Traduction des offices en Français

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Catherine
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Dur, dur…

Message par Catherine »

Cher Jean-Louis, vous dites :
"Il n’y a pas que trois termes pour désigner la Mère de Dieu, il y en a dix mille, ou même trente mille."
• Bien sûr, il y en a énormément et jamais assez pour magnifier comme il se doit “celle qui est plus vénérable et plus glorieuse que les armées célestes” — comme nous le chantons à Noël.
Quand j’ai parlé de “trois” termes, je voulais dire les trois mots composés, qui contiennent le mot “Dieu” et qui expriment sa relation étroite avec le Fils de Dieu et Dieu Lui-même, donc la participation humaine, en sa personne, à l’œuvre du salut.
Elle est mère, “enfantrice” et “génitrice” de Dieu, et ces termes ne sont pas interchangeables comme le croiraient certains, car chacun a un sens spécifique.
J’en ai déjà parlé en passant, mais je réexplique ici l’importance de ces trois termes par rapport au Christ et par rapport à la vie chrétienne.
La toute-sainte Vierge est Mère de Dieu, parce qu’elle a allaité, nourri, vêtu et élevé le Christ-Dieu.
Mais cela, une nourrice aurait pu le faire à sa place, et cela ne suffit pas pour spécifier que c’est bien elle qui Lui a donné de sa propre substance, qui L’a porté dans son sein et qui L’a mis au monde d’une manière ineffable. Il faut donc l’appeler Enfantrice de Dieu ou Deipare, comme vous le voulez .
Et cela a un sens très profond; comme le dit saint Jean Damascène : "Le nom de l'Enfantrice de Dieu contient toute l'histoire de l'Économie divine." (De la foi orthodoxe 3,12)
Peut-il y avoir de communion plus étroite entre Dieu et un être humain, que de porter Dieu en soi ?
Et c’est à une telle communion étroite que sont appelés les chrétiens.
Et pour dire qu’elle a conçu sans l’entremise d’un père humain, on dit que c’est elle qui a engendré Dieu, dont son nom de Génitrice de Dieu.

Quant au chant byzantin et les traductions françaises venant des uniates, vous dites :
"On s’est contenté de prendre les traductions telles qu’elles existent couramment à l’heure actuelle et de les poser telles quelles sur les notes byzantines. Il est cependant facile la plupart des temps de modifier l’ordre des mots d’un texte français pour préparer une adaptation de la prosodie à la musique byzantine. Bien souvent également on peut ajouter ou modifier ou déplacer dans la trduction quelques mots peu significatifs dans un texte pour favoriser cette prosodie.
• Je ne sais pas qui est ce “on”, dont vous parlez, mais cela fait de longues années que je fais, tant bien que mal, ce que vous proposez ici, mais je ne trouve pas la tâche facile du tout.
D’abord, toutes les traductions sont à revoir : non seulement pour une meilleure adaptation au chant, mais simplement parce qu’elles sont souvent inexactes et pas orthodoxes.
Pour l’adaptation au chant, vous savez bien que ce n’est pas seulement la prosodie du français qui pose problème.
Si vous réussissez à placer les mots au bon endroit pour favoriser la prosodie, vous pouvez encore être surpris du fait que leur sens ne correspond pas à la conduite mélodique du chant, et cela compte aussi dans le byzantin.
Bien souvent, la mélodie descend par exemple quand il s’agit de notions négatives comme “péché”, “enfer”, “ténèbres” etc. et monte pour “clarté”, “joie”, “résurrection” etc.
Avant d’avoir eu connaissance de ce détail, il m’était arrivé de placer le mot “allégresse” sous un mouvement descendant de la mélodie : le texte était bien français, beau, orthodoxe, poétique, prosodiquement parfait, et pourtant, je sentais que qc clochait.
Et lorsque j’ai voulu changer l’ordre des mots en conséquence, il fallait retraduire pratiquement toute la phrase. Car malheureusement, l’ordre des mots n’est jamais aussi libre dans une langue analytique que dans une langue synthétique, ce qui ne facilite pas du tout l’adaptation du français au chant byzantin.
Il faut aussi bien comprendre la structure des modes pour savoir quelle liberté on peut prendre si, en dernier recours, il faut changer la mélodie.
Enfin, je ne sais pas si vous avez mis la main à la pâte, mais je ne trouve pas la chose facile (d’accord, je suis nulle).
Un saint mélode francophone connaissant bien le grec et le chant byzantin nous serait bien utile.
Vous dites :
Si l’on ne prend pas un bon départ, on traînera ce boulet pendant longtemps.
Je crois que Paris ne s’est pas fait en un jour et il fallait déjà des siècles pour que le chant byzantin lui-même prenne forme, se décante etc. et pourtant, là, il n’y avait pas de problème de traduction ni de prosodie, puisque le chant et le texte étaient créés en “synergie”, en même temps.

