Augustin, Jean Cassien et Prosper d'Aquitaine

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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Possible que je surestime. Mais comme tout ce qui est psychothérapie est à la mode en Amérique, surtout si c'est tout neuf, j'ai pensé à cette source. Je peux me tromper. Influence des Mormons ? Si c'est le cas, il faut envisager un intermédiaire dans le monde protestant. J'avoue que je n'ai pas le punch de lancer une enquête fouillée sur ce point mais si je trouve de la doc...
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Sylvie
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Message par Sylvie »

Chers amis,

J'ai sous la main le livre de Jean Pliya, " des ténèbres à la lumière….Osez prier pour la délivrance" où nous retrouvons pourquoi et comment faire "l'Eucharistie pour la guérison et la délivrance de l'arbre généalogique.". page 124 et suivantes.

Je ne sais pas s'il y a lieu d'approfondir sur la messe des ancêtres dans ce fil. Je ne pense pas que ce soit encore très répandu. Je trouve par contre très intéressant l'explication du purgatoire et la mission de Jésus sur la généalogie humaine par son sacrifice expiatoire sur la Croix.

Introduction
"Il existe une communion en Jésus-Christ entre les saints déclarés "saints" par l'Église, tous ceux qui sont morts et qui ont besoin de purification et les baptisés qui vivent ici-bas." (C.E.C no 954) Les défunts ne sont pas des ex-vivants ; ils sont plus vivants que nous. Si leur mort est absence pour nous, elle est nouvelle naissance pour eux. Cependant, certains, parmi ceux qui ont achevé leur vie terrestre, ont besoin d'être purifiés pour pouvoir entrer dans l'intimité de Dieu. Ils sont dans un état transitoire, le "purgatoire". Nos prières pour eux peuvent contribuer à cette purification et hâter en quelque sorte leur marche vers le pur amour.
L'Eucharistie, communion au Christ ressuscité, rassemble en lui, "les vivants et les morts". C'est la plus grande des prières d'intercession, de guérison et de libération. En y associant nos sacrifices, nos jeûnes par exemple, "Nous pouvons réaliser dans notre vie, concrètement, le verre d'eau qu'ils n'ont pas donné, le temps de la prière qui manque, l'amour pas assez vécu et compléter ce qu'ils sont en train d'achever de l'autre côté". (Jean Vernette)

Mais la grâce rédemptrice du Christ est si totale qu'en contribuant à libérer nos défunts, l'Eucharistie nous guérit aussi, nous les vivants, de tous les maux résultant des liens généalogiques.

"En effet dans l'échange d'amour dont le Christ est médiateur nous pouvons expérimenter suffrage et pardon, réconciliation et paix, libération des chaînes et des dépendance, guérison des mémoires négatives et des hérédités, cicatrisation des blessures, résolution d conflits familiaux qui continuent de tourmenter et de détruire de génération en génération." (Dom Renato Tisot)

Le Dr Kenneth Mc All, un médecin psychiatre britannique, de religion anglicane, a été l'un des premiers à constater que les patients pour lesquels l'on prie de façon précise et sincère au cours de la célébration du sacrement de l'Eucharistie reçoivent de grandes guérisons de maladies à la fois physiques et spirituelles ; celles-ci pouvant être la conséquence de traumatisme familiaux anciens tels que suicide, avortement, fausses couches, meurtres, malédictions, occultisme, etc. La guérison survient lorsque l'on remet à dieu, par Jésus-Christ, dans une prière d'intention spécifique, les personnes décédées non regrettées ou non reconnues. Il s'agit de déclarer fermement que l'on veut offrir une Eucharistie pour quiconque a besoin d'être secouru et libéré et de prier pour rompre l'hérédité démoniaque de la lignée familiale en confessant les péchés relatifs à l'occultisme et à l'idolâtrie.



L'importance de cet arbre généalogique se révèle dans la vie et dans la mission de jésus. Saint Matthieu la pose dès le début de son Évangile pour démontrer l'enracinement historique du Verbe fait chair, en lui faisant porter sur ses épaules les ancêtres, à partir d'Adam.

….

En entrant dans la généalogie humaine, le Christ a transformé par son sacrifice expiatoire, l'arbre de la croix en arbre de re-génération. Il a brisé la solidarité négative qui pesait sur l'humanité depuis le péché d'Adam, jusqu'à mon péché personnel et qui a porté préjudice à tout l'arbre généalogique humain. L'histoire de David repenti et pardonné mais dont la descendance a été lourdement marquée le prouve bien.

Mais Jésus, le serviteur de Yahvé, le serviteur souffrant, a pris sur lui l'iniquité et le châtiment de tous et nous a offert la guérison. "Par sa connaissance, le juste mon serviteur, justifiera les multitudes en s'accablant lui-même de leurs fautes… Il portait le péché des multitudes, il intercédait pour les criminels " (Isaie 53, 11-12 )
Madeleine
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Archevêque Basile Krivochéine

L'ŒUVRE SALVATRICE DU CHRIST
SUR LA CROIX ET DANS LA RESURRECTION 

Exposé de l'archevêque de Bruxelles et de Belgique Monseigneur Basile (Krivochéine), constituant la réponse officielle de la Com­mission interorthodoxe pour le dialogue théologique avec les angli cans, discuté et approuvé par la Commission interorthodoxe à sa session à Chambésy (Genève)
les 7-11 septembre 1972. 

