les Choeurs

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Ploscaru Mihaela
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les Choeurs

Message par Ploscaru Mihaela »

Etant allée ici et là dans quelques paroisses orthodoxes, il y a parfois un aspect du role du choeur dans certaines qui m'interpelle : il n'est même plus possible parfois au peuple de répondre "Amen" ou "Kyrie Eleison" aux éctènies, l'art du chant du choeur peut nous être inconnu ou tout simplement, l'on nous fait la remarque que ce n'est pas necessaire puisqu'il représente le peuple; donc entre le prêtre qui porte les prières du peuple et le choeur qui répond à la place du peuple, qu'elle est la raison d'être présent du peuple non obstant sa participation à la Sainte Communion...bientôt alors une Divine Liturgie Orthodoxe essentiellement participée au moyen de la télévision comme les Ktos sur quelle tradition, quelles régles, quels canons repose cette forte importance du choeur et cette si faible participation du peuple hormis de se signer, un prêtre m'a dit que c'était suffisant comme participation..!, je ne vois pas ecclésiologiquement et spirituellement l'assemblée convoquée juste comme cela et pour cela s'il faut se taire alors aussi bien la prère individuelle en son foyer ..bien sur hormis la Sainte Communion Mihaela
Kazan
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Message par Kazan »

Je ne saurais répondre trés directement à la question de Mihaela. Ce que je sais, pour l'avoir vécu, c'est que la participation croissante des fidèles à la messe catholique en a appauvri encore plus le caractère "sacré" (?) ce dont il n'avait déja pas besoin ...
Je vous retranscris ci dessous un texte d'Anatoly Grindenko.
Petit avertissement néanmoins: un moine du monastère Saint Antoine le Grand m'a dit qu'il comportait un certain nombre d'erreurs incompréhensible sous la plume d'un chef de choeur aussi renommé.

Le Chant des Anges
Anatoly Grindenko
In Harmonie Divine (Opus 111 Muses)

C'est le Seigneur lui-même, qui, en se faisant chair, fut à l'origine de l'art de l'icône. Et pour que nous ne puissions douter de la légitimé de cet art, il laissa sur le drap de lin ("Mandilion") l'empreinte de son visage. C'est également le Christ, qui, en élevant un hymne de reconnaissance à son Père, une fois accompli le mystère de la Cène, fut à l'origine du chant liturgique: "Après avoir chanté les psaumes, ils sortirent pour aller au mont des Oliviers." (Mathieu ; 26, 30 Marc; 14, 26)

Selon l’enseignement de L'Église orthodoxe, l'Église terrestre constitue une image de l'Église et de la hiérarchie céleste, et le chant liturgique est l'image, l'icône du chant des anges. C'est pourquoi d'ailleurs on le dit "angélique" ; l'adjectif ne se rapporte pas uniquement aux qualités propres des chantres, mais se réfère surtout aux vertus qu'il partage avec celui des anges : le chant des anges invite à contempler la Gloire de la Sainte Trinité, le chant liturgique oriente l'âme vers Dieu, l'invite à méditer les mystères divins s'accomplissant en l'Église. Et si l'icône se propose de faire accéder à l'invisible à travers ce qui est visible, le chant liturgique pour sa part utilise les sons pour permettre l'accès à l’invisible. Par quels moyens ?
La première chose qu'il faut savoir, c'est que le chant liturgique n'est pas une forme d'art, mais une forme de prière particulière. Il est né dans les monastères d'Egypte et du mont Sinaï. C'est là, dans le silence des temples creusés dans les grottes, que s'est élaborée une conception de l'homme comme instrument de l'Esprit Saint. "Soyons la flûte, soyons la cithare de l'Esprit Saint" nous dit le Cappadocien Saint Jean Chrysostome. '"Préparons-nous à lui, de la même façon qu'on accorde un instrument. Qu'il touche nos âmes de son plectre." La vie même du chrétien était pensée comme un chant. Saint Grégoire de Nysse écrivait: "Dieu ordonne que ta vie soit un psaume, qui serait composé non pas de sons terrestres, mais qui puiserait aux cieux sa pureté et son intelligibilité. »

