CALENDRIER (Ere de la création du monde)

Échangez vos idées librement ici

Modérateur : Auteurs

Répondre
saporestate
Messages : 2
Inscription : mer. 23 août 2006 14:18

CALENDRIER (Ere de la création du monde)

Message par saporestate »

Bonjour à tous,

Quelqu'un pourrait me dire en quelle année nous sommes pour le calendrier orthodoxe ?
Merci de vos réponses.
Isabelle
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: CALENDRIER

Message par Claude le Liseur »

saporestate a écrit :Bonjour à tous,

Quelqu'un pourrait me dire en quelle année nous sommes pour le calendrier orthodoxe ?
Merci de vos réponses.
Isabelle
2006.

Je suppose que ce qui a pu vous amener à poser la question, c'est l'existence, autrefois, de l'ère mondaine, ou ère de Constantinople.

L'ancienne datation constantinopolitaine, selon la date supposée de la création du monde (~5509 et il n'y a pas d'année zéro, comme dans la datation AD), est inusitée depuis le XVIIIe siècle. D'après cette ère, sauf erreur, on est en 7514 et on passera en 7515 le 1er septembre. Mais je n'ai jamais rencontré personne qui utilisât encore l'ère constantinopolitaine de la création du monde. Peut-être est-elle encore connue chez les Vieux-Croyants russes qui se sont séparés de l'Eglise orthodoxe en 1666. En tout cas, l'ère mondaine de Constantinople est sortie de l'usage dans le monde grec au cours du XIVe siècle et elle a été abolie en Russie fin 1699. Sa connaissance a une utilité purement scientifique, pour pouvoir dater des événements relatés par les chroniqueurs byzantins.

L'ère chrétienne, mise au point dès 525 par saint Denys le Petit, moine roumain de la Dobroudja, a mis des siècles à s'imposer: alors que saint Denys travaillait à Rome, Rome elle-même n'a adopté l'ère qu'il avait calculée que quatre siècles et demi plus tard. Elle a coexisté, pendant des siècles, et selon les régions, non seulement avec l'ère constantinopolitaine de la création du monde, mais aussi avec l'ère AUC, l'ère de la Passion, l'ère des Séleucides, etc.

En revanche, le nouvel an ecclésiastique est toujours fêté le 1er septembre et il est le début de l'année liturgique. Mais, de nos jours, on parlera plutôt de l'année ecclésiastique 2006-2007 (un peu comme ces sociétés dont l'exercice social va du 1er juillet au 30 juin et ne coïncide pas avec l'année civile).

En revanche, les Coptes et les Ethiopiens, contrairement aux orthodoxes, continuent à utiliser d'autres ères. Chez les Coptes, les datations se font selon l'ère des martyrs, qui commence avec l'avènement, en 284, de l'empereur Dioclétien, le plus grand persécuteur des chrétiens dans l'Antiquité. Le début de l'ère des martyrs est le 29 août 284.
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit :
saporestate a écrit :Bonjour à tous,

Quelqu'un pourrait me dire en quelle année nous sommes pour le calendrier orthodoxe ?
Merci de vos réponses.
Isabelle
2006.

Je suppose que ce qui a pu vous amener à poser la question, c'est l'existence, autrefois, de l'ère mondaine, ou ère de Constantinople.

L'ancienne datation constantinopolitaine, selon la date supposée de la création du monde (~5509 et il n'y a pas d'année zéro, comme dans la datation AD), est inusitée depuis le XVIIIe siècle. D'après cette ère, sauf erreur, on est en 7514 et on passera en 7515 le 1er septembre. Mais je n'ai jamais rencontré personne qui utilisât encore l'ère constantinopolitaine de la création du monde. Peut-être est-elle encore connue chez les Vieux-Croyants russes qui se sont séparés de l'Eglise orthodoxe en 1666. En tout cas, l'ère mondaine de Constantinople est sortie de l'usage dans le monde grec au cours du XIVe siècle et elle a été abolie en Russie fin 1699. Sa connaissance a une utilité purement scientifique, pour pouvoir dater des événements relatés par les chroniqueurs byzantins.

L'ère chrétienne, mise au point dès 525 par saint Denys le Petit, moine roumain de la Dobroudja, a mis des siècles à s'imposer: alors que saint Denys travaillait à Rome, Rome elle-même n'a adopté l'ère qu'il avait calculée que quatre siècles et demi plus tard. Elle a coexisté, pendant des siècles, et selon les régions, non seulement avec l'ère constantinopolitaine de la création du monde, mais aussi avec l'ère AUC, l'ère de la Passion, l'ère des Séleucides, etc.

En revanche, le nouvel an ecclésiastique est toujours fêté le 1er septembre et il est le début de l'année liturgique. Mais, de nos jours, on parlera plutôt de l'année ecclésiastique 2006-2007 (un peu comme ces sociétés dont l'exercice social va du 1er juillet au 30 juin et ne coïncide pas avec l'année civile).

En revanche, les Coptes et les Ethiopiens, contrairement aux orthodoxes, continuent à utiliser d'autres ères. Chez les Coptes, les datations se font selon l'ère des martyrs, qui commence avec l'avènement, en 284, de l'empereur Dioclétien, le plus grand persécuteur des chrétiens dans l'Antiquité. Le début de l'ère des martyrs est le 29 août 284.
Comme j'ai écrit la réponse ci-dessus de mémoire et sans avoir de livres sous la main, je me permets de la compléter maintenant que j'ai consulté dans ma bibliothèque le volume de la collection L'Encyclopédie de la Pléiade L'Histoire et ses méthodes (Gallimard, Paris 1986, réimpression de l'édition de Paris 1961).

(Il est significatif d'une certaine politique éditoriale que l'on ne réimprime plus les volumes de L'Encyclopédie de la Pléiade alors que l'on édite dans la Pléiade les romans du pornographe Georges Bataille.)