Dès l'abord il faut noter que pour la conscience ortho doxe et, en conséquence, pour la théologie orthodoxe, de même que pour la vie liturgique orthodoxe où celles-ci sont expri mées, il est impossible de séparer l'œuvre salvatrice du Christ sur la Croix et dans la Résurrection de l'ensemble de Son œuvre de salut. Cette œuvre de salut en tant qu'expression de l'amour divin pour l'homme — lequel, bien qu'il fût déchu et se soit détourné de Dieu, reste cependant Sa créature, faite à Son image et à Sa ressemblance, — est une dans son essence et ses moments particuliers sont étroitement liés entre eux : l'Incarnation, la mort sur la Croix, la Résurrection, l'Ascension et enfin l'envoi de l'Esprit-Saint de la part du Père, ce dernier moment étant déjà en dehors de la vie terrestre du Sauveur. Toutefois dans la vie liturgique de l'Eglise, dans laquelle s'exprime sa conscience théologique, on peut distinguer deux cycles liturgiques au cours desquels sont commémorés les événements fondamentaux de notre salut, à savoir le cycle consacré à la Nativité et à la Théophanie, autrement dit à l'Incarnation du Verbe pré-éternel et à Sa manifestation au monde, et le cycle consacré à la commémoration liturgique de la mort du Christ sur la Croix, de Sa Résurrection au troisième jour, de Son Ascension et de l'envoi de l'Esprit-Saint, événement dont nous contem plons le fruit dans la fête de tous les Saints qui vient conclure ce cycle. Le centre et le moment ultime de ce cycle — comme d'ailleurs de toute l'année liturgique — est sans aucun doute la fête de la Sainte Pâque, la glorieuse Résurrection du Christ d'entre les morts. Par conséquent, dans cet exposé nous allons nous concentrer sur ce cycle « pascal », sans oublier cepen dant son lien avec le cycle de l'Incarnation.

Nous devons tout d'abord souligner que pour la cons cience théologique ecclésiale orthodoxe toute l'œuvre du Christ et en particulier Sa crucifixion sur la Croix et Sa mort rédemptrice, sont un mystère insondable et inexprimable, leur sens et leur portée ne peuvent être exprimés complètement et avec exactitude dans le langage des notions humaines sans risque d'être déformés ou réduits. Pour la raison humaine non éclairée par la grâce, la Croix du Seigneur restera tou jours quelque chose d'inacceptable et d'abject, alors que pour nous, croyants, elle est une « force invincible, et incom préhensible, et divine » (grandes complies). Comme l'écrit l'apôtre Paul : « Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse ; nous, nous prêchons le Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs » (1 Cor. 1:22-24). Cette « folie » et cette « impuissance » de la Croix sont en réalité l'expression de l'extrême sagesse et de la force de Dieu, « car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » (1 Cor. 1:25) ; mais c'est pour cela même qu'il est impossible de l'exprimer dans les notions humaines, impossible de le rationaliser jusqu'au bout sans déformer ou diminuer l'insondable profondeur du mystère de la Croix. Dans ce sens, une tentative caractéristique de rationaliser l'œuvre salvatrice du Christ sur la Croix et dans la Résurrection apparaît dans la fameuse théorie « juri dique » de la Rédemption formulée par Anselme de Cantorbéry et qui de l'Occident a pénétré aussi dans de nombreux manuels de théologie orthodoxes. A la base de celle-ci se trouve la notion juridique de « satisfaction » (satisfactio) selon laquelle toute infraction de la loi ne peut être réparée que par voie d'une punition correspondante à la faute. Adam par sa faute a offensé la majesté divine. N'étant pas en état, en tant qu'homme, de fournir une satisfaction correspondante à la grandeur de la faute, il devait mourir d'une mort éter nelle. La justice divine l'exigeait ainsi, elle exigeait un sacrifice égal à la dignité de Dieu. L'homme, en tant que créature, ne pouvait pas fournir un tel sacrifice. Seulement le Fils de Dieu, consubstantiel au Père et égal à Lui en dignité divine, pouvait, par Sa mort sur la Croix, apporter à Dieu le Père un sacrifice digne de Sa grandeur. En vue de cela, le Fils de Dieu est devenu homme, a assumé la nature humaine et est mort sur la Croix selon Son humanité, car selon Sa divinité II ne pouvait pas mourir. Autrement dit, le Fils de Dieu s'est incarné afin d'être capable de mourir sur la Croix. Par Sa mort Il a satisfait à l'exigence de la justice divine et par Son sang Il a lavé l'offense faite par Adam à la majesté de Dieu. Et les mérites du Fils de Dieu sur la Croix sont imputés au genre humain et réconcilient Dieu avec l'homme et le monde en apaisant Son juste courroux.

Cette théorie de la Rédemption, exprimée dans une forme extrême, ne peut être acceptée par l'Eglise orthodoxe. Tout d'abord, elle porte un caractère unilatéralement juridique, puisque toute l'œuvre du salut de l'homme y est conçue uni quement dans des notions de loi (commandement de Dieu), de transgression de la loi, de faute qui s'ensuit et de punition du fautif qu'exige une justice abstraite. De surcroît, ces pré empreintes de conceptions nettement féodales, propres à l'Occident du Moyen Age, selon lesquelles une offense infligée à une personne appartenant à la classe sociale supérieure ne peut être effacée que par une personne ayant la même dignité sociale (là-dessus se fonde l'institution du duel). La notion même d'une offense de la majesté de Dieu et de la nécessité de sa réparation est étrangère à l'Ecriture Sainte et à la conception patristique de la Rédemp­tion. L'idée d'une satisfaction de la justice divine est plus acceptable, mais là aussi, dans la théorie « anselmienne », il est difficile d'approuver la juxtaposition de la justice de Dieu et de l'amour de Dieu, deux forces en quelque sorte antagonistes se trouvant en lutte entre elles. Nous distinguons en Dieu de multiples actions, cependant elles ne sont pas antagonistes mais manifestent l'action une de Dieu. D'autre part, la Croix non plus n'est pas seulement un instrument de punition et de supplice, manifestation du courroux de Dieu, mais elle est aussi une manifestation de Son amour, un symbole de victoire et une arme de paix. Elle n'est pas seule ment un fait de douleur, mais aussi un fait de joie. « Par la Croix est venue la joie pour le monde entier », chante la Sainte Eglise, car la Croix conduit à la Résurrection et est inséparablement liée avec elle. Ceci est absent dans la théorie juridique de la Rédemption, qui ne fait presque aucune place à la Résurrection. Plus exactement, pour le salut du genre humain elle y est superflue, puisque la majesté divine offensée a obtenu la satisfaction due par le moyen de la Croix et ainsi s'est réconciliée avec le monde. Alors qu'en réalité, « si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine... vous êtes encore dans vos péchés » (1 Cor. 15:14-17). Enfin, dans la conception juridique de la Rédemption, le sens de l'Incarnation se réduit à ce que celle-ci a donné la possibilité à Dieu de mourir selon l'huma nité. L'idée de l'Incarnation en tant qu'union de la nature divine avec la nature humaine, en tant qu'intégration de la nature humaine dans l'Hypostase divine du Logos et déifica tion, de ce fait, de notre nature humaine, de sorte que nous devenons «participants de la nature divine» (2 Pier. 1:4), cette idée y est perdue. Ou encore, comme le dit saint Athanase d'Alexandrie : « Le Verbe est devenu homme afin que nous soyons déifiés » (1). Toute cette conception ontologique du salut, propre à la patristique orthodoxe, est perdue dans la conception juridique de la Rédemption, où l'homme n'est pas régénéré par la force de la Croix, n'est pas lavé par le sang du Christ, mais est simplement déclaré innocent grâce aux « mérites » du Christ sur la Croix qui lui sont imputés.

