infructueuses...
Vous me voyez bien dans l'embarras.

En 899, c'était bien Léon VI le Sage qui était empereur (il devait le rester jusqu'en 914) et saint Antoine Cauléas qui était patriarche (l'annuaire 2003 du patriarcat de Constantinople, dans la liste officielle des patriarches, le donne comme mort en fonctions en 901).

Mais voilà, à ce moment-là, les relations avec Rome étaient en principe normales depuis le concile de 879-880, huitième concile oecuménique, qui avait donné raison à saint Photios le Grand. En 899, les deux artisans de cette réconciliation étaient morts depuis longtemps: Jean VIII le 11 décembre 882, saint Photios l'Egal-aux-Apôtres le 6 février 891.

Donc, a priori, il n'y avait plus de sujet de friction pendant en 899 et je ne trouve pas de trace d'un concile, surtout destiné à apaiser les rapports avec l'ancienne Rome, en 899.
La prochaine friction allait venir avec l'intervention intempestive des légats du pape Serge III entérinant le quatrième mariage de Léon VI, d'où l'énergique condamnation de cet acte par le patriarche saint Nicolas le Mystique quand il remonta sur le trône oecuménique. Mais cette querelle de la Tétragamie ne commence qu'en 902.

Donc, je ne vois vraiment pas quel a bien pu être le motif d'un concile en 899, le contentieux ayant été apuré en 880.

D'un autre côté, les références que vous citez ne peuvent correspondre au concile de 880, et jouent en revanche pour l'année 899, car Léon VI n'est monté sur le trône impérial qu'en 886 et saint Antoine Cauléas n'est élu patriarche qu'en 893.

Je ne sais que dire.

Je ne sais donc
Rod
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Message par Rod »

Tout d'abord, merci beaucoup pour vos réponses à tous les deux.
Tout d'abord ce fameux VIIIème concile Oecuménique tenu à Constantinople n'eut pas lieu en 899, mais en 879-880!
Mois aussi au début j'ai cru à une erreur, mais non, ce n'est pas de ce concile là qu'il s'agit, mais bien d'un synode (pas un concile), évoqué par John Norwich dans son Histoire de Byzance, et aussi par Charles Prévité-Orton qui ajoute que le pape Jean IX était favorable à une réconciliation. Un synode qui a bien eu lieu en 899.
Vraisemblablement, ce synode se déroule au moment ou se négocie la mariage entre l'augusta Anna, fille de Léon VI et le carolingien Louis l'Aveugle et je soupçonne que ce synode a du avoir une importance sur le fait que le mariage soit effectivement conclu et ne reste pas à l'état de projet.
Peut être qu'en fait le synode n'était véritablement lié au schisme de Pothius, mais un simple synode destiné à favoriser les liens entre les deux empires, au moment ou ceux-ci vont conclure une alliance familiale ? D'ailleurs entre 894 et 900 (date du mariage), Léon VI mène une politique d'alliance avec les empereurs Arnulf et le roi Louis l'Aveugle contre la famille de Spolète qui tente de s'étendre en Italie du sud.
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Stephanopoulos a écrit :Ainsi que l'a montré le professeur Dvornik dans son œuvre connue «Le Schisme de Photius » et ainsi que cela est admis à présent par la science historique, même catholique-romaine, le Concile de 879-880 fut considéré également en Occident jusqu'au XIIe siècle comme le Huitième Concile Œcuménique. Il n'y eut jamais de rejet de ce Concile par le pape Jean VIII, ni aucun «second schisme photien » (c'est-à-dire aucune rupture entre Photius et Jean VIII). Tout cela, ce sont des légendes inventées par les ennemis de Photius ; elles ne furent admises en Occident qu'au XIIe siècle...
Etant donné que le VIIIème concile de 879-880 était considéré en Occident jusqu'au XIIème siècle, tout porte à croire que celui de 899 n'avait rien à voir avec le soit-disant schisme de Photios.