Dès le premier siècle qui suivit la naissance du Christ, l'humanité a cherché à donner une expression à ses nouveaux sentiments et à ses nouvelles pensées, ainsi que le voulait le prophète David : "Chantez au Seigneur un hymne nouveau". Et cet hymne fut chanté. Par leur travail soutenu, les premiers moines chrétiens ont ainsi développé l'art de l'icône, qui réunit en lui les caractéristiques de la peinture égyptienne, syrienne et grecque. Dans le domaine du chant, les principes syriens, coptes et grecs entre autres, renouvelés par l'expérience ascétique des premiers moines ont donné naissance à une forme de chant particulier. La base de ce chant n'est ni formée par des gammes, ni par des modes, mais par des formules mélodiques qui forment l'empreinte des mouvements de l'esprit et incarnent "le cri intelligible du coeur" . Ainsi, Saint Grégoire le Sinaîte définissait-il le chant liturgique. Ces formules mélodiques jaillies des tréfonds de l'âme se sont affinées avec le temps, certaines se sont perdues, d'autres gardées pour finalement composer un immense fond mélodique. Les chants liturgiques ont été assemblés comme une mosaïque à partir de ce fond. Les scientifiques évoquent à ce sujet le procédé du centon, du mot latin "cento", qui désigne un morceau d'étoffe et une poésie composée à partir de vers ou de bribes de vers antérieurs. On peut ajouter à ce propos que le "nome" de l'Egypte ancienne se composait lui aussi d'une série de combinaisons mélodiques, dont on se servait pour chanter les textes liturgiques.

A partir du VIIIe siècle après Jésus-Christ un système musical s'est progressivement construit reflétant la structure du chant séraphique. Suivant l'enseignement de Denys l’Aéropagite, le chant séraphique est composé de trois types de mouvements : un mouvement circulaire, un mouvement linéaire et un mouvement de spirale. Pour rendre compte de ces mouvements sur le plan liturgique, un système s'est mis en place qui unissait les chants du propre et de l'ordinaire, les chants de l'ordinaire sont ceux dont le texte et la mélodie restent inchangés tout au long de l'année. Il s'agit de tous les chants de la Liturgie, d'une partie des Vêpres et des Matines. Ces chants se rapportent aux temps forts des Evangiles. Les chants du propre incluent par exemple les tropaires ou les canons spécifiques aux différentes Fêtes, aux différents saints ou aux icônes, auxquels est consacré tel ou tel jour de l'année. Ces derniers chants sont soumis au principe des "huit modes" (Octoechos). En simplifiant un peu, on peut dire que le fonds mélodique dont il était question plus haut se divise en huit parties, appelées "mode". Chacun d'eux possède des caractéristiques mélodiques particulières ainsi qu'une signification propre au plan liturgique. Le chiffre 8, lui-même, symbolise le siècle à venir dans l'éternité. Ainsi le système des huit modes s'interprète comme l'état de prière éternelle devant la Très Sainte Trinité.
Durant une semaine entière, à partir du samedi, l'un de ces modes va prédominer. Chaque semaine, on change de mode pour revenir la huitième semaine au premier mode. On obtient ainsi environ 26 cycles, qui sont orientés vers la Pâque et forment le cycle annuel. Il existe un grand nombre de cycles moins importants qui sont à l'image du grand cycle annuel. Ainsi le cycle dominical, dont les chants évoquent ceux de Pâque ou encore celui de l'office quotidien organisé autour de l'Eucharistie, et il en existe bien d'autres encore liés aux différentes fêtes. Ces cycles dont l'axe est formé par les chants fixes figurent ainsi le mouvement circulaire des anges. Entraînée dans ce rythme, l'âme devient elle-même semblable à un ange, puisqu'elle accomplit ce que les anges eux-mêmes accomplissent. L'extrait de la lettre de Basile le Grand àAmphiloque, indiquant les principes spirituels qui président à la technique du cristal dans l'iconographie peut pleinement être rapporté au chant liturgique.
L'Évangéliste, l'iconographe comme le "ras-pevchtchik" (c'est ainsi qu'on désignait autrefois les compositeurs en Russie) délivrent la Bonne Nouvelle reçue de Dieu et ressemblent par là aux anges qui, loin de garder égoïstement pour eux la Lumière Divine, éclairent les autres de cette lumière dont ils resplendissent. Les formules mélodiques des chants liturgiques, parce qu'elle ne renferment aucun élément psychologique, reflètent la beauté du chant seraphique comme le font les cristaux des icônes. (On qualifie aussi les anges de "secondes lumières", puisqu'ils ne brillent pas par eux-mêmes, mais reflètent la lumière divine.) L'introduction du moindre élément psychologique ou naturaliste dans l'icône ou dans le chant religieux, en effet, séduit notre sensualité, retient notre âme auprès de nous-mêmes et l'empêche de s'élever vers l'image première.
Comparez les impressions que produisent respectivement une icône de Maître Denis et un tableau de Grunewald, un canon eucharistique des XVIe et XVIIe siècles et le "Nous te louons" sur le même texte de Pavel Tchesnokov (1877-1944). En. dépit de leur ferveur religieuse, de leur piété et de toutes leurs qualités, ces artistes rabaissent involontairement le sens des textes sacrés, ils les appauvrissent, en les réduisant à l'interprétation qu'ils en font. La force de leur talent artistique empêche l'âme en prière de se tourner librement vers Dieu. Au lieu d'une icône, on obtient une peinture sur un sujet religieux, au lieu d'un chant liturgique, de la musique pour église ou simplement de la musique sur des paroles religieuses. En s'identifiant durant la prière aux événements retracés dans les Evangiles (ainsi que l'enseigne Saint Ignaœ-de-Loyola), en imaginant le Christ, l'homme prend le risque, selon la doctrine orthodoxe, de ne plus s'adresser au Véritable Dieu, mais à la représentation qu'il en a.
Pourquoi la musique instrumentale est-elle interdite dans la Liturgie orthodoxe ? On pourrait répondre longuement sur ce sujet et rappeler, par exemple, comment le peuple d'Israël, fuyant l'Egypte, loua Dieu par ses chants et non en jouant de la musique (Exode; 14,31). De même David chanta à Dieu une louange, lorsque le Seigneur le délivra de ses ennemis (2 Samuel ; 22,1). Rappelons-nous aussi ces trois adolescents précipités dans la fournaise par Nabuchodonosor pour avoir refusé de s'incliner devant l'idole au son des différents instruments de musique, et qui, dans le feu, chantèrent Dieu. On peut également attirer l'attention sur le fait que c'est un descendant de Caïn, maudit par Dieu qui devint "le père de tous ceux qui jouent de la cithare et du chalumeau" (Genèse ; 4,21). On pourrait encore citer de nombreux exemples pour prouver la prééminence du chant, en particulier, dans les moments où l'homme se trouve entre la vie et la mort. Lorsque notre Seigneur Jésus-Christ commença sa vie sur terre, la musique instrumentale, durant la prière, n'était absolument pas nécessaire. On ne peut concevoir que le Christ, après l'accomplissement du mystère de la Cène, se mette à jouer d'un quelconque instrument. On n'imagine pas non plus Adam et Eve en train de fabriquer une flûte ou un tam-tam pour s'adresser à Dieu.

