Séraphin de Sarov est devenu le patron des atomistes..?

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Alexandr
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Séraphin de Sarov est devenu le patron des atomistes..?

Message par Alexandr »

http://fr.rian.ru/russia/20070911/77930926.html
L'orthodoxie nucléaire (Vlast)
14:20 | 11/ 09/ 2007



MOSCOU, 11 septembre - RIA Novosti. Un office religieux à l'occasion du 60e anniversaire du secteur nucléaire militaire russe a été célébré la semaine dernière en la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, rappelle mardi l'hebdomadaire Vlast.

Jusqu'ici, l'Eglise orthodoxe russe n'avait jamais honoré les armes de destruction massive avec une attention aussi soutenue.

Les chemins de l'Eglise et des atomistes s'étaient déjà croisés en 1946, lorsqu'il a été décidé de construire un centre destiné à concevoir l'arme nucléaire à Sarov, à la place du monastère de l'Assomption (fermé par les bolchéviques en 1927), connu grâce à la vie de Séraphin de Sarov, l'un des saints russes les plus connus et les plus populaires parmi les orthodoxes, aux XVIIIe-XIXe siècles. En août 1949, seulement trois ans après, l'Union soviétique testait sa première bombe atomique. Arzamas-16 (nom donné à Sarov après la construction de ce centre) devint dès lors le coeur de l'industrie nucléaire militaire soviétique, puis russe.

A la veille du démembrement de l'URSS, l'Eglise orthodoxe russe a repris possession de ses lieux saints: une paroisse orthodoxe a été ouverte à Sarov en 1990. Les atomistes lui ont restitué les églises non détruites se trouvant dans les parages. Séraphin de Sarov est alors devenu le patron des atomistes russes.

Vladimir Poutine a accéléré le processus de "fusion" entre l'Eglise et le nucléaire "non civil" en février 2007. Une correspondante du journal Sarov lui a posé deux questions lors d'une grande conférence de presse au Kremlin: "Quelle est la place de l'orthodoxie dans l'avenir?" et "Quelle est la stratégie [russe] dans les domaines nucléaire et militaire?". Le président a saisi l'occasion pour affirmer que les deux thèmes étaient étroitement liés, les confessions traditionnelles en Russie et son bouclier nucléaire étant des composantes qui renforcent l'Etat russe, créant les prémisses nécessaires pour assurer la sécurité intérieure et extérieure. La réaction à ces propos du président ne s'est pas fait attendre. Le jour suivant, le site orthodoxe nationaliste Pravaya.ru a publié un article intitulé "Poutine et l'orthodoxie nucléaire". L'idée a été ensuite reprise par d'autres médias.

C'est l'analyste Egor Kholmogorov qui a formulé de la façon la plus laconique l'idéologie de "l'orthodoxie nucléaire": "Pour rester orthodoxe, la Russie doit être une grande puissance nucléaire. Pour rester une grande puissance nucléaire, la Russie doit être orthodoxe".


Le métropolite Nicolas de Nijni Novgorod a même essayé de réhabiliter les événements de 1946, déplorables pour l'Eglise: selon lui, c'est probablement grâce aux prières de Saint Séraphin que la Russie a créé une arme qui la protège à présent. A propos, aucune des nombreuses biographies de Saint Séraphin ne mentionne ses penchants militaristes: il n'a béni aucun soldat s'en allant en guerre et n'a jamais glorifié les armes russes dans ses sermons. Le religieux vivait en anachorète et a même pardonné aux brigands qui lui avaient fendu le crâne avec une tête de hache, demandant qu'ils ne soient pas punis.
Cet article est tiré de la presse et n'a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :http://fr.rian.ru/russia/20070911/77930926.html

Citation:
L'orthodoxie nucléaire (Vlast)
14:20 | 11/ 09/ 2007



MOSCOU, 11 septembre - RIA Novosti. Un office religieux à l'occasion du 60e anniversaire du secteur nucléaire militaire russe a été célébré la semaine dernière en la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, rappelle mardi l'hebdomadaire Vlast.

Jusqu'ici, l'Eglise orthodoxe russe n'avait jamais honoré les armes de destruction massive avec une attention aussi soutenue.

Les chemins de l'Eglise et des atomistes s'étaient déjà croisés en 1946, lorsqu'il a été décidé de construire un centre destiné à concevoir l'arme nucléaire à Sarov, à la place du monastère de l'Assomption (fermé par les bolchéviques en 1927), connu grâce à la vie de Séraphin de Sarov, l'un des saints russes les plus connus et les plus populaires parmi les orthodoxes, aux XVIIIe-XIXe siècles. En août 1949, seulement trois ans après, l'Union soviétique testait sa première bombe atomique. Arzamas-16 (nom donné à Sarov après la construction de ce centre) devint dès lors le coeur de l'industrie nucléaire militaire soviétique, puis russe.