Néanmoins, on ne peut pas dire que la conception juri dique de l'œuvre rédemptrice du Christ soit totalement fausse. Elle est unilatérale, incomplète et contient des éléments étran gers à l'Ecriture Sainte et à la Tradition de l'Eglise (satisfactio, offense de la majesté divine, etc.), mais dans le fond elle traduit, quoique souvent dans une expression déformée, l'ensei gnement de la Révélation. Le Fils de Dieu est effectivement mort volontairement sur la Croix à cause de nos péchés et nous a rachetés par Son sang. « II a pris sur Lui nos infir mités, s'exclame prophétiquement Isaïe, et Il a porté nos maladies... Il a été meurtri à cause de nos péchés, brisé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur Lui, et c'est par Ses meurtrissures que nous avons la guérison... L'Eternel a fait retomber sur Lui l'iniquité de nous tous. Il a été maltraité, mais Il a souffert volontaire­ment... Il a porté les péchés de beaucoup d'hommes et Il a intercédé pour les pécheurs » (Isaïe 53:4-7, 12). Le Christ, à cause de nous, a pris sur Lui la malédiction du péché, afin de nous faire don de la bénédiction divine : « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malé­diction pour nous — car il est écrit : maudit est quiconque est pendu au bois —, afin que la bénédiction d'Abraham eût pour les païens son accomplissement» (Gal. 3:13-14). Cette foi de l'Eglise dans la puissance rédemptrice et salvatrice de la Croix, l'Eglise l'exprime dans la prière du prêtre à la proscomidie : « Tu nous as rachetés de la malédiction de la Loi par Ton précieux sang, ayant été cloué sur la Croix et percé avec la lance Tu as fait jaillir l'immortalité pour les hommes, ô notre Sauveur, gloire à Toi ! » Dans d'autres chants liturgiques est soulignée la force régénératrice de la Croix qui rétablit le dessein prééternel de Dieu à l'égard de l'homme, compromis par la transgression d'Adam : « Venez, toutes les nations, prosternons-nous devant le bois béni, par lequel la justice éternelle a été réalisée : car celui qui a captivé par l'arbre notre père Adam est captivé par l'arbre de la Croix et tombe, renversé dans une chute extraordinaire, lui qui occupait par violence la création royale ; par le sang divin est lavé le venin du serpent, et la malédiction d'une juste condamnation a été détruite, le Juste ayant été condamné par un injuste jugement. Car c'est par l'arbre de la Croix qu'il conve nait de guérir les effets de l'arbre, et par la Passion, subie sur le bois, de Celui qui est sans passions qu'il convenait de délier les passions du condamné. Mais gloire, ô Christ Roi, à Ta providence à notre égard par laquelle Tu nous as tous sauvés, car Tu es bon et Ami de l'homme ! » (fête de l'Exal tation de la Croix, stichère du lucernaire). On peut dire que ce stichère présente une synthèse d'une plénitude remarquable de la doctrine patristique de la Rédemption, fidèle en tout point à la Sainte Ecriture. Au centre se trouve ici la notion de l'éternelle justice de Dieu, comprise cependant non dans un sens juridique de réparation de l'offense envers la majesté divine par un sacrifice correspondant à la faute, mais dans le sens du rétablissement de ce qui a été corrompu, par une action contraire, quoique analogue, du Fils de Dieu (« car c'est par l'arbre de la Croix qu'il convenait de guérir les effets de l'arbre... par le sang divin est lavé le venin du serpent » etc.). La parole divine souligne, évidemment, que Dieu a livré Son Fils à la mort en vue du salut du monde : « L'Eternel a fait retomber sur Lui l'iniquité de nous tous... Il a plu à l'Eternel de le briser et Il l'a livré à la souffrance » (Isaïe 53:6,10). Ou encore, comme le dit le Christ Lui-même : « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné Son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle » (Jean 3:16) Non point une justice abstraite, encore moins le besoin de réparation d'une offense de la majesté, mais seul l'amour divin est la force motrice du mystère inconcevable du sacrifice volontaire de la Croix du Fils de Dieu en vue du salut du monde. « Dieu prouve Son amour envers nous en ce que. lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. A plus forte raison donc maintenant que nous sommes justifiés par Son sang, serons-nous sauvés par Lui de la colère » (Rom. 5:8-9). Dans le mystère de la Croix, comme l'écrit le métropolite Philarète de Moscou, s'est exprimé « l'amour du Père, cru cifiant, l'amour du Fils, crucifié, l'amour de l'Esprit-Saint, triomphant par la force de la Croix. Car c'est ainsi que Dieu a aimé le monde » (sermon pour le  Vendredi Saint).

