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querelles de moines sur le mont Athos

Publié : ven. 29 déc. 2006 16:26
par apostolos
Un peu honteux à mon goût: "Dans le monastère isolé, des anachorètes professant « l'orthodoxie ou la mort » ont à nouveau agressé des moines fidèles à l'Église grecque."

La suite est par ici: http://www.lefigaro.fr/international/20 ... athos.html

Après consultation avec un expert en la matière, cet article donne la version officielle du patriarcat de Constantinople. À titre d'information, l'on trouvera la version des moines d'Esphigmenou sur le site suivant: http://www.esphigmenou.com/

NB: "l'orthodoxie ou la mort" est inspiré de la devise nationale grècque "la liberté ou la mort". Pas très original, toujours à mon goût...

Publié : sam. 30 déc. 2006 0:48
par Claude le Liseur
Je ne connais pas du tout les tenants et les aboutissants de cette affaire, mais il me semble que l'offensive contre la fraternité zélote du monastère d'Esphigménou (qui eut l'insigne honneur d'avoir comme abbé saint Grégoire Palamas au XIVe siècle) se base sur des textes juridiques qui ont été traduits en français de manière exhaustive par Mgr l'archimandrite Grégoire Papathomas dans son étude Le Patriarcat oecuménique de Constantinople (y compris la Politeia monastique du mont Athos) dans l'Europe unie, Editions Epektasis, Katerini 1998. (La couverture de cette édition est illustrée par une fresque qui se trouve dans ma paroisse!)

L'article 5 de la Charte statutaire de la sainte Montagne de l'Athos du 10 mai 1924 dispose que "le droit de résidence sur la Sainte Montagne ne sera concédé à aucun hétérodoxe ou schismatique". Ce même article prévoit que "à la divine Liturgie et aux offices, aucune commémoration d'évêque ne sera permise, sauf celle du Patriarche oecuménique".

L'article 105 alinéa 2 de la Constitution de la Grèce du 9 juin 1975 reprend la disposition de la Charte statutaire relative à l'interdiction pour des hétérodoxes ou des schismatiques de s'installer sur la sainte Montagne, tandis que l'alinéa 4 de ce même article 105 mentionne l'autorité du patriarcat de Constantinople sur l'Athos: "la rigoureuse conservation des statuts hagiorites, du point de vue spirituel, fait l'objet de la haute surveillance du Patriarcat oecuménique, tandis que du point de vue administratif ce droit de surveillance revient à l'Etat hellénique auquel en outre incombe exclusivement le droit de maintenir l'ordre public et la sécurité".

Depuis les excès oecuménistes du patriarche Athénagoras dans les années 1960, le monastère d'Esphigménou ne commémore plus le patriarche oecuménique. Par conséquent, la fraternité monastique d'Esphigménou a été considérée comme schismatique et demeurant au mont Athos en violation de l'article 5 de la Charte statutaire. Les moines d'Esphigménou ont épuisé toutes les voies de recours prévues par la législation en vigueur, ayant perdu pour la dernière fois en cassation en novembre 2005, me semble-t-il.

A cette légitimité juridique, les moines d'Esphigménou opposent une autre légitimité, faisant valoir que l'Orthodoxie n'est point le papisme, que le patriarcat oecuménique n'a pas le monopole de la vérité et qu'ils considèrent, au contraire, que eux sont orthodoxes et que le patriarche oecuménique est schismatique.

Toujours est-il que la querelle dure depuis plus de 40 ans et que les moines d'Esphigménou semblent avoir épuisé toutes les voies de droit.

Quant au slogan "L'Orthodoxie ou la mort", en effet décalqué de la devise de la Grèce, il flottait sur une banderole accrochée sur la muraille du monastère déjà à la fin des années 1960, où les moines d'Esphigménou avaient été assiégés par la police du régime des colonels.

Mais toujours est-il que je ne vois pas comment ils pourraient demeurer au mont Athos maintenant qu'ils n'ont plus aucune possibilité de recours, ni devant les tribunaux canoniques, ni devant les tribunaux civils.

Publié : sam. 30 déc. 2006 8:28
par Antoine
Mais toujours est-il que je ne vois pas comment ils pourraient demeurer au mont Athos maintenant qu'ils n'ont plus aucune possibilité de recours, ni devant les tribunaux canoniques, ni devant les tribunaux civils.
Quel tribunal civil peut décider de qui est schismatique et hétérodoxe?

Quant aux tribunaux canoniques, qu'a-t-il été fait? Tribunaux de quelle instance? Si ce sont ceux du patriarcat lui-même , quel intérêt de plaider une cause déjà jugée par avance? Lorsqu'on est juge et parti dans une affaire, l'adversaire n'a plus de moyens légaux de se faire entendre non?

Si le seul grief contre Esphigménou est que les moines refusent de commémorer le patriarche, cela vaut-il une exclusion du Mont Athos?
Il y a les textes d'un côté et la conscience de l'autre. Je peux toujours tuer un cycliste avec ma voiture sous prétexte que j'ai la priorité...

Publié : sam. 30 déc. 2006 9:40
par Ploscaru Mihaela
oui ! vous avez raison Antoine ! bien que je ne sois pas " tradionnaliste ", où l'Amour dans la susceptibilité même patriarchale...! Mihaela

Publié : sam. 30 déc. 2006 14:20
par Claude le Liseur
Antoine a écrit :
Mais toujours est-il que je ne vois pas comment ils pourraient demeurer au mont Athos maintenant qu'ils n'ont plus aucune possibilité de recours, ni devant les tribunaux canoniques, ni devant les tribunaux civils.
Quel tribunal civil peut décider de qui est schismatique et hétérodoxe?