A la veille du démembrement de l'URSS, l'Eglise orthodoxe russe a repris possession de ses lieux saints: une paroisse orthodoxe a été ouverte à Sarov en 1990. Les atomistes lui ont restitué les églises non détruites se trouvant dans les parages. Séraphin de Sarov est alors devenu le patron des atomistes russes.

Vladimir Poutine a accéléré le processus de "fusion" entre l'Eglise et le nucléaire "non civil" en février 2007. Une correspondante du journal Sarov lui a posé deux questions lors d'une grande conférence de presse au Kremlin: "Quelle est la place de l'orthodoxie dans l'avenir?" et "Quelle est la stratégie [russe] dans les domaines nucléaire et militaire?". Le président a saisi l'occasion pour affirmer que les deux thèmes étaient étroitement liés, les confessions traditionnelles en Russie et son bouclier nucléaire étant des composantes qui renforcent l'Etat russe, créant les prémisses nécessaires pour assurer la sécurité intérieure et extérieure. La réaction à ces propos du président ne s'est pas fait attendre. Le jour suivant, le site orthodoxe nationaliste Pravaya.ru a publié un article intitulé "Poutine et l'orthodoxie nucléaire". L'idée a été ensuite reprise par d'autres médias.

C'est l'analyste Egor Kholmogorov qui a formulé de la façon la plus laconique l'idéologie de "l'orthodoxie nucléaire": "Pour rester orthodoxe, la Russie doit être une grande puissance nucléaire. Pour rester une grande puissance nucléaire, la Russie doit être orthodoxe".

Le métropolite Nicolas de Nijni Novgorod a même essayé de réhabiliter les événements de 1946, déplorables pour l'Eglise: selon lui, c'est probablement grâce aux prières de Saint Séraphin que la Russie a créé une arme qui la protège à présent. A propos, aucune des nombreuses biographies de Saint Séraphin ne mentionne ses penchants militaristes: il n'a béni aucun soldat s'en allant en guerre et n'a jamais glorifié les armes russes dans ses sermons. Le religieux vivait en anachorète et a même pardonné aux brigands qui lui avaient fendu le crâne avec une tête de hache, demandant qu'ils ne soient pas punis.
Cet article est tiré de la presse et n'a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.




Saint Séraphin de Sarov, pacifiste et saint patron des armes nucléaires, cela m'étonne moins que saint Séraphin de Sarov, récupéré par les oecuménistes (l'évêque romano-catholique de Namur se félicitait le mois dernier de la progression du culte de saint Séraphin dans l'Eglise papale) alors qu'il avait dit un jour à des Vieux-Ritualistes (donc simplement des orthodoxes schismatiques, pas des filioquistes & autres) qu'il ne voyait pas de salut en dehors de l'Eglise orthodoxe!

"C'est ainsi qu'un jour où il recevait la visite de quelque vieux croyant schismatique venu lui demander laquelle des deux Fois avait sa préférence, celle de l'Eglise ou celle des Vieux Croyants, il lui fit cette réponse sévère: "Laisse là tes délires, notre vie est une mer, et notre sainte Eglise orthodoxe est l'embarcation dont le gouvernail est le Christ lui-même. Mais les hommes ont beau posséder semblable gouvernail, c'est par la faiblesse de leurs péchés et le fait qu'ils nagent au milieu d'une multitude de tourments sur les vagues de la vie et tous ne réchappent pas de la noyade. Où t'en vas-tu donc toi, avec ta misérable barque, et sur quoi fondes-tu l'espoir de ton salut sans gouvernail?" (Archimandrite Justin Popovitch, Saint Seraphim de Sarov, Lavardac 1987, p. 50).

Que le thaumaturge de Sarov ait eu raison ou pas sur le fond n'est pas le problème. Ce qui est extraordinaire, c'est d'en faire un saint patron de l'adogmatisme oecuméniste après qu'il a fait de son vivant de telles déclarations!

Toutes les récupérations sont désormais possibles. Ce n'est qu'une version ecclésiastique de l'art de faire voter les morts dans lequel certaines municipalités françaises excellaient naguère.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Les coïncidences liturgiques autour du nucléaire sont assez étonnantes. Que les communistes aient voulu remplacer la foi chrétienne et l'éradiquer en remplaçant le saint le plus vénéré de Russie par un centre de recherche sur l'arme atomique, c'est dans leur logique, le "progrès" contre "l'obscurantisme", etc. Mais il est assez frappant que la première utilisation militaire de l'arme qui a fait réciter à Oppenheimer les versets de l'épopée hindoue, "Plus clair que mille soleils", le lâcher sur Hiroshima, ait eu lieu un 6 août, fête de la Transfiguration.
Et les protestants américains savaient de quelle fête il s'agissait. Elle est à leur calendrier, du moins à celui des Eglises les plus connues.
Comme si la bombe relevait autant de l'inversion spirituelle que de la science.

