Sylvie a écrit :Merci Lecteur Claude pour toutes ces informations de la situation Orthodoxe dans le monde.
En faisant des recherches sur ce forum à propos de la Croatie, j'ai trouvé quelques fils pertinents ;
Un post sur la situation démographique des Orthodoxes.
viewtopic.php?p=3153#3153
Un autre sur l'histoire de Stepinac.
viewtopic.php?t=125&start=0&postdays=0& ... ht=croatie
Ça m'ébranle énormément que l'Église Catholique puisse canoniser des persécuteurs. Ce n'est rien pour aider à l'unité. Je la crois impossible à réaliser.
Le dernier fil de discussion est sur l'histoire de Medjugorje.
viewtopic.php?t=31&start=0&postdays=0&p ... ht=croatie
Je vous avoue en rougissant que lorsque j'étais Catholique, j'espérais pouvoir un jour faire ce pèlerinage dans ce lieu bénit.
Bien entendu, dans les nouvelles qui nous étaient rapportées, c'était les Croates qui étaient les persécutés et non les persécuteurs.
Est-ce que l'Église Orthodoxe, pense canoniser ceux qui sont morts à cause de leur foi en réponse à la canonisation de Stepinac ? Ou bien elle ne le fait pas pour ne pas nuire à l'oecuménisme ?
Madeleine
En ce qui concerne Medjugorje, il faut rappeler que l'épiscopat croate lui-même a refusé de reconnaître ces "apparitions" unanimement considérées comme une mise en scène des franciscains de l'endroit.
En ce qui concerne la canonisation des nouveaux-martyrs orthodoxes tombés sous Pie XII, Stepinać et Pavelić, cette canonisation était tout simplement impossible du temps du régime communiste yougoslave (il est vrai dirigé pendant trente-cinq ans par le Croate Joseph Broz dit Tito). Le régime communiste niait toutes les oppositions ethniques et religieuses. Il était donc interdit de dire que le catholicisme croate avait exterminé un million d'orthodoxes qui voulaient rester fidèles à leur foi; ces derniers devenaient de vagues "victimes du fascisme". Or, dans le cas du génocide perpetré par l'Etat indépendant de Croatie, les vrais fascistes, c'est-à-dire l'armée de Mussolini, ont au contraire déployé des troupes pour protéger les églises orthodoxes dans leur zone d'occupation des déprédations des Oustachis. On a donc mis sur le dos du fascisme quelque chose qui était la responsabilité du papisme.
Mais, depuis la chute du communisme, le patriarcat orthodoxe de Belgrade a pu commencer la vénération liturgique de ces nouveaux-martyrs. Il existe au calendrier liturgique, à la date du 15 juin, une mémoire de tous les nouveaux-martyrs serbes tombés depuis la bataille du Champ des Merles en 1389, et cela inclut les nouveaux-martyrs du régime oustachi. Ils ont aussi leur icône que j'espère reproduire sur ce forum à l'occasion. Et plusieurs de ces martyrs, en particulier des évêques, ont déjà eu leur canonisation officielle. Ce qui a ralenti le processus de canonisation n'était pas l'oecuménisme, mais le communisme.
