Les icônes sont-elles insaisissables?
Publié : jeu. 17 août 2006 20:36
Voici, pour ceux qui nous reprocheraient de ne pas nous occuper de problèmes concrets de la vie des fidèles, une question très concrète qui pourrait se poser à chacun de nous, en cas de retour de fortune.
Je découvre avec intérêt que le Tribunal fédéral suisse s'est posé la question en titre dans un arrêt 7B.183/2003 du 28 août 2003:
http://www.bger.ch/fr/index/juridiction ... le2000.htm
(Dans cette affaire, il s'agissait d'une succession en faillite où l'héritier revendiquait la distraction de la masse en faillite d'une icône de la Vierge et d'une statuette de saint Antoine, comme biens affectés au culte et donc insaisissables.)
Voici la réponse du Tribunal fédéral (considérant 3):
Unpfändbar nach Art. 92 Abs. 1 Ziff. 2 SchKG sind die religiösen
Erbauungsbücher und Kultusgegenstände. Unter Kultusgegenständen sind
bewegliche Sachen zu verstehen, welche zur Ausübung gottesdienstlicher
Handlungen verwendet werden oder Gegenstand religiöser Verehrung bilden (BGE 61 III 44 S. 45; 88 III 47 S. 48). Die in BGE 88 III 47 S. 48 f. vertretene Auffassung, der Schuldner bzw. dessen Familienangehöriger müsse jener Religion angehören, welcher der betreffende Kultusgegenstand zuzuordnen ist, darf zwar nicht zu eng verstanden werden. Jedoch bleibt Voraussetzung, dass der betreffende Kultusgegenstand tatsächlich Objekt einer religiösen Verehrung bildet. In dieser Hinsicht hat die Aufsichtsbehörde allerdings festgehalten, es sei weder nachgewiesen noch glaubhaft, dass sich der Beschwerdeführer bei der Ausübung seines Glaubens der Ikone und der Heiligenstatue tatsächlich bediene. An diese tatsächliche Feststellung ist die erkennende Kammer gebunden (Art. 63 Abs. 2 i.V.m. Art. 81 OG; BGE 119 III
54 E. 2b S. 55; 124 III 286 E. 3b S. 288).
Ma traduction:
D’après l’art. 92 al. 1 ch. 2 LP, les livres d’instruction religieuse et les objets du culte sont insaisissables. Par objets du culte, il faut entendre des choses mobilières qui sont utilisées pour l’accomplissement d’actes liturgiques ou qui sont l’objet d’une vénération religieuse (ATF 61 III 44, p. 45 ; 88 III 47, p. 48). La conception exposée dans l’ATF 88 III 47, pp. 48 s., selon laquelle le débiteur ou les membres de sa famille devraient appartenir à la religion dont relève l’objet de culte concerné, ne doit certes pas être comprise d’une manière trop étroite. Toutefois la condition demeure, que l’objet de culte en question soit effectivement l’objet d’une vénération religieuse. De ce point de vue l’autorité de surveillance a constaté qu’il n’est ni prouvé, ni crédible, que le recourant se serve vraiment de l’icône et de la statue du saint dans la pratique de sa foi. La chambre de céans est liée par cette constatation de fait (art. 63 al. 2 et 81 OJ ; ATF 119 III 54 c. 2b p. 55 ; 124 III 286 c. 3b p. 288).
Mon commentaire:
Il est dommage qu'il n'y ait pas de référence à la décision cantonale entreprise. Toutefois, tel qu'il se présente, cet arrêt est déjà fort intéressant.
Certes, dans le cas d'espèce, le de cujus n'était vraisemblablement pas orthodoxe (sinon, pourquoi une statuette?) et il s'agissait probablement de ces reproductions de l'icône de Kazan que l'on pouvait commander à une entreprise qui faisait force publicité dans la presse il y a quelques années, ces icônes ayant surtout valeur d'objet de collection, voire de placement.
Il n'en reste pas moins que la lecture de l'arrêt me donne l'impression que, si le de cujus ou le recourant avaient été orthodoxes, notre juridiction suprême aurait sans doute appliqué l'article 92 alinéa 1 chiffre 2 LP, puisqu'il est de notoriété publique, ou en tout cas facile à plaider devant n'importe quel tribunal, que les orthodoxes rendent aux icônes un culte de doulie ou vénération (προσκύνησις) et non un culte de lâtrie ou adoration (λατρεία) qui n'est réservé qu'à Dieu seul et que les icônes conservées à la maison jouent un rôle effective dans la piété de chacun. Comme quoi vous voyez l'utilité de connaître les décisions des saints Conciles dans une procédure de faillite successorale.