Avec la venue du Christ, comme nous l'avons dit plus haut, l'homme lui-même est devenu l'instrument de l'Esprit Saint, Ainsi tout homme peut devenir une partie de cet instrument grâce auquel il est possible de louer Dieu ensemble, "d'une même bouche et d'un même coeur"
Ploscaru Mihaela
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Message par Ploscaru Mihaela »

Cher Kazan, je vous remercie de cette information mais cela ne me dit pas que penser de l'extrême restriction parfois de la participation du peuple à la Divine Liturgie quand le choeur semblerait ne plus même laisser la liberté des réponses comme : " Kyrie Eleison, le Credo, le Notre Père, voir l'Amen.." le choeur comme certain de leur chef le peut prétendre remplaçe-t-il le peuple??!
Kazan
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Message par Kazan »

Chère Mihaela,
Le néophyte que je suis ne saurait prétendre répondre de façon éclairée à votre question et je suis sur qu'Antoine serait autrement pertinent. Je ne vous livre donc que mon opinion qui n'engage que moi.
Je pense que la façon de faire varie selon les paroisses. Dans la mienne, le "peuple" dit le Notre Père et le Symbole de Nicée-Constantinople. Ailleurs seul le choeur s'exprime.
J'ai du mal à croire qu'un chef de choeur puisse prétendre "remplacer" le peuple.
Qu'en revanche, parce qu'il y a été formé, il prétende le "représenter", faire, en quelque sorte, office de porte-parole dans la beauté du chant angélique, personnellement, je ne vois rien là d'anormal.
Quand vous entendez le choeur, votre coeur reste t-il silencieux ?
Ploscaru Mihaela
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Message par Ploscaru Mihaela »