Quant aux tribunaux canoniques, qu'a-t-il été fait? Tribunaux de quelle instance? Si ce sont ceux du patriarcat lui-même , quel intérêt de plaider une cause déjà jugée par avance? Lorsqu'on est juge et parti dans une affaire, l'adversaire n'a plus de moyens légaux de se faire entendre non?

Si le seul grief contre Esphigménou est que les moines refusent de commémorer le patriarche, cela vaut-il une exclusion du Mont Athos?
Il y a les textes d'un côté et la conscience de l'autre. Je peux toujours tuer un cycliste avec ma voiture sous prétexte que j'ai la priorité...

Et oui, mais qu'y puis-je, si la république monastique du mont Athos, du fait de son statut particulier, n'est pas un territoire qui connaît la liberté religieuse comme le reste du territoire grec? Les textes juridiques qui régissent la sainte Montagne n'ont tout simplement pas prévu que le patriarche oecuménique puisse devenir hérétique ou schismatique ou être considéré comme tel par des moines. Par conséquent, pour les tribunaux qui doivent appliquer la Charte de 1924, la solution est très simple: ceux qui ont rompu avec le patriarche oecuménique sont ipso jure schismatiques. Les tribunaux sont forcés d'appliquer les textes.

Ce qui veut dire que si, un jour, ceux qui conspirent à la perte de l'Orthodoxie depuis un millénaire venaient à prendre le contrôle du Phanar - ce qu'à Dieu ne plaise ! -, ils pourraient au moins s'emparer aussi des monastères de l'Athos, sans que l'on ait aucun moyen légal de s'y opposer. C'est bien d'ailleurs la seule chose dont ils arriveraient à s'emparer (mais, malgré des expériences réitérées au cours des siècles, ils n'ont toujours pas compris que, dans l'Eglise, le peuple n'est pas un troupeau panurgique que l'on mène à la baguette, mais qu'il est le gardien de la foi - cf. Enyclique des patriarches orientaux de 1848; ils sont sans doute trop occupés à lire les écrits de Madame Murr Nehmé pour pouvoir analyser la résistance du peuple orthodoxe à la fausse union de Florence).

Cela étant, je serais bien incapable de dire de quoi il en retourne exactement. J'ai fait un seul pélerinage au mont Athos, en décembre 1997, et au monastère du Pantocrator où je me suis arrêté, on était plus que réservé à l'égard de la politique suivie par la fraternité d'Esphigménou. Là encore, je ne veux pas entrer dans les détails, n'ayant pas eu l'autre son de cloche, celui des moines d'Esphigménou.

Publié : dim. 31 déc. 2006 1:24
par Claude le Liseur
Trouvé dans l'ouvrage cité plus haut de l'archimandrite Grégoire (Papathomas), actuellement professeur de droit canonique au séminaire de l'Eglise orthodoxe d'Estonie à Tallin (pages 408-410):

"Par extension, le monastère de Lavra de Karyès, c'est-à-dire le Mont Athos à l'époque, refusait depuis toujours la visite des femmes ou des enfants mineurs et n'acceptait pas, par la suite, l'installation pour des raisons d'unité ecclésiale - selon la Constitution et la Charte statutaire - des hétérodoxes et des schismatiques [d'où plus des hétéroreligieux]. Le premier cas a été appliqué dès le début, fait qu'on trouve déjà dans la législation de l'Empire romain d'Orient - pratique entièrement reconnue comme particularité sur ce lieu par les traités internationaux -, tandis que le deuxième a été également appliqué, plus tard, surtout pour les "hétérodoxes", les schismatiques et les hétéroreligieux. Bien qu'en Grèce toute religion soit libre de s'établir et d'exercer son culte, a contrario sur l'Athos, l'Orthodoxie reste juridiquement exclusive pour l'effet surtout de cette interdiction d'installation."

Dans une note de bas de page n° 792, Mgr Grégoire précise que les moines et les candidats provenant de l'Eglise de Macédoine ne sont pas admis à s'établir sur le mont Athos, et que les moines et candidats provenant de l'Eglise de Bulgarie ne l'étaient pas lors du schisme de cette Eglise entre 1870 et 1945.

Plus intéressant encore, la note de bas de page n° 795, p. 409, à propos de l'interdiction d'établissement des schismatiques, des hétérodoxes et des non chrétiens: "L'Europe doit vraiment prendre en considération que cette norme du droit hagiorite, bien qu'elle fasse partie du droit ecclésiastique, concerne uniquement et exclusivement la Politeia athonite - propriété collective (privé) de vingt monastères souverains -, et non pas un territoire d'un Etat (l'hellénique, le chypriote, etc.) sur lequel s'étend la juridiction canonique d'une Eglise autocéphale."
Fort bien, mais c'est là que le serpent se mord la queue. Car si l'on explique l'interdiction pour les schismatiques de s'établir au mont Athos par le fait que cette péninsule de Chalcidique serait la propriété privée des vingt monastères souverains, comment justifier l'expulsion des moines propriétaires d'un de ces vingt monastères au nom de l'interdiction d'établissement des schismatiques sur le mont Athos?

Autre point intéressant. En Suisse, le processus d'auto-destruction du droit a abouti à faire de la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 (ci-après "CEDH") un texte qui n'est plus considéré comme un traité international (ce qu'il est pourtant en tout état de cause), mais comme une norme de rang constitutionnel et d'application immédiate. Je ne sais pas si le droit grec en est arrivé au même stade d'illogisme, mais, si c'est le cas, il est évident que l'article 105 de la Constitution hellénique, l'article 5 de la Charte statutaire du mont Athos ou le protocole consulaire de Londres du 12 novembre 1913 ne tiendront pas face à l'article 9 de la sacrosainte CEDH. Après tout, l'Athos est quand même supposé se trouver sous la souveraineté de la Grèce depuis 1913. Auquel cas on finira par voir la Cour de Strasbourg imposer le droit d'établissement des hétérodoxes sur l'Athos (et pourquoi pas un énorme et hideux temple pentecôtiste à la sortie de la Grande Laure, du type de celui qu'on voit à Putna à la sortie du monastère où reposent les reliques de saint Etienne le Grand?).