Page 48, sous la plume de M. Alfred Cordoliani: "L'actuelle ère de l'Incarnation est née de l'indignation d'un moine romain, Denys le Petit, contre l'ère de Dioclétien ou des martyrs (prépondérante de son temps) empruntée à "un homme qui méritait mieux le nom de tyran que celui d'empereur"; mais l'habitude de prolonger l'ère chrétienne dans le passé et de compter par années avant Jésus-Christ ne s'est répandue qu'au XVIIIe siècle".

Dans cet ouvrage décidément indispensable, on trouve, sous la plume du même Alfred Cordoliani, un tableau synoptique des ères (pp. 1542-1557), un tableau des dates du début de l'année (pp. 1558-1566) et un tableau de l'adoption du calendrier grégorien dans les différents pays (pp. 1567-1568).

Il faut ainsi distinguer la question de l'ère et celle du début de l'année.

Par exemple, l'année liturgique dans l'Eglise orthodoxe commence le 1er septembre, et elle commence dans l'Eglise catholique romaine avec le premier dimanche de l'Avent, alors que l'ère de l'Incarnation est en usage dans ces deux confessions.

L'ère du vénérable Dyionisius Exiguus a remplacé l'ère mondaine de Constantinople en Russie au cours de l'année 1700, alors que ce n'est qu'en 1725 que ce pays a fixé le début de l'année civile au 1er janvier, et plus au 1er septembre.

Le savant historien Cordoliani indique que les Etats de la péninsule ibérique furent les derniers en Europe occidentale à adopter l'ère de l'Incarnation: Catalogne en 1180, Aragon en 1350, Valence en 1358, Castille en 1383 et Portugal en 1422; l'ère de Dionisie cel Mic y remplaçait l'ère d'Espagne, laquelle débutait le 1er janvier ~38.

A noter que même à Constantinople, d'autres ères mondaines ont été en concurrence avec l'ère constantinopolitaine et son début au 1er septembre ~5509: il faut signaler l'ère mondiale de Clément d'Alexandrie (début en ~5591) et l'ère mondiale alexandrine (début en ~5502). Par ailleurs, à Constantinople, on a continué à utiliser les ères romaines consulaires et post-consulaires (avec début de l'année au 1er janvier) en parallèle avec l'ère de la création du monde et son début au 1er septembre. (Les Fastes consulaires étaient tenus depuis ~508.)

Autre est la question de l'indiction, à savoir la date du début de l'année. L'indiction fut fixée au 1er septembre, conformément au calendrier liturgique orthodoxe, dans les documents pontificaux du pape de Rome jusqu'en 1147, ainsi qu'à Amalfi jusqu'à la fin du XIIe siècle, en Grèce jusqu'à la fin du XVe siècle, à Bari jusqu'au début du XVIe siècle et en Calabre jusqu'à la fin du XVIe siècle. Il est intéressant de constater que, dans le cas de la Costiera amalfitana, des Pouilles et de la Calabre,
le remplacement du début de l'année civile au 1er septembre par le 1er janvier correspondait à la fin de la présence orthodoxe dans ces régions. Les reliquats orthodoxes de Basse-Italie étaient sans doute plus attachés que les orthodoxes majoritaires de Grèce à tout ce qui pouvait les distinguer de leur environnement.

En Europe occidentale, bien d'autres dates ont été retenues pour l'indiction: si je n'avais pas sous les yeux ce si utile volume de l'Encyclopédie de la Pléiade, je ne saurais pas que la magnifique cité de Metz en Lorraine, avec son diocèse, avait sa propre tradition de fixer l'induction au 25 mars (mos metensis, la coutume de Metz) jusqu'en 1581 , ni que ma propre cité (Genève), avec son diocèse, a connu le système de l'année civile irrégulière, avec indiction fixée à la date de Pâques, qui, comme chacun sait, est une fête mobile, jusqu'en 1306.

A l'heure actuelle, dans le monde chrétien, ne sont vivantes, en dehors de l'ère de l'Incarnation du moine roumain de la Dobrogea Denys le Petit (début le 1er janvier 1 pour le calendrier civil, le 1er septembre 1 pour le calendrier ecclésiastique orthodoxe), que l'ère éthiopienne (début le 29 août 8) et l'ère copte (début le 29 août 284). Les Eglises monophysites copte et éthiopienne maintiennent sans changement leur calendrier jusqu'à ce jour.
Dernière modification par Claude le Liseur le lun. 28 août 2006 10:11, modifié 1 fois.
saporestate
Messages : 2
Inscription : mer. 23 août 2006 14:18

Merci

Message par saporestate »

pour votre réponse.
Je n'y connais pas grand chose en calendrier orthodoxe et votre réponse quoique complète ne répond pas vraiment à ma question.

Je vous la pose un peu plus précisément : Est-ce que l'on peut dire que la date de naissance d'une personne (éthiopienne, plus particulièrement) est décalée par rapport à notre calendrier chrétien (2006) ?

Une personne qui se dit âgée de 30 ans et qui est née en 1964 du calendrier orthodoxe, par exemple. Est-ce possible ?

Merci encore de vos lumières.
Isabelle
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Merci

Message par Claude le Liseur »

saporestate a écrit :pour votre réponse.
Je n'y connais pas grand chose en calendrier orthodoxe et votre réponse quoique complète ne répond pas vraiment à ma question.

Je vous la pose un peu plus précisément : Est-ce que l'on peut dire que la date de naissance d'une personne (éthiopienne, plus particulièrement) est décalée par rapport à notre calendrier chrétien (2006) ?

Une personne qui se dit âgée de 30 ans et qui est née en 1964 du calendrier orthodoxe, par exemple. Est-ce possible ?

Merci encore de vos lumières.
Isabelle
Mais si, je vous ai répondu par avance: relisez mon dernier message.

L'Eglise d'Ethiopie (qui n'est pas orthodoxe, mais monophysite) a, comme je l'ai indiqué, son propre calendrier dont le point de départ est le 29 août 8, la date de l'Incarnation y étant fixée au 25 mars 9. Quant à l'Eglise orthodoxe, entre le XVe et le XVIIIe siècle, elle a progressivement abandonné l'ère de la création du monde pour l'ère de l'Incarnation (début en l'an 1, le 1er janvier pour le calendrier civil, le 1er septembre pour le calendrier religieux).