La Croix, en tant qu'expression suprême de l'amour divin. est la gloire de Dieu et la force de Dieu. « Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en Lui. Si Dieu a été glorifié en Lui, Dieu aussi le glorifiera en Lui-même, et II le glorifiera bientôt » (Jean 13:31-32). dit le Christ à Ses disciples en allant aux souffrances et à la mort. Et cette gloire de la Croix, comme on le voit dans ces paroles, est une gloire trinitaire, car Dieu le Père est glorifié dans la mort du Fils sur la Croix. La descente du Saint Esprit est également liée avec la glorification du Christ (« l'Esprit n'était pas encore, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié », Jean 7:39). Voilà pourquoi sur le mont Thabor, quand a été manifestée la gloire divine du Christ, Moïse et Elie, « appa raissant dans la gloire » de la transfiguration du Christ, « par laient de Son départ qu'il allait accomplir à Jérusalem » (Luc 9:31). La Croix est aussi la « puissance » du Christ qui « s'ac complit dans la faiblesse » (2 Cor. 12:9). Sur la Croix sont vaincus la mort et le péché. Le Seigneur sans péché, qui n'était pas soumis à la mort parce que, de l'Esprit-Saint et de la Vierge Marie, Il a pris la nature humaine du premier Adam non corrompue par le péché, ayant pour nous volontai rement goûté la mort, nous libère du péché et de la mort. Il faut voir cette mort « volontaire » non seulement dans le sens que le Christ n'a pas résisté à ceux qui le crucifiaient, mais aussi dans le sens qu'étant invulnérable pour la mort, Il est volontairement mort sur la Croix selon Son humanité. Il faut souligner avec toute la force nécessaire que sur la Croix a été crucifié non pas un certain homme assumé par le Fils de Dieu (homo adsumptus), mais le Fils de Dieu Lui-même, le Verbe même de Dieu incarné, le Seigneur de gloire, comme l'écrit l'apôtre Paul : « S'ils l'eussent connu (le mystère de la sagesse de Dieu), ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire » (1 Cor. 2:8). Le Christ, Fils de Dieu, est mort évidem ment non selon Sa divinité, mais selon l'humanité, mais l'humanité du Christ a été assumée par Sa Personne divine, hypostasiée en Lui. Pour cela, bien que la nature divine du Christ soit demeurée a-passionnelle pendant la Passion et immortelle dans Sa mort, inconcevablement ces souffrances ont été assumées cependant par le Fils de Dieu Lui-même, assimilées par Lui. Pour cela nous pouvons dire que le Fils prééternel de Dieu incarné a authentiquement souffert et est mort sur la Croix selon l'humanité, demeurant impassible selon la divinité. Et ceci est compréhensible, car non pas la Divinité était déchue, mais l'homme. Ce n'est pas Dieu qui avait besoin de rédemption, mais Adam et tout le genre humain. Ceci est admirablement exprimé dans le canon du Samedi Saint : « Le péché d'Adam fut meurtrier pour l'homme, mais non pour Dieu : car si la nature de poussière de Ta chair a souffert, Ta nature divine est demeurée impassible... Même si Ton temple a été détruit à l'heure de Ta Passion, même alors Ta divinité et Ta chair ne faisaient qu'un. Dans les deux Tu es le seul Fils, Verbe de Dieu, Dieu et homme. »

La Croix est le symbole de la victoire. « Arme de la paix, victoire invincible », comme la chante la Sainte Eglise. De la victoire sur le diable et les puissances ténébreuses du mal. « Vous qui étiez morts, écrit l'apôtre Paul aux Colossiens, par vos péchés, (Dieu) vous a rendus à la vie avec Lui (le Christ) en nous faisant grâce pour tous nos péchés. Il a effacé l'acte dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistait contre nous. Il l'a détruit en le clouant à la croix, Il a dépouillé les dominations et les autorités, et Il les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d'elles Lui-même par la Croix » (Col. 2:13-15). Ainsi devant cette arme invincible de la puissance de Dieu — la Croix du Seigneur — nous nous prosternons avec joie et amour : « Aujourd'hui vient en pro cession la Croix du Seigneur, chante la Sainte Eglise, et les fidèles l'accueillent de tout leur amour... Embrassons-la dans la joie et la crainte. Dans la crainte, à cause de nos péchés qui nous rendent indignes, dans la joie à cause du salut qu'accorde au monde le Christ Dieu, qui y a été cloué, dans Sa grande miséricorde » (fête de l'Exaltation de la Croix, stichère aux laudes à « Gloire et maintenant... »). La Croix est la puissance divine d'amour et de sacrifice par laquelle subsiste le monde. Elle illumine toutes les extrémités de l'univers : « Les quatre extrémités du monde sont sanctifiées, ô Christ notre Dieu, en ce jour où est exaltée Ta Croix à quatre branches » (fête de l'Exaltation, stichère pour la véné ration de la Croix). Ceci dans le plan cosmique. Et dans le plan historique et providentiel : « La Croix est le gardien de tout l'univers, la Croix est la parure de l'Eglise, la Croix est la force des rois, la Croix est le soutien des croyants, la Croix est la gloire des anges et la déroute des démons » (exapostilaire de la fête de l'Exaltation). Cette puissance divine de la Croix agissait dès l'origine, avant même le Golgotha. On peut dire que nous la percevons dans la création même du monde et de l'homme, dans la limitation volontaire de la Divinité. La Croix est inscrite dans la forme du corps humain. Dans l'Ancien Testament, nous voyons des préfigurations de la Croix dans l'Arbre de la Vie au paradis, dans la bénédiction de Jacob, dans le bâton de Moïse, dans l'élévation cruciforme des bras de Moïse pendant le combat avec Amalec, dans le serpent d'airain, etc. Mais seulement sur le Golgotha, dans la mort volontaire sur la Croix du Fils de Dieu incarné, s'est pleinement manifestée pour nous cette puissance incompréhen sible et invincible de l'amour de Dieu envers l'homme, de sorte que, même si en Dieu « il n'y a ni changement, ni ombre de variation» (Jac. 1:17), pour nous cependant, «rachetés par le sang du Christ comme d'un agneau sans défaut et sans tache, prédestiné avant la fondation du monde et manifesté à la fin des temps» (1 Pier. 1:19-20), le sacrifice du Christ sur la Croix constitue le début d'une vie nouvelle.

