Lecteur Claude a écrit : Il faudrait recopier du fil "Profession de foi d'un catholique-romain" et transférer dans ce nouveau fil les messages relatifs à la question des azymes
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Je mets en caractères gras dans ces messages qu'une coupure rendrait inintelligibles les passages qui traitent spécifiquement du pain azyme, afin permettre au lecteur un repérage plus rapide.
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Report d’un Message de lecteur Claude Posté le: Mar 14 Fév 2006 15:37
Thomas m. a écrit :A partir de quel moment de l'histoire l'Eucharistie de l'Eglise romaine devient-elle "invalide" ?
Pour Rome même, on a un terminus ad quem: 1054 au plus tard, quand les occupants de ce siège se sont anathématisés eux-mêmes. Mais quel est le terminus a quo?
Le patriarcat de Constantinople, qui était confronté au problème de la déviation azymite, par exemple, dans les églises latines qui se trouvaient dans son ressort (Italie du Sud et Constantinople même) a été d'une grande patience et 1054 a été l'échec d'une tentative de ramener à l'unité de l'Eglise filioquistes et azymites. Disons que ce terminus a quo, le moment à partir duquel on peut avoir des doutes sérieux sur la validité de l'eucharistie à Rome, doit se situer probablement en 1014, quand l'empereur germanique Henri II a imposé le Filioque à Rome. A ce moment-là, il y avait plus de deux siècles que le Filioque souillait certaines Eglises locales, ayant été imposé pour la première fois à la chapelle de Charles le Petit (pardon, Charlemagne) à Aachen / Aix-la-Chapelle. Mais aucun patriarche de Rome, même pas Nicolas Ier, même pas les papes aux moeurs peu édifiantes du Xe siècle, même pas les papes imposés par les Ottoniens à partir de l'intervention des Allemands dans les affaires d'Italie, n'avait inséré le Filioque dans le Credo au sein de l'église locale de Rome.
En dehors de Rome, cela peut être variable selon les lieux, la Papauté centralisée créée par Grégoire VII ayant eu des difficultés à rallier tout le monde à ses vues.
Il y a des lieux où on a été azymite et filioquiste avant que Rome ne le devienne, et des lieux où l'on ne l'est devenu que sous la pression centralisatrice. Certaines Eglises locales ont particulièrement résisté: Milan, Paris, la Provence, la Hongrie... Pour l'Irlande, il fallut même organiser en 1155 une croisade confiée au roi d'Angleterre, ce bon apôtre.
On peut dire qu'à la fin du XIIe siècle, tout l'Occident est devenu officiellement papiste, officiellement filioquiste, officiellement azymite. Je dis officiellement, parce qu'il y a toujours eu une grande partie des populations pour refuser cette triple doctrine: il y a eu des orthodoxes en Italie jusqu'au XIVe siècle, et partout, il y a eu des dissidences d'autres natures. Par exemple, quand nous pensons au mouvement vaudois, cela ne nous évoque plus que 15'000 protestants ralliés au méthodisme dans les vallées vaudoises du Piémont; on oublie facilement les 15'000 Vaudois du reste de l'Italie, en grande partie produits de la mission du XIXe siècle, et les 15'000 Vaudois émigrés en Uruguay et en Argentine. Mais on oublie encore plus facilement qu'au Moyen Âge, il y eut des Vaudois dans tous les territoires sous domination spirituelle de la Papauté, ou peu s'en faut. Donc, après la période où certaines Eglises locales ont résisté au nom d'un souvenir au moins résiduel du passé orthodoxe, il y a eu des dissidences un peu partout, sans avoir toujours une idée très claire de ce pour quoi elles luttaient.
Je vous invite au passage à utiliser la fonction "Rechercher" à propos du pape Jean XV Philogatos, de la bulle Laudabiliter ou du concile de Szabolcs; vous aurez ainsi des exemples des luttes par lesquelles le filioquisme, l'azymisme et la centralisation pontificale se sont imposées en Occident.