chère Kazan, oui bien sur, j'aime les choeurs pour les psaumes, etc...mais il appartient je pense au peuple quand même convoqué ebn assemblée de participer aussi par un amen voir un axios ; mais aussi, mon coeur chante sa musique bondissante et réchauffée quand j'entends, je me baigne et m'imprègne des chants angéliques exprimé par le Choeur; mais entre le prêtre qui justement porte les prières du peuple ( ce qui juste), lechoeur qui pour certain est sensé le représenter, les présidents d'association quand il y a lieu etc...hormis donc ces sbdivisions de représentation que reste-t-il en quelque lieu pour justifier la présence du peuple sauf la raison de la Sainte Communion qui est quand même le point culminant, j'en conviens. Mihaela
Sylvie
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Message par Sylvie »

Chers amis,

Qu'arrive t'il a une personne muette ? Est-ce que le fait qu'elle ne peut chanter, elle ne serait pas unie au Ciel ? Est-ce qu'on entend le chant du choeur des anges à la Divine Liturgie ? Non bien sûr, en tout cas pas moi, mais je crois que nous y sommes unis.

Je pense qu'il en est ainsi pour le chant de la chorale. Ce n'est pas tous qui ayont ce talent de chanter. Tant mieux si les personnes l'ont alors qu'ils se joignent à la chorale. Sinon, si ce n'est pas par la voix, que leur coeur s'unisse au chant.

Toutefois, je pense que la chorale ne doit pas interdire le chant dans l'assemblée. C'est si beau une petite voix d'enfant qui entonne l'Alléluia. Ça vous met de la joie dans le coeur. C'est la spontanéité de l'Esprit-Saint ou si vous préférez la liberté des enfants de Dieu.

Sylvie-Madeleine
Ploscaru Mihaela
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Message par Ploscaru Mihaela »

encore une fois, je ne parle que de l'amen, le kKYRIE Et éventuellement l'Axios, ce n'est pas moi qui ai décidé que ce sont les réposes du peuple et ce que vous dites pour les muets est valable pour tous les handicaps, ce n'est pas une réponse dans un contexte habituel, je ne veut parler que de répondre à ceux des choeurs qui prétendent tc...
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Mihaela, comme je vous comprends !
Venant de paroisses francophones où se pratique un partage des rôles très précis et, de plus, théologiquement argumenté entre le clergé, le chœur et le peuple, je me suis sentie très mal l’an dernier à la crypte de Daru, seule ouverte au mois d’août, car j’avais le sentiment que le peuple était de trop. T’es là, t’es pas là, on s’en fout, ça se déroule quand même… Alors, comme au bout d’un moment je décrochais d’une liturgie à laquelle je ne me sentais pas personnellement conviée, ni fonctionnellement d’ailleurs, j’en ai profité pour essayer de lire le cyrillique, les noms des saints sur les fresques… histoire de ne pas perdre complètement mon temps, l’âme et l’oreille bercées par le chant des autres. Choriste dans ma paroisse, je souffrais vraiment de n’avoir pas de place liturgique dans le peuple.
J’ai pu me rendre compte que le mode daruesque n’est pas universel et que, dans bien d’autres paroisses, le peuple a la possibilité de participer selon son mode qui a toujours été la demande ardente, l’acclamation et l’acquiescement : kyrie eleison, axios aux ordinations, amen.
Je rappelle que l’acquiescement du peuple au moment de l’institution et de l’épiclèse est indispensable pour que la célébration du mystère soit complète et théologiquement orthodoxe. Même à Daru, d’ailleurs, tout le monde se réveille pour dire amen.
Anatoly Grindenko a peut-être raison, bien qu’il y ait effectivement pas mal d’affirmations téméraires dans son texte pour ne pas dire plus, de souligner que le chant liturgique est icône du chant des anges mais le Christ n’a pas pris la nature angélique pour sauver l’homme. Le chant « angélique » porté par le chœur est un chant de louange donc d’offrande, un chant d’enseignement, une confession de foi et, par dessus tout, une épiclèse. Le chœur a un rôle de service intermédiaire entre le peuple et le clergé mais, à l’extrême limite (par exemple dans les conditions de clandestinité d’un camp de concentration), on peut concevoir une liturgie avec seulement un prêtre et un peuple, pas avec un prêtre et un chœur en tant que tel.
Souder le amen, réponse du peuple, au chant suivant et donner la note avant de répondre, le chœur seul bien sûr, comme ça se pratique dans l’usage russe, me donne personnellement envie, selon les jours, de mordre, de faire une crise d’urticaire ou de me rouler de rire sur le tapis. Mais ça, ce n’est pas du monachisme angélique d’Egypte ou de Syrie, c’est une dérive due aux usages de cour et aux goûts artistiques des boyards copiant la cour une fois la Russie « civilisée » par Pierre le Grand ou Catherine II. On n’allait quand même pas laisser les valets ou les moujiks intervenir ? Ni la noblesse se commettre ? Alors on a pris des chantres professionnels et ils ont transformé la liturgie en opéra. La vraie liturgie russe, elle se perpétuait dans les skites et les quartiers populaires des villes.
Mais ne nous leurrons pas. Cette dérive aristocratique avait commencé au XVe siècle en occident où l’on installait les chanoines et les maîtrises d’enfants, de garçons bien entendu, avec le clergé dans la zone protégée par le jubé, cette zone qu’on a commencé alors d’appeler le chœur, ben voyons, tandis que le peuple pouvait vaguer tout autour des grilles à sa guise, prier ou se gratter, du moment qu’il ne faisait pas trop de bruit. Les nobles suivaient depuis les galeries latérales. T’es là, t’es pas là…
La réforme luthérienne n’y a pas changé grand chose, sinon que la musique liturgique de cour est devenue un peu plus lourde comme toute la musique allemande (même Mozart a des lourdeurs effrayantes) et qu’on a privilégié les voix d’hommes faits plutôt que de donner le premier rôle aux gamins et aux castrats…
Bref, Mihaela, ce qui vous embête fait encore partie de ces imitations parasites de l’occident romain. Heureusement, ça commence à changer en même temps qu’on revient à la patristique.

