A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain
Publié : sam. 29 sept. 2007 17:46
Comme on le sait, depuis le milieu du XIXe siècle, l'Eglise orthodoxe a reçu, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des paroisses d'origine anglicane ou catholique romaine à qui on a accordé - à tort, à mon avis - l'usage de leur rit d'origine, sous condition qu'il soit rendu compatible avec le culte orthodoxe.
Pour atteindre cette compatibilité, on demande à ces paroisses de rétablir dans leur liturgie le Credo originel et la communion sous les deux espèces, d'insérer la prière du Trisagion et de restaurer l'épiclèse.
En effet, il s'agit bien de restaurer l'épiclèse, car l'ancien rit romain d'origine, avant son remplacement par le rit modifié par les Carolingiens, connaissait une épiclèse.
Comme je l'ai déjà rappelé, on connaît assez mal le rit romain traditionnel, les monarques carolingiens ayant ordonné la disparition de nombreux manuscrits liturgiques.
Toutefois, le peu de matériaux à disposition permettait déjà à Mgr Louis Duchesne, "prélat de Sa Sainteté" et directeur de l'Ecole française de Rome, de publier ces réflexions fort intéressantes en 1903 déjà.
"Le récit de l'institution (Qui pridie) et l'Anamnèse (Unde et memores) qui en est la suite n'offrent aucune particularité. Il n'en est pas de même de l'Epiclèse.
Cette partie du canon est ainsi conçue:
Supra quae (les oblations) propitio ac sereno vultu respicere digneris et accepta habere, sicuti accepta habere dignatus es munera pueri tui iusti Abel et sacrificium patriarchae nostri Abrahae, et quod tibi obtulit summus sacerdos tuus Melchisedech [sanctum sacrificium, immaculatam hostiam].
Supplices te rogamus, omnipotens Deus, iube haec perferri per manus sancti angeli tui in sublime altare tuum, in conspectu divinae maiestatis tuae, ut quotquot ex hac altaris participatione sacrosanctum Filii tui corpus et sanguinem sumpserimus, omni benedictione caelesti et grati repleamur.
[Traduction:
Sur ces offrandes, daigne jeter un regard favorable et bienveillant; accepte-les comme tu as bien voulu accepter les présents de ton serviteur Abel le Juste, le sacrifice d'Abraham, le père de notre race, et celui de Melchisédech, ton souverain prêtre, offrande sainte, sacrifice sans tache.
Nous t'en supplions, Dieu tout-puissant, fais porter ces offrandes par les mains de ton saint ange, là-haut, sur ton autel, en présence de ta divine Majesté. Et quand nous recevrons, en communiant ici à l'autel, le Corps et le Sang infiniment saints de ton Fils, puissions-nous tous être comblés des grâces et des bénédictions du ciel.]
Cette prière est loin d'avoir la précision des formules grecques où l'on spécifie expressément la grâce demandée, c'est-à-dire l'intervention du Saint-Esprit pour opérer la transformation du pain et du vin au corps et sang de Jésus-Christ. Il n'en est pas moins vrai: 1) qu'elle occupe, dans la suite matérielle et logique de la formule, exactement la même place que l'épiclèse grecque; 2) qu'elle est aussi une prière adressée à Dieu pour qu'il intervienne dans le mystère. Mais, au lieu que les liturgies grecques s'expriment en termes clairs et simples, la liturgie romaine s'enveloppe ici de formules symboliques. Elle demande que l'ange du Seigneur prenne l'oblation sur l'autel visible et la porte au plus haut des cieux, sur l'autel invisible élevé devant le trône de la majesté divine. Le mouvement symbolique est de sens contraire à celui des formules grecques: ce n'est pas le Saint-Esprit qui descend vers l'oblation, c'est l'oblation qui est emportée au ciel par l'ange de Dieu. Mais, dans un cas comme dans l'autre, c'est après son rapprochement, sa communication, avec la vertu divine qu'on parle d'elle comme du corps et du sang du Christ."
(Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien. Etude sur la liturgie latine avant Charlemagne, Albert Fontemoing, Editeur, Paris 1903, pp. 181 s.)
Ce petit texte me semble appeler une question de ma part.
Quelle épiclèse insère-t-on lorsque les paroisses qui utilisent le rit tridentin ou le rit anglican traditionnel rejoignent l'Eglise orthodoxe - par exemple le Western Rite Vicariate (Vicariat de rit occidental) du patriarcat d'Antioche? Il y a fort à parier que ce doit être une tradition anglaise de l'épiclèse du rit byzantin, tout simplement parce que je doute fort qu'il y ait beaucoup d'historiens de la liturgie de la trempe de feu Mgr Duchesne dans le monde anglo-saxon. Pourtant, une traduction en anglais de l'épiclèse du rit romain traditionnel, épiclèse disparue avec le changement de religion en Europe occidentale au XIe siècle, serait un retour intéressant vers les racines religieuses de ces Anglo-Saxons qui constituent les paroisses de rit occidental du patriarcat d'Antioche.