Remarquons tout de même que c'est sur fond de phylétisme que l'on fait ici "voter les morts".
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Alexandr
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Message par Alexandr »

Bien qu'il n'y ai pas encore eu de bénédiction sur les armes nucléaires russe, est-ce qu'il y a eu plus géneralement des bénédictions sur des armes dans le monde orthodoxe?
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Il y en a eu, en Russie pendant la guerre de 14 en tout cas et sans doute encore aujourd'hui.
http://www.greatwardifferent.com/Great_ ... nts_01.htm
http://karon.over-blog.com/article-11256795-6.html

En Grèce lors de l'insurrection de 1821
http://perso.orange.fr/consulat.grece.g ... r_neuf.htm

Sans doute ailleurs...
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Message par GIORGOS »

Alexandr demande si
Bien qu'il n'y ai pas encore eu de bénédiction sur les armes nucléaires russe, est-ce qu'il y a eu plus géneralement des bénédictions sur des armes dans le monde orthodoxe?
A ce que je sache il a eu toujours bénédiction des armées,c.à.d. des militaires tous rangs confondus, et comme nous pouvons le voir très bien dans les photos du deuxième lien qu’indique Anne-Geneviève, le prêtre bénisse les soldats dépourvus des armes.


Mais après tout, si on bénisse généralement des outils de travail de tous les travailleurs, artisans, offices, pourquoi non ?....
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Si l'on bénit les soldats, les armes sont au moins sous-entendues ! Surtout en temps de guerre...

Le Christ lui-même a accueilli favorablement le centurion et guéri son enfant.
Il nous demande d'aimer nos ennemis, de dépasser le conflit par en haut, pas de nier le conflit.
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Message par GIORGOS »

C’est vrai qu’il faut finir avec l’utopisme délirant que se cache derrière son petit doigt (comme le dise Anne-Geneviève) et que croit que la défense armée de la nation et de la communauté, c’est à dire la protection militaire et policière, n’est pas nécessaire dans notre monde.

Je la sais très bien, nous prions dans la Liturgie pour les victoires de notre armée et la défaite de ses adversaires, et même j’ai fait mes cours de officier de la réserve.

Mais le but de la bénédiction ce ne sont pas les armes, sinon les hommes. On ne fait pas la bénédiction des outils, véhicules, etcetera, dans les usines, mais pour son usage et à demande.
Giorgos
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Message par Alexandr »

On n'a plus le coté politiquement correct "chez les orthodoxes, il n'y a pas de guerre sainte". Est-ce que ceci est exact? D'après Basile (de Césarée?), un soldat ayant combatu est privé de comunion pendant trois ans. Mais que penser du roi Lazar et de Milos Obilic? Quelle est leur "statut"?


P.S : j'aurais dû continuer le sujet sur viewtopic.php?t=68
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :On n'a plus le coté politiquement correct "chez les orthodoxes, il n'y a pas de guerre sainte". Est-ce que ceci est exact? D'après Basile (de Césarée?), un soldat ayant combatu est privé de comunion pendant trois ans. Mais que penser du roi Lazar et de Milos Obilic? Quelle est leur "statut"?


P.S : j'aurais dû continuer le sujet sur viewtopic.php?t=68
Il y a aussi l'anecdote célèbre du patriarche de Constantinople expliquant à l'empereur Nicéphore qu'il ne pouvait pas galvaniser ses soldats en leur promettant le ciel s'ils mouraient dans la guerre contre les envahisseurs musulmans. (Il n'a donc pas été possible de faire comme les catholiques romains qui promettaient le paradis à celui qui mourait à la croisade).
Mais ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'équivalent orthodoxe du djihad ou de la croisade que cela ferait pour autant de l'Orthodoxie une religion à la mode du pacifisme ambiant. Pas plus que les longues périodes d'abstinence de viande ne l'accomodent à la sauce du végétarianisme ambiant.
Il existe sur le sujet un article très intéressant du métropolite de Kiev Antoine (Khrapovitsky) - par la suite premier métropolite de l'Eglise russe hors frontières - publié en réponse aux pacifistes tolstoïens en 1916. Traduit en anglais et publié sous forme de brochure, cet article est probablement toujours disponible à la vente sur Internet sur le site de la librairie Saint Nectaire (orthodoxes vieux-calendéristes étasuniens de Seattle, Etat de Washington) http://www.orthodoxpress.org/

(En tout cas, c'est sur ce site que je me l'étais procuré.)
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :On n'a plus le coté politiquement correct "chez les orthodoxes, il n'y a pas de guerre sainte". Est-ce que ceci est exact? D'après Basile (de Césarée?), un soldat ayant combatu est privé de comunion pendant trois ans. Mais que penser du roi Lazar et de Milos Obilic? Quelle est leur "statut"?