An 1964 du calendrier orthodoxe (ère chrétienne) = an 1957 du calendrier éthiopien

An 1964 du calendrier éthiopien = an 1971 du calendrier orthodoxe (ère chrétienne)

Donc, une personne née en l'an 1964 du calendrier éthiopien peut avoir 35 ans aujourd'hui.

Ces indications de millésime sont approximatives, car:

1. Le début de l'ère éthiopienne est un 29 août, alors que pour l'ère chrétienne il est un 1er janvier (calendrier civil) ou un 1er septembre (calendrier liturgique);
2. Les Ethiopiens, comme les Coptes, n'utilisent pas le calendrier julien (le calendrier grégorien n'est qu'une forme du calendrier julien); ils sont restés en partie fidèles à l'ancien calendrier égyptien pharaonique, et leur calendrier fonctionne avec une année de 12 mois de 30 jours suivie d'un 13e mois de 5 jours (d'où le fameux slogan de l'Office du tourisme éthiopien 13 months of sunshine); là où Coptes et Ethiopiens ont (partiellement) adapté le calendrier pharaonique aux réalités astronomiques, c'est qu'ils ont repris de la réforme julienne de Sosigène et Jules César l'idée de l'année bissextile, et que, dans le calendrier copte et éthiopien, le 13e mois a un 6e jour tous les 4 ans.

Ces deux points font qu'une erreur d'un an dans la conversion au calendrier civil en usage dans les pays francophones d'une date donnée dans le calendrier éthiopien est très fréquente. Je vous invite à lire ici http://www.vpb.admin.ch/deutsch/doc/67/67.72.html ce jugement du 4 mars 2003 de la Commission fédérale (suisse) de protection des données, qui vous montrera que les autorités (en tout cas en Suisse) tiennent compte de ce problème et accordent de manière assez libérale les rectifications d'une année, même quand un état civil a déjà été transcrit du calendrier éthiopien au calendrier de saint Denys le Petit (= le calendrier civil dans toute l'Europe). Ce jugement suisse (en français) mentionne l'existence de "tables de conversion" du calendrier éthiopien au calendrier vulgaire (qui devient, dans ce jugement, le "calendrier suisse"); je ne possède pas de telles tabelles; je vais néanmoins encore me renseigner.
Anne Geneviève
Messages : 1041
Inscription : lun. 30 mai 2005 19:41
Localisation : IdF
Contact :

Message par Anne Geneviève »

Je vois que ce fil tourne à la question juridique, donc mes réflexions seront peut-être à côté de la plaque. Tant pis.
Etant donné que le calcul de la date de la création du monde en ajoutant certaines données numériques bibliques est faux, archi-faux, par rapport à la naissance de l'univers, il est heureux que l’on ait abandonné le comput des années selon ce mode. La création de l’univers, d’un point de vue physique, se situe dans une fourchette (marge d’erreur des calculs) entre 12 et 15 GA (milliards d’années), celle de la Terre vers 4,5 GA. Ceci dit, ce calcul d’origine reste intéressant car 7515 ou 16, grosso modo, correspond à la diffusion du second néolithique, de la céramique et à la généralisation de l’agriculture sur l’ensemble de la planète. Il ne s’agit pas seulement d’économie ou de technique mais d’un éveil, c’est le moment où l’humanité presque entière (sauf quelques coins de brousse reculés et l’Australie, isolat étonnant) retrouve même de manière brumeuse ou mélangée sa mission de cultiver et garder la création. Ce n’est plus Eden mais c’est un pas important dans l’économie du salut. Du point de vue spirituel, le néolithique signifie l’abandon du premier chamanisme, celui qui identifiait l’homme aux animaux ou le soumettait aux esprits des ancêtres, c’est à dire à la condition issue de la mort. En même temps, la céramique qui va ouvrir sur le travail des métaux s’accompagne d’une autre expression de la chute, l’avidité des biens matériels. C’est très subtil.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Je viens de me rendre compte que j'ai fait une énorme omission dans mon message à Isabelle à propos du calendrier éthiopien.

Quand j'ai écrit que, dans le calendrier éthiopien, l'année débute un 29 août, j'ai oublié de préciser qu'il s'agit d'un 29 août tel que celui-ci se présentait en l'an 8, 53 ans après la réforme du calendrier par Jules César et Sosigène. (Cette réforme julienne date de ~46.)

L'Eglise copte et l'Eglise d'Ethiopie ont un calendrier où, tous les quatre ans, l'année est bissextile, sans connaître les règles de correction du calendrier grégorien (règles fixées par la bulle Inter gravissimas du 24 février 1582 du pape Grégoire XIII) ou du style gréco-roumain plus exact sur le plan astronomique (règles fixées par le décret de la conférence orthodoxe de Constantinople du 6 juin 1923).

Par conséquent, le 29 août julien ou 1 Tout copte, point de départ du calendrier éthiopien, correspond à un 11 septembre du calendrier civil en usage en Europe. A partir de 2100, il correspondra à un 12 septembre.

Il faut donc garder à l'esprit, dans ces conversions du calendrier éthiopien au calendrier grégorien, que, depuis 1900 de l'ère chrétienne, la date du début de l'année copte (1 Tout) ou éthiopienne (1 Mäskäräm) correspond à un 11 septembre du calendrier suisse.

Pour en finir avec la question concrète posée par Isabelle, l'année éthiopienne 1964 a commencé le 12 septembre 1971 de notre ère et s'est terminée le 10 septembre 1972 de notre ère. (Car, complexité supplémentaire, l'année éthiopienne 1963, commencée le 11 septembre 1970 et terminée le 11 septembre 1971, était bissextile.)