Une autre possibilité, qui reste toutefois à vérifier, serait que les papistes aient inventé ce concile de 899 en prétendant qu'il y eu un second schisme photien. Wladimir Guettée note à ce sujet : Quelques sectaires de la papauté schismatique ont essayé de justifier Jean VIII de son amour de la vérité et de la justice. Ils ont inventé pour cela des faits qui n'ont jamais existé. Ils prétendent, par exemple, que, avant de mourir, Jean ayant appris que les légats avaient prévariqué, envoya à Constantinople le légat Marin, qui avait présidé le conciliabule des Dix-Huit, pour excommunier Photios. Ils prétendirent même que Marin l'excommunia en pleine église de Sainte-Sophie et qu'il s'enfuit aussitôt à Rome, de peur d'être mis à mort. Cette fable n'est appuyée d'aucune preuve, et elle est même contraire à tous les documents. Elle ne mérite pas d'autre réfutation. Cf. De la papauté, p.188 (note 201)

Mais dans ce cas, pourquoi donc l'Eglise du pape de Rome a-t-elle reconnu comme VIIIème concile celui de 869-870 et non celui de 899?
Peut-être parce-que celui de 869-870 a réellement existé!
Vu que les papistes reconnaissent le pape Jean VIII comme légitime alors que ce dernier a condamné sans ambage les hérésies qui sont la base même de la papauté; tout est possible!

De toute manière, si un concile traitant du schisme de Photios avait été tenu en 899, il est évident que Wladimir Guettée en aurait fait mention dans son oeuvre monumentale!

C'est peut-être un détail, mais il me semble que le pape Jean VIII a été assassiné le 16 décembre 882 et non le 11!
Il me semble aussi que synode est le synonyme de concile; le premier est de racine grecque et le second de racine latine!
Stephanopoulos
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Rod a écrit :Tout d'abord, merci beaucoup pour vos réponses à tous les deux.
Tout d'abord ce fameux VIIIème concile Oecuménique tenu à Constantinople n'eut pas lieu en 899, mais en 879-880!
Mois aussi au début j'ai cru à une erreur, mais non, ce n'est pas de ce concile là qu'il s'agit, mais bien d'un synode (pas un concile), évoqué par John Norwich dans son Histoire de Byzance, et aussi par Charles Prévité-Orton qui ajoute que le pape Jean IX était favorable à une réconciliation. Un synode qui a bien eu lieu en 899.
Vraisemblablement, ce synode se déroule au moment ou se négocie la mariage entre l'augusta Anna, fille de Léon VI et le carolingien Louis l'Aveugle et je soupçonne que ce synode a du avoir une importance sur le fait que le mariage soit effectivement conclu et ne reste pas à l'état de projet.
Peut être qu'en fait le synode n'était véritablement lié au schisme de Pothius, mais un simple synode destiné à favoriser les liens entre les deux empires, au moment ou ceux-ci vont conclure une alliance familiale ? D'ailleurs entre 894 et 900 (date du mariage), Léon VI mène une politique d'alliance avec les empereurs Arnulf et le roi Louis l'Aveugle contre la famille de Spolète qui tente de s'étendre en Italie du sud.
Regardez peut-être à partir des informations données par Louis Bréhier, in Vie et mort de Byzance, Albin Michel, Paris 1992, p. 125. C'est très confus - comme souvent dans ce livre - mais je crois comprendre du récit de Bréhier que votre concile était en fait un concile de réconciliation entre les partisans de saint Photios et les partisans de saint Ignace. Il s'agirait donc bien des conséquences du passage de saint Photios sur le trône oecuménique: pas du prétendu schisme photien entre Rome et l'Orthodoxie, mais d'une dissidence à l'intérieur du patriarcat de Constantinople comme il y en a eu souvent dans l'histoire de ce patriarcat -songez aux arsénistes et aux joséphites au XIIIe siècle. Cela s'est d'ailleurs terminé de la même façon, par une réconciliation des deux partis.
Naturellement, les ignatiens n'étaient, avant cette réconciliation de 899 ou 900, en communion avec personne, ni Constantinople, ni Rome, ni les patriarcats d'Orient.
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Je suis désolé Claude, mais je soutiens mordicus que le soit-disant concile de 899 n'est que pure invention pour invalider tout ce qu'a fait le saint Patriarche Photios!