P.S : j'aurais dû continuer le sujet sur viewtopic.php?t=68
Alexandr,

Ce qui est très intéressant, c'est que l'article que j'ai cité du métropolite Antoine (Khrapovitsky) de Kiev répond à la remarque que vous faites à propos de la privation de communion pendant trois ans.

J'ai sous les yeux cet article dans une traduction anglaise: The Christian Faith and War (La foi chrétienne et la guerre), Monastère de la Sainte-Trinité, Jordanville (NY) 1988. Il est évident qu'il s'agit de la traduction d'un article publié pendant la Grande Guerre, probablement en 1916. Toutefois, aucune indication n'est donnée quant au texte original russe.
Je déteste faire des traductions au carré, et je le déteste encore plus quand je n'ai pas le moyen de vérifier à partir de l'original, car je suis forcé de faire confiance à un traducteur qui peut lui-même avoir déformé le texte original. Qui plus est, je n'ai même pas l'indication du nom du traducteur dans le cas d'espèce. Je peux toutefois partir du principe que les éditions du principal monastère de l'Eglise russe hors frontières n'auraient sans doute pas publié un texte trahissant le métropolite de Kiev qui fut par la suite le premier primat de l'Eglise russe hors frontières.

L'article apparaît avant tout comme une réponse aux pacifistes tolstoïens et comme une contribution à l'effort de guerre de la Russie. A ce titre, il est marqué par le bourrage de crâne germanophobe de l'époque, bourrage de crâne qui eut des conséquences tragiques ou grotesques, dont certaines se font encore sentir de nos jours. (Toute l'intelligentsia française connaissait l'allemand avant 1914. On ne peut pas dire qu'on ait ensuite gagné au change en termes culturels... Encore qu'en France, la germanophobie ambiante pouvait parfaitement s'expliquer, sans se justifier, par les atrocités commises par l'armée allemande en Belgique, en Lorraine et en Champagne, atrocités qui contribuèrent par ailleurs à faire basculer l'opinion publique italienne de la neutralité vers le soutien à la soeur latine, et par le fait que le pays était engagé dans une lutte pour la survie qui devait lui coûter deux millions d'hommes.) Toutefois, même à travers cette germanophobie caractéristique de l'époque, le texte du métropolite Antoine laisse filtrer des informations intéressantes et trop souvent passées sous silence. Ainsi, on peut lire en filigrane une critique virulente de l'"Empire allemand" des tsars, c'est-à-dire de la germanisation de l'administration et même de l'Eglise menée sans ménagement par Pierre Ier au début du XVIIIe siècle, le remplacement du patriarcat de Moscou par le saint Synode et la promulgation du Règlement ecclésiastique ayant été des éléments d'une tentative pour implanter en Russie le système luthérien des Staatskirchen et l'idée du souverain comme summus episcopus. De même, le métropolite Antoine rappelle à juste titre les origines religieuses du conflit en Europe centrale, les Habsbourg s'étant faits les promoteurs d'une vigoureuse offensive anti-orthodoxe dans leurs possessions, y compris en Bosnie occupée en 1878 et annexée en 1908. On rappellera à ce propos que, lorsque la guerre éclata en 1914 (cette guerre volule et préparée par l'Autriche-Hongrie), le gouvernement des Habsbourg s'empressa de persécuter ceux des uniates de Galicie qui étaient retournés à la foi orthodoxe. Le lecteur pourra ainsi trouver sur le présent forum (ici: viewtopic.php?t=1494 ) la reproduction d'une icône de saint Maxime Sandovitch, prêtre orthodoxe fusillé le 6 septembre 1914 dans les circonstances que je viens de rappeler.

Parmi les passages de l'article du métropolite Antoine qui peuvent toutefois encore présenter un intérêt pour le lecteur contemporain, j'en viens donc à la réponse à l'objection basée sur les canons de saint Basile le Grand.

Citation:

"In addition to all this, neither the Church nor Russian soldiers consider the feeling of such anger just; on this fact is founded the canon of St. Basil the Great, confirmed by the Ecumenical Councils: "Our fathers did not consider killing on the field of battle murder, pardoning as it seems to me, defenders of chastity and piety. But it might be good that they refrain from Communion only in the Holy Mysteries for three years as people who have unclean hands" (Canon 13).

I feel that the Tolstoyans will applaud spitefully when they read this canon and will reproach our soldiers: "You do not have the right to communicate for three years"; but do not be spiteful, friends, for this canon was observed in those times of great piety when people were deprived of Communion for such sins as you do not even consider to be sins: for breaking the fast once, for two years; for fornication, seven years; for adultery, 15 years; for abortion, 10 years, for concealing one's faith in Christ from fear of torture, 20 years; from fear of ridicule, for one's whole life until the hour of death (who among the modern intelligentsia is not gulity of the latter sin?). Although all these penances were confirmed by Ecumenical Councils, with the present decline in piety and the difficulty of fighting with sin, they have been weakened to an extreme extent; and the penance for soldiers was abolished by the Church at the time when great piety still existed, when the wars with the Moslems increased, as the ancient Byzantine canonists Zonaras and Balsamon testify; you will find this in the notes to the indicated canon of St. Basil in the book of the Canons of the Ecumenical Councils."
(Métropolite Antoine, op. cit., pp. 15 s.)