Sinon, nous chantons le Trisaghion en français, avec un peu moins de mélismes qu’en grec, mais ce n’est pas insupportable.
Ce qui n'empêche pas que tout est MIEUX en grec, je regrette.
K.
Antoine
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Message par Antoine »

Ce qui est dommage c'est que les matthéistes travaillent dans leur coin; à Sébastopol aussi il y a le professeur Bernard qui travaille dans son coin, la frat a aussi un groupe de traduction et de mise en musique, en Belgique aussi il y a un chef de Choeur qui fait de très bonnes choses en ton byzantin et moi aussi je travaille dans mon coin. Donc évidemment les divisions se répercutent à tous les niveaux et ça patine.
Un autre point aussi est que vous ne retenez que la mélodie byzantine. Il y a aussi les znaméni en slavon et il faut aussi inclure le chant russe plus récent . Alors on ne peut pas changer les traductions en fonction du type de mélodie que l'on va chanter! D'autant plus que le texte est premier par rapport à la musique. C'est la mélodie du ton qu'il faut adapter au texte quitte à la modifier un peu par rapport à celle de l'original.
Ou alors il faut décréter que seul les tons byzantins sont musique liturgique, que toute traduction doit tenir compte de cette mise en musique spécifique et on aura le plaisir d'un schisme de plus.
J'ai un faible pour le "otche nasch" de Kedroff (père), pour ne citer qu'un seul exemple...
Catherine
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Eh oui, pas de synergie !

Message par Catherine »

Antoine, nous chantons byzantin parce que nous relevons d'une juridiction grecque. C'est d'eux que nous apprenons les chants.
Je ne sais pas ce qui se passe pour le russe. Je suppose que, les mélodies étant très différentes, les traductions ne seront pas pareilles non plus.
Je crois que les mélodies russes doivent poser moins de problèmes pour l'adaptation des paroles françaises, non ?
J'aurais bien aimé coopérer avec qn de plus compétent que moi, c'est tout ce que je sais, mais….
Il y a le Monastère st Jean du Désert où les moines chantent le byzantin très bien en français.
Nous avons reçu d'eux quelques cassettes où les chants sont presque parfaits; je n'avais qu'à les noter tels quels ou avec très peu de modifications.
Il y a aussi le monastère français de Saint Antoine-le-Grand qui nous a donné de leurs enregistrements : pas mal du tout.
Ca allège le travail.
Merci, Antoine, pour avoir édité mon dernier post : je n'arrive pas à le faire comme il faut ou j'y passe un temps fou. Comment faites-vous ?

K.

PS Vous dites :
"C'est la mélodie du ton qu'il faut adapter au texte quitte à la modifier un peu par rapport à celle de l'original."
Tout à fait d'accord.
Jean-Louis Palierne
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Toujours Musique et Traductions

Message par Jean-Louis Palierne »

Cette question me paraît tout à fait capitale pour que les Français puissent revenir à l’Orthodoxie. Je voudrais faire deux brèves remarques:

1- Je crois que la musique liturgique doit être monophonique, et c’est bien ce qu’est la musique dite "byzantine". Cette musique peut être exécutée magnifiquement (quelquefois même trop) et elle supporte aussi d’être chantée par des chantres très ordinaires. Elle ne fait pas obstacle au chant du peuple. Mais la musique tétraphonique (à quatre voix) me semble à éviter. Elle introduit dans la célébration une dimension mondaine, non ecclésiale.