Et oui, quand on va dîner avec le diable, il faut une longue cuiller; et quand on commence à demander des subventions à certaines entités, il faut se souvenir d'un sage dicton français: "Qui paie commande".

Publié : dim. 31 déc. 2006 13:52
par Antoine
Fort bien, mais c'est là que le serpent se mord la queue. Car si l'on explique l'interdiction pour les schismatiques de s'établir au mont Athos par le fait que cette péninsule de Chalcidique serait la propriété privée des vingt monastères souverains, comment justifier l'expulsion des moines propriétaires d'un de ces vingt monastères au nom de l'interdiction d'établissement des schismatiques sur le mont Athos?
Bien que non juriste, il me semble que la réponse tient au mot "Collectif".
La note de bas de page n° 795, p. 409,au sujet de la Politeia athonite précise:propriété collective (privé) de vingt monastères souverains -, et non pas un territoire d'un Etat (l'hellénique, le chypriote, etc.) sur lequel s'étend la juridiction canonique d'une Eglise autocéphale."
Il s'agit d'un droit de propriété collectif géré par la synaxe du Mont Athos. La souveraineté est partagée et gérée par la synaxe et non pas une souveraineté individuelle avec répartition territoriale de cette souveraineté.
En revanche, je ne sais pas quel est le droit du patriarcat en tant que présidant cette synaxe.(supra synaxal?) Mais vraisemblablement l'exclusion d'Esphigmenou a dû être enterrinée par la synaxe du Mont, l'exécution de cette décision étant à la charge du patriarcat et des autorités civiles. C'est à cette fin que le patriarcat avait réussi à changer un certains nombre d'higoumènes pour les remplacer par d'autres plus conciliants à son égard, ce qui lui donnait une totale liberté d'action.
Le droit est une chose, la justice une autre...

Publié : mer. 03 janv. 2007 18:26
par Claude le Liseur
A propos, la réalité dépasse déjà mes pronostics, puisque le mont Athos est attaqué via un autre angle, celui de l'avaton (l'interdiction traditionnelle pour les femmes de pénétrer sur le territoire de la sainte Montagne), dans un article assez plat de Mme Angélique Kouronis dans La Libre Belgique:

http://www.lalibre.be/article.phtml?id= ... _id=323447

Ce qui est surtout révélateur, c'est ce passage là:

Il n'empêche qu'une question se pose : cette entrée massive de l'orthodoxie dans l'Union européenne va-t-elle contribuer à la démocratisation du Dogme ? Le métropolite Emmanuel en doute. "On ne peut pas si facilement changer une image", souligne-t-il, rejoint en cela, une fois n'est pas coutume, par Anna Karamanou, féministe et ex-députée européenne socialiste.

"Aucune de ces églises n'a jamais donné un signe d'une réelle volonté d'évolution, déclare-t-elle. Elles sont restées là où elles étaient il y a 2000 ans, elles ne reconnaissent pas l'égalité des sexes, interdisent l'ordination des femmes, leur barrent l'accès du Mont Athos, alors que c'est un territoire européen de plus de 4 000 m2 que les femmes financent via leurs impôts. Je n'attends rien de nouveau."


La déclaration de Madame Karamanou, ça, c'est de la haute spiritualité, coco! Et quelle compréhension de la clôture monastique! Faisons abstraction du fait que l'article est si peu clair que Mgr Emmanuel et Madame Karamanou ne répondent visiblement pas à la même question, et concentrons-nous sur les déclarations pas si innocentes de cette ex-Member of the European Parliament à propos de l'Eglise voulue et fondée par le Christ. L'Eglise orthodoxe serait donc chargée de tous les péchés possibles et imaginables.

Bien sûr. Qu'on relise plus haut mon avertissement à ceux qui vont dîner avec le diable en oubliant de prendre une longue cuiller. En tout cas, très révélateur, cette idée que l'"Union européenne" est supposée "démocratiser le dogme". Il est vrai que Madame Karamanou ne fait qu'exprimer ouvertement l'idéologie qui était à la base des articles 2, 3 alinéa 3 et de la totalité du titre III du projet de Constitution de l'Union européenne rejeté en 2005 par les peuples français et néerlandais (élimination de toutes les formes de discrimination).
Car, bien sûr, Madame Karamanou a raison: le mont Athos discrimine les femmes en maintenant l'avaton, l'Eglise discrimine les femmes en ne les ordonnant pas à la prêtrise (et d'ailleurs discrimine les hétérodoxes en ne les ordonnant pas non plus à la prêtrise), et je discrimine l'ex-député (pardon, l'ex- députée) Anna Karamanou en ne l'invitant pas à dîner chez moi bien que j'habite au bord d'un chemin dont l'entretien est financé aussi via les impôts des féministes socialistes.
En 1993, à Fribourg, un savant dominicain m'avait expliqué que viendrait le jour où un tribunal imposerait à l'Eglise catholique romaine l'ordination des femmes en la condamnant pour discrimination basée sur le sexe. On s'en approche, on s'en approche petit à petit.
Cela étant, la superficie du mont Athos est plus proche de 322 km2 que de 4'000 m2, mais il ne faut pas non plus faire de discrimination basée sur les chiffres.