Ma traduction:

"En plus de tout cela, ni l'Eglise, ni les soldats russes ne considèrent qu'il est juste de ressentir une telle colère. Ce fait est à la base du canon de saint Basile le Grand, confirmé par les Conciles oecuméniques: "Nos pères n'ont pas considéré comme des meurtres la mort donnée sur le champ de bataille, excusant par là, à ce qu'il me semble, les défenseurs de la chasteté et de la piété. Mais il pourrait être bon qu'ils s'abstiennent de la communion pendant trois ans, comme des gens qui n'ont pas les mains pures" (13e canon).

Je sens que les tolstoïens vont applaudir avec malveillance quand ils liront ce canon et qu'ils feront des reproches à nos soldats: "Vous n'avez pas le droit de communier pendant trois ans"; mais ne soyez pas malveillants, chers amis, car ce canon était observé en des temps de grande piété où les gens étaient privés de la communion à cause de péchés que vous ne considérez même pas comme des péchés: 2 ans pour avoir rompu le jeûne une fois; 7 ans pour fornication; 15 ans pour adultère; 10 ans pour avortement; 20 ans pour avoir caché sa foi en Christ par crainte de la torture; la vie entière pour avoir caché sa foi en Christ par crainte du ridicule (qui, dans l'intelligentsia moderne, n'est pas coupable de ce péché-ci?) Bien que toutes ces pénitences aient été confirmées par les Conciles oecuméniques, elles ont été extrêmement affaiblies en raison du déclin actuel de la piété et de la difficulté de la lutte contre le péché; et la pénitence pour les soldats a été abolie par l'Eglise en des temps qui étaient encore des temps de grande piété, à l'époque où les guerres contre les musulmans se sont aggravées, ainsi qu'en témoignent les anciens canonistes byzantins Zonaras et Balsamon; vous le trouverez dans les notes audit canon de saint Basile dans le livre des canons des Conciles oecuméniques."

A noter, pour l'anecdote, que le pauvre Tolstoï lui-même n'avait pas eu plus de succès dans sa recherche d'une religion pacifiste quand il avait pris langue avec les autorités du bouddhisme japonais. Celles-ci ne devaient en effet guère manifester plus de sympathie envers le tolstoïsme que le métropolite Antoine de Kiev et Galitch.Citons ici le prêtre zen soto d'origine néo-zélandaise Brian Victoria, professeur à l'université d'Adelaide (Australie du Sud):

"Influencé par ses propres convictions pacifistes, le grand écrivain russe souhaitait persuader un dirigeant bouddhiste japonais célèbre de se joindre à lui pour condamner la guerre entre les deux pays. [Il s'agissait de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, où le lecteur orthodoxe se souviendra que les paroisses orthodoxes japonaises firent des prières publiques pour le succès du Japon, tandis que leur évêque, de nationalité russe, saint Nicolas (Kassatkine), priait in petto pour le succès de la Russie, solution qui permit à saint Nicolas d'agir en accord avec sa conscience tout en sauvant l'Eglise orthodoxe du Japon de prévisibles représailles... - NdL] S'étant adressé à Sôen [il s'agit ici de Shaku Sôen, moine zen qui fut le maître du célèbre D.T. Suzuki tant apprécié des Anglo-Saxons - NdL], voici la réponse qu'il en reçut:

"Le Bouddha a certes interdit de tuer, mais il aussi enseigné qu'il n'y aura pas de paix tant que tous les êtres sensibles ne seront pas unis tous ensemble à travers l'exercice de la compassion infinie. C'est pourquoi l'acte de tuer et la guerre sont nécessaires en tant que moyen d'harmoniser les choses incompatibles.""

(Brian Victoria, traduit de l'anglais par Luc Boussard, Le zen en guerre, Le Seuil, Paris 2001, p. 67.)
Alexandr
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Message par Alexandr »

En fait, en mettant en exergue le canon de Basile le Grand, je pensais toujours du point de vue "juridique".
Mais que penser du roi Lazar et de Milos Obilic? Quelle est leur "statut"?
Ceci est donc une question un peu maladroite. Pour simplifier, ce qui compte, c'est l'état d'âme du soldat ?
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :En fait, en mettant en exergue le canon de Basile le Grand, je pensais toujours du point de vue "juridique".
Mais que penser du roi Lazar et de Milos Obilic? Quelle est leur "statut"?
Ceci est donc une question un peu maladroite. Pour simplifier, ce qui compte, c'est l'état d'âme du soldat ?
Votre référence au canon de Basile le Grand était tout à fait justifiée. La preuve, il en avait déjà été question dans cet article du métropolite Antoine (Khrapovitsky) sur le pacifisme.
Je serais pour ma part beaucoup plus radical que le métropolite: non seulement ce canon est tombé en désuétude, mais il est même probable qu'il n'ait jamais été appliqué.