2- Bien entendu il faut une adaptation réciproque entre la mélodie (dans le cadre des tons traditionnels) et de la traduction. L’une et l’autre offrent généralement une grande plasticité.
Jean-Louis Palierne
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Olia
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Message par Olia »

Le chant est un autre sujet mais...

Il ne faut pas oublier ou apprendre à connaître la richesse que représente la musique liturgique qui peut être interprétée à deux ou trois voix -comme la musique préférée des moines de Valaam (que j'ai eu l'occasion de chanter à l'église, très modestement et sans prétention aucune, ce type de chant est plus captivant pour la prière que la monophonie pure à longeur de 2 heures de vigiles ; il aussi plus beau dans la perception de nombreux fidèles sensibles à la Tradition liturgique !) ; elle comprend des chants simples et inspirés/imprégnés d'esprit ascétique, notamment de la vie monastique.

La solution de facilité et de monotonie (adoptée soit-disant par souci d'"ascétisme") n'est pas forcément la meilleure à long-terme, que ce soit dans la traduction ou le chant. Par ailleurs, quand nous écoutons la musique sur les liens de la rubrique "les chants liturgiques...", nous nous rendons compte que c'est une musique profondément ecclésiale malgré sa complexité. Quant au chant byzantin à proprement parler, il est de loin préférable d’avoir un accompagnement en « Isson » quand il s’agit d’un office de deux-trois heures. Avec un « isson », l’effet est souvent magnifique. Sans cet "isson", pendant 2-3 heures d'affiler, vous ferez très facilement peur à de nombreux nostalgiques du baroque festif - mais pas uniquement je vous assure. La spiritualité ne doit en aucun cas être opposée à la perception physique et psychologique.

L' « ascétisme », ou plutôt la rigueur dans la prière, devrait exclure le baroque et un esprit festif exubérant (« païen ») mais n'exclut en rien la relative "complexité" de l'iconographie ou du chant, ni la richesse conceptuelle ou la beauté poétique des termes (en traduction...). Il existe une véritable culture orthodoxe qui n’impose ni les solutions "standard" uniformes (même en iconographie qui doit respecter les canons) ni la monophonie exclusive, ni la monotonie, ni une « harmonisation » genre EU (ou pire), bien au contraire. La méconnaissance de la diversité de cette « culture orthodoxe » (iconographie, chant, coutumes et traditions sanctifiées par l’Eglise…) conduit parfois à vouloir adopter ou imposer une solution plus ou moins unique selon un pensée… qui se voudrait plus ou moins unique. Qui sait, c’est peut-être dû dans certains cas à la nostalgie d’une certaine "primauté" et d’une force plus centralisatrice…
eliazar
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Traduction en français ? ou ... Chant Liturgique ?

Message par eliazar »

Les remarques précédentes – d’Antoine, de Jean-Louis et d’Olia particulièrement – m’ont fait « revenir » à des préoccupations qui furent les miennes pendant de longues années. C’est dire combien je regrette de devoir m’absenter pour quelques jours – et j’espère que nous reprendrons (s’il y a lieu, naturellement) cette discussion à ce moment là.

Rapidement ( !) quelques remarques en vrac, basées sur mon expérience :

- les travaux du professeur Bernard (VCO du bd de Sébastopol) ; je les ai en partie chantés, ils sont pas mal du tout en ce qui concerne l’adaptation des textes français à des mélodies d’autres origines (Dieu c’est que c’est pourtant la quadrature du cercle, parfois !) mais j’ai souvent regretté qu’il se soit polarisé sur d’anciens travaux entrepris du temps des débuts de l’ÉCOF, et sur des mélodies russes à plusieurs voix – alors que les « Sébastopol » étaient essentiellement liés aux VCO de Grèce ! Et donc auraient dû chanter byzantin ?!