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Report d’un Message de lecteur Claude Posté le: Mar 14 Fév 2006 19:37
Thomas M. a écrit :Vous savez qu'il y a eu des rencontres au Moyen Age entre théologiens grecs et latins, lors du concile de Lyon ou celui de Florence par exemple. Si je ne me trompe, nulle part je n'ai lu que les théologiens orthodoxes niaient la validité de l'Eucharistie des latins. Comment l'expliquez-vous ? Admettons une seconde que Rome revienne à l'orthodoxie. Son Eucharistie redeviendrait-elle de facto valide ? Enfin, j'ai cru comprendre que les Eglises orthodoxes n'étaient pas toutes d'accord au sujet de cette question de la validité de l'Eucharistie latine. Est-ce vraie ? Et si çà l'est, comment expliquer ce flottement ?
Alors, excusez-moi de vous signaler que vous ne vous êtes pas assez renseigné sur les discussions entre théologiens catholiques romains et théologiens orthodoxes au Moyen Âge.
La discussion sur les azymes a été constante. De même que la discussion sur la communion sous les deux espèces. Ou la discussion sur l'épiclèse. Cela fait tout de même trois points relatifs à la validité de l'eucharistie.
Il ne faut pas non plus s'illusionner sur le fait que beaucoup de catholiques romains doutaient eux-mêmes de la validité de leur eucharistie. Je l'ai déjà écrit à plusieurs reprises: ce forum est un forum consacré à l'Orthodoxie, et nous n'avons pas pour but d'expliquer aux catholiques romains leur propre théologie et l'histoire de leur Eglise. Même si tel théologien belge, par exemple, nous y a contraints, ou si tel autre intervenant catholique romain nous a amenés à lui citer le Coran pour démentir quelque affirmation fort hasardeuse sur la théologie islamique de la guerre sainte. Vous connaissez donc assez bien l'histoire de votre Eglise pour connaître l'aventure du mouvement utraquiste en Bohême. Et il me semble que toute l'aventure utraquiste est bien significative du fait que beaucoup de gens membres de l'Eglise catholique romaine (par choix ou par contrainte) doutaient fort de la validité de la communion telle qu'elle leur était donnée. Et que ces doutes avaient, en une vaste région, soulevé le peuple. Vous pensez aussi bien que c'est de ces doutes plus que légitimes sur la validité de l'eucharistie catholique romaine qu'est née la position protestante sur la question: si Luther affirme la présence réelle, il rejette la doctrine scolastique de la transsubstantiation et rétablit la communion sous les deux espèces. Malheureusement, Calvin sera plus radical (présence spirituelle réelle) et d'autres en arriveront au symbolisme.
[…]
Je ne vois donc pas pourquoi l'eucharistie d'une Italie suburbicaire
utilisant le pain levé, distribuant la communion sous les deux espèces, disant l'épiclèse, professant la foi orthodoxe et faisant partie du plérôme ne serait pas valide non seulement de facto, mais aussi de jure. Je ne partage pas une telle hostilité à l'égard de l'Italie suburbicaire!
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Report d’un Message de lecteur Claude Posté le: Mar 14 Fév 2006 21:06
"THomas M." a écrit :Vous savez qu'il y a eu des rencontres au Moyen Age entre théologiens grecs et latins, lors du concile de Lyon ou celui de Florence par exemple. Si je ne me trompe, nulle part je n'ai lu que les théologiens orthodoxes niaient la validité de l'Eucharistie des latins. Comment l'expliquez-vous ?
Pour expliquer un fait, encore faudrait-il que ce fait existât.
Voilà, je suis de retour chez moi, j'ai les textes sous la main.
Quand vous dites que l'on ne niait pas la validité de l'Eucharistie des filioquistes dans les discussions théologiques du Moyen Âge, je vous réponds que nous n'avons sans doute pas lu les mêmes sources.