Voici ce que j'ai trouvé sur le net; c'est édifiant, c'est comme si le concile de 879-880 n'avait jamais eu lieu :

a) Questions religieuses : dès son accession au pouvoir, le nouveau souverain destitua Photios, puis le remplaça par Etienne, un des enfants de Basile I°. En effet, Léon VI désirait renouer les liens avec Rome, chose impossible à faire avec Photios, qui avait été excommunié par le pape.

Quelques années après, en 899, l’Empereur tenta de réconcilier les deux Eglises, organisant un synode à Constantinople.

Cependant, Léon VI eut des rapports difficiles avec l’Eglise de Constantinople, de par sa situation maritale.

Alors qu’il était encore jeune, Léon VI avait eu pour maitresse Zoé Zoutsina, mais Basile I° voyait d’un mauvais œil cette union. Il maria alors son fils avec Théophano, une femme très pieuse mais très laide, comme le dirent les chroniqueurs.


Donc, d'après ce texte, le pape Jean VIII aurait excommunié Photios! Bref, un vrai tissu d'inepties! Comme je le disais plus haut, tout est possible avec les papistes!

Voici le lien : http://www.histoire-fr.com/byzance_empi ... ence_3.htm
Stephanopoulos
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Mais le site en question n'a pas l'air d'être un site catho ! C'est un de ces sites de vulgarisation historique qui, à force de vouloir simplifier et mettre le passé à la portée de lycéens incultes et de secrétaires curieuses, intention louable au demeurant, accumulent les à peu près et les erreurs.
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Stephanopoulos a écrit :Je suis désolé Claude, mais je soutiens mordicus que le soit-disant concile de 899 n'est que pure invention pour invalider tout ce qu'a fait le saint Patriarche Photios!

Voici ce que j'ai trouvé sur le net; c'est édifiant, c'est comme si le concile de 879-880 n'avait jamais eu lieu :

a) Questions religieuses : dès son accession au pouvoir, le nouveau souverain destitua Photios, puis le remplaça par Etienne, un des enfants de Basile I°. En effet, Léon VI désirait renouer les liens avec Rome, chose impossible à faire avec Photios, qui avait été excommunié par le pape.

Quelques années après, en 899, l’Empereur tenta de réconcilier les deux Eglises, organisant un synode à Constantinople.

Cependant, Léon VI eut des rapports difficiles avec l’Eglise de Constantinople, de par sa situation maritale.

Alors qu’il était encore jeune, Léon VI avait eu pour maitresse Zoé Zoutsina, mais Basile I° voyait d’un mauvais œil cette union. Il maria alors son fils avec Théophano, une femme très pieuse mais très laide, comme le dirent les chroniqueurs.


Donc, d'après ce texte, le pape Jean VIII aurait excommunié Photios! Bref, un vrai tissu d'inepties! Comme je le disais plus haut, tout est possible avec les papistes!

Voici le lien : http://www.histoire-fr.com/byzance_empi ... ence_3.htm


C'est vrai que cette version-là, c'est n'importe quoi, mais je me permets de résumer ici la version que l'on trouve chez Bréhier.

Après le rétablissement de saint Photios Ier comme patriarche en 877, un certain nombre de partisans du patriarche saint Ignace refusent le nouveau patriarche et entrent en dissidence (les "ignatiens"). Comme il est clair, surtout après le concile de 879-880, que tous les autres patriarches ne reconnaissent que saint Photios comme patriarche de Constantinople, les ignatiens se déclarent en rupture aussi avec les autres patriarcats.
Après la déposition et l'exil de saint Photios Ier en 886, les ignatiens ne reconnaissent pas non plus ses successeurs.
En 899 ou 900, l'empereur Léon VI et le patriarche saint Antoine Cauléas, deuxième sucesseur de saint Photius, organisent un concile de réconciliation, avec des légats envoyés par le pape de Rome, pour prendre acte que les ignatiens mettent fin à leur dissidence, reconnaissent bien saint Antoine Cauléas comme patriarche légitime, et se trouvent ainsi sur la même ligne que tous les autres patriarcats.