Ici nous approchons du sens le plus profond et le plus mystérieux de la mort du Seigneur sur la Croix : Sa mort sur la Croix en tant que sacrifice. Sacrifice pour qui ? Pour les hommes et pour leur salut, comme dit le Christ : « Le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner Sa vie comme la rançon pour une multitude » (Marc 10:45). « Christ, notre Pâque, a été immolé pour nous » (1 Cor. 5:7). Mais c'est dans l'épître aux Hébreux que le sens sacrificiel de la mort sur la Croix est développé de la manière la plus complète, en tant que sacrifice du souverain Prêtre offert une fois par le Christ dans l'Esprit-Saint, qui nous a procuré la rédemption éternelle (« Christ est venu comme souverain sacrificateur des biens à venir... et Il est entré une fois pour toutes dans le lieu très saint... avec Son propre sang, ayant obtenu une rédemption éternelle... Le sang du Christ qui, par l'Esprit éternel, s'est offert Lui-même sans tache à Dieu, purifiera votre conscience des œuvres mortes, afin que vous serviez le Dieu vivant. Et c'est pour cela qu'il est le médiateur d'une nouvelle alliance, afin que, la mort étant intervenue pour le rachat des transgressions commises sous la première alliance, ceux qui ont été appelés reçoivent l'héri tage éternel qui leur a été promis. » (Hébr. 9:11,14-15). L'épître aux Hébreux revient à plusieurs reprises sur ce thème du sacrifice rédempteur et purificateur, offert une fois pour toutes pour le péché : « (Le Christ) l'a fait une fois pour toutes en s'offrant Lui-même » (Hébr. 7:27). « A la fin des temps, Il a paru une seule fois pour abolir le péché par Son sacrifice » (Hébr. 9:26-27). « Nous sommes sanctifiés, par l'offrande du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes» (Hébr. 10:10). Il est important de remarquer ici que, par le fait de souligner un grand nombre de fois le caractère unique du sacrifice du Christ et d'affirmer en même temps que le Christ est le Grand Prêtre du Nouveau Testament, est exprimée l'idée que la mort du Christ sur la Croix est le début de quelque chose d'absolument nouveau dans les relations de Dieu et de l'homme. Par ailleurs, l'affirmation que le Fils de Dieu s'est offert en sacrifice à Dieu le Père par l'Esprit Saint atteste le caractère trinitaire de la mort sur la Croix, ou, plus exactement, nous percevons là l'action de la Sainte Trinité, venant du Père et accomplie par le Fils dans le Saint-Esprit. Quelle est la nature de ce sacrifice de rédemption et d'action de grâces de l'amour divin ? A qui a-t-il été offert ? Les Pères ont beaucoup écrit et discuté, sans être toujours d'accord, sur cette question. On peut dire cependant que la doctrine ecclésiale est le mieux exprimée, dans sa forme complète, par saint Grégoire le Théologien dans son 45e Sermon pour la Sainte Pâque : « A qui et pour quoi a été versé pour nous le sang précieux et illustre de Dieu, souverain Sacrificateur et victime ? Car nous nous trouvions au pouvoir du malin, vendus au péché, et nous avons reçu à la place du mal la béatitude. Et si la rançon ne se paie à aucun autre qu'au ravisseur, je demande, à qui a-t-elle été payée et pour quelle raison ? Si c'est au malin, alors, hélas, quelle vexation... Et si c'est au Père, alors, tout d'abord, comment ? Car ce n'est pas Lui qui nous avait faits prisonniers... Ou alors, il est évident que le Père la reçoit, Lui qui n'avait pas demandé et pour qui elle n'était pas nécessaire, mais en vue du salut de l'homme et parce qu'il était indispensable que l'homme fût sanctifié par l'humanité de Dieu, pour que Dieu nous libérât du tyran, l'ayant vaincu par la force, et nous amenât à Lui à travers le Fils » (2). Dans ce remarquable témoignage patristique se trouvent rejetés les excès de la conception juridique du salut ; le salut y est conçu comme un acte libre de l'amour divin ; la puissance victorieuse de la Croix y est soulignée, en même temps qu'est souligné avec une force particulière son mystère, son caractère ineffable et inconcevable.