Kazan, vous comparez ce qui n’est pas comparable. Dans l’Eglise romaine, la participation des fidèles ne s’est pas faite dans le respect du rôle propre du peuple royal qui est, je le répète, demande ardente, acclamation et acquiescement et qui est prévu dans l’ordo quand ce dernier est correctement suivi. On a donné au peuple kto des fonctions qui sont normalement celles du clergé mineur : la lecture ; le petit service de l’autel (encensoir, luminaires) ; mais aussi et surtout un rôle de création liturgique, de choix des textes, d’introduction de rites nouveaux, ce qui est un rôle purement épiscopal si ce n’est synodal. Mihaela parlait d’une dérive exactement inverse même si elle s’origine à la même pratique occidentale du moyen âge tardif. Surtout, à partir du concile de Trente, même si le peuple kto était encore dans son rôle et avait appris par cœur les répons en latin sous l’égide des Sulpiciens et de leurs émules, il a commencé d’être tenu à ce rôle. Participer, répondre était obligatoire. Cette bonne vieille obligation romaine qui transforme l’Eglise en caserne et le mystère en parade. La dérive dénoncée par Mihaela est également symétrique puisqu’il devient obligatoire de se taire et de rester passif…
Obliger le peuple à participer ou le lui interdire, c’est toujours renier sa royauté ecclésiale.
Et c’est tout aussi périlleux spirituellement pour le clergé – ah, ce bon vieux cléricalisme ! – mais surtout pour les choristes et chefs de chœur dont la tentation est grande de se croire sortis de la cuisse de Jupiter. Jusqu’à ces derniers mois, j’étais choriste et je sais de quoi je parle.