Publié : mer. 03 janv. 2007 18:41
par Claude le Liseur
Le site Internet du quotidien La Croix reproduit une intéressante dépêche AFP de ce jour (cf. http://www.la-croix.com/afp.static/page ... 62w4f4.htm ):



ATHENES, 3 jan 2007 (AFP) - Les moines du Mont Athos opposés au réchauffement des relations avec le pape

La direction collégiale du Mont Athos, lieu sacré de l'orthodoxie dans le nord-est de la Grèce, a condamné jeudi les récents gestes de rapprochement entre la hiérarchie orthodoxe et la papauté.

La visite du pape Benoît XVI au siège à Istanbul du patriarcat oecuménique orthodoxe en novembre, et celle du chef de l'Eglise grecque Mgr Christodoulos au Vatican, en décembre, "ont plongé la sainte communauté du Mont Athos dans une profonde tristesse", indique un communiqué de la direction collégiale représentant les 20 monastères du site.

Les higoumènes (supérieurs) de l'Athos s'indignent de ce que ces manifestations d'amitié aient eu lieu "alors que la papauté n'a en rien reculé sur son enseignement hérétique et sur sa politique".

Ils réaffirment leur opposition à la primauté revendiquée par le pape sur la chrétienté ainsi qu'au développement en Europe de l'Est, territoire orthodoxe traditionnel, de l'Eglise uniate, de rite oriental mais reconnaissant l'autorité du Vatican.

Ce rappel à l'ordre des moines de l'Athos, traditionnellement anti-papistes, n'a toutefois été approuvé qu'à une "très faible majorité" des 20 higoumènes, a indiqué à l'AFP sous couvert d'anonymat un haut responsable monastique qui a jugé pour sa part "très positive" la rencontre de Benoît XVI avec le patriarche oecuménique, Mgr Bartholomée.

Quarante et un ans après la décision historique des deux Eglises de lever les excommunications réciproques datant du schisme de 1054, les deux prélats s'étaient félicités de la reprise du dialogue entre catholiques et orthodoxes, gelé pendant six ans.


Cette réaction athonite est intéressante. Mais il faudrait surtout un jour aborder la vraie question qui fâche: que les voyages diplomatiques incessants et les déclarations communes anachroniques sur la sainte alliance contre le courant laïciste (qui n'en peut mais) apportent-ils sur le seul plan qui compte (pastoral et spirituel)?

En tout cas, on ne peut qu'une fois de plus rendre grâces à ceux qui, malgré toutes leurs faiblesses et leurs imperfections, restent les modèles de la vie monastique et les porteurs de la tradition hésychaste d'une fois de plus affirmer la primauté du spirituel et de nous rappeler que nous devons d'abord chercher le royaume de Dieu (Mt 6,33).


Plus intéressante encore est la fausse objectivité de l'AFP: le côté "dans le secret des dieux" (un "haut responsable monastique" parle sous "couvert d'anonymat"), la manière habile de montrer dans quel camp on est (la décision qui déplaît visiblement à l'auteur de la dépêche a été prise "à une très faible majorité" - comme si une majorité n'était pas une majorité; on devrait le savoir dans l'agence de presse du pays de l'amendement Wallon... - et au fait, quelle majorité pour les décisions prises dans l'affaire d'Espighménou?) et les erreurs volontaires qui nous permettent de passer de l'information à la désinformation (la levée des anathèmes en 1965 n'engageait qu'Athénagoras Ier, et pas l'Eglise orthodoxe dans son ensemble).

Publié : jeu. 04 janv. 2007 10:04
par Claude le Liseur
lecteur Claude a écrit :Le site Internet du quotidien La Croix reproduit une intéressante dépêche AFP de ce jour (cf. http://www.la-croix.com/afp.static/page ... 62w4f4.htm ):



ATHENES, 3 jan 2007 (AFP) - Les moines du Mont Athos opposés au réchauffement des relations avec le pape

La direction collégiale du Mont Athos, lieu sacré de l'orthodoxie dans le nord-est de la Grèce, a condamné jeudi les récents gestes de rapprochement entre la hiérarchie orthodoxe et la papauté.

La visite du pape Benoît XVI au siège à Istanbul du patriarcat oecuménique orthodoxe en novembre, et celle du chef de l'Eglise grecque Mgr Christodoulos au Vatican, en décembre, "ont plongé la sainte communauté du Mont Athos dans une profonde tristesse", indique un communiqué de la direction collégiale représentant les 20 monastères du site.

Les higoumènes (supérieurs) de l'Athos s'indignent de ce que ces manifestations d'amitié aient eu lieu "alors que la papauté n'a en rien reculé sur son enseignement hérétique et sur sa politique".

Ils réaffirment leur opposition à la primauté revendiquée par le pape sur la chrétienté ainsi qu'au développement en Europe de l'Est, territoire orthodoxe traditionnel, de l'Eglise uniate, de rite oriental mais reconnaissant l'autorité du Vatican.

Ce rappel à l'ordre des moines de l'Athos, traditionnellement anti-papistes, n'a toutefois été approuvé qu'à une "très faible majorité" des 20 higoumènes, a indiqué à l'AFP sous couvert d'anonymat un haut responsable monastique qui a jugé pour sa part "très positive" la rencontre de Benoît XVI avec le patriarche oecuménique, Mgr Bartholomée.

Quarante et un ans après la décision historique des deux Eglises de lever les excommunications réciproques datant du schisme de 1054, les deux prélats s'étaient félicités de la reprise du dialogue entre catholiques et orthodoxes, gelé pendant six ans.


Cette réaction athonite est intéressante. Mais il faudrait surtout un jour aborder la vraie question qui fâche: que les voyages diplomatiques incessants et les déclarations communes anachroniques sur la sainte alliance contre le courant laïciste (qui n'en peut mais) apportent-ils sur le seul plan qui compte (pastoral et spirituel)?