J'écris ce message un 30 août 2006 de l'ère de Denys le Petit. Je constate donc qu'il est possible qu'une personne née à l'extrême fin de l'année éthiopienne 1964 (par exemple, le 5 pagumän 1964, qui correspondait au 10 septembre 1972) n'ait pas encore fêté ses 34 ans.

On trouve la liste complète des mois de l'année éthiopienne, avec leur correspondance copte, page 125 du livre de Soeur Kirsten Stoffregen-Pedersen Les Ethiopiens, collection Fils d'Abraham, Brepols, Turnhout 1990, livre complet, facile à lire, abondamment illustré, qui est la meilleure introduction à cette "île en terre ferme" qu'est l'Ethiopie et à une civilisation et à une Eglise fascinantes et ne ressemblant à rien d'autre, civilisation et Eglise maintenant confrontées au danger du prosélytisme musulman financé par les pétrodollars séoudiens.

Le fait que cette Eglise si vénérable n'ait finalement pas voulu retourner dans la communion de l'Eglise orthodoxe est une source de tristesse pour moi.
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Anne Geneviève a écrit :Je vois que ce fil tourne à la question juridique, donc mes réflexions seront peut-être à côté de la plaque. Tant pis.
Etant donné que le calcul de la date de la création du monde en ajoutant certaines données numériques bibliques est faux, archi-faux, par rapport à la naissance de l'univers, il est heureux que l’on ait abandonné le comput des années selon ce mode. La création de l’univers, d’un point de vue physique, se situe dans une fourchette (marge d’erreur des calculs) entre 12 et 15 GA (milliards d’années), celle de la Terre vers 4,5 GA. Ceci dit, ce calcul d’origine reste intéressant car 7515 ou 16, grosso modo, correspond à la diffusion du second néolithique, de la céramique et à la généralisation de l’agriculture sur l’ensemble de la planète. Il ne s’agit pas seulement d’économie ou de technique mais d’un éveil, c’est le moment où l’humanité presque entière (sauf quelques coins de brousse reculés et l’Australie, isolat étonnant) retrouve même de manière brumeuse ou mélangée sa mission de cultiver et garder la création. Ce n’est plus Eden mais c’est un pas important dans l’économie du salut. Du point de vue spirituel, le néolithique signifie l’abandon du premier chamanisme, celui qui identifiait l’homme aux animaux ou le soumettait aux esprits des ancêtres, c’est à dire à la condition issue de la mort. En même temps, la céramique qui va ouvrir sur le travail des métaux s’accompagne d’une autre expression de la chute, l’avidité des biens matériels. C’est très subtil.
J'ai déjà eu l'occasion de mentionner qu'il y avait même plusieurs ères de la création du monde en concurrence, toutes basées sur des calculs plus ou moins exacts basés sur les générations du chapitre 5 de la Genèse.

Toutefois, ces calculs d'un autre temps ont encore une influence dans le monde actuel. En effet, si le seul calendrier vraiment universel, la Période julienne du philosophe protestant gascon réfugié aux Pays-Bas Joseph-Juste Scaliger (Agen 1540-Leyde 1609), contenues dans son Opus novum de emendatione temporum (1583), prennent pour point de départ l'année ~4713, c'est qu'il lui était évidemment impossible, dans le contexte de l'époque, de remonter au-delà de ~5591 (Anno Mundi dans la chronologie de Clément d'Alexandrie). (Scaliger, encore un grand esprit que la France a perdu à cause des persécutions-religieuses-qui-n'ont-pas-eu-lieu, n'est-ce pas?)

Voici les explications du mathématicien alsacien Jean Lefort:

"Le choix de l'année -4712 comme origine du noueau calendrier de Scaliger résulte de problèmes inhérents au calendrier julien et à la fixation de la date de Pâques dans ce calendrier. Scaliger voulait que son origine soit un lundi 1er janvier d'une année bissextile, et qu'il soit un multiple de 19, car ce nombre intervient dans le cycle pascal. Il voulait en outre que son origine soit au début d'un cycle de 15 ans appelé "indiction romaine", qui n'a aucun fondement astronomique, mais que l'on trouve aujourd'hui dans le calendrier des postes. Ce cycle a été créé par l'empereur Constantin pour remplacer celui des Olympiades, qui se déroulaient tous les quatre ans et servaient de repère aux historiens grecs; il a été conservé par pure tradition alors qu'il ne sert à rien. Notons pour finir que Scaliger parlait en fait du lundi 1er janvier ~4713, puisqu'il ne considérait pas d'année zéro (le tilde "~", comme nous l'avons vu, remplace le signe "-" pour signifier qu'il n'y a pas d'année zéro). C'est d'ailleurs cette dernière date que l'on trouve dans les éphémérides du bureau des longitudes.
Toutes ces contraintes pesant sur le choix de l'origine (année bissextile multiple de 19, au début d'un cycle de 15 ans) suffisent-elles à expliquer que Scaliger soit tombé sur une date aussi reculée que -4712? En fait, ce choix relève tout de même d'un certain arbitraire. Les idées de l'époque sur l'origine de l'homme, reposant sur une lecture littérale du livre de la Genèse, interdisaient sans doute à Scaliger de choisir une date plus reculée. Cette origine était toutefois assez lointaine pour que des nombres positifs soient attribués à tous les événements historiques, ainsi qu'aux dates du calendrier juif dont l'origine est le dimanche 6 octobre -3760.
Ces nombres sont attribués très simplement: à partir de son origine, Scaliger comptait tous les jours les uns à la suite des autres en commençant à zéro. Le jour zéro finit donc le 2 janvier -4712 à midi, etc. Au 1er janvier 1998 à midi, date du calendrier grégorien, il s'est écoulé 2 450 815 jours depuis l'origine de Scaliger."
(Jean Lefort, La saga des calendriers, Pour la Science, Paris 1998, p. 28.)