Car le problème de la validité de l'eucharistie azymite est clairement posé, côté orthodoxe, dans la lettre de Léon d'Ohrid à Jean de Trani fin 1052-début 1053. Si ce n'est pas assez explicite à vos yeux, cela l'est au moins, et pour laisser le lecteur seul juge, je cite le passage pertinent dans la traduction française du romano-catholique RP Jugie:
"L'honneur de Dieu et un bienvieillant intérêt nous ont déterminé à écrire à Ta Sainteté et par elle à tous les évêques et prêtres de Francs (NdL: et non des Latins! Il appelle un chat un chat!), à leurs moines et à leurs laïques et au très digne pape, au sujet de l'azyme que vous vous obstinez malheureusement à conserver comme font les Juifs. Il est vrai que l'azyme et les sabbats ont été introduits chez les Juifs par Moïse, mais notre Pâque à nous est le Christ. Le Christ, certes, en voulant observer la loi tout entière, a célébré encore l'ancienne Pâque, mais aussitôt après il a célébré notre Pâque... (NdL: tiens, cela répond aussi aux questions de luzortodoxa.) Il a appelé le pain son corps. Pain se dit chez vous panis, et chez nous artos. Ce dernier mot vient de airein, élever, et signifie le pain élevé au moyen du levain. Le pain sans levain est au contraire semblable à une pierre sans vie ou à de l'argile sèche ou à une brique. Moïse a ordonné aux Juifs la manducation annuelle du pain sans levain, symbole de la tristesse; mais notre Pâque est joyeuse, elle nous soulève au-dessus de la terre, comme le levain soulève le pain... (NdL: on croirait lire le vieil Enfariné, "lo pepin vielh", dans le livre de Boudou!)". (Cité in Professeur Charles Munier, Le Pape Léon IX et la Réforme de l'Eglise, Editions du Signe, Strasbourg 2002, pp. 219 s.)
De son côté, Pierre d'Antioche considérait que le seul motif de la chute de la Papauté hors de l'Eglise était à ce moment-là le Filioque et il était prêt à tolérer par extrême économie l'usage des azymes. Toutefois, la question ne se posait plus en pratique, du fait du maintien de l'insertion du Filioque, qui était un obstacle à la réintégration de Rome dans l'Eglise.
En revanche, côté catholique romain, on n'était prêt à aucune concession sur la question du pain levé, comme on verra quelques lignes plus bas en lisant le texte de l'anathème contre les orthodoxes.
Maintenant, je vous répète que ce n'est pas à moi de vous apprendre l'histoire de votre Eglise, que vous connaissez d'ailleurs si bien. Vous savez donc que l'homme qui poussait le plus à la destruction de l'Orthodoxie en Europe occidentale, le cardinal Humbert de Moyenmoutier (du côté de Senones dans les Vosges), l'homme qui finit par s'anathématiser lui-même le 16 juillet 1054, était le porte-parole d'une fraction de vos coreligionnaires qui considérait que la fidélité des orthodoxes à l'eucharistie traditionnelle rendait invalide leur communion. Cela figure expressément dans le texte de l'anathème lancé par la Papauté contre les orthodoxes le 16 juillet 1054, rédigé par le cardinal Humbert, mais endossé par les papes successeurs de Léon IX jusqu'en 1965: "(...) comme les Manichéens, ils (les orthodoxes, NdL) déclarent entre autres choses que
le pain fermenté est animé..."
Donc, la position de votre Eglise, à cette époque-là, et probablement jusqu'à la création des Eglises uniates pour des raisons tactiques à la fin du XVIe siècle, était que l'eucharistie orthodoxe s'apparentait à un rite manichéen.
Ainsi, contrairement à votre assertion, la question de la validité de l'eucharistie se trouvait posée dès 1052, avant même qu'à la question finalement secondaire sur le plan liturgique (mais ô combien révélatrice sur le plan symbolique et spirituel) des azymes ne s'ajoutent la question de la communion sous une seule espèce et celle de l'absence d'épiclèse. Sans compter le problème qu'il ne peut pas y avoir de sacrements sans la foi qui fonde la succession apostolique. Raison pour laquelle je pense que l'eucharistie à Rome même (et non dans les Eglises locales d'Europe occidentale qui refusaient le Filoque) était probablement invalide depuis 1014.
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Report d’un Message de Lecteur Claude Posté le: Mer 15 Fév 2006 20:33
La correspondance entre Léon d'Ohrid et Jean de Trani appelle quelques remarques intéressantes.
En grec moderne, le terme άρτος ne s'emploie plus que pour désigner le pain eucharistique. Pour le pain de la vie normale, on dit ψωμί. Avantage de la langue grecque qui peut puiser dans un fonds plus archaïque pour désigner certaines réalités culturelles ou religieuses. Ce qui fait qu'un Hellène d'aujourd'hui est moins tenté que nous par une traduction aussi faible que "notre pain quotidien" (cf. tout ce qui a été écrit sur le forum à propos de la traduction du Notre Père).