En tout cas, on ne peut qu'une fois de plus rendre grâces à ceux qui, malgré toutes leurs faiblesses et leurs imperfections, restent les modèles de la vie monastique et les porteurs de la tradition hésychaste d'une fois de plus affirmer la primauté du spirituel et de nous rappeler que nous devons d'abord chercher le royaume de Dieu (Mt 6,33).


Plus intéressante encore est la fausse objectivité de l'AFP: le côté "dans le secret des dieux" (un "haut responsable monastique" parle sous "couvert d'anonymat"), la manière habile de montrer dans quel camp on est (la décision qui déplaît visiblement à l'auteur de la dépêche a été prise "à une très faible majorité" - comme si une majorité n'était pas une majorité; on devrait le savoir dans l'agence de presse du pays de l'amendement Wallon... - et au fait, quelle majorité pour les décisions prises dans l'affaire d'Espighménou?) et les erreurs volontaires qui nous permettent de passer de l'information à la désinformation (la levée des anathèmes en 1965 n'engageait qu'Athénagoras Ier, et pas l'Eglise orthodoxe dans son ensemble).

J'ai trouvé sur un site Internet grec la version originale de la déclaration des vingt monastères de la sainte Montagne, ce qui permettra à chacun de constater de quelle manière la dépêche AFP caricature la déclaration et ne retient que ce qui l'arrange:

http://newsportal.rnn.gr/?c=156&a=1849


Ce qui est dramatique, c'est que la dépêche AFP pour le moins désinformante, reprise par La Croix, a ensuite été postée par des internautes catholiques romains que nous connaissons bien pour poster de forum en forum sous différents pseudonymes ou sous le même pseudonyme sur différents sites de même obédience, donnant naturellement lieu à des commentaires désobligeants ou qui se veulent drôles à propos de la déclaration des moines hagiorites, sans, bien sûr, que ces grands esprits prennent la peine de se référer au texte original ou essayent d'en appréhender la grande profondeur spirituelle.

Par exemple, au lieu de faire des plaisanteries faciles sur le réchauffement climatique ou de s'indigner que les moines de tel monastère de Grèce, héritiers des martyrs et confesseurs de 1231 et de 1274, osent encore rappeler les erreurs de ceux qui se sont séparés de l'Eglise une, voulue et fondée par le Christ, ceux qui ont encore la préoccupation de leur salut devraient peut-être méditer le passage de cette déclaration où les moines athonites rappellent que l'Orthodoxie, par sa confession du christianisme authentique, est l'espoir des peuples d'Europe (η ελπίδα των λαών της Ευρώπης). Que le malade refuse le médicament et se moque du médecin, c'est l'usage qu'il fait de sa liberté. Mais cela ne change rien à ce fait simplement logique que rappelle la déclaration des moines athonites: on ne préservera pas les racines chrétiennes de l'Europe en signant des accords politiques et culturels avec eux qui sont responsables de la situation actuelle; on ne les préservera qu'en continuant à confesser la foi reçue de Notre Seigneur, effectivement le seul espoir des peuples de l'Europe.

Publié : jeu. 04 janv. 2007 10:43
par Anne Geneviève
Je me souviens qu'en 1965, lorsque se préparait la cérémonie de levée des excommunications réciproques, Athénagoras avait expliqué à un journaliste que, du côté orthodoxe, cela n'avait pas de sens puisque les protagonistes étaient morts depuis longtemps, mais qu'il le ferait pour faire plaisir à Paul VI. Je ne pense pas qu'il y ait eu levée des anathèmes si l'on entend par là les accusations de saint Photios contre le filioque et autres décisions dogmatiques. D'ailleurs, en dehors d'un concile, qui aurait l'autorité pour une telle démarche ?

Je vous suggère de vous rendre sur le site de la revue Géostratégiques pour consulter les articles en ligne du numéro de juin 2006 consacré à l'avenir de l'ONU. En effet, on y trouve un article sur l'ONU et les religions qui n'a pas été repris dans la version papier. On y voit clairement le projet explicite dès la fondation de l'ONU de ramener la diversité des religions à une seule religiosité adogmatique et soumise aux "droits de l'homme", c'est à dire au projet de société états-unien.
http://www.strategicsinternational.com

Publié : ven. 05 janv. 2007 11:45
par Glicherie
En tout cas lire la saine réaction de l'Agion Oros (Sainte Montagne) aux rencontres "oecuméniques" entre le pape de Rome et le Patriarche de Constantinople et l'Archevêque d'Athènes (source: orthodoxie.com):

La communauté du Mont Athos exprime sa désapprobation suite aux récentes rencontres du patriarche oecuménique et de l'archevêque d'Athènes avec le Pape Benoît XVI

A suite des rencontres récentes du patriarche oecuménique et de l'archevêque d'Athènes avec le pape Benoît XVI, la communauté monastique du Mont Athos a publié un communiqué pour exprimer sa désapprobation. Nous publions ci-dessous la traduction du texte du communiqué publié par le site Internet RNN.gr.
Leur déclaration s'ouvre sur les meilleures intentions : « En tant que moines athonites, nous vénérons le Patriarcat œcuménique et nous respectons notre patriarche œcuménique Bartholomée. Nous nous réjouissons des nombreux efforts agréables à Dieu qu'il déploie pour l'Eglise. De même, nous honorons la très sainte Église de Grèce et nous vénérons son bienheureux primat ».