L'épître aux Hébreux, parlant du sacrifice du Christ sur la Croix, le lie avec Sa glorification consécutive : le Christ, « après avoir offert un seul sacrifice, s'est assis pour toujours à la droite de Dieu » (Hébr. 10:12), ou bien : « au lieu de la joie qui Lui était réservée, a souffert la Croix, méprisant l'ignominie, et s'est assis à la droite de Dieu » (Hébr. 12:2). En effet, la mort du Christ sur la Croix est inséparablement liée avec Sa Résurrection, ne se conçoit pas sans elle. Elle est sa condition, le chemin vers elle. Le Christ Lui-même nous l'apprend : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12:24). Et la piété de l'Eglise orthodoxe réunit la vénération de la Croix avec la glorification de la Résurrection : « Devant Ta Croix nous nous prosternons, ô Maître, et nous chantons Ta sainte Résurrection ! » C'est justement dans la Résurrection qu'est révélée la force génératrice de joie de la Croix : « Venez, croyants, — chantons-nous chaque dimanche aux matines — adorons la sainte Résurrection du Christ, car voici que par la Croix la joie vient dans le monde ». Dans la Résurrection, l'œuvre salutaire du Christ, Sa victoire sur la mort et sur l'enfer, s'accomplissent en acte, deviennent manifestes. Pour cela, la Résurrection du Christ représente la plénitude et le moment ultime de l'économie divino-humaine qui commence avec l'Incarnation et s'achève dans l'Ascension. Il est vrai que déjà sur la Croix, avant même Sa mort, le Christ avait dit : « Tout est accompli », et, baissant la tête, Il rendit l'esprit (Jean 19:30), mais c'est bien parce que, ainsi que nous pouvons le comprendre, la mort et la résurrection imminentes ne faisaient qu'un pour Lui dans l'action du salut. Voilà pour quoi la Résurrection du Christ a été le contenu essentiel de la prédication apostolique, a été cette « éternelle nouvelle », selon l'expression du métropolite Philarète, qu'ils annonçaient et que l'Eglise, à leur suite, annonce au monde. « Je vous ai enseigné avant tout, comme je l'avais aussi reçu, que le Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures ; qu'il a été enseveli et qu'il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures », écrit l'apôtre Paul aux Corinthiens (1 Cor. 15:3-4). A l'Aréopage de même, Paul prêchait aux Athéniens « Jésus et la résurrection » (Act. 17:18). Ainsi le Seigneur également témoigne de Lui-même dans l'Apocalypse : « Je suis le Pre mier et le Dernier et le Vivant ; j'étais mort, et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clés de l'enfer et de la mort » (Ap. 1:18). La foi en la Résurrection du Christ, Vainqueur de la Mort et de l'Enfer, est à tel point centrale pour le christianisme que sans elle celui-ci devient absurdité et tromperie, comme l'atteste l'apôtre Paul : « Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine... vous êtes encore dans vos péchés » (1 Cor. 15:14,17).

L'œuvre salutaire de la Résurrection commence dans le Christ Lui-même et à partir de Lui s'étend au monde entier. Ayant volontairement accepté la mort et « par la mort terrassé la mort », le Christ en triomphe par Sa Résurrection d'entre les morts. La divinité du Christ, qui demeure sans séparation avec le Père et le Saint-Esprit, après Sa mort ne se sépare pas non plus de Son âme ni de Son corps auquel Il s'est uni dans l'Incarnation, bien que Son âme s'en détache. « Corporellement dans le tombeau, en enfer avec Ton âme, en tant que Dieu, au paradis avec le larron, et sur le trône avec le Père et l'Esprit étais-Tu, ô Christ, Toi qui remplis tout, non soumis à aucune limitation » (heures pascales). Dans la Résurrection l'âme du Christ s'unit à nouveau avec le corps et le Christ ressuscite corporellement en tant qu'unique Dieu-Homme dans la plénitude de Sa divinité et de Son humanité. La foi chré tienne insiste particulièrement sur le fait de la résurrection corporelle du Christ. L'idée d'une immortalité abstraite de l'âme, de même que l'idée que l'homme est un esprit incarné, voire un esprit emprisonné dans la prison qu'est le corps, sont des idées étrangères au christianisme. L'homme est créé dès l'origine comme un être spirituo-corporel complexe. Cette nature humaine spirituo-corporelle complexe, le Fils de Dieu l'a assumée dans Son Hypostase divine. Et le Christ ressuscite dans toute la plénitude de Son humanité. C'est-à-dire, en pre corporellement, car le corps était soumis à la mort et à la corruption et c'est dans le corps qu'il fallait triompher de la corruption et de la mort. La Résurrection du Christ est encore plus inconcevable que Sa mort sur la Croix, car si dans la mort du Christ nous ne pouvons pas saisir jusqu'au bout et exprimer dans des concepts toute la profondeur de son sens, la Résurrection, elle, est inconcevable et non-représentable comme telle. Pour cela, nous représentons sur les icônes la crucifixion du Seigneur, ou la descente de la Croix, mais dans la tradition iconographique authentiquement orthodoxe il n'existe pas de représentation du moment même de la Résur­rection du Christ ; seules sont représentées Sa descente victo enfer et Son apparition aux femmes myrrophores. Il ne faut pas en conclure, comme le font certains, que l'Eglise orthodoxe ne reconnaît pas soi-disant le caractère historique de la Résurrection du Christ et y voit seulement une sorte d'événement dans l'éternité que nous percevons d'une manière symbolique. Pour avoir une conception juste de la Résurrection du Christ, nous devons éviter de tomber dans deux extrêmes. La Résurrection du Christ est certainement un fait historique concret qui a eu lieu une seule fois, en un lieu et à un moment déterminés. Celui qui nie cela, rejette l'Evangile, la prédication des apôtres et la foi de l'Eglise. Mais en même temps la Résurrection du Christ n'est pas simplement ou seulement un fait historique, elle est quelque chose d'infiniment plus grand, quelque chose qui a un sens supra-historique, elle est une action divine, ou plus exactement divino-humaine, créatrice et transformatrice, pas seulement histoire mais aussi métahistoire. On ne peut d'autre part réduire la réalité de la Résurrection du Christ à un retournement intérieur qui aurait eu lieu dans l'âme des Apôtres et à des visions subjectives du Ressuscité exprimant cet état. Non, au troisième jour le tombeau a été trouvé vide, le corps mort est revenu à la vie et est ressuscité, comme l'ange en a fait part aux femmes : « Vous cherchez Jésus de Nazareth qui a été crucifié : Il est ressuscité, Il n'est point ici ; voici le lieu où on l'avait mis » (Marc 16:6). Ou bien : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui est vivant ? Il n'est point ici mais Il est ressuscité » (Luc 24:5-6). Et la Sainte Eglise jusqu'à ce jour chante avec les anges : « La myrrhe convient aux morts, mais le Christ s'est montré étranger à la corruption » (Samedi Saint). D'autre part, la Résurrection du Christ n'est pas une simple « réanimation d'un cadavre », où le mort revient à la même vie antérieure et par la suite meurt à nouveau (ce qu'ont été la résurrection de Lazare et d'autres, qui possédaient par ailleurs un sens préfiguratif et étaient liées par là avec la Résurrection du Christ et la future résurrection générale des morts), mais est une transfiguration créatrice d'un corps psychique en corps spirituel doué de nouvelles facultés et appartenant au siècle futur ; visible, de ce fait, seulement pour les yeux éclairés par la lumière de la foi. Un corps spirituel, non appesanti par la matérialité et capable de tra verser les portes fermées, non pas un autre corps, mais le même qui a été crucifié et cloué sur la Croix, comme le Seigneur ressuscité l'a montré à l'apôtre Thomas l'invitant à toucher sur Son corps ressuscité « les marques des clous » et la plaie faite avec la lance. Et seulement après avoir été convaincu que Celui qui lui apparaît est effectivement le Christ crucifié sur la Croix, l'apôtre Thomas s'exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jean 20:28).