Par contre, le même avait cru devoir ajouter quelques chants "franco-français" dans une piété de style saint-sulpicien que la vérité de leur texte, orthodoxe pur, ne sauvaient pas de la mièvrerie. Et je crois qu'il n'aurait jamais eu l'idée de faire chanter à la place quelques unes desmerveilles (en latin, il est vrai) des grands poêtes orthodoxes que les kto ont gardés - comme le Vexilla Regis. Il aurait sans doute craint de "faire catholique".

- Former un chœur de francophones à chanter le byzantin est certes difficile : il leur manque généralement le « sens intérieur » (les superficiels appellent cela « l’esprit mystique ») qui en fait autre chose qu’un « orientalisme » de 4 sous ; mais faire chanter des Français (sans hélas aucune culture musicale : un peuple qui ne chante plus depuis des générations, mais se contente d’écouter des CD, et des chansonnettes américaines par-dessus le marché !) de la musique religieuse, à 3 ou 4 voix, et JUSTE … c’est à se flinguer !

- Donc, je crois tout à fait à la justesse doctrinale (et liturgique)d’un chant byzantin monophonique, à condition en effet qu'il soit soutenu avec un isson VRAI (mais pas un mugissement sur une seule note de basse prise « à tout hasard » ou presque: nous appelions cela "la corne de brume" ...) C’est à dire qu'il est impératif que l'isson suive exactement les modulations parcourues par la mélodie supérieure avant de revnir terminer dans le ton initial - c'est à dire en accompagnant (ou parfois, quand il le faut, en anticipant légèrement) le passage qui se prépare vers une autre « pédale ». Cela seul m’a paru (à l’expérience) possible à faire chanter par des paroissiens, à condition qu’ils y croient assez pour suivre assidûment les répétitions avant chaque office ! Et possible à écouter d'une oreille même française, sans tomber dans la mièvrerie, comme sans dodeliner de la tête comme au concert.

- Par contre, quand on veut faire chanter la liturgie à 4 voix, il faut presque toujours avoir recours à des chanteurs ou des apprentis solfégistes (pas forcément orthodoxes, parfois même éloignés de la foi) si on veut que chacune des 4 parties soit juste : alors seulement les paroissiens du chœur peuvent s’appuyer sur la ligne de leur « chef de pupitre » et chanter presque juste en le copiant. Seulement c’est religieusement inadmissible ! Le chœur participe à la Sainte Liturgie, il n'est pas là pour "faire le beau", ou se rengorger aux compliments des amateurs de passage comme dans le cas du ténor de Ste Rita, ci-après:

J’ai des souvenirs cauchemardesques d’offices dans une paroisses parisienne ou la « chef de pupitre »des 1ers sopranes était une choriste d’opéra, prof de musique et juive pratiquante, qui n’arrêtait pas de parler tarif syndical et cachets à faire avec sa copine la chef de pupitre des 2des entre deux « prestations » et se levait avec discipline pour entonner (juste, au bon moment et tout et tout) des phrases dont la profondeur était bouleversante pour un croyant, et après la dernière note desquelles elle se rasseyait et sortait son calepin de son sac pour noter à sa collègue le prochain cachet qu’elle pouvait faire – et le téléphone du chef de chœur concerné. Alors que le chef de pupitre des ténors, ivrogne, adepte de la miraculeuse sainte Rita ( !), du Saint-Suaire et de Bouddha réunis - et obsédé sexuel quand il avait trop bu, c'est à dire tous les dimanche matin! qui chuchotait des blagues cochonnes avant de réentonner avec des larmes dans la voix (car il y croyait) des « hyperaghia theotoke, presveve yper himôn » du plus poignant effet…

J'ose à peine le dire, mais étant de service (radiophonique cette fois) au Congrès d'Amiens de la Fraternité Occidentale (Katherine nous en avait parlé jadis sur le Forum précédent!) j'avais mangé à côté d'une tablkée de jeunes orthodoxes grecs et russes (garçons et filles) qui s'extasiaient d'avoir entendu ce chœur de cauchemar le dimanche précédent, et qui s'exclamaient : Ces Uniates chantent exactement comme nous ! Au fond, c'est la même chose d'aller communier chez eux ou rue Daru ou rue Bizet... Là encore, le sentimentalisme (et l'exactitude musicale d'un chœur semi-professionnel, digne d'une salle de concert ou presque) faisaient totalement oublier l'essentiel.