A noter que, d'une manière curieuse, les autres orthodoxes ne semblent pas avoir repris cette différence, alors qu'ils auraient pu intégrer dans leur langue le άρτος de l'Evangile et de la liturgie. En russe, on a хлеб aussi bien pour le pain eucharistique que pour le pain ordinaire. En roumain, idem avec pâine. Et si la langue russe a repris άρτος, c'est pour en faire артос, qui ne désigne pas le pain eucharistique, mais un pain bénit béni par le prêtre à la fin de la liturgie de Pâques et distribué aux fidèles le samedi suivant.
Encore un point dans la lettre de Léon d'Ohrid qui fait écho aux questions de notre ami luzortodoxa. A ma connaissance, Anne-Geneviève a été la seule sur ce forum à parler de la véritable judaïsation qu'a connue l'Eglise franque sous Charlemagne et ses successeurs. Lorsque le métropolite d'Ohrid reprochait aux Francs de reprendre des usages juifs comme si la Pâque chrétienne n'avait pas eu lieu, il ne faisait que se baser sur un certain nombre de coïncidences si troublantes qu'elles ne sont plus des coïncidences.
Pourquoi les azymes apparaissent-ils en Occident au IXe siècle - donc à la même époque que le Filioque et la doctrine de la Papauté?
Pourquoi commence-t-on à remplacer le jeûne orthodoxe du mercredi, pratiqué depuis le temps de l'Eglise primitive (car c'est un mercredi que le Christ fut livré) par le jeûne du samedi, à l'imitation des Juifs, quelques décennies avant la rupture définitive? Raoul Glaber datait le début de cette pratique du jeûne du samedi de l'an 1033.
Cette influence du judaïsme peut s'expliquer par une raison pratique et une raison plus profonde. En ce qui concerne la raison pratique, l'économie de l'Etat de Charlemagne et de Louis le Pieux était fondée sur le trafic des esclaves slaves. Les consommateurs étaient les califats musulmans de Cordoue et de Bagdad. Ce commerce qui supposait de conduire les esclaves depuis les pays slaves encore païens via l'Etat carolingien vers les pays musulmans était entre les mains des Juifs raddanites, seuls intermédiaires possibles entre Islam et chrétienté. C'était la principale ressource de l'Etat carolingien et beaucoup de négociants juifs avaient ainsi acquis une influence prépondérante à la cour d'Aix-la-Chapelle. On a le témoignage intéressant de saint Angobard à propos de ce trafic dont Lyon était un des points de passage. On sait aussi que ce trafic a été ruiné quand les Suédois (les Varègues) ont découvert la voie des fleuves russes et ont pu conduire les esclaves slaves vers la mer Noire et vers la Caspienne par le Dniepr et la Volga, brisant l'activité des Raddanites et portant sans doute un coup fatal aux finances carolingiennes.
La raison plus spirituelle doit être que les Carolingiens, contrairement à leurs prédécesseurs mérovingiens qui étaient des admirateurs de la culture éclatante de l'Empire romain d'Orient, avaient fini par identifier le peuple franc à un peuple élu: Gesta Dei per Francos. D'où cette tentation inévitable de substituer la Loi à la Grâce que l'on retrouve chaque fois qu'un peuple chrétien succombe au messianisme politico-religieux. Le monde contemporain, outre-Atlantique, nous en offre un éclatant exemple. Cet orgueil national était humainement compréhensible; il l'était dans le cas des Francs comme dans celui de bien d'autres peuples passés ou présents; il était justifié par l'éclatante réussite de ce royaume qui avait survécu à tous les autres royaumes germaniques du continent et avait résisté à tout - même à la marée de l'Islam. Terrible tentation que ce messianisme national, et il est bien difficile d'y résister; dans le cas présent, il a eu des conséquences qui se font encore durement sentir de nos jours.