Je vais quand même relever une des affirmations téméraires de Grindenko, l’idée selon laquelle les instruments de musique seraient maudits de Dieu parce qu’inventés par un descendant de Caïn.
Je rappelle que Dieu ne maudit personne. Quand Caïn vient de tuer Abel, Dieu constate que le sol, la terre qui a bu le sang d’Abel crie et maudit le meurtrier. Ce n’est pas du tout la même chose et c’est Caïn qui fixe les règles du jeu, son errance et le cycle des vengeances qui le préserve, en lieu et place du repentir qui aurait tout changé. Dieu lui obéit en posant sur lui la marque qu’il a demandée ! Si on relit attentivement la Genèse, on s’aperçoit que les descendants de Caïn et ceux de Seth sont les mêmes, ils portent les mêmes noms. Mais le texte insiste, dans la postérité de Caïn, sur la spirale infernale des vengeances : Caïn sera vengé 7 fois et Lamek 77 fois. Ce que le Christ retourne en disant à Pierre de pardonner 7 fois 77 fois, encore plus vertigineux.
Effectivement, à chaque descendant de Caïn est associée une invention technique, artistique ou économique. Est-ce que ça veut dire, comme je l’ai entendu parfois, que Dieu condamne ou maudit la civilisation ? Foutaise. Le Christ a utilisé dans ses paraboles de manière positive la civilisation de son époque, il est monté sur un bateau de pêche, il a circulé dans les villes, il a utilisé le pain et le vin. C’est l’utilitarisme qui est ici fustigé et dont le lien avec l’esprit de vengeance est souligné, le jugement de valeur qui consiste à évaluer un homme en fonction de son travail, de son apport à la civilisation, au lieu de voir en lui une personne unique.
Dans la généalogie des fils de Seth, aucune œuvre n’est nommée. L’accent est mis sur l’engendrement, donc sur le don de vie et la personne – et sur l’invocation du nom de Dieu, les débuts du sacerdoce. Mais, encore une fois, les descendants de Caïn et de Seth sont indiscernables, ils portent les mêmes noms, c’est le regard qui change, la priorité des valeurs. D’un côté, utilitarisme et vengeance ; de l’autre, don de vie et lien épiclétique renoué avec Dieu.
Quant aux instruments de musique, ils étaient utilisés de manière systématique dans le culte du Temple et, dans l’Apocalypse, Jean introduit la « trompette », sans doute l’équivalent du chofar, la corne de bélier transformée en trompe utilisée comme signal neptique dans la liturgie du Temple. Par contre, ils étaient facultatifs dans les synagogues alors qu’on y chantait ou cantilait des psaumes et des hymnes : il faut dix hommes pour monter une synagogue mais nulle part il n’est dit qu’un des dix doit savoir jouer d’un instrument !
David chante, mais s’accompagne d’une harpe ou d’une cithare… il y en a plein les psaumes.
Et si saint Jean Chrysostome compare l’homme à une cithare ou une flûte dont jouerait l’Esprit Saint, je ne vois pas comment on pourrait en reprocher l’invention humaine à tel descendant de Caïn ni penser qu’ils sont en soi mauvais ou secondaires. Je ne vois pas non plus ce qu’il y aurait d’inconcevable ni de blasphématoire dans l’usage d’un instrument par le Christ (qui en a nommé dans ses paraboles) ou par Adam et Eve. Les Evangiles en ce domaine n’affirment rien, ni dans un sens ni dans un autre. Si on commence à interpréter les silences des Evangiles comme des condamnations ou des malédictions, on n’a pas fini et il faut de suite inventer un équivalent de l’Inquisition !
Le fait que la liturgie se chante a capella insiste sur l’immédiateté de la relation à Dieu dans la prière, dans l’écoute mutuelle, tandis que, pour tout ce qui concerne d’autres sens que l’ouïe, le mystère est médiatisé par un fruit de la civilisation : le pain, le vin, les objets qui les contiennent ou les voilent, l’icône qui suppose de savoir scier le bois et l’enduire d’un levkas, et de broyer les pigments avec l’œuf ; l’encens et son encensoir. Le pain et le vin, sans parler de l’huile, sont les fruits de l’agriculture, invention de Caïn ; calice, patène et astérisque ainsi que l’encensoir impliquent le travail du métal, invention de Tubal-Caïn ; les tissus, si ce ne sont pas des sous-produits de l’agriculture, lin et coton, viennent de l’élevage dont le père est Yabal ; tous des descendants de Caïn. Ce qui montre que la civilisation est redressée et transfigurée, pas maudite.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Ploscaru Mihaela
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Message par Ploscaru Mihaela »

ouf ! merci de m'avoir comprise Anne-Geneviève ; Mihaela
Kazan
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Message par Kazan »

Obliger le peuple à participer ou le lui interdire, c’est toujours renier sa royauté ecclésiale.
C'est en effet bien résumé.
Je n'ai bien sur pas votre expérience des choristes et chefs de choeur. Possible que certains outrepassent leur fonction.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Le Typikon, c’est-à-fire le règlement des offices, définit avec précision le rôle de chacun, et les paroles et les gestes qui lui reviennent. À chacun de jouer son rôle dans cette dramaturgie, ou si vous préférez dans cette chorégraphie. Il faudrait demander à Jean Starynkevitch de nous en parler avec la rigueur voulue. Sa liste sur le “Chant liturgique” en a déjà abondamment débattu.