La Période julienne de Scaliger nous montre donc comment la situation religieuse de la fin du XVIe siècle influence encore la science contemporaine.
En effet, en tant que calviniste, Scaliger refusait la réforme grégorienne de 1582: son calendrier universel est donc julien non révisé; il y a une année bissextile tous les quatre ans, sans les règles correctives que Grégoire XIII avait adoptées en 1582 ou le congrès orthodoxe de Constantinople en 1923; les lundi 1er janvier reviennent tous les 28 ans. Toutes ces données font que jour de la semaine, indiction romaine et nombre d'or reprennent les mêmes valeurs au bout de 7'980 années juliennes, soit 2'914'695 jours, durée de la période julienne de Scaliger.
En même temps, en tant qu'homme du XVIe siècle, Scaliger ne pouvait pas fixer le point de départ de ses calculs en deçà de ~5591.

Comme les astronomes utilisent encore de nos jours pour certains calculs la Période julienne, seul calendrier vraiment universel, il semble que certains polémistes vieux-calendéristes, ne comprenant pas le caractère abstrait et en partie arbitraire de la Période julienne, en sont venus à affirmer contre toute évidence astronomique, mathématique et logique que le calendrier julien de ~46 était scientifiquement plus exact que les révisions ultérieures de 1582 et de 1923! (Curieusement, on ne parle pas de la révision du calendrier opérée par le concile de Nicée en 325 pour rétablir l'équinoxe de printemps à sa date astronomique.)

Pour des icônes de saint Constantin le Grand, créateur de l'indiction romaine, cliquer ici viewtopic.php?t=1343 .

Pour l'affirmation erronée d'un polémiste selon laquelle les corrections astronomiques seraient plus inexactes que le calendrier non corrigé, et la réponse de Jean-Louis Palierne qui contient la mention de la période julienne de Scaliger, cf. viewtopic.php?t=709&start=75 (messages du 3 septembre 2005).
Dernière modification par Claude le Liseur le ven. 01 sept. 2006 21:41, modifié 2 fois.
Pascal-Yannick
Messages : 74
Inscription : ven. 28 juil. 2006 20:03

Message par Pascal-Yannick »

En parlant de dates à quelle période de l'histoire de l'humanité,à quel instant t Adam et Eve ont-ils été déchus?
Et la Vérité vous rendra libre
Jean-Louis Palierne
Messages : 1044
Inscription : ven. 20 juin 2003 11:02

Message par Jean-Louis Palierne »

Si nous nous en tenons aux données chronologiques des sciences cosmologiques et biologiques, il est difficile d’y “caser” la chute d’Adam et Ève. Si en effet “par la faute d’un seul la mort est entrée dahs le monde” (Romains 5:12) comment se peut-il que la mort ait régné sur le monde au point que certaines couches géologiques des plus profondes sont des amoncellements de cadavres d’êtres primitifs ? Il faudrait remonter presque à l’époque de l’apparition de la planète Terre ! Si la création des espèces vivantes est antérieure à celle de l’homme, alors ne se dévoraient-elles pas férocement entre eux ?

Je crois que Dieu a bien créé l’homme comme sommet de sa Création, mais que la chute d’Adam et Ève a amené une refonte totale de l’Univers et de son harmonie primitive et anthropocentrique, créant ainsi a posteriori un passé, une cosmogonie et une évolution biologique altérées. Nous sommes donc les héritiers, non seulement de la faute des Ancêtres, mais d’une gigantesque antériorité originelle qui n’était pas prévue primitivement dans le dessein de Dieu.

Je suis tombé récemment sur un texte du père Grigorios Papathomas sur la chute. C’est un exposé qui a été prononcé à l’université de Balamand. Je crois qu’il réponse à la question de Pascal-Yannick, non pas sur la date, mais sur la nature de cette chute. Voici ce texte.

===============

Archimandrite Grigorios Papathomas
La Chute

« Si nous ne savons pas dans quel état Dieu nous a faits, nous ne pourrons jamais comprendre ce que le péché a fait de nous. »
(St Grégoire le Sinaïte, in PG 150, 1253)

Du fait même de sa nature, l’homme possède une caractéristique essentielle : il dispose certes d’une certaine chaleur, mais il ne peut la renouveler en permanence et, s’il la perd, il ne peut la remplacer de lui-même. Autrement dit, si l’homme demeure sous l’action du droid, il perdra peu à peu sa chaleur gèlera et mourra, sauf si un élément extérieur intervient. C’est-à-dire s’il reçoit de l’aide et rebouvelle sa chaleur grâce à une source, une existencer extérieure, autre que la sienne. C’est ce qui peut se produire si, par exemple, il se met au soleil ou s’approche d’un feu. Entre ces deux existences (celle de l’homme d’une part, et celle du feu de l’autre), il existe une différence : de par sa nature l’une dispose de chaleur (créé) tandis que l’aitre est chaleur en soi (incréé).

Supposons donc que, dans une chambtr, se trouve un foyer de chaleur (par exemple une cheminée) qui fonctionne sans interruption. En un point quelconque de la chambre, près de la porte, se tiennent un homme et une femme. Ceux-ci, bien qu’ils ne se soient pas encore approchés du feu, ressentent déjà l’effet de la chaleur ; cela signifie qu’ils se trouvent déjà en relation avec le foyer, qu’ils ont part à son énergie et qu’ils partagent, commun ient, à ce que le foyer possède intrinsèquement (une chaleur infinie) et dont ne dispose pas leur propre existence. Cependant, ici, se pose la question du libre-arbitre humain. En effet l’homme a la possibilité de dire librement “oui” ou “non” à la relation en question, de l’accepter ou de l’interrompre. Il ne dépend donc que de lui de s’approcher ou de s’éloigner du feu.

Si donc nos deux personnages, l’homme ou la femme, refusent la relation avec l’objet de chaleur (parce que, par exemple ils estiment que leur chaleur ne court aucun risque ou encore parce qu’ils sont affectés de ne pas posséder ce que possède le foyer), ils s’en éloignent, ouvrent la porte de la chambre et sortent. Dehors ceppendant, la réalité à laquelle ils sont confrontés est l’absence de foyer. Il gèle. Nos personnages, pour la première fois, tombent malades : leurs organismes s’altèrent, se dégradent. Et lorsqu’ils donnent naissance à des enfants ils le font là, dehors, et ils transmettent à leurs enfants ce qu’ils ont : un patrimoine génétique altéré par la maladie. Le mode d’existence hors de la chambre porte donc en lui, non seulement l’aliénation (fqorav) mais aussi l’absurde et l’injuste.