En ce qui concerne le roi Lazare, je pense que l'on est dans un cas de figure très particulier où il s'agissait de défendre l'Orthodoxie contre l'assaut de l'Islam. Le roi Lazare a été considéré comme un martyr, soit parce qu'on lui aurait donné le choix entre la conversion à l'Islam et la mort après sa capture et qu'il a choisi la mort, soit parce que le seul fait d'engager une lutte désespérée contre l'envahisseur mahométan plutôt que de se soumettre revenait à faire le choix du martyre. C'est là le sens du mythe du Kosovo, du choix du royaume céleste plutôt que le royaume terrestre. Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur la légende du saint prince Lazare qui est une des plus riches d'enseignements éthiques et spirituels.
N'oubliez pas que l'Europe, la civilisation européenne issue de la fusion féconde entre l'héritage gréco-romain et l'héritage des "Barbares" (Celtes, Germains et Slaves) et le christianisme lui-même ont été sauvés par quatre peuples qui, à cette époque-là, ont littéralement fait rempart de leur corps pour arrêter la marée islamique: les Albanais, les Serbes, les Roumains et les Hongrois. Les 3/4 des Albanais du monde se sont convertis à l'Islam, mais cela ne doit pas faire oublier que Mehmet II a été arrêté pendant des décennies par les guerriers de Skanderbeg. Il a fallu 85 ans (1371-1456) pour venir à bout du royaume de Serbie. Les Hongrois, sous Hunyadi et Corvin, ont opposé une résistance tout aussi décidée et leur royaume n'est tombé qu'en 1526. Quant aux Roumains, est il besoin de rappeler les noms des grands résistants Mircea le Vieux, Vlad l'Empaleur, Etienne le Grand, Michel le Brave, et du fait que si l'Ottoman est parvenu à vassaliser les principautés de Moldavie et de Valachie, il n'a jamais réussi à imposer l'humiliation de la construction d'une seule mosquée au nord du Danube. C'est ainsi que le sang versé en abondance par ces quatre peuples a épuisé l'Infidèle à qui il ne restait plus qu'à connaître la défaite devant Vienne, en 1529, puis en 1683, grâces étant rendues aux mânes du roi de Pologne Jean Sobieski et du maréchal prince Eugène de Savoie. Vous noterez qu'il a fallu 155 ans aux mahométans pour venir à bout de la résistance des quatre peuples que j'ai cités plus haut; que l'élan du djihad était brisé par le sacrifice des Albanais, des Serbes, des Hongrois et des Roumains, puisque l'Ottoman, malgré toutes ses offensives, n'a jamais réussi, pendant les 157 ans qui ont suivi, à dépasser Vienne, qui n'est pourtant pas si loin de Budapest; et qu'ensuite, il n'y a que 16 ans entre le dernier assaut contre l'Europe et la glorieuse paix de Karlowitz. Le prince Eugène n'aurait sans doute jamais pu remporter des triomphes aussi éclatants si l'ennemi n'avait d'abord été affaibli par l'héroïsme des chrétiens des Balkans et d'Europe centrale.
Je pense qu'on ne peut évidemment pas transposer une situation si particulière, où la survie même de l'Eglise était en jeu quand le saint prince Lazare se préparait à affronter le sultan Mourad, à toutes les guerres ou à n'importe quelle guerre où nous savons bien quels intérêts purement matériels sont en jeu.

Qui était Milos Obilic?
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

saint Milos Obilic : fondateur de l'Ordre du Dragon de Saint Georges dédié à la lutte contre l'Ottoman. C'est lui qui, lors de la bataille de Kosovo (1389), a franchi les lignes turques pour aller tuer Mourad 1er sous sa tente.
Evidemment, il est aujourd'hui politiquement correct de mettre son existence en doute.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_du_Dragon
http://slobodnasrpska.org/fr/srbi/oninaszaduzise.html
http://209.85.135.104/search?q=cache:kr ... lr=lang_fr
http://kosovo.site.voila.fr/histoiregeo.html
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

En écho à la discussion lancée par Alexandr le 13 septembre, voici un article du professeur Michel Stavrou de l'institut de théologie orthodoxe Saint-Serge publié dans le quotidien La Croix du 6 octobre 2007, et reproduit sur le site orthodoxie.com (ici: http://www.orthodoxie.com/2007/10/la-bo ... .html#more ).