La Résurrection du Christ  est le commencement de  la résurrection générale des morts,  comme le montre l'apôtre Paul dans le 15-e chapitre de sa première épître aux Corin thiens. L'une découle de l'autre et s'y trouve inséparablement liée, « car si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n'est pas ressuscité » (1 Cor. 15:16). L'apôtre Paul nous enseigne que le Christ est le second Adam et un homme céleste, par opposition au premier Adam qui a péché et qui est mort. Par Sa Résurrection le Christ relève Adam déchu : « Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, Il est les prémices de ceux qui sont morts. Car, puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ (1 Cor. 15:20-22). Par la puissance transfigurante de la Résurrection du Christ nos corps seront changés et de psychiques qu'ils étaient ils devien dront spirituels, et de corruptibles qu'ils étaient ils deviendront incorruptibles, de même que le corps du Christ s'est trans formé dans Sa Résurrection. Ce changement général du cosmos et son passage du plan d'existence matériel dans le plan spirituel — mais nullement désincarné —, ce passage de, la corruption à l'incorruptibilité est fondamental dans notre conception de la puissance de la Résurrection du Christ. Ayant précisé qu'il y a « un corps psychique et un corps spirituel », l'apôtre Paul écrit : « Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible, il ressuscite incorrup tible. Il est semé méprisable, il ressuscite glorieux. Il est semé infirme, il ressuscite corps spirituel... C'est pourquoi il est écrit : le premier homme, Adam, devint une âme vivante ; le dernier Adam est devenu un esprit vivifiant » (1 Cor. 15:42-44). Toutefois, malgré toutes les comparaisons avec le monde naturel (la germination du grain, etc.) la résurrection générale des morts demeure un mystère insaisissable, et la puissance de la Résurrection du Christ se manifeste pleine situation eschatologique de la « fin », quand le Christ aura vaincu tous Ses ennemis et Dieu sera « tout en tous » (1 Cor. 15:28). « Voici, je vous dis un mystère » — conclut l'apôtre Paul son chapitre sur la résurrection des morts — « nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d'œil, à la dernière trom pette ; la trompette sonnera, et les morts ressusciteront incor Car il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l'incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira la parole oui est écrite : La mort a été engloutie dans la victoire (Isaïe 25:8). O mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire ? (Osée 13:14). L'aiguillon de la mort, c'est le péché ; et la puissance du péché, c'est la loi. Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (1 Cor. 15:51-57). Saint Jean Chrysostome glorifie ainsi cette victoire finale du Christ Ressuscité dans son homélie pour la sainte Pâque : « Christ est ressuscité, et tu (c. à d. l'enfer) t'évanouis. Christ est ressuscité et les démons sont atterrés. Christ est ressuscité et les anges sont dans l'allégresse. Christ est ressuscité et la vie triomphe. Christ est ressuscité et il n'y a plus un seul mort dans les tombeaux. Car le Christ ressuscité des morts est les prémices de ceux qui sont morts. »

La puissance salvatrice de la Résurrection du Christ, qui apparaît pleinement lors du second avènement et de la résur rection générale des morts, agit cependant maintenant aussi dans le monde d'une manière invisible, depuis le moment même de la Résurrection du Christ. Son action salvatrice, qui a son achèvement dans l'Ascension où le Fils de Dieu incarné s'asseoit à la droite de Dieu le Père, élève sur Son trône la nature humaine qu'il a déifiée et assumée dans Son hypostase et envoie de la part du Père le Saint Esprit qui sanctifie le monde, cette action salvatrice édifie déjà sur la terre le commencement de la vie éternelle et prépare la résurrection des morts. La vie éternelle, comme l'écrit Nicolas Cabasilas, commence ici-bas, quoique dans sa plénitude elle ne sera révélée que dans le siècle futur. Cette puissance de la Résur­rection du Christ, la puissance de la vie éternelle, se manifeste en premier lieu dans l'Eglise et dans ses sacrements. Dans le sacrement du baptême, par la triple immersion dans l'eau, nous mourons et sommes ensevelis avec le Christ, et en sortant de l'eau nous ressuscitons avec Lui. Nous devenons partici Résurrection. « Nous tous qui avons été baptisés en Christ, écrit l'apôtre Paul aux Romains, c'est en Sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec Lui par le baptême en Sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. En effet, si nous sommes devenus une même plante avec Lui par la conformité à Sa mort, nous le serons aussi par la conformité à Sa résurrection » (Rom. 6:3-6). Dès ici-bas, nous marchons dans une vie rénovée et elle nous donne l'assurance de la résurrection au dernier jour : « Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui, sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus, la mort n'a plus de pouvoir sur Lui » (Rom. 6:8-9). Mais cette mort-résurrection avec le Christ que réalise le baptême devient effective seulement lorsque nous mourons effectivement au péché et commençons une nouvelle vie. « Ainsi vous-mêmes, — nous instruit l'apôtre Paul — regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus Christ» (Rom. 6:11). Le baptême est la naissance pour la vie éternelle : « En vérité, en vérité, je te le dis : si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jean 3:5). Le sacrement de l'eucharistie est également un sacrement de la mort et de la vie du Christ, et en même temps proclamation de Son œuvre de salut et attente de Son second avènement : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne» (1 Cor. 11:26). La commu comme en témoigne le Seigneur Lui-même : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez Son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour... Celui qui mange ce pain vivra éternellement » (Jean 6:53-54,58). Voilà pourquoi saint Ignace d'Antioche appelle le corps et le sang du Christ « remède d'immortalité, un antidote contre la mort » (3). Dans les écrits spirituels patristiques nous trouvons également beaucoup de témoignages qui affirment que dès maintenant la puissance de la Résurrection du Christ agit dans les âmes et dans les corps des saints, anticipant en eux la résurrection générale. Ainsi saint Jean Climaque, en parlant de l'acquisition de l'état apassionnel, l'appelle « résur rection de l'âme avant la résurrection générale » (4). Saint Macaire d'Egypte nous enseigne que, « royaume de la lumière et image céleste, Jésus Christ illumine maintenant l'âme d'une manière mystérieuse et règne dans les âmes des saints ; tout en étant cependant caché aux regards humains, le Christ, en vérité, peut être vu seulement avec les yeux de l'âme jusqu'au jour de la Résurrection, lorsque le corps lui-même se couvrira et se glorifiera de la lumière du Seigneur dès maintenant pré sente dans l'homme dans son âme, afin que le corps lui-même règne aussi avec l'âme qui accueille dès à présent le règne du Christ » (5). 