Si à présent nous entendons Dieu à la place du feu, le Paradis à la place de le chambre, la dégradation et la mort à la place de la maladie, il semble alors que notre exemple parvient à illustrer de manière satisfaisante (compte tenu de tous les manques que recèle tout exemple) comment l’Église orthodoxe conçoit la situation d’avant la chute, le péché originel, la chute et la condamnation après la chute. Dans notre exemple nous pouvons donc déterminer les axes fondamentaux suivants :

a. La vie de l’homme à l’intérieur de la chambre n’est pas seulement une existence, mais une co-existence, une communion avec le foyer du feu, et donc une existence différente (grâce à cette communion).

b. L’homme est sorti de la chambre chauffée parce qu’il a lui-même décidé de rompre sa relation avec le foyer. Ce n’est pas le foyer qui l’a chassé.

c. Le froid et la maladie sont les conséquences naturelles de son acte, de son choix, non pas par une sanction, une peine que le foyer lui a infligée.

d. Les enfants héritent de la dégradation de leur père, non de sa faute.

e. Toute la question concerne l’existence même de l’homme, non pas son comportement ou quelque action à part ou précise.

On peut facilement comprendre que l’exemple ci-dessus expose, dans l’optique patristique orthodoxe, certains paramètres de l’aventure originelle, les quels, encore récemment étaient l’objet de diverses interprétations qui, quoiqiue étrangères à l’esprit de l’Orthodoxie, ont, dans l’univers orthodoxe, nourri, yjéologiquement parlant, les générations des dernières décennies. De telles interprétations présentaient Dieu comme un juge inflexible veillant, avant toute autre chose, à ce que ses lois soient respectées, concevaient les conséquences de la chute comme un châtiment infligé par un Dieu vengeur, entretenaient la conviction que les descendants d’Asam héritent de sa culpabilité et que, pour cette raison, ils subissent à leur tour un juste châtiment.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
Anne Geneviève
Messages : 1041
Inscription : lun. 30 mai 2005 19:41
Localisation : IdF
Contact :

Message par Anne Geneviève »

Ah, Scaliger… Comme je suis d’accord avec vous, mon cher Claude, pour déplorer son exil et ses causes. Mais le forum n’est sans doute pas le lieu adéquat pour analyser les ravages qu’a occasionné l’importation de l’absolutisme toscan dans une France déjà devenue une terre d’intellectuels et de juristes. J’en parle avec d’autant plus de liberté que j’ai des ancêtres dans les provinces françaises mais aussi en Toscane. Deux Médicis l’une après l’autre (encore Catherine avait-elle de l’intelligence, ce qui n’était pas le cas de Marie, petite provinciale bigote à l’esprit étroit) ont transformé la royauté capétienne, celle des « lois fondamentales du royaume » en monarchie idéologique, mélange inextricable de Machiavel et de Justinien. Bien sûr que l’on a persécuté ! Dès les débuts du mouvement de réforme, héritier pourtant des principes canoniques de l’université de Paris et de la supériorité du concile soutenue par Gerson. Mais la persécution a pris de l’ampleur jusqu’à dégénérer en guerre civile lorsque Catherine fut régente de droit ou de fait.
Je n’ignorais pas la pluralité des computs « depuis la création du monde ». C’est même un exercice amusant que de reprendre le raisonnement des mathématiciens anciens et de vérifier leurs calculs… Mais la date que vous annonciez, qui correspond donc à –5500 environ, m’a frappée parce que ce n’est pas une date neutre de la proto-histoire. Comme vous le savez sans doute, il y a deux néolithiques, une première période qui commence selon les lieux entre –10 000 et –7000, durant laquelle a lieu la domestication des plantes et celle des animaux et une seconde période qui correspond à l’invention de la céramique, voit la généralisation de l’agriculture à l’ensemble de la Terre et très vite le tout premier travail du métal, or et plomb. Ce tournant historique se place entre –5500 et –5000.
Il est frappant, à lire les philosophes grecs, les prophètes juifs, les auteurs spirituels de l’Inde et de la Perse puis les Pères de l’Eglise que le mode de vie qu’ils préconisent s’apparente à celui du premier néolithique alors que celui du second néolithique et, bien entendu, des cultures plus récentes, fait l’objet d’une certaine méfiance. Tous ces auteurs ascétiques y voient un certain encouragement aux passions. Comme s’il y avait dans la mémoire collective le souvenir vague mais constant et quasi général d’une période heureuse et spirituellement féconde après le chamanisme des débuts connus de l’humanité et de son basculement avec les arts du feu. Par exemple, bien après l’invention de la poterie, les rites brahmaniques exigent des récipients en bois creusé. C’est une question que je ne cesse de suivre du coin de l’œil.
Notre ère chrétienne est aussi approximative que les autres car il semble bien que Denys le Petit se soit trompé de quelques années. Il ne pouvait sans doute pas faire mieux, d’ailleurs, puisque les historiens hésitent encore beaucoup pour dater les événements de l’antiquité tardive et du haut moyen-âge, au point qu’il y a souvent une date officielle à l’usage des manuels scolaires et une fourchette pour les études universitaires !

Merci à vous, Jean Louis, pour ce texte de Grigorios Papathomas qui a l’avantage d’être très clair.