Un des lecteurs de ce forum pourrait-il me dire s'il connaît l'existence de décisions semblables dans les autres pays francophones (Belgique, France, Luxembourg, Monaco)?
Je découvre avec intérêt que le Tribunal fédéral suisse s'est posé la question en titre dans un arrêt 7B.183/2003 du 28 août 2003:
http://www.bger.ch/fr/index/juridiction ... le2000.htm
(Dans cette affaire, il s'agissait d'une succession en faillite où l'héritier revendiquait la distraction de la masse en faillite d'une icône de la Vierge et d'une statuette de saint Antoine, comme biens affectés au culte et donc insaisissables.)
Voici la réponse du Tribunal fédéral (considérant 3):
Unpfändbar nach Art. 92 Abs. 1 Ziff. 2 SchKG sind die religiösen
Erbauungsbücher und Kultusgegenstände. Unter Kultusgegenständen sind
bewegliche Sachen zu verstehen, welche zur Ausübung gottesdienstlicher
Handlungen verwendet werden oder Gegenstand religiöser Verehrung bilden (BGE 61 III 44 S. 45; 88 III 47 S. 48). Die in BGE 88 III 47 S. 48 f. vertretene Auffassung, der Schuldner bzw. dessen Familienangehöriger müsse jener Religion angehören, welcher der betreffende Kultusgegenstand zuzuordnen ist, darf zwar nicht zu eng verstanden werden. Jedoch bleibt Voraussetzung, dass der betreffende Kultusgegenstand tatsächlich Objekt einer religiösen Verehrung bildet. In dieser Hinsicht hat die Aufsichtsbehörde allerdings festgehalten, es sei weder nachgewiesen noch glaubhaft, dass sich der Beschwerdeführer bei der Ausübung seines Glaubens der Ikone und der Heiligenstatue tatsächlich bediene. An diese tatsächliche Feststellung ist die erkennende Kammer gebunden (Art. 63 Abs. 2 i.V.m. Art. 81 OG; BGE 119 III
54 E. 2b S. 55; 124 III 286 E. 3b S. 288).
Ma traduction:
D’après l’art. 92 al. 1 ch. 2 LP, les livres d’instruction religieuse et les objets du culte sont insaisissables. Par objets du culte, il faut entendre des choses mobilières qui sont utilisées pour l’accomplissement d’actes liturgiques ou qui sont l’objet d’une vénération religieuse (ATF 61 III 44, p. 45 ; 88 III 47, p. 48). La conception exposée dans l’ATF 88 III 47, pp. 48 s., selon laquelle le débiteur ou les membres de sa famille devraient appartenir à la religion dont relève l’objet de culte concerné, ne doit certes pas être comprise d’une manière trop étroite. Toutefois la condition demeure, que l’objet de culte en question soit effectivement l’objet d’une vénération religieuse. De ce point de vue l’autorité de surveillance a constaté qu’il n’est ni prouvé, ni crédible, que le recourant se serve vraiment de l’icône et de la statue du saint dans la pratique de sa foi. La chambre de céans est liée par cette constatation de fait (art. 63 al. 2 et 81 OJ ; ATF 119 III 54 c. 2b p. 55 ; 124 III 286 c. 3b p. 288).
Mon commentaire:
Il est dommage qu'il n'y ait pas de référence à la décision cantonale entreprise. Toutefois, tel qu'il se présente, cet arrêt est déjà fort intéressant.
Certes, dans le cas d'espèce, le de cujus n'était vraisemblablement pas orthodoxe (sinon, pourquoi une statuette?) et il s'agissait probablement de ces reproductions de l'icône de Kazan que l'on pouvait commander à une entreprise qui faisait force publicité dans la presse il y a quelques années, ces icônes ayant surtout valeur d'objet de collection, voire de placement.
Il n'en reste pas moins que la lecture de l'arrêt me donne l'impression que, si le de cujus ou le recourant avaient été orthodoxes, notre juridiction suprême aurait sans doute appliqué l'article 92 alinéa 1 chiffre 2 LP, puisqu'il est de notoriété publique, ou en tout cas facile à plaider devant n'importe quel tribunal, que les orthodoxes rendent aux icônes un culte de doulie ou vénération (προσκύνησις) et non un culte de lâtrie ou adoration (λατρεία) qui n'est réservé qu'à Dieu seul et que les icônes conservées à la maison jouent un rôle effective dans la piété de chacun. Comme quoi vous voyez l'utilité de connaître les décisions des saints Conciles dans une procédure de faillite successorale.
Un des lecteurs de ce forum pourrait-il me dire s'il connaît l'existence de décisions semblables dans les autres pays francophones (Belgique, France, Luxembourg, Monaco)?