Pour atteindre cette compatibilité, on demande à ces paroisses de rétablir dans leur liturgie le Credo originel et la communion sous les deux espèces, d'insérer la prière du Trisagion et de restaurer l'épiclèse.
En effet, il s'agit bien de restaurer l'épiclèse, car l'ancien rit romain d'origine, avant son remplacement par le rit modifié par les Carolingiens, connaissait une épiclèse.
Comme je l'ai déjà rappelé, on connaît assez mal le rit romain traditionnel, les monarques carolingiens ayant ordonné la disparition de nombreux manuscrits liturgiques.
Toutefois, le peu de matériaux à disposition permettait déjà à Mgr Louis Duchesne, "prélat de Sa Sainteté" et directeur de l'Ecole française de Rome, de publier ces réflexions fort intéressantes en 1903 déjà.
"Le récit de l'institution (Qui pridie) et l'Anamnèse (Unde et memores) qui en est la suite n'offrent aucune particularité. Il n'en est pas de même de l'Epiclèse.
Cette partie du canon est ainsi conçue:
Supra quae (les oblations) propitio ac sereno vultu respicere digneris et accepta habere, sicuti accepta habere dignatus es munera pueri tui iusti Abel et sacrificium patriarchae nostri Abrahae, et quod tibi obtulit summus sacerdos tuus Melchisedech [sanctum sacrificium, immaculatam hostiam].
Supplices te rogamus, omnipotens Deus, iube haec perferri per manus sancti angeli tui in sublime altare tuum, in conspectu divinae maiestatis tuae, ut quotquot ex hac altaris participatione sacrosanctum Filii tui corpus et sanguinem sumpserimus, omni benedictione caelesti et grati repleamur.
[Traduction:
Sur ces offrandes, daigne jeter un regard favorable et bienveillant; accepte-les comme tu as bien voulu accepter les présents de ton serviteur Abel le Juste, le sacrifice d'Abraham, le père de notre race, et celui de Melchisédech, ton souverain prêtre, offrande sainte, sacrifice sans tache.
Nous t'en supplions, Dieu tout-puissant, fais porter ces offrandes par les mains de ton saint ange, là-haut, sur ton autel, en présence de ta divine Majesté. Et quand nous recevrons, en communiant ici à l'autel, le Corps et le Sang infiniment saints de ton Fils, puissions-nous tous être comblés des grâces et des bénédictions du ciel.]
Cette prière est loin d'avoir la précision des formules grecques où l'on spécifie expressément la grâce demandée, c'est-à-dire l'intervention du Saint-Esprit pour opérer la transformation du pain et du vin au corps et sang de Jésus-Christ. Il n'en est pas moins vrai: 1) qu'elle occupe, dans la suite matérielle et logique de la formule, exactement la même place que l'épiclèse grecque; 2) qu'elle est aussi une prière adressée à Dieu pour qu'il intervienne dans le mystère. Mais, au lieu que les liturgies grecques s'expriment en termes clairs et simples, la liturgie romaine s'enveloppe ici de formules symboliques. Elle demande que l'ange du Seigneur prenne l'oblation sur l'autel visible et la porte au plus haut des cieux, sur l'autel invisible élevé devant le trône de la majesté divine. Le mouvement symbolique est de sens contraire à celui des formules grecques: ce n'est pas le Saint-Esprit qui descend vers l'oblation, c'est l'oblation qui est emportée au ciel par l'ange de Dieu. Mais, dans un cas comme dans l'autre, c'est après son rapprochement, sa communication, avec la vertu divine qu'on parle d'elle comme du corps et du sang du Christ."
(Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien. Etude sur la liturgie latine avant Charlemagne, Albert Fontemoing, Editeur, Paris 1903, pp. 181 s.)
Ce petit texte me semble appeler une question de ma part.
Quelle épiclèse insère-t-on lorsque les paroisses qui utilisent le rit tridentin ou le rit anglican traditionnel rejoignent l'Eglise orthodoxe - par exemple le Western Rite Vicariate (Vicariat de rit occidental) du patriarcat d'Antioche? Il y a fort à parier que ce doit être une tradition anglaise de l'épiclèse du rit byzantin, tout simplement parce que je doute fort qu'il y ait beaucoup d'historiens de la liturgie de la trempe de feu Mgr Duchesne dans le monde anglo-saxon. Pourtant, une traduction en anglais de l'épiclèse du rit romain traditionnel, épiclèse disparue avec le changement de religion en Europe occidentale au XIe siècle, serait un retour intéressant vers les racines religieuses de ces Anglo-Saxons qui constituent les paroisses de rit occidental du patriarcat d'Antioche.