Saint Syméon le Nouveau Théologien, dans son sermon pour Pâques, dit que « le mystère de la Résurrection du Christ, notre Dieu, ... sans cesse, si nous le voulons, se repro duit mystiquement en nous » et explique « comment le Christ est enseveli en nous comme en un tombeau et comment Il s'unit à nos âmes et ressuscite, en nous faisant ressusciter avec Lui » (6). « Quand Il est présent en nous par l'Esprit, Il nous ressuscite des morts, nous vivifie, et se donne Lui-même à voir, tout entier, vivant en nous, Lui l'immortel et impérissable » (7). Dans ces affirmations des Pères inspirés se révèle essentiellement l'aspect personnel de l'action de la Résurrection du Christ, l'anticipation de la résurrection générale dans chaque homme individuellement. Par ailleurs leurs propos, et particulièrement les textes liturgiques orthodoxes, soulignent, à côté de cet aspect personnel, les changements créateurs (« Voici, je fais toutes choses nouvelles », Ap. 21:5) que dès maintenant la Résurrection du Christ — fût-ce per ceptible seulement pour les yeux de la foi — opère dans l'univers visible et invisible, et dans lesquels se manifeste le caractère cosmique de la Résurrection. Ceci est vrai tout spé cialement de l'office de la Sainte Pâque, « fête des fêtes et solennité des solennités », composé par saint Jean Damascène, en majeure partie sur la base du Sermon pour Pâques de saint Grégoire le Théologien. La Résurrection du Christ, Pâque néotestamentaire, y est conçue comme un passage à une vie nouvelle : « C'est le jour de la Résurrection, peuples, rayonnons de joie, c'est la Pâque, la Pâque du Seigneur : de la mort à la vie, de la terre aux cieux Christ Dieu nous a faits passer, chantons l'hymne de la victoire » (canon de Pâques, 1-ère ode). Le monde entier est rempli de la lumière de la Résurrection du Christ : « Aujourd'hui tout est inondé de lumière, le ciel, et la terre, et les enfers. Que toute créature célèbre la Résur­rection du Christ car en elle, elle reçoit sa puissance » (3-e ode). La nuit pascale elle-même, avec sa solennité, est une préfi guration de la résurrection générale, elle a une profonde signification eschatologique : « Elle est vraiment sainte et solennelle, cette nuit rédemptrice et lumineuse, messagère du jour radieux de la Résurrection, en elle la Lumière éternelle apparut à tous, sortant corporellement du tombeau » (7-e ode). A côté de ce caractère universel et tout englobant de la Résur­rection, les hymnes pascales indiquent la nécessité de notre propre participation dans les souffrances et la Résurrection du Christ, afin que nous puissions aussi partager Sa gloire et Sa joie. « Hier, ô Christ, je partageais Ton tombeau », — nous exclamons-nous dans la nuit pascale en répétant les paroles de saint Grégoire le Théologien, — « aujourd'hui que Tu es ressuscité je ressuscite avec Toi ; hier je partageais Ta Croix, donne-moi Ta gloire en partage, ô Sauveur, dans Ton Royaume » (3-e ode). Et enfin, la joie et la lumière de la nuit pascale ne s'arrêtent pas aux murs de l'église mais pénè trent toute notre vie par l'esprit de fraternité, d'amour et de pardon : « C'est le jour de la Résurrection, emplissons-nous de lumière en cette solennité, embrassons-nous les uns les autres, disons « frères » à ceux qui nous haïssent et par donnons tout à cause de la Résurrection et ainsi exclamons-nous: le Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux Il a donné la vie ! » 



(1) «De l'Incarnation du Verbe» (P.G. 25.192 B).
(2)  Sermon 45.22 (P.G. 36.653 AB).
(3) Aux Ephésiens, 20.2.
(4) Sermon 29 (P.G. 88.1148 A).
(5) Homélies spirituelles, 2.5, 81-91.  Ed. Dorris - Klostermann - Krœger.
(6) Catéchèse 13.36-40.

(7) Ib. 13.120-122.

 

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Jean-Louis Palierne
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Merci, Jean Louis, pour ce très beau texte d'une justesse théologique sans faille.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
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