« La bombe atomique et l'encensoir.
Michel Stavrou, professeur à l'Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge.
Paru dans La Croix le: samedi 06/10/2007
La visite en France du patriarche Alexis II de Moscou tourne nos regards vers l'Église de Russie. Seize ans déjà que celle-ci est sortie de ses fers après soixante-dix ans d'un joug soviétique féroce envers toute foi religieuse. On a estimé que le nombre de chrétiens victimes de la vindicte du pouvoir soviétique athée, après 1917, avait largement dépassé celui des martyrs des premiers siècles : 300 000 à 500 000 orthodoxes mis à mort. « Ils ont été lapidés, sciés, ils ont péri par le glaive,... dénués, opprimés, tourmentés » (Hébreux 11, 37). En dépit de tout, l'Église de Russie a survécu en revenant à l'unique nécessaire, à la sève de l'Évangile et de la Tradition apostolique.

Qu'en est-il de la situation nouvelle après la fin des ténèbres ? L'engagement personnel ou associatif, à la fois spirituel et social, de nombreux laïcs isolés ou clercs modestes en faveur des plus démunis est admirable. La Russie profonde met en œuvre le « sacrement du frère ». Cependant, tous ceux qui aiment l'Église russe et qui se nourrissent de sa tradition spirituelle et théologique sont en droit de s'inquiéter du rapprochement croissant entre l'Église et l'État russe, censés travailler « main dans la main », selon l'expression du patriarche Alexis II.
Le 1er février dernier, le président Poutine est allé plus loin, déclarant : « L'Orthodoxie et le bouclier nucléaire sont des composantes qui renforcent l'État russe, assurant sa sécurité intérieure et extérieure. » Le patriarcat de Moscou, sans craindre une instrumentalisation de l'orthodoxie, semble chercher à retrouver un statut d'Église d'empire, croyant ainsi propager l'Évangile. Mais qui manipule qui ?
L'union s'est encore renforcée le 4 septembre, quand un Te Deum a été célébré en la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, pour le 60e anniversaire de la fondation du centre nucléaire militaire soviétique Arzamas-16. Cette surprenante alliance entre la bombe atomique et l'encensoir se réclame du patronage de saint Séraphin, le grand thaumaturge russe du XIXe siècle, celui-ci ayant vécu au monastère de Sarov où a été édifiée la base Arzamas-16.
Saint Séraphin n'a jamais béni aucune guerre, sinon celle de l'ascèse que chaque chrétien doit s'imposer pour acquérir l'Esprit Saint. D'ailleurs, il resta plongé dans la prière durant la grande guerre patriotique de 1812 menée face à Napoléon. Son message – « Acquiers la paix intérieure et des milliers trouveront le salut autour de toi » - est aux antipodes de la logique de terreur liée à la doctrine de la dissuasion nucléaire. Ce patronage de mauvais aloi brouille le témoignage du Christ. Une Église peut se glorifier davantage de ses saints martyrs et ascètes que de son influence supposée sur les princes et les armées. Elle ne peut être fidèle à sa vocation qu'en parlant le langage de la Croix, non celui du glaive, puisque « la puissance de Dieu s'accomplit dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9-10). »


Le propos du président Poutine cité par le professeur Stavrou paraît en effet surprenant, voire extravagant. Toutefois, cet article me semble appeler deux remarques.