De même, en Roumanie, il faut se souvenir que le nord de la Transylvanie, soit une région de 44'216 km2, alors peuplée de 2'667'000 habitants dont 49,2% de Roumains ethniques (le reste étant des Magyars, des Sicules, des Juifs, des Saxons, des Tsiganes et des Ruthènes) avait été livré à la Hongrie par Hitler lors du prétendu "arbitrage de Vienne" du 29 août 1940. Pendant quatre ans, jusqu'à la libération totale de cette région par l'armée roumaine le 25 octobre 1944 (le jour de l'anniversaire du roi Michel...), l'occupant y a pratiqué une politique féroce visant à modifier l'équilibre ethnique et religieux de cette région. Il y avait des expulsions massives d'habitants roumains, touchant 217'942 personnes chassées de leur foyer. (Mais l'occupant allemand a fait la même chose vis-à-vis des Alsaciens-Lorrains en 1940; qui se souvient des 57'655 Mosellans expulsés en dix jours, du 12 au 22 novembre 1940, et que le Garde des sceaux du maréchal Pétain, le Docteur Alibert, pleurant de rage et de honte, fut le seul ministre à accueillir sur les quais de la gare des Brotteaux à Lyon ?) Il y avait des massacres (ce qu'il n'yeut pas en Alsace-Lorraine), comme à Ip, le 13 septembre 1940, avec l'assassinat de 157 villageois roumains. Il y avait la persécution de la langue roumaine (et aussi, d'une manière plus feutrée, de la langue allemande). Mais, ce qui rapproche le cas de l'occupation hongroise en Transylvanie du Nord de la situation de l'Etat indépendant de Croatie, c'est la tentative d'éradiquer l'Orthodoxie, les prêtres orthodoxes étant les premiers visés (comme le prêtre martyr Aurèle Munteanu), tandis que la population se voyait fermement inviter à se convertir aux religions "hongroises" comme le catholicisme romain, le calvinisme ou l'unitarisme. (Alors qu'il y a toujours eu en Hongrie une minorité orthodoxe assez bien tolérée!) Devant l'échec de ces tentatives, le régime hongrois en vint même, comme le fit aussi le régime croate, à inventer de toutes pièces une Eglise orthodoxe à sa dévotion, confiée en Croatie et territoires occupés par la Croatie à l'évêque russe Hermogène et en Hongrie et territoires occupés par la Hongrie au prêtre russe Popoff. Certes, le régime de l'amiral Horthy était quand même plus civilisé et nettement moins terroriste que celui de Pavelić et du "bienheureux" Stepinać. Le bilan humain des persécutions anti-orthodoxes en Transylvanie du Nord en 1940-1944 est sans doute cinq cents, ou mille fois, moins sanglant que celui de l'action des Pavelić, Kvaternik, Stepinać, Budak, Sarić, Filipović et autres ilustrations du cléricalisme en Croatie. Mais il y a beaucoup de points communs entre ces deux séries d'événements. Et ils ont été présentés de la même façon par le régime communiste qui, en Translyvanie aussi, a transformé les persécutions à base ethnique ou religieuse en manifestations du "fascisme" polymorphe et fantasmatique, alors que l'amiral Horthy était l'ennemi des fascistes hongrois. Et c'est ainsi que les victimes de la persécution anti-roumaine et anti-orthodoxe en Transylvanie du Nord devinrent des victimes du "fascisme", présentation bien commode reprise aujourd'hui encore par les guides touristiques publiés en Europe de l'Ouest; par exemple, le guide Petit Futé Roumanie, édition 2003, pourtant fort bien fait, nous informe (p. 241) qu'à Treznea "se trouve un mémorial aux victimes des massacres (près de 250 victimes) perpétués par les pro-nazis en 1940 à Treznea et Ip"; les "pro-nazis" en question étaient naturellement l'armée hongroise, l'armée régulière du très calviniste et pas du tout nazi amiral Horthy Miklós, et ces massacres ayant eu beaucoup plus à voir avec le filioquisme qu'avec le nazisme... Mais il y a des mots qui fâchent, alors il est bien plus commode de tout mettre sur le dos du "fascisme", n'est-ce pas?
La bibilographie sur le génocide oustachi est assez abondante, grâce au courage de Vladimir Dimitrijević qui publia en 1998 à L'Âge d'Homme à Lausanne la traduction française de la somme de Marc-Aurèle Rivelli,
Le génocide occulté, à l'origine écrit en italien mais dont le Vatican empêchait la publication en Italie. (L'auteur lui-même me l'a raconté.) En revanche, personne n'a encore traduit en français le livre de Vladimir Dedijer sur l'enfer du camp croate de Jasenovać, seulement traduit en allemand aux éditions Ahriman Verlag sous le titre
Das jugoslawische Auschwitz und der Vatikan (
L'Auschwitz yougoslave et le Vatican).
En revanche, sur la persécution de l'Eglise orthodoxe dans le nord de la Transylvanie en 1940-44, je ne connais qu'un seul livre:
Dr Michel Fătu
Biserica românească din nord-vestul ţării sub ocupaţia horthystă (1940-1944) (
L'Eglise roumaine du nord-ouest du pays sous l'occupation horthyste)
Editions de l'Institut biblique et de mission de l'Eglise orthodoxe roumaine
Bucarest 1985
(cf. pp. 57 sur le massacre à Ip, pp. 86-88 pour le martyre du prêtre Aurèle Munteanu, pp. 131-136 pour la tentative de confier une Eglise orthodoxe horthyste au prêtre déchu Popoff, pp. 197-203 pour des photographies des expulsions de masse...)