Je pense qu'il ne faut pas non plus négliger une possible influence arménienne dans l'apparition des azymes dans le rite dit latin. Les Arméniens monophysites utilisent en effet les azymes dans leur liturgie. C'est un des points qui les distingue des autres monophysites (Coptes, Ethiopiens, Erythréens, Syriaques et Malankars) dont les pratiques liturgiques sont beaucoup plus proches des nôtres. J'ignore si, parmi les Eglises monophysites, l'Eglise celtique de Saint-Dolay utilise les azymes ou le pain levé.
Comme les autres erreurs qui ont été à l'origine de l'éclipse de l'Orthodoxie en Europe de l'Ouest, l'azymisme est aussi un processus qui s'est étendu sur plusieurs siècles: l'usage des azymes a commencé à se répandre vers la fin du IXe siècle et n'a triomphé que vers le milieu du XIe.
Enfin, quant à l'accusation de manichéisme lancée par la Papauté contre les orthodoxes, on voit mal le lien entre l'usage du pain levé et le manichéisme. Il me semble plutôt que le manichéisme ayant été mal vu partout (sauf dans l'Empire ouïgour dont il fut un temps la religion), c'était vraiment l'accusation que l'on pouvait lancer sans risques dès lors que l'on était à court d'argument contre un adversaire.
Il est frappant de voir que cela continue de nos jours. Confronté aux intéressantes similitudes entre le bouddhisme (surtout celui du Vajrayana) et le christianisme, les chrétiens d'autrefois réagissaient en classant le Bouddha Gautama Sakyamuni parmi les précurseurs du Christ, ceux qui avaient préparé leur peuple à recevoir un jour l'illumination. Et, de même que les orthodoxes d'autrefois peignaient des frises des philosophes avec Socrate, Cicéron et autres sages de l'Antiquité qui avaient préparé l'avènement du Christ sur les murs extérieurs des églises, ils avaient christianisé la figure du Bouddha sous le nom de saint Joasaph ou Josaphat, comme cela a été mentionné à plusieurs reprises sur ce forum et sur l'ancien.
Que font les chrétiens contemporains face à ces troublantes similitudes dans lesquelles les chrétiens d'autrefois voyaient les semences du Verbe et la préparation à la vraie Lumière? Malgré toutes les preuves archéologiques qui confirment que le sage des Sakya, alias notre saint Josaphat prince de l'Inde, a bien vécu au VIe siècle avant NSJC, une école particulièrement hargneuse dans la dénonciation de tout ce qui n'est pas thomiste comme relevant du gnosticisme (y compris saint Grégoire Palamas et Blaise Pascal) a lancé le bobard que le bouddhisme ne serait qu'un déguisement asiatique du manichéisme (lui-même supposé gnostique), qu'il n'y aurait aucune trace du bouddhisme avant le IIIe siècle de notre ère, etc. Même dans le milieu catholique intégriste dont fait partie cette école, il s'est trouvé un prêtre courageux comme l'abbé Grégoire Celier pour essayer d'appeler ces auteurs à un peu plus de respect de la vérité historique. Alors, que dois-je penser quand je vois des orthodoxes eux-mêmes reprendre ce bobard qui est un véritable défi à la science historique et archéologique sur tel ou tel site orthodoxe belge?
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Report d’un message de Lecteur Claude Posté le: Lun 27 Fév 2006 11:22
A propos de la question des azymes, un correspondant me fait remarquer qu'il ne l'a pas trouvée parmi les points de désaccord discutés dans le remarquable ouvrage publié en 1993 à L'Âge d'Homme par deux prélats paléohimérologites, NNSS. Photios (Terestchenko) et Philarète (Motte), Le nouveau catéchisme contre la foi des Pères.
La première remarque qui s'impose est que cet ouvrage, de par sa petite taille, ne pouvait prétendre à l'exhaustivité.
La deuxième remarque est que la question des azymes a fait l'objet d'une discusssion et d'une décision concrètes dans l'Eglise orthodoxe au XXe siècle.
J'ai indiqué dans un message antérieur que, dans sa correspondance de 1054 avec le patriarche oecuménique Michel Cérulaire, le patriarche Pierre d'Antioche avait indiqué que, par extrême économie, on pourrait éventuellement tolérer l'usage des azymes dans l'Eglise franque (abusivement dite romaine) si celle-ci abandonnait l'insertion du Filioque.
