patriarcat de rome ??

[Anne Geneviève]

Grégoire le Grand a souvent la plume tonnante... Il faut aussi le replacer dans son contexte, dans une époque où les sièges de Rome et de Constantinople étaient souvent autant en rivalité qu'en communion.
Cette notion d'oecumène n'a plus grand sens aujourd'hui, en tout cas plus de sens étatique ou géographique car on cherche à la loupe les pays où l'Eglise orthodoxe serait majoritaire et influencerait en profondeur la civilisation. Elle en avait dans l'antiquité tardive et le haut moyen âge, à partir du règne de Constantin.
Elle en avait encore à la fin du moyen âge, lorsque la Serbie fut pour un bref temps le seul pays orthodoxe libre devant la déferlante ottomane à l'est et le basculement dans l'hérésie filioquiste à l'ouest.
On peut penser qu'elle en avait encore quand la Russie s'est pensée "troisième Rome", entre les victoires d'Alexandre Nevski et les réformes luthérianisantes de Pierre le Grand, et l'on pourrait même pousser jusqu'à la révolution d'octobre.
Aujourd'hui, la "maison commune" est présente sur toute la Terre mais aussi minoritaire dans pratiquement tous les pays.
Le titre du patriarche de Constantinople n'est qu'une survivance, mais il est important, je crois, de tenir bon sur ce point même si c'est du folklore, afin de résister à la sourde guerre de religion que mènent contre lui islamistes et "laïcs" en Turquie, les uns au nom de la religion, les autres, du nationalisme. Les raisons invoquées par le gouvernement turc pour l'abandon de ce titre ne peuvent mener qu'au phylétisme et à la subordination de l'Eglise à l'Etat : au moins le terme "oecuménique" rappelle-t-il l'universalité de l'Eglise du Christ, si malmenée de nos jours.
Bien sûr, il y a toujours le risque qu'un patriarche de Constantinople compense la précarité de sa situation dans une forteresse assiégée en comprenant son titre d'une manière "papiste", mais la structure de l'Eglise en synode locaux aurait tôt fait de le ramener à une vue plus saine et plus humble de sa fonction. Cela s'est déjà vu.