1. En premier lieu, une remarque de forme. De quoi est-il question exactement quand le professeur Stavrou parle de "300'000 à 500'000" orthodoxes mis à mort sous le régime communiste? S'il parle de gens à qui on a donné le choix entre l'apostasie ou la mort, comme sous la domination islamique ou au temps des martyrs des grandes persécutions des premiers siècles, je peux comprendre ce chiffre. Mais si l'on parle de l'ensemble des gens qui étaient baptisés orthodoxes et qui ont été mis à mort sous le régime communiste en Union soviétique, il s'agirait alors d'une incroyable sous-évaluation.
En effet, l'estimation du nombre des victimes du communisme en Union soviétique varie de 20 millions (cf. Stéphane Courtois e.a., Le livre noir du communisme, Robert Laffont, Paris 1997, p. 14 - ouvrage qui a fait le tour du monde, mais dont il ne faut pas oublier qu'il a été publié dans un pays dont le chef de l'Etat, Jacques Chirac, était un ancien militant de l'appel de Stockholm classé comme cryptocommuniste par la sûreté militaire dans sa jeunesse et dont le chef du gouvernement, Lionel Jospin, était un ancien militant trotskiste qui se vantait d'avoir trois ministres communistes dans son gouvernement, ce qui limitait forcément la liberté des rédacteurs de l'ouvrage - je me souviens encore des hurlements de la presse bien-pensante à la publication de ce livre) à près de 127 millions (estimation la plus haute selon R.J. Rummel, Lethal Politics, Transaction Publishers, New Brunswick NJ / Londres 1996, p. 24 - ouvrage quant à lui publié dans un pays où les deux postes principaux du pouvoir exécutif n'étaient pas occupés par des sympathisants communistes plus ou moins repentis et où il était donc possible de ne pas prendre de gants; Rummel, sur la base de calculs serrés, retient comme estimation la plus probable du nombre des victimes du communisme en Union soviétique un chiffre de près de 62 millions de personnes, op. cit., p. 1).
Les orthodoxes (sans les Vieux-Croyants) se comptaient quelque 87 millions dans l'Empire russe en 1914 (cf. Antoine Nivière e.a., Les Orthodoxes russes, Brepols, Turnhout 1993, p. 235). Si l'on en retire les quelque 8 millions qui se sont retrouvés sur territoire roumain, polonais, estonien, letton, lituanien ou finlandais après la dislocation de cet Empire, cela veut dire qu'il devait y avoir au moins 79 millions d'orthodoxes (sans les Vieux-Croyants) dans les frontières de 1926 de l'Union soviétique. Or, nous savons qu'à l'arrivée au pouvoir des communistes à l'automne 1917, ce qui allait devenir l'Union soviétique comptait 147,6 millions d'habitants (cf. Richard Pipes, Russia under the Bolshevik Regime, Vintage Books, New York 1995, p. 508). Cela veut dire qu'il y avait au moins 53% d'orthodoxes dans ce qui allait devenir l'Union soviétique à l'arrivée au pouvoir des communistes. Et en fait au moins 60% si l'on prend en compte ne serait-ce que les Vieux-Croyants поповцы (popovtsi, c'est-à-dire ceux qui avaient gardé des prêtres).
Si nous appliquons cette proportion de 53 à 60% d'orthodoxes aux 20 à 127 millions d'habitants de l'Union soviétique victimes du communisme, cela fait un minimum de 10,6 millions de victimes orthodoxes, un maximum de 76,2 millions. Le plus grand massacre de tous les temps.
Alors, il ne faut pas jouer sur les mots. On peut peut-être écrire qu'il y a eu 300'000 à 500'000 chrétiens orthodoxes martyrs sous le régime soviétique et qui sont morts pour la foi. Mais, si l'on parle d' "orthodoxes mis à mort", alors les faits commandent d'écrire qu'il y a eu 10'600'000 à 76'2000'000 orthodoxes mis à mort pour satisfaire Lénine, Trotski, Staline, leurs complices, épigones, adorateurs et thuriféraires. Le chiffre le plus probable est de quelque 35 millions de chrétiens orthodoxes "jetés aux poubelles de l'histoire" par le régime infailliblement appuyé sur la pensée de Marx, Engels et Lénine.

Au passage, je signalerai qu'une des plus belles opérations de désinformation actuellement en cours est celle qui vise à réhabiliter le trotskisme et à le désolidariser du communisme tout simplement parce que les groupuscules trotskistes conservent dans certains pays d'Europe occidentale une capacité de nuisance que n'ont plus les partis communistes staliniens. C'est un peu vite oublier que, pendant la période où Trotski fut aux affaires, le nombre des victimes du régime se situe entre 4'262'000 et 17'582'000 (cf. Rummel, op. cit., p. 47), ce qui, dans tous les cas, situe cette idole d'un certain parisianisme parmi les assassins les plus efficaces de tous les temps. Quant aux trotskistes donneurs de leçons qui se manifestent de temps à autre parmi les orthodoxes "francophones", ils apprendront peut-être l'utilité du "carême du silence" qu'ils prêchent aux autres en relisant les pages 352 et suivantes du livre du professeur Pipes, Russia under the Bolshevik Regime, où l'historien étasunien d'origine polonaise rappelle utilement que Trotski était l'homme que Lénine avait chargé de la campagne antireligieuse.

2. Ces rappels indispensables ayant été effectués, il reste une remarque de fond. Depuis tant de siècles que l'on célèbre le "Dieu des armées" et que l'on invoque des saints militaires, en quoi est-ce vraiment si surprenant de donner un saint patron à la bombe atomique? Certes, je crois comprendre de l'article du professeur Stavrou qu'un saint Démètre Donskoï aurait peut-être été plus approprié, de par un rapport plus évident avec la chose militaire de son vivant, qu'un saint Séraphin de Sarov. Mais en quoi cette arme-là est-elle si choquante?
Nous savons déjà qu'il y avait le bon terrorisme et le mauvais terrorisme, le bon nationalisme (= celui des impérialistes) et le mauvais nationalisme (= celui des francophones), les bons "dommages collatéraux" (= quand les impérialistes bombardent un pays arabe) et les mauvaises "destructions massives" (= quand un pays arabe se défend). Y a-t-il des armes saintes et des armes sataniques, des stratégies basées sur une logique de terreur et d'autres qui ne le seraient pas?
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