Cette ouverture était restée théorique, puisqu'il n'y avait pas abandon du Filioque, obstacle dogmatique insurmontable. Pendant des siècles, les filioquistes qui sont retournés à l'Orthodoxie l'ont fait dans le sein de paroisses orthodoxes existantes, qui avaient toutes le rit byzantin. L'usage de rits occidentaux dans l'Orthodoxie prend fin à la fin du XIIIe siècle avec l'abandon du monastère orthodoxe italien des Amalfitains au Mont Athos. (Le Mont Athos s'est toujours voulu multiculturel. Mais si, aujourd'hui, ce multiculturalisme se traduit par l'existence de monastères russe, bulgare et serbe et de skites roumains à côté des monastères et skites grecs, il se traduisait au Moyen Âge par l'existence d'un monastère arménien, Vatopaidi, devenu aujourd'hui grec; d'un monastère géorgien, Iviron, devenu aujourd'hui grec; d'un monastère italien - et non pas italo-grec - , Amalfion, abandonné au plus tard vers 1287.)
Mais on sait que, depuis le temps d'Overbeck, il y a eu un mouvement pour la création, au sein de l'Eglise orthodoxe, de paroisses utilisant des rits occidentaux. Je n'aborderai pas ici la question du rit dit de saint Germain de Paris promu en France par l'ECOF et aujourd'hui utilisé de temps à autre par un certain nombre de paroisses orthodoxes: ce rit se veut une reconstitution d'un rit gallican qui fut liquidé par Pépin le Bref et Charlemagne, et il a été complété par de nombreux emprunts au rit byzantin.
Mais nous savons qu'il existe aux Etats-Unis (et maintenant dans l'Ontario) et qu'il a existé en Grande-Bretagne un certain nombre de paroisses orthodoxes utilisant des rits occidentaux plus récents: le rit dit de saint Grégoire le Grand, qui est une orthodoxisation du rit tridentin, et le rit dit de saint Tikhon, qui est une orthodoxisation du Book of Common Prayer anglican.
Je l'ai déjà écrit à plusieurs reprises sur ce forum. A propos de l'usage des rits dits occidentaux dans l'Eglise orthodoxe, il y a deux questions bien différentes, qui sont celles de leur opportunité et celles de leur légalité.
Sur la question de l'opportunité, j'estime pour ma part que cet usage n'est pas opportun, et ce pour au moins quatre raisons: (1) le rit byzantin est universel et transmet déjà toutes les richesses de la foi, et il me paraît plus urgent de le traduire et de l'enraciner que de faire des expériences liturgiques limitées; ce qui a été possible pour les Japonais ou à plus forte raison pour les Estoniens est possible pour les Romands ou les Californiens; (2) ces paroisses orthodoxes de rit occidental doivent dépenser une énergie considérable pour faire passer dans leur rit des propres de saints orthodoxes du deuxième millénaire ou des enseignements qui ne sont conservés que dans le rit byzantin; (3) ces paroisses orthodoxes de rit occidental doivent aussi dépenser beaucoup d'argent pour se procurer des ornements et des objets liturgiques qui, tout en n'étant pas ceux du reste des orthodoxes, ne sont plus en usage chez les catholiques romains, les vieux-catholiques ou les anglicans; (4) et surtout - mais cela vaudrait un post entier, reprenant la lettre de Khomiakov à Palmer et répondant d'avance aux vaines questions sur ce qui se passerait si "Rome" ou "Cantorbéry" décidait ceci ou cela - l'Orthodoxie n'est pas une idéologie et on n'entre pas dans le Corps du Christ comme on adhère à un parti politique.
L'opportunité est une chose et est affaire d'opinion et, sur ce point, la mienne ne vaut pas plus a priori que ceux des prêtres du rit occidental aux Etats-Unis.
Sur cette question, force est de constater que l'Eglise orthodoxe a fait preuve d'une extrême ouverture et a accepté des rits et des pratiques liturgiques fort éloignées de la tradition dite byzantine. Le souci de distinguer ce qui était la Tradition dogmatique, liturgique et spirituelle des traditions nationales et culturelles a été poussé très loin - trop loin à mon avis, mais c'est une autre discussion.