Mais pour répondre à Pascal-Yannick : l’ensemble de textes bibliques qui racontent l’histoire de la chute et de ses conséquences, ensemble qui forme un tout, va de Genèse 2, 5 à Genèse 9,17, d’Eden au déluge. Il est impossible à situer historiquement car il mélange les caractères de plusieurs époques. Par exemple, Abel est présenté comme un éleveur de moutons alors qu’au chapitre suivant, c’est Yabal, descendant de Caïn (mais qui a pratiquement le même nom qu’Abel), le « père » des éleveurs nomades. Pour ma part, je pense que cet enseignement sur la chute nous a été donné sous forme de parabole, spirituellement exact mais sans contrepartie historique, en tout cas dans cet univers. Et c’est encore plus évident quand on se limite aux chapitres 2 et 3. L’homme est mis dans un jardin pour le cultiver et le garder, mais c’est un jardin qui comporte quatre fleuves en croix issus d’une source unique (cherchez donc ça dans la nature !), un arbre de vie et un arbre « du bon et du mauvais ». Lus comme une parabole, ces textes sont inépuisables, comme d’ailleurs le Poème de la Création qui ouvre le Livre. Mais il me semble particulièrement vain de chercher à le dater même si la fin de cette parabole s’adosse à un événement historique, les déluges. Mais justement ! L’archéologie a dégagé deux strates vides correspondant à deux inondations sur les plaines de Mésopotamie. La tradition spirituelle pré-biblique puis la Bible les a soudés en un seul événement signifiant. Cela veut dire qu’on est dans l’ontologie, pas dans l’histoire. D’ailleurs les Pères le commentent comme une parabole, comme un récit symbolique.
Si l’on veut vraiment inscrire cette chute dans l’histoire, alors la seule solution est celle que décrit Jean Louis, celle d’une refonte de l’univers. Nous avons plusieurs fois discuté de cette question sur le forum, donc je vous suggère, Pascal-Yannick, d’utiliser la fonction « rechercher ».
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit : J'ai déjà eu l'occasion de mentionner qu'il y avait même plusieurs ères de la création du monde en concurrence, toutes basées sur des calculs plus ou moins exacts basés sur les générations du chapitre 5 de la Genèse.

Toutefois, ces calculs d'un autre temps ont encore une influence dans le monde actuel. En effet, si le seul calendrier vraiment universel, la Période julienne du philosophe protestant gascon réfugié aux Pays-Bas Joseph-Juste Scaliger (Agen 1540-Leyde 1609), contenues dans son Opus novum de emendatione temporum (1583), prennent pour point de départ l'année ~4713, c'est qu'il lui était évidemment impossible, dans le contexte de l'époque, de remonter au-delà de ~5591 (Anno Mundi dans la chronologie de Clément d'Alexandrie). (Scaliger, encore un grand esprit que la France a perdu à cause des persécutions-religieuses-qui-n'ont-pas-eu-lieu, n'est-ce pas?)

Voici les explications du mathématicien alsacien Jean Lefort:

"Le choix de l'année -4712 comme origine du noueau calendrier de Scaliger résulte de problèmes inhérents au calendrier julien et à la fixation de la date de Pâques dans ce calendrier. Scaliger voulait que son origine soit un lundi 1er janvier d'une année bissextile, et qu'il soit un multiple de 19, car ce nombre intervient dans le cycle pascal. Il voulait en outre que son origine soit au début d'un cycle de 15 ans appelé "indiction romaine", qui n'a aucun fondement astronomique, mais que l'on trouve aujourd'hui dans le calendrier des postes. Ce cycle a été créé par l'empereur Constantin pour remplacer celui des Olympiades, qui se déroulaient tous les quatre ans et servaient de repère aux historiens grecs; il a été conservé par pure tradition alors qu'il ne sert à rien. Notons pour finir que Scaliger parlait en fait du lundi 1er janvier ~4713, puisqu'il ne considérait pas d'année zéro (le tilde "~", comme nous l'avons vu, remplace le signe "-" pour signifier qu'il n'y a pas d'année zéro). C'est d'ailleurs cette dernière date que l'on trouve dans les éphémérides du bureau des longitudes.
Toutes ces contraintes pesant sur le choix de l'origine (année bissextile multiple de 19, au début d'un cycle de 15 ans) suffisent-elles à expliquer que Scaliger soit tombé sur une date aussi reculée que -4712? En fait, ce choix relève tout de même d'un certain arbitraire. Les idées de l'époque sur l'origine de l'homme, reposant sur une lecture littérale du livre de la Genèse, interdisaient sans doute à Scaliger de choisir une date plus reculée. Cette origine était toutefois assez lointaine pour que des nombres positifs soient attribués à tous les événements historiques, ainsi qu'aux dates du calendrier juif dont l'origine est le dimanche 6 octobre -3760.
Ces nombres sont attribués très simplement: à partir de son origine, Scaliger comptait tous les jours les uns à la suite des autres en commençant à zéro. Le jour zéro finit donc le 2 janvier -4712 à midi, etc. Au 1er janvier 1998 à midi, date du calendrier grégorien, il s'est écoulé 2 450 815 jours depuis l'origine de Scaliger."
(Jean Lefort, La saga des calendriers, Pour la Science, Paris 1998, p. 28.)

La Période julienne de Scaliger nous montre donc comment la situation religieuse de la fin du XVIe siècle influence encore la science contemporaine.
En effet, en tant que calviniste, Scaliger refusait la réforme grégorienne de 1582: son calendrier universel est donc julien non révisé; il y a une année bissextile tous les quatre ans, sans les règles correctives que Grégoire XIII avait adoptées en 1582 ou le congrès orthodoxe de Constantinople en 1923; les lundi 1er janvier reviennent tous les 28 ans. Toutes ces données font que jour de la semaine, indiction romaine et nombre d'or reprennent les mêmes valeurs au bout de 7'980 années juliennes, soit 2'914'695 jours, durée de la période julienne de Scaliger.
En même temps, en tant qu'homme du XVIe siècle, Scaliger ne pouvait pas fixer le point de départ de ses calculs en deçà de ~5591.