Les moines émettent cependant un certain nombre de réserves à l'égard ces rencontres : « Elles ont peut-être présenté une certaine utilité selon l'esprit de ce monde, mais elles ont été l'occasion de manifestations qui sont en désaccord avec les fondements de l'ecclésiologie orthodoxe »
En ce qui concerne la visite du pape au Phanar, les moines du Mont Athos expriment leur désaccord au sujet de sa réception, mais aussi « avec le fait qu'il assistait à une divine liturgie orthodoxe en portant l'omophore, avec la récitation du Notre Père et l'accolade liturgique échangée avec le patriarche ». Selon eux, « ce sont là des manifestations qui dépassent les limites de simples prières en commun ».
Par ailleurs, ils démentent les rumeurs selon lesquelles les hymnes que l'on a pu entendre lors de l'accueil du Pape au Phanar auraient été composés par des moines de la sainte Montagne.

« De plus, l'objectif commun exprimé par l'archevêque d'Athènes et le pape de défendre les racines chrétiennes de l'Europe - qui à première vue peut paraître anodin voire même être positif dans la mesure où il vise à la réalisation de relations pacifiques entre les hommes - soulève cependant une objection légitime. L'Europe occidentale porte le poids d'une série de législations antichrétiennes, qui sont des conséquences des erreurs théologiques que Rome a commises en s'écartant de l'orthodoxie.
« Il est souhaitable que l'orthodoxie ne porte pas le poids des péchés d'autrui et qu'elle ne donne surtout pas l'impression aux citoyens d'Europe occidentale, qui ont été déchristianisés par réaction aux excès du christianisme occidental, que l'orthodoxie orientale s'identifie à ce dernier, manquant ainsi de porter témoignage de ce que c'est elle la seule foi authentique dans le Christ et qu'elle est l'espoir des peuples de l'Europe ».

Dans le communiqué qui a été signé par tous les représentants des monastères du Mont Athos, il est indiqué que « l'ecclésiologie catholique-romaine des "Eglises-sœurs" s'oppose à la conscience que l'Eglise orthodoxe a d'elle-même comme seule Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Le Filioque est présenté comme une autre expression prétendument légitime de l'enseignement orthodoxe sur la procession de l'Esprit Saint.
« Le Pontife considère la primauté papale comme privilège intangible, comme il appert de son renoncement récent au titre de patriarche d'Occident et à la référence qu'il fait dans le discours qu’il a prononcé dans l'église du patriarcat, à l'universalité du rôle de l'apôtre Pierre et de ses successeurs. Selon des témoignages indubitables, de diverses manières et par différentes voies, l'uniatisme tente de se renforcer et de s'imposer.
Le Vatican a fait encore un pas de plus en avant dans les prières inter-religieuses et à travers elles se manifeste la prétention à l'hégémonie pan-religieuse du pape de Rome.
Les manifestations amicales des deux primats créent une impression trompeuse d'unité, empêchent le monde hétérodoxe de considérer l'Eglise orthodoxe comme la véritable Eglise, affaiblissent la sensibilité dogmatique de beaucoup d'orthodoxes et suscitent encore davantage la probable création de nouveaux schismes.

Nous les Athonites, nous sommes déterminés à préserver l'héritage transmis par nos saints Pères et nous oeuvrons à cette fin de toutes nos forces. Nous veillons sur notre conscience dogmatique comme sur la pupille de notre œil.
Nous craignons de nous taire chaque fois que se posent des questions qui concernent l'héritage que nous ont transmis les Pères. Nous ressentons profondément notre responsabilité à l'égard du peuple fidèle de l'Eglise qui tourne les yeux vers le monachisme athonite comme vers un gardien indéfectible des saintes traditions. C'est pourquoi nous déclarons avec peine que la sainte Montagne est en désaccord avec les prières communes et la participation aux synaxes liturgiques, qui donnent l'impression que l'Eglise orthodoxe considère les catholiques-romains comme une Église à part entière et le pape comme évêque canonique de Rome.
La sainte Montagne n'admet pas les faits accomplis ; par la grâce de Dieu, elle reste fidèle à la foi des saints Apôtres et des saints Pères par amour pour les hétérodoxes eux-mêmes, afin qu'ils trouvent eux aussi l'unique voie de l'espérance et du salut. »

Voilà une voix unie et stable dans la dénonciation des excès de l'oecuménisme.

Publié : mer. 10 janv. 2007 3:03
par Yiannis
Les choses ne sont pas si simples que ça. D'après le journal orthodoxe grec "Stylos Orthodoxias" (http://www.orthodoxia.gr/show.cfm?id=1004&obcatid=1), le texte initial, rédigé par le comité athonite sur les dogmes, était beaucoup plus sévère que celui approuvé par la Sainte Communauté. Malheureusement, ce texte-là aurait été modifié après l'intervention d'un métropolite du patriarcat, qui a des liens avec certains abbés du Mont-Athos. Il est notoire, un bon nombre d'abbés athonites sont en réalité des captifs de la politique écumeniste de Phanar et cherchent à justifier le patriarcat tout le temps et à tout prix.
Le bras long de Phanar arrive bien jusqu'au Mont-Athos.
En même temps, un autre texte a été publié: il s'agit d'une lettre ouverte signée par un nombre importants de moines athonites (non zélotes) qui invite les abbés du Mont-Athos à convoquer un concile afin de décider l'interruption de la commémoration du nom du patriarche Bartholomée dans l'ensemble de la Sainte Montagne. Voir la lettre (en grec) dans:
http://www.orthodoxostypos.gr/Photos/Pages/Page1.jpg
http://www.orthodoxostypos.gr/Photos/Pages/Page5.jpg

Personnellement, je crois qu'avec ses dernières déclarations sur les "Eglises Soeurs" (qui pourtant ne sont pas en communion entre elles pour des raisons touchant au dogme!), le patriarche Bartholomée a professé bel et bien une hérésie ecclésiologique. Par conséquent, le texte de la Communauté Sainte du Mont-Athos, tel qu'il a été finalement publié, est trop mou par rapport à la déviation doctrinale du premier évêque de l'Orthodoxie; il cherche plutôt à apaiser les réactions à l'intérieur mais aussi en dehors de l'Athos. Je vous assure qu'il y a un grand nombre de Grecs Orthodoxes pratiquants, tant en Grèce qu'aux Etats-Unis ou au Canada, qui sont maintenant extrêmement hostiles à l'égard du patriarcat de Constantinople.