La légalité est une autre chose. J'entends ici par légalité la question suivante: quelles étaient les conditions nécessaires pour que des adaptations du rit tridentin ou du rit anglican soient recevables dans l'Eglise orthodoxe? Autrement dit, qu'est-ce qui, dans le rit tridentin ou le rit anglican, portait la marque des évolutions, qui à partir du IXe siècle, conduisirent au schisme, ou qui, pire encore, était la marque d'une évolution dogmatique contraire à l'Orthodoxie après le schisme?
Il s'agissait de l'insertion du Filioque (dès 792 à Aix-la-Chapelle / Aachen, en 1014 à Rome),
de l'utilisation des azymes (apparue à la fin du IXe siècle et généralisée à la fin du XIe), de la communion sous la seule espèce du pain (apparue au XIe siècle et généralisée au XIIe) et de la disparition de l'épiclèse à cause de la théologie du prêtre agissant in persona Christi.
Et bien, nous avons la réponse, puisqu'il y a maintenant,
et depuis 1958, des paroisses orthodoxes utilisant la liturgie dite de saint Grégoire le Grand ou la liturgie dite de saint Tikhon sous la juridiction du patriarcat d'Antioche, du patriarcat de Moscou et de l'Eglise russe hors frontières.
La plupart des lecteurs savent que l'Eglise orthodoxe, pour adapter ces liturgies à l'ethos et à la foi orthodoxes, a imposé l'ajout du Trisagion (question non dogmatique, mais il fallait bien une prière qui soit commune à tous les rits), la suppression de l'insertion du Filioque et le rétablissement de l'épiclèse et de la communion sous les deux espèces.
Ce que tout le monde ne sait pas, c'est qu'à cette occasion, on a aussi imposé l'abandon des azymes.
Je me permets de reproduire ici un extrait d'un article de l'évêque Isaïe de Denver (Colorado), de l'Archevêché orthodoxe grec des Amériques (Patriarcat oecuménique de Constantinople), publié en février 1995 dans les Diocesan News for Clergy and Laity (Moniteur diocésain pour le clergé et le peuple) du diocèse de Denver, et reproduit sur le site Internet des partisans du rit occidental à l'adresse
http://www.westernorthodox.com/greekdenver . Voici le passage relatif à la question des azymes:
"The ancient question that continues to divide the Roman Catholic and Western Churches from the Orthodox Church regarding the use of leavened or unleavened bread in the Eucharist had to be resolved when the Western Rite parishes were received into the Orthodox Church. The host used in Western Rite liturgies resembles the unleavened wafer used by Roman Catholics and Episcopalians, but in fact it is leavened—although flattened—bread. The use of leavened bread in accordance with Orthodox theology, was required by Metropolitan Philip when he recieved these parishes into Orthodoxy. Interestingly, antidoron is also blessed and distributed at these Liturgies. " (NdL: souligné par moi)
Ma traduction:
"Au moment de la réception dans l'Eglise orthodoxe des paroisses du rit occidental, il fallut résoudre la vieille question qui continue de séparer l'Eglise orthodoxe et les Eglises romano-catholique et occidentales à propos de l'usage du pain levé ou des azymes dans l'Eucharistie. Le pain eucharistique utilisé dans les liturgies du rit occidental ressemble à l'hostie azymite utilisée par les catholiques romains et les épiscopaliens, mais en fait elle est du pain avec du levain - quoiqu'aplati. L'usage du pain levé conformément à la théologie orthodoxe fut exigé par le métropolite Philippe (NdL: il s'agit du métropolite Philippe [Saliba] du patriarcat d'Antioche) quand il reçut ces paroisses dans l'Orthodoxie. (NdL: souligné par moi.) Fait intéressant, l'antidoron est aussi béni et distribué lors de ces liturgies."
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Report d’un message d’Anne Geneviève Posté le: Jeu 02 Mar 2006 15:01
[…]
Juste un mot pour compléter ce que vous dites des azymes, Claude. Lorsque les frères Kovalevsky ont voulu reconstituer le rit des Gaules, une de leurs premières décisions fut de remplacer les azymes par une prosphore tout ce qu’il y a de plus orthodoxe. On peut discuter à l’infini des qualités et des défauts d’Eugraph Kovalevsky mais sur cette question des azymes, il n’a pas eu la moindre hésitation.