Comme les astronomes utilisent encore de nos jours pour certains calculs la Période julienne, seul calendrier vraiment universel, il semble que certains polémistes vieux-calendéristes, ne comprenant pas le caractère abstrait et en partie arbitraire de la Période julienne, en sont venus à affirmer contre toute évidence astronomique, mathématique et logique que le calendrier julien de ~46 était scientifiquement plus exact que les révisions ultérieures de 1582 et de 1923! (Curieusement, on ne parle pas de la révision du calendrier opérée par le concile de Nicée en 325 pour rétablir l'équinoxe de printemps à sa date astronomique.)

Pour des icônes de saint Constantin le Grand, créateur de l'indiction romaine, cliquer ici viewtopic.php?t=1343 .

Pour l'affirmation erronée d'un polémiste selon laquelle les corrections astronomiques seraient plus inexactes que le calendrier non corrigé, et la réponse de Jean-Louis Palierne qui contient la mention de la période julienne de Scaliger, cf. viewtopic.php?t=709&start=75 (messages du 3 septembre 2005).

Je reviens sur ce très intéressant et inépuisable sujet de la période julienne de Scaliger.

"La "Période julienne" de Scaliger.

Cette période fictive, imaginée, à la fin du XVIe siècle de notre ère par le savant philologue Jacques Juste Scaliger, ne doit pas être confondue avec le calendrier julien ou la réforme julienne de César - encore qu'elle se compose d'années en tout point conformes au calendrier julien (ce qui lui a valu son nom). Elle constitue un cycle de 7980 ans, obtenu en multipliant entre eux les nombres 15, 19 et 28. - Le nombre 15, rappelons-le, est celui de l'indiction. Le nombre 19 est le chiffre du cycle lunaire, ou nombre d'or, grâce auquel se trouve déterminé le rang occupé par une année julienne dans un groupe de 19. Quant au chiffre 28, c'est celui du cycle solaire, c'est-à-dire la période au bout de laquelle les jours de la semaine se retrouvent aux mêmes dates des mois.
Scaliger découvrit que, dans cette période julienne, l'année 4713 av. J.C. possédait l'unité à la fois pour l'indiction romaine, pour le cycle lunaire, et pour le cycle solaire. Il fit ainsi admettre que le degré 4714 de l'échelle générale de 7980 années correspondrait à l'an 1 de l'ère chrétienne.
L'avantage du cycle envisagé est qu'il unifie toutes les autres ères. L'an 1 de l'ère juive par exemple se place en 963 de la période julienne, l'an 1 de l'ère des Olympiades en 3938, l'an 1 de la fondation de Rome en 3961, l'an 1 de l'ère de Nabonassar en 3967, l'an 1 de l'ère chrétienne en 4714, l'an 1 de l'Hégire en 5335, l'an 1 de la République française en 6505, etc... - Toute date inférieure à 4713 marque, au surplus un nombre d'années antérieures à J.C. Toute date supérieure à 4714 marque au contraire un nombre d'années postérieures à l'ère chrétienne. - Soit par exemple l'an 3938, qui correspond au début de la 1ere olympiade. Il suffit de retrancher 3938-1 de 4713 pour retrouver 776, qui marque le commencement des olympiades par rapport à notre ère. L'unité soustraite correspond à l'année qui précède la naissance de J.C., ou, si l'on préfère, à une théorique année 0 (admise d'ailleurs par la chronologie astronomique, d'après laquelle l'an 1 de notre ère est l'année 2, etc...)."

Pierre Gordon, Les Fêtes à travers les âges, Arma Artis, Neuilly-sur-Seine 1983, pp. 172 s.

Gordon écrit que la "période julienne" de Scaliger ne doit pas être confondu avec le calendrier julien: comme déjà indiqué sur ce présent forum, c'est la confusion que font parfois des pamphlétaires paléohimérologites, lorsqu'ils affirment contre tout bon sens que le calendrier julien (non révisé) serait scientifiquement plus exact que le calendrier grégorien ou le calendrier constantinopolitain, affirmation qui procède d'une confusion entre le calendrier de Sosigène et Jules César et la période de Scaliger effectivement utilisée de nos jours dans certains calculs scientifiques. Comme quoi ont peut avoir raison sur certains points et errer complètement sur d'autres.

Je dois dire que pour moi, qui souffre de n'être point mathématicien, les travaux d'un homme comme Scaliger suscitent toujours plus d'admiration. Il s'agit vraiment là de génies qui honorent l'humanité.
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re:

Message par Claude le Liseur »

Anne Geneviève a écrit :Ah, Scaliger… Comme je suis d’accord avec vous, mon cher Claude, pour déplorer son exil et ses causes.
Scaliger devait avoir laissé le souvenir de l'érudit parfait, ainsi que le laisse supposer cette note de bas de page rédigée par Gobineau:

Je dois dire que Strabon, venant au-devant de cette objection, affirme que les Gaulois écrivaient leurs contrats en grec, non seulement avec les caractères, mais même dans la langue de l'Hellade: Τά συμβόλαια έλληνιστί γράφουσι (Strabon, IV). - Mais, soit dit avec tout le respect possible pour l'autorité de Strabon, cette assertion n'est guère recevable. Si les Celtes avaient à tel point sympathisé avec les Grecs, qu'ils eussent fait de l'idiome de ces derniers l'instrument ordinaire de leurs transactions de toute nature, ils eussent mérité, non pas le nom de barbares, que les écrivains classiques ne leur ménageaient pas, mais celui de philologues, d'érudits consommés; encore n'ai-je connaissance d'aucun docte personnage, soit ancien, soit moderne, pas même Scaliger (souligné par moi - NdL), qui se soit amusé à passer des actes civils, par-devant notaire, dans une langue savante. Tout ce qu'il est possible d'accorder, c'est que Strabon, ou plutôt Posidonius, aura vu entre les mains de quelques négociants massaliotes des cédules grecques tracées par ces derniers, et souscrites par des commerçants gaulois.

(Arthur de Gobineau [1816-1882] , Essai sur l'inégalité des races humaines, livre V, chapitre III, in Œuvres, tome I, La Pléiade, Gallimard, Paris 1983, p. 788 [1re édition Paris 1853])
Répondre