Publié : mer. 10 janv. 2007 10:10
par Jean-Louis Palierne
Dans toute l’Église orthodoxe les canons disposent que les moins se trouvent sous la responsabilité toyale de l’évêque de l’Église locale (car les moines font partie de l’Église locale, même retirés “au désert”. Les ermites doivent être rattachés à un monastère. Les biens (églises, locaux, cellules et réfectoire) sont gérés par la communauté. Ces biens communautaires appartiennent à l’évêque, qui en confie la gestion quotidienne à l’higoumène, qui peut intervenir dans la vie d’une communauté pour en corriger les errements, qui peut même la dissoudre et la disperser, et en affecter les biens à d’autres moines.

Les moines ont toujours été un foyer de contestation et de tendances anarchiques dans la vie de l’Église, cela peut-être très salutaire comme contrepoids à la sécularisation et à l’institutionnalisation de la vie de l’Église. Mais c’est à leur risques et périls. Il peut s’avérer qu’ils n’ont fait qu’errer et tomber dans l’illusion (le diable sait très bien tromper les moines). Lorsqu’après de longs débats ils sont condamnés par des synodes légitimes, ils ne peuvent plus que s’incliner et faire pénitence dans d’autres monastères. Parfois aussi ils ne font que défendre la juste foi et l’Église doit le reconnaïtre. Mais il se peut qu’il ait payé le triomphe de la vérité du prix de leur vie, comme ce fut le cas de Maxime le Confesseur.

Il n’y a pas d’Église sans moines et ils ont toujours été en tension avec l’Église-qui-compose-avec-ce monde.

Le cas particulier du mont Athos est que les vingt monastères du mont-Athos occupent toute une péninsule de la mer Égée, dont le territoire est totalement divisé entre leurs propriétés privées. Tous dépendent canoniquement de l’archevêque de Constantinople. De plus, ce qui n’existe pas ailleurs dans l’Église, les higoumènes des vingt monastères forment une “sainte Communauté”, régie par une autorité fédérative, le “sainte Épistasie” qui siège à Karyès (l’Église s’appelle le “Protaton”) et assure la gestion des affaires communes. Les lois civiles qui s’appliquent sur ce territoire sont toujours celles du Nomocanon constantinopolitain, mais le territoire fait maintenant partie (depuis le traité de Sèvres si je ne m’abuse ?) de l’État Hellénique, et à la tête de processions qui se déroulent sur le mont Athos, il n’est pas rare de voir côte à côte le drapeau byzantin et le drapeau grec. La sainte Montagne est donc le dernier territoire où s’exerce la souveraineté byzantine…

Du point de vue du droit hellénique, on pourrait dire que l’État grec n’intervient que pour protéger la propriété privée des vingt monastères qui sont réunis dans la sainte Communauté et qui sont sous l’autorité canonique de l’évêque de Constantinople. Néanmoins il existe aussi une circonscription administrative ad hoc de l’État grec, dont le représentant siège aussi à Karyès.

Il y a eu des moines zélotes sur le mont Athos. Beaucoup sont partis pour encadrer les zélotes vivant en Grèce. Il reste surtout un monastère zélote, celui d’Esphigménou, très isolé du reste des moines de l’Athos, et il s’en fait une gloire. Le patriarcat a le droit canon et civil pour lui, je doute qu’il lui soit utile d’user de la force pour virer quelques vieillards.

Beaucoup plus intéressante et positive est la déclaration de la sainte Communauté concernant les récentes visites que le pape de Rome a rendu à la cathédrale du patriarcat de Constantinople, au cours de laquelle il a assisté à la Liturgie alors qu’il portait l’omophorion. Je reprends ici le texte avac laquel j’avais cru devoir ouvrir un autre fil :

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Le site orthodoxie.com publie un communiqué de l’agence de presse grecque RNN reprenant un texte de la communauté monastique du Mont Athos au sujet de la visite que le pape Benoît XVI a rendue au patriarche œcuménique Bartholomée et de cella qu’a faite l’archevêque d’Athènes au Vatican.

Le texte des moines du mont Athos a le mérite de mettre les pendules à l’heure. La sainte communauté n’est nullement impressionnée par l’autorité de ces deux primats et exprime ses réserves. Elle rappelle que l’Église romaine s’est écartée depuis longtemps de la vérité de la Tradition chrétienne et que cet écartement a produit un certain nombre de conséquences tragiquespour les cotoyens de l’Europe occidentale. des errements ont été institutionnalisés dans une série de législations antichrétiennes. Le texte publié par RNN ne désigne pas clairement les erremenrs que visent les moines de la Sainte Montagne, mais on peut penser qu’il s’agit de l’oubli des racines chrétiennes de la civilisation européenne et du refus des normes morales (peut-être le texte de la communauté monastique est-il plus précis).

Les moines critiquent également le relativisme confessionnel, l’ecclésiologie catholique-romaine des “églises-sœurs”, les prétentions universalistes du pape et la pression de l’uniatisme.

Souhaitons que les hiérarques ainsi critiqués entendent la voix de l’Athos, qui sera certainement reçue dans le peuple orthodoxe.