Je note que cette dissidence des ignatiens, à la fin du IXe siècle, n'est pas sans ressemblance avec la dissidence des arsénites à la fin du XIIIe siècle.
Rod
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Message par Rod »

En 899 ou 900, l'empereur Léon VI et le patriarche saint Antoine Cauléas, deuxième sucesseur de saint Photius, organisent un concile de réconciliation, avec des légats envoyés par le pape de Rome, pour prendre acte que les ignatiens mettent fin à leur dissidence, reconnaiss
ent bien saint Antoine Cauléas comme patriarche légitime
Donc si j'en crois votre résumé de Bréhier, ce synode serait en fait un synode réconciliation entre le patriarche "officiel" et les dissidents ignatiens, les légats de Jean IX n'étant présent que pour prendre acte de cette réconciliation ?
Il ne s'agirait donc pas d'une réconciliation orient/occident, comme le laissait croire la phrase de John Juliius Norwich dans son Histoire de Byzance : "(..) la convocation en 899 d'un grand synode -qu'on aurait même put considérer comme un concile général-qui oeuvra à la restauration des relations entre les Eglises d'Orient et d'Occident."
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Rod a écrit :
En 899 ou 900, l'empereur Léon VI et le patriarche saint Antoine Cauléas, deuxième sucesseur de saint Photius, organisent un concile de réconciliation, avec des légats envoyés par le pape de Rome, pour prendre acte que les ignatiens mettent fin à leur dissidence, reconnaiss
ent bien saint Antoine Cauléas comme patriarche légitime
Donc si j'en crois votre résumé de Bréhier, ce synode serait en fait un synode réconciliation entre le patriarche "officiel" et les dissidents ignatiens, les légats de Jean IX n'étant présent que pour prendre acte de cette réconciliation ?
Il ne s'agirait donc pas d'une réconciliation orient/occident, comme le laissait croire la phrase de John Juliius Norwich dans son Histoire de Byzance : "(..) la convocation en 899 d'un grand synode -qu'on aurait même put considérer comme un concile général-qui oeuvra à la restauration des relations entre les Eglises d'Orient et d'Occident."
Vous avez parfaitement compris. Bréhier mentionne que, depuis la réconciliation entre Rome et Photius, les "ignatiens" se trouvaient complètement isolés. Plutôt que d'une réconciliation entre les Eglises d'Orient et d'Occident, il s'agissait d'une réconciliation des "ignatiens" avec les Eglises d'Orient et d'Occident.

Maintenant que vous me lisez la citation de Norwich, je vous confirme que ce qu'il écrit s'applique bien au concile de 879, qui fut considéré comme le huitième oecuménique (ou général, comme écrit Norwich). En 899, les relations entre Constantinople et Rome étaient globalement bonnes depuis 879-880, et elles allaient le rester jusqu'à l'intervention intempestive du pape Serge III au service de l'empereur Léon VI et contre l'intransigeance canonique du patriarche Nicolas le Mystique lors de la querelle de la Tétragamie.

Par ailleurs, je concède à Stephanopoulos que je me suis trompé sur la date du décès de Jean VIII, en effet mort un 16 décembre 882, et non un 11 décembre 882. Le malheureux pape fut assassiné à coups de marteau.
Rod
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Message par Rod »

En tout cas, merci pour tous ces éclaircissements; je crois que je peut donc laisser tomber l'influence de ce synode (qui finalement règle un problème propre à Byzance) sur le mariage de la fille de Léon VI...
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Après un petite recherche sur le net, il est clair que ce sont les théories pro-papales qui sont prisent comme références. Soit le concile de 899 est détourné de sa réelle fonction et on fait silence sur le concile de 879-880, soit on invente une excommunication de saint Photios par le pape Jean VIII juste après le concile de 879-880!

De toute manière, il est patent que même le Larousse a pris parti pour les thèses paples, puisqu'on peut y lire que saint Pierre est le premier pape et que le Jean XVI est un anti-pape. Bien entendu, nulle trace du concile de 879-880, et le portrait de saint Photios (ou plutôt de Photios tout court) tient en quelques lignes. Il n'y a pas de raison pour que ce soit différent sur l'écrasante majorité des sites historiques et, évidemment, papistes.

Quelques exemples : http://www.e-chronologie.org/moyen-age/byzance.php
http://www.infobretagne.com/pape.htm

J'aime bien le délire du deuxième lien!
Stephanopoulos
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