Alors d'abord sur le statut du Musulman qui change de religion. Ce sujet a déjà été abordé sur le forum à travers le témoignage de Gérard de Nerval sur le martyre d'un Arménien qui était revenu à sa religion en 1843.
Dans l'Islam classique:
"En droit islamique, l'apostat est celui qui, étant Musulman, soit par la naissance, soit par la conversion, renonce à sa foi. Dans le Coran, il n'est menacé que des peines de l'Enfer: "Celui qui renie Allah après avoir eu foi en Lui - excepté celui qui a subi la contrainte et dont le coeur reste paisible en sa foi -, ceux dont la poitrine s'est ouverte à l'impiété, sur ceux-là tomberont le courroux d'Allah et un tourment terrible." (Cor. XVI 106; cf. II 217; III 77, 86 à 91, 106, 177; IV 115 et 137; V 3, 52 et 53; VIII 13; XVI 106 et 107; XLVII 25 sv.) Au contraire, la Sunna proclame la peine capitale à l'encontre de l'apostat. Le Prophète a dit en effet: "Celui qui change de religion, tuez-le."
D'après les docteurs de la loi, l'apostat doit être mis à mort, à condition qu'il soit majeur, en possession de toutes ses facultés et n'ait pas agi sous l'effet de la contrainte. D'après les Malékites, les Chaféites et les Hanbalites, la peine de mort doit également être appliquée à la femme, à moins qu'elle soit enceinte; dans ce cas, elle est exécutée après la délivrance. D'après les Hanéfites et les Chiites, la femme ne subit pas la peine capitale; elle est simplement incarcérée jusqu'à ce qu'elle revienne à résipiscence. Les auteurs sont en désaccord sur la forme de la peine capitale et sur la question de savoir s'il faut impartir à l'apostat un délai pour le ramener à la foi. L'apostasie entraîne en outre des conséquences de droit privé: confiscation des biens, annulation du mariage, etc. que nous n'avons pas à approfondir ici.
Si l'apostat parvient à prouver qu'il ne s'était converti à l'Islam que sous l'effet de la contrainte, les Malékites et les Chiites l'autorisent à revenir à sa foi primitive. D'après Abu Hanifa et Malik, le Dimmi est libre d'abjurer sa foi pour embrasser l'Islam ou toute autre religion tolérée par l'Islam: Judaïsme, Christianisme, Parsisme, etc. Selon Saf'i et Ibn Hanbal, le Dimmi ne peut renoncer à sa confession que pour devenir Musulman. Autrement, sa conversion doit être considérée comme une apostasie, d'après certains auteurs, et comme un crime passible de flagellation, de prison et même de banissement dans les quatre mois, d'après d'autres. Cependant, d'après une opinion attribuée à Ibn Hanbal, un Mage est admis à devenir Juif ou Chrétien, mais un Scripturaire n'est pas admis à se convertir au Parsisme."
(Dr Antoine Fattal, conseiller d'Etat, Le statut légal des non-musulmans en Pays d'Islam, Dar-el-Machreq, Beyrouth 1995, pp. 164 s.; ouvrage couronné par la faculté de droit de Paris.)
Il suffit de consulter le calendrier des saints de l'Eglise orthodoxe, jour après jour, pour voir de quelle manière ces règles furent appliquées, au moins jusqu'en 1844 où, sous la pression des puissances occidentales, le gouvernement ottoman promit qu'il n'y aurait plus d'exécutions pour fait de religion. (L'accalmie ne dura en fait qu'une cinquantaine d'années.)
Situation dans le monde contemporain:
"Les pays arabes, conscients de cette opposition occidentale, n'ont pas inclus dans leurs codes pénaux modernes une dispoistion sur l'apostasie. Deux codes font exception, les codes soudanais et mauritanien. Le code soudanais de 1991 dit à son article 126:
1) Commet le délit d'apostasie tout musulman qui fait de la propagande pour la sortie de la nation de l'Islam (millat al-Islam) ou qui manifeste ouvertement sa propre sortie par un dire explicite ou par un acte ayant un sens absolument clair.
2)Celui qui commet le délit d'apostasie est invité à se repentir pendant une période déterminée par le tribunal. S'il persiste dans son apostasie et n'a pas été récemment converti à l'Islam, il sera puni de mort.
3) La sanction de l'apostasie tombe si l'apostat se rétracte avant l'exécution.
D'autre part, le Code pénal mauritanien (NdL: un pays membre de l'Organisation intenationale de la Francophonie; où sont les grands "francophones" donneurs de leçons à la terre entière en matière de respect des droits de l'Homme?) dit à son article 306:
(...)
Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours.
S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d'une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article.
Toute personne coupable du crime d'apostasie (Zendagha) sera, à moins qu'elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.
(...)