Il faut tout particulièrement remarquer que la sainte Montagne exprime la crainte que cette attitude confusionniste des primats orthodoxe ne conduise les citoyens d’Europe occidentale à identifier l’orthodoxie orientale au christianisme occidental que justement les occidentaux rejettent. La communauté souligne que le confusionnisme doctrinal s’abstient de porter témoignage en faveur de la vérité orthodoxe qui est “la seule foi authentique dans le Christ et l’espoir des peuples de l’Europe”.

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Ce texte (qui n’est qu’un communiqué de l’agance CNN, dont on n’est pas sûr qu’il soit bien fidèle à l’original) met bien le doigt sur les ambiguïtés qui marquen les nouvelles initiatives du Vatican. Elle ne sont pas moins dangereuses que les problèmes posés par la politique du précédent pape, elles sont peut-être même plus dangereuses, mais la manœuvre est très différente. Elle consiste à demander aux “Église-sœurs” orthodoxes de former avec l’Église catholique un front commun, une nouvelle “sainte Alliance”, pour imposer en Europe un retour à l’ordre moral. Et le communiqué de la sainte Montagne souligne qu’au même moment où il parle avec l’Église orthodoxe in corpore, avec l’ensemble des patriarches à commencer par le patriarche œcuménique (d’où grande colère du collègue de Moscou), il ne retient plus que le titre de pape universel (car il a abandonné celui de patriarche d’Occident).

Il est d’autre part très intéressant que les moines de la sainte Montagne soulignent que ce type de pourparlers qui prend pour thème “l’odre moral en Occident” porte au désespoir tous ceux qui, en occident, se détournent de l’Église, devenue incapable de laur parler de religion.

Il est bien évident que la sainte Épistasie n’ a rédigé le communique de la sainte Communauté qu’après avoir discuté plusieurs projets pour aboutir à un accord commun. De là à supposer que le patriarcat œcuménique infiltre progressivement le mont Athos, cela me paraît une plaisanterie quand on considère de quel genre d’autorité le patriarcat jouit dans l’ensemble du monde hellénophone et la puissance du mouvement qui pousse les jeunes d’aujourd’hui à se faire moines.

Publié : jeu. 18 janv. 2007 15:23
par Jean-Louis Palierne
Puisque chacun a pu lire en français le texte intégral de la protestation de la communauté des moines du Mont Athos (il a été publié simultanément sur Orthodoxie.com, dans une traduction de notre ami Bernard le Caro) je crois qu’il est bon de revenir sur quelques points de la présente discussion.

Tout d’abord les vingt monastères qui couvrent la totalité de la péninsule du Mon Athos sont au regard des canons orthodoxes, des monastères stavropégiaques, c’est-à-dire qu’ils relèvent canoniquement du patriarche de Constantinople. Mais le territoire du Mont Athos leur appartient en propriété de droit privé, en vertu de l’accumulation de donations (ou plutôt de fondations, c’est-à-dire de concessions perpétuelles en échange d'une commémoration des bienfaiteurs) faites par les empereurs et autres dignitaires byzantins, par les princes serbes puis par les princes valaques… sauf ce qui appartient à la sainte Communauté, leur fédération, c'est-à-dire le village de Karyès avec le Protaton, et le port de Daphni.

Le mont Athos est également une circonscription administrative de la république helladique, mais qui ne s’occupe que des questions d’ordre public : police et douanr, sécurité. Pour abolir “l’avaton” c’est-à-dire l’interdiction de l’entrée des femmes, il faudrait violer la propriété privée des monastères, sanctionnée par mille ans de multiples chartes. Qui vivra verra…

En ce qui concerne la position anti-œcuménique, on voit qu’elle est d’une grande et rigoureuse fermeté, mais que leur comportement reste totalement canonique. L’attitude des moines rebelles d’Esphigmenou, qui depuis des dizaines d’années se retranchent hors de l’Église (et du monachisme) est irresponsable et ne condamne qu’eux-mêmes. Les canons interdisent un tel comportement. Le recours à la force civile par le patriarcat de Constantinople n’est peut-être pas très opportun, mais il n’est pas anticanonique par principe.

Depuis des années il y a des gens qui disent que le patriarcat et le complots œcuménique “infiltrent” des moines sur l’Athos pour y placer des “higoumènes à eux"… La vérité est probablement que les jeunes (grecs pour la plupart) qui sont attirés par la vie monastique sur le mont Athos (allez voir si ils se la coulent douce là-bas !) ne sont pas des partisans des positions des “zélotes”, qui en sont fort dépités, mais qui eux ne se pressent pas à l’entrée du Mont Athos. Et ces jeunes moines ont le goût des beaux offices, de la musique byzantine, de l’iconographie byeantine, de l’étude des Pères et… de la communion fréquente. Et ils deviennent parfois missionnaires et accueillent des moines venus de contrées éloignées des prétendues traditions orthodoxes.

Et leurs amis dans le monde sont sur les mêmes positions, et leurs effectifs ne cessent de s’accroître dans l’Église de Grèce, ce qui met en cause la position des zélotes.

Quand on connaît le farouche esprit d'indépendance et de contestation qui a toujours animé le monachisme (et qui a parfois sauvé l'Église), on ne peut que sourire à l'évocation d'une censure exercée par la pression d'un métropolite. J'attends d'en voir les preuves. Par contre nous avons la preuve d'un comportement anti-œcuménique unanime.

Les velléités œcuméniques du patriarcat de Constantinople, qui sont hélas bien réelles, sont menacées beaucoup plus par ces néo-orthodoxes internes aux Églises canoniques que par les traditionnalistes qui voudraient faire revivre l’Église de papa, institutionnalisée et sécularisée.