lydie a écrit :C'est la premiere fois que je parcours ce site et en lisant un message je suis tombèe sur l'expression "matheiste" Qu 'est ce que cela signifie '
En 1923, une conférence panorthodoxe s'est réunie à Constantinople et a décidé de réviser le calendrier julien qui était encore utilisé comme calendrier liturgique dans l'Eglise orthodoxe. Ce "nouveau calendrier" coïncidera avec le calendrier grégorien jusqu'en 2800. Il a été introduit dans les patriarcats de Constantinople, Alexandrie, Antioche, Roumanie et Bulgarie ainsi que dans les Eglises de Chypre, de Grèce, d'Albanie et d'Amérique. Les patriarcats de Jérusalem, Moscou, Géorgie et Serbie, ainsi que les Eglises de Pologne et du Sinaï n'ont jamais introduit ce nouveau calendrier. Par dérogation, les Eglises de Finlande et d'Estonie, qui correspondaient à de petites minorités orthodoxes dans un océan luthérien, ont obtenu de pouvoir utiliser le calendrier grégorien. L'Eglise orthodoxe de Tchéquie et Slovaquie utilise indifféremment les trois calendriers - julien, grégorien et costantinopolitain. En effet, il a été décidé dès longtemps de laisser chaque Eglise locale libre d'appliquer ou pas les décrets de la conférence de 1923.
L'introduction du nouveau calendrier en Grèce et en Roumanie en 1924, puis en Bulgarie en 1968, a suscité la dissidence d'une partie de la population, qui estimait que l'introduction d'un calendrier liturgique qui coïncidait désormais avec le calendrier grégorien pour les fêtes fixes (et ce jusqu'en 2800) n'était en fait que le signe avant-coureur d'un modernisme agressif qui se traduirait aussi par le raccourcissement des jeûnes, la critique du monachisme, la politisation de l'Eglise et l'oecuménisme. Plus qu'une correction du calendrier qui avait des justifications objectives - et le concile de Nicée de 325 avait déjà procédé à une correction du calendrier -, c'est l'atmosphère moderniste et mondaine qui accompagnait la réforme qui a suscité tant de révoltes. S'ajoutait aussi la personnalité plus que controversée du principal promoteur de la réforme, le patriarche de Constantinople Mélèce. Cette dissidence a pu prendre les formes les plus variées, depuis le cas de prêtres qui ont fait comme si la révision du calendrier n'avait pas eu lieu jusqu'à la fondation d'une Eglise parallèle. Ce mouvement a été qualifié de "vieux-calendériste", "vieux-calendariste" ou "paléohimérologite" par les observateurs extérieurs. Eux-mêmes se qualifient de "vrais chrétiens orthodoxes", "synode des résistants" (συνόδος των Ένισταμένων) ou "Eglise orthodoxe de l'Orient" (par rapport à ceux qui auraient adopté le calendrier de l'Occident).
Si le mouvement est resté uni en Bulgarie et en Roumanie, il s'est divisé dans le monde grec en une bonne quinzaine d'Eglises parallèles. Il serait tentant de faire une comparaison avec la situation du catholicisme "tradi" ou "intégriste", qui connaît lui aussi une profusion d'Eglises parallèles (lefebvristes, sédévacantistes, palmaristes, et leurs dissidences). Toutefois, la comparaison devrait s'arrêter au triste constat de cette scissiparité sans limites, chez les vieux-calendéristes orthodoxes comme chez les catholiques traditionalistes. Pour le reste, les deux mouvements sont très différents. En premier lieu, il y a beaucoup moins d'éloignement entre l'ethos de la majorité des orthodoxes et celui des vieux-calendéristes qu'entre celui de la majorité des catholiques romains et celui des tradis. En deuxième lieu, le mouvement vieux-calendériste n'est pas exclusivement fixiste; il se veut aussi mouvement de retour aux sources, ce qui amène par exemple beaucoup de vieux-calendaristes à prononcer à haute voix les prières dites "secrètes" de la liturgie, selon l'usage le plus ancien, attitude qui est paradoxalement qualifiée de "moderniste" dans certains cercles. Enfin, le mouvement vieux-calendériste a, au sein de l'Orthodoxie, une importance numérique sans comparaison avec celle du mouvement tradi au sein de l'Eglise papale; le nombre des paléohimérologites dans le monde ne saurait être inférieur à 300'000, voire 400'000, personnes, c'est-à-dire environ 0,4% des orthodoxes dans le monde. (Il me paraît toutefois impossible de donner le moindre crédit à leur revendication de 3 millions de fidèles.)
Le terme de "matthéiste" est le sobriquet donné à un des mouvements vieux-calendéristes grecs, celui fondé en 1938 par Mgr Mathieu de Vresthène, et qui est considéré comme le groupe qui a les positions les plus radicales au sein du mouvement. Il est possible que les matthéistes comptent jusqu'à 50'000 fidèles, essentiellement en Grèce et à Chypre, mais aussi en Australie, en Belgique (plutôt dans le Limbourg), en Bulgarie, au Cameroun, au Canada, aux Etats-Unis , en Grande-Bretagne, au Kenya et même en Biélorussie, Russie et Ukraine. Ils ont une vie monastique très développée et le principal monastère de Grèce, Kératéa, en Attique, est un monastère matthéiste.
Pour les régions francophones, on parle d'environ une quarantaine de fidèles matthéistes (environ 30 en France et une dizaine en Suisse), avec un prêtre d'origine allemande (le RP Cassien [Braun]) qui a une activité inlassable de traducteur et de peintre, et deux lieux de culte (l'ermitage Saint-Etienne à Clara dans les Pyrénées-Orientales et une paroisse à Saxon en Valais). Les matthéistes ont rompu toutes les relations sacramentelles avec l'Eglise orthodoxe depuis 1938.
Il faut signaler que, depuis 1995, les matthéistes se sont à leur tour divisés en deux factions rivales, qui ont chacune leurs propres évêques.
D'une manière générale, la plupart des intervenants sur le présent forum ont porté sur le mouvement matthéiste une appréciation qui est celle de l'Eglise orthodoxe. Vous pouvez utiliser la fonction "Rechercher" qui se trouve en haut de la page de lecture pour retrouver l'ensemble des discussions où il a été question du mouvement matthéiste. Toutefois, vous ne trouverez ici, comme je viens de l'écrire, pratiquement que le point de vue de l'Eglise orthodoxe sur les matthéistes.
En application du principe
audiatur et altera pars et pour avoir le point de vue des matthéistes eux-mêmes, vous pouvez consulter les deux sites matthéistes qui existent en français à ma connaissance:
http://membres.lycos.fr/orthodoxievco/ (site du hiéromoine Cassien Braun)
http://www.orthodoxie-vco.ch/ (site des matthéistes de Suisse)