lecteur Claude a écrit :En 2001, le saint Synode du patriarcat de Roumanie avait donné à l'évêque auxiliaire du métropolite Joseph, Mgr Sylvain (Span), la titulature de Marseille, tout simplement parce que c'est la deuxième ville de France et que cela semblait un titre logique pour l'auxiliaire d'un évêque résidant dans la plus grande ville du pays en question. (C'est du moins l'explication qui m'avait été donnée par Mgr Justinien [Chira] quand il m'avait reçu à Baia Mare à cette époque déjà lointaine.) Cette simple initiative a suscité une telle levée de boucliers de la part des autres orthodoxes - cf. par exemple les attaques de Mgr Grégoire Papathomas dans Les chemins de la christologie orthodoxe publiés sous les auspices de Mgr Doré, archevêque de Strasbourg - que le patriarcat de Roumanie ne répètera vraisemblablement plus un tel crime de lèse-majesté contre l'ecclésiologie d'Olivier Clément. C'est ainsi que l'actuel auxiliaire de Mgr Joseph pour la France a une titulature qui correspond à une localité de Moldavie. Ainsi, personne ne pourra plus écrire des articles pour dénoncer la violation de la "territorialité canonique" que représente le fait de donner aux évêques le titre de villes qui sont effectivement sur le territoire de leur diocèse...
Voici l'attaque que je citais:
"Comment expliquer le fait que, d'un côté, nous soyons en dialogue afin d'instaurer la pleine communion avec l'Eglise d'Occident [
NdL: comment maintenir ce charabia ecclésiologique maintenant que le pape Benoît XVI a renoncé au titre de "patriarche d'Occident" pour mieux affirmer sa juridiction universelle? Et si tout se ramène à des considérations géopolitiques, l'Eglise orthodoxe en Amérique, avec son siège primatial à Washington D.C., n'est-elle pas encore plus "occidentale" que la soi-disant "Eglise d'Occident" qui a aussi nommé, soit dit en passant, un patriarche latin de Jérusalem ou un catholicos uniate de Séleucie-Ctésiphon, terrres pas précisément "occidentales"... ] après la "rupture de communion" (1054) et, de l'autre, que nous, orthodoxes, nous considérerions son territoire canonique [
NdT: historiquement limité à l'Italie centrale... ] comme un lieu de "diaspora", c'est-à-dire, selon ce qui est généralement admis, comme une terre vide et, par conséquent, comme une "Eglise inexistante"!... un lie u sur lequel, de surcroît, chaque
Eglise nationale orthodoxe s'introduit, s'infiltre et donne un fondement à l'étendue (sic) de sa juridiction?
Il y a même eu récemment des évêques orthodoxes qui ont reçu et portent des titres de territorialité déjà existants, c'est-à-dire d'évêques locaux de cette Eglise. Ainsi, outre l'homonymie des titres épiscopaux!"
(Archimandrite Grégoire Papathomas, "De la dispersion de l'Eglise à l'anéantissement du corps du Christ", in Astérios Argyriou e.a.,
Chemins de la christologie orthodoxe, Desclée, Paris 2005, p. 362).
Le passage que j'ai souligné s'en prenait directement au titre de Marseille attribué à une époque par le saint Synode de Roumanie à l'évêque Sylvain (Span).
Il suffit pourtant de connaître un tant soit peu l'organisation territoriale de l'Eglise de Roumanie pour savoir qu'il y est d'usage d'attribuer aux évêques auxiliaires (
arhierei vicari) le titre d'une ville du diocèse autre que celle dont l'évêque diocésain porte le titre, en général la 2e ville la plus peuplée ou une ville au passé prestigieux, même si l'évêque auxiliaire n'y réside pas. C'est ainis, par exemple, que l'évêque auxiliaire de Mgr Justinien (Chira) du Maramureş et de Satu Mare porte le titre de Sighet, bien qu'il réside relativement loin de là, au monastère de Rohia. Il en va de même dans l'archevêché de Vad, Feleac et Cluj. Dans cette logique, il n'y avait rien d'étonnant à ce que l'on attribue le titre de Marseille - qui se prétend la 2e ville de France, encore qu'à ma connaissance ce soit plutôt Lyon... mais "Tout le monde peuvent pas être de Lyon. Il en faut bien d'un peu partout", comme dit
La plaisante sagesse lyonnaise , alors, va pour un titre de Marseille- à l'auxiliaire d'un évêque qui résidait à Paris, première ville de France. Il n'y avait pas là de quoi faire pousser des cris d'orfraie aux oecuménistes.
Quant à l'article de Mgr Grégoire (Papathomas) que j'ai cité plus haut, il me désoriente (c'est le cas de le dire: j'y perds mes points cardinaux). Ainsi, l'Eglise orthodoxe n'aurait pas le droit de fonder des diocèses sur le territoire d'une "Eglise d'Occident", dont la compétence territoriale d'origine ne comprenait d'ailleurs ni Milan, ni Marseille, ni Lyon, ni Paris, ni Tolède. Mais cette "Eglise d'Occident", qui se dit elle-même "universelle", fonde des diocèses dans des lieux aussi "occidentaux" que Jérusalem, Bagdad ou Manille. A cela s'ajoute que le patriarcat oecuménique de Constantinople, dont relève Mgr Grégoire, a bien un évêque de Denver (Colorado) et un métropolite de Buenos Aires (Argentine), lieux que je dois par conséquent supposer moins "occidentaux" que Marseille ou Genève. Bref, je ne sais plus où je dois me placer sur la carte pour déterminer ce qui est à l'Ouest et ce qui est à l'Est.
Comme la "plaisante sagesse genevoise" vaut bien la "plaisante sagesse lyonnaise" - après tout, nous restons ainsi en pays francoprovençal -, le seul commentaire que m'inspire cette étrange ecclésiologie géopolitique reste cet échange de graffitis que j'avais un jour relevé sur une porte des toilettes à la faculté de Droit de Genève:
" - Les étudiants en droit sont des sales bourges de droite.
-Normal, car si le droit était à gauche, où serait le juste milieu helvétique?"
Voici quelques réflexions qui nous aideront ainsi à comprendre l'ecclésiologie selon laquelle les peuples situés entre tel et tel degré de longitude, tel et tel degré de latitude, n'auraient pas droit au Christ et à Son Eglise.