Je note que le Symbole figure dans nos livres liturgiques non pas sous la forme adoptée par le Concile de Nicée (“nous croyons”, mais “Je crois”. Cela signifie certainement qu’une seule personne le dit — au nom de tous évidemment.

Les “Amen” de l’Anaphore sont attribués au diacre, et non au peuple.

Personne ne demande que l’ensemble du peuple présent puisse chanter l’ensemble des tropaires et des kontakia avec leurs textes infiniment variables, et les tons eux aussi variables (sans parler des idiomèles) mais l’expérience montre que le peuple s’associe spontanément aux chants les plus importants.

L’introduction de la tétraphonie a brisé cet équilibre entre le peuple et les divers célébrants en contraignant à observer une exactitude du diapason, une discipline des voix et en introduisant une nouvelle fonction, celle du chef du chœur, qu’aucun typikon n’a jamais prévu et qui s’évertue à agiter les vras devant le peuple. Le chant byzantin est le seul adapté au personnalisme liturgique.

Au fait, dans la discussion précédente, pourquoi personne encore n’a cité la musique byzantine, et pourquoi parle-t-on des dialogues liturgiques sans citer le rôle du diacre/b], qui introduit une fonction essentielle : c’est lui qui conduit la prière du peuple dans les ecténies, c’est lui qui dit constamment “prions”, c’est lui qui prononce au nom du peuple les “Amen” de l’anaphore.
Jean-Louis Palierne
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Ploscaru Mihaela
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Message par Ploscaru Mihaela »

cher Jean-Louis, dans le cas du Credo alors pourquoi faire sortir les catéchumènes puisque n'étant pas encore dans l'Eglise ils ne sauraient être représentés par le Diacre...!, et d'autre part je n'ai lu nul part que représenter ou remplaçer était le role du Diacre, mais il est vrai que mon ignorance ne permet pas de l'affirmer si fort..! et merci déjà pour vos réponses Mihaela
Sylvie
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Message par Sylvie »

Cher Jean-Louis Palierne,
Je note que le Symbole figure dans nos livres liturgiques non pas sous la forme adoptée par le Concile de Nicée (“nous croyons”, mais “Je crois”. Cela signifie certainement qu’une seule personne le dit — au nom de tous évidemment.
Je pensais que si nous disons "Je crois en Dieu…" c'est que chacun fait sa profession de foi. Chacun aura à répondre individuellement au grand Tribunal de sa foi. Nous prions ensemble le "Je crois en Dieu" car nous avons tous la même foi.

Je m'excuse si je m'exprime par intuition plutôt que par les connaissances historiques ou canoniques. Je suis toujours disposée à être corrigée si je fais erreur.

Sylvie-Madeleine
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Mihaela,

puisque vous me remerciez avant que j’aie répondu, je suis obligé de répondre pour ne pas vous faire mentir.

La fonction propre du diacre n’est pas de remplacer le peuple. D’ailleurs sans peuple il n’y aurait pas d’Église. Elle est de le représenter et de parler en son nom, d’énoncer les ecténies en son nom, d’offrir le pain et le vin en son nom (autrefois c’était à lui de faire la proscomédie) Dans une Liturgie où un diacre est présent, on le voit s’agiter et parler plus que le prêtre.

Les catéchumènes jadis ne pouvaient pas réciter le Symbole, car il leur était enseigné au moment du Baptême. Une fois que les catéchumènes (et les repentants) sont sortis le diacre demande de fermer les portes et les fidèles baptisés peuvent s’associer au Symbole, qu’ils connaissent et qui est lu par l’un d’eux. Ils ont seulement entendu les lectures.
Jean-Louis Palierne
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Ploscaru Mihaela
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Message par Ploscaru Mihaela »

je n'ai pas tant "voyagé" mais pour ce que je connais, le Credo est souvent chanté soit par tous soit par le choeur..pour le reste j'en conviens; mais quand même ma question demeure qui et quoi et quand a t il été décidé que seulement le choeur répondais Kyrie Eleison et les "Amen" pour ce que j'en ai connu en Roumanie, chez des Russes ou aussi encore en Moldavie et cher Jean Louis si le Diacre énonçe les Ecténies ou litanies comment peut-il y répondre lui-même ?! ou alors j'ai mal lu ce que vous écriviez alors en ce cas excusez-moi, je crois que je suis fatiguée Mihaela après une garde aux urgences
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