A signaler ici la discrétion du code pénal marocain qui punit seulement celui qui amène un musulman à apostasier et ne dit rien de l'apostat lui-même. (...)
Lors de son discours du 8 mai 1990 annonçant la création du Conseil consultatif des droits de l'homme, le Roi Hassan II dit:
Nous sommes excédés, tous les Marocains sont excédés par tous ces propos tendant à faire croire qu'il existe au Maroc des prisonniers pour raisons politiques.
Si l'on estime dans certains milieux que c'est un délit politique que de porter atteinte à Dieu - Dieu me pardonne cette évocation -, à la Patrie et au Roi et d'attenter à nos croyances et à notre constitution, mon acception est toute autre, et je ne tiens pas à ce qu'ils la partagent.
Y a-t-il un seul musulman qui puisse circuler à travers le pays pour dire "embrassez telle autre religion que l'Islam"? Avant de se repentir, il devrait être soumis à un examen de son état mental par des médecins spécialisés. S'il persiste dans son appel à se convertir à une religion autre que l'Islam, religion de Dieu, il sera alors jugé et quelle que soit la sentence qui sera prononcée à son encontre, il ne saurait être qualifié de prisonnier politique. (cf. Bulletin d'information, Ambassade du Maroc, Berne, 21 mai 1990.)
L'apostasie ne serait donc plus un délit politique, mais un délit tout de même. Le Roi Hassan II ne dit pas en vertu de quelle loi l'apostat serait jugé puisque le code pénal marocain ne parle pas de celui qui apostasie.
(...)
Il n'est donc pas nécessaire d'avoir une loi écrite pour pouvoir punir un apostat. Mahmud Mohammed Taha (1916-1985) a été pendu pour apostasie le 18 janvier 1985 au Soudan malgré l'absence de disposition relative à ce délit dans le code pénal de 1983.
L'exécution des apostats malgré l'absence de norme légale a lieu aussi en Arabie saoudite. Ce pays ne dispose pas de code pénal moderne, mais d'une série de décrets dont aucun ne concerne l'apostasie. En cette matière, le droit pénal musulman classique non codifié reste en vigueur et il est appliqué dans toute sa rigueur. Le 3 sept. 1992, fut exécuté publiquement par l'épée Sadiq Abd-al-Karim Mal-Allah, un shiite, que les autorités ont considéré comme apostat. Il était emprisonné depuis juillet 1992 et torturé pour l'obliger d'abandonner le shiisme et de devenir wahhabite. Plusieurs fatwas de chefs religieux de ce pays considèrent les communutés saoudiennes shiite, ismaélite et zaydite comme hérétiques."
(Dr Sami Aldeeb Abu-Sahlieh, vice-directeur de l'Institut suisse de droit comparé, Les musulmans face aux droits de l'homme, Editions Dr. Winkler, Bochum (RFA) 1994, pp. 108-110.)
A vrai dire, le but de ce message n'est aucunement d'attaquer l'Islam. Mais lorsqu'un catholique romain (!) vient nous faire de la propagande en faveur de l'Islam sur notre forum, j'estime que certaines bornes sont franchies et qu'il n'est pas plus mal de dire la vérité.
Et puis, quand j'ai lu le :
du message de la nuit dernière sur le forum, j'ai tellement eu l'impression de lire les propos de Sa Majesté Hassan II dans son discours du 8 mai 1990:Alors pourquoi un musulman (ou un autre croyant) vivant pleinement sa vie d'homme et de croyant se convertirait-il à une autre religion?
comme si le fait de choisir soi-même sa religion, de chercher la Vérité et de la trouver par soi-même, et de rencontrer Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie (Jn 14, 7) était extravagant, anormal ou relevant de la maladie mentale,Sa Majesté Hassan II a écrit :Y a-t-il un seul musulman qui puisse circuler à travers le pays pour dire "embrassez telle autre religion que l'Islam"? Avant de se repentir, il devrait être soumis à un examen de son état mental par des médecins spécialisés.
que je me suis dit qu'il fallait absolument citer les ouvrages de Fattal et Abu-Sahlieh.
Cela étant, loin de moi l'idée de tourner particulièrement en ridicule feu le roi Hassan II. Pour lui, le musulman qui voulait changer de religion s'assimilait à un malade mental. Vous noterez que c'est à peu près de cette manière que les media ou certaines associations "anti-sectes" parlent systématiquement des gens qui rejoignent les Témoins de Jéhovah, les Raëliens, etc. De mon point de vue, le jéhovisme, le raëlisme ou le culte du Christ de Montfavet (assez passé de mode et mentionné seulement pour mémoire) sont des religions pour le moins extravagantes. Mais je me garderais pour autant de dire que ceux qui les rejoignent sont des malades mentaux ou des gens qu'il faut absolument soigner malgré eux. Et je constate qu'Hassan II n'avait pas le monopole de ce type d'intolérance.