- A contrario, chez les VCO susdit, les travaux du professeur Bernard étaient chantés par un chœur d’une touchante foi communautaire – mais c’était faux à faire frémir et il ne semblait pas s’en émouvoir. Il est pourtant prof de musique, je crois ?

D’où ma certitude que le plus simple et le plus religieux reste la monodie byzantine (je n’ai jamais pu pratiquer le znaménié, j'ai du mal à prononcer le slavon, et les langues slaves en général) - mais avec un isson bien réglé.

Pour le « 4 voix » je persiste : c’est par admiration pour les opéras italiens de la cour impériale que peu à peu les chantres russes se sont mis à chanter ces très beaux airs d’église qui ne sont pas plus des chants liturgiques que l’ave Maria de Gounod ou celui de Schubert. Mais qui émeuvent les sentimentaux. Or le chant liturgique n’a pas pour but d’émouvoir les passions.

Je ne suis pas d’accord non plus avec la notion d'un chant « ascétique ». L’ascétisme, c’est de prier dans son cœur -en silence. Le Chant liturgique est une catéchèse, pas de l'ascèse. Il enseigne, et il prie, au même titre que dans la lecture (chantée du reste) de l’Évangile. Alors que quand on écoute un otche nasch de Kedroff (ou de Rimsky, ou de Tartempion) on est déjà au concert, cher Antoine, avouez-le.

Du temps que j’avais encore une voix, j’adorais chanter l’Ave de Schubert, par ex. Mais comme j’adorais chanter le Roi des Aulnes, ou la broderie de Gounod sur le premier prélude de Bach. Mais ce n’est pas participer à la Sainte et Divine Liturgie, c’est se faire plaisir.

Vous n’avez qu’à voir combien de non-orthodoxes, voire d’incroyants, se pressent en foule pour écouter un beau concert de chorale russe : chœur d’église ou chœurs de l’Armée Rouge, cela leur procure de délicieux frissons (surtout le solo du contre ténor, dans la Petite Cloche, ou les belles répliques de basse profondissime entre deux reprises de chœur à mi-voix !). Et puis ils rentrent chez eux sans avoir changé.

Combien de fois, de saint prêtres ont déploré ce glissement insensible dans le sentimentalisme musical !

Pardonnez-moi, mais c’est pour moi l’équivalent des beaux effets de manche, ou de menton, des prédicateurs jésuites ou de la vedette ecclésiastique invitée chaque année à émouvoir les parisiens (non, les paroissiens !) pour les sermons de Carême.

Vous avez dit « Baroque » ? Ce n’en est pas loin, à mon sens. Et le baroque des Passions de Bach est au moins aussi religieux. Sinon plus…
Éliazar le bougon, qui s’en va vite, avant votre volée de bois vert !
Olia
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Message par Olia »

Oï... :D

Je vois que l'expérience d'Eliazar est quand même très particulière. Peut-être qu’il n’a pas eu de chance.

Il suffit d'écouter les chants (d'origine très ancienne) géorgiens et russes pour comprendre que la polyphonie, y compris la polyphonie simple, n'a absolument rien à voir avec l'opéra.

Il suffit au moins d'écouter les chants - devant lesquel je ne m'extasie pas - de la paroisse saint Seraphim ou saint Serge pour comprendre que même ces chants-là, relativement tardifs, ne sont pas "mondains" mais ecclésiaux. Il faudrait déjà savoir de quoi vous parlez, si c'est de Bortnianski, nous l'interprétons surtout à l'occasion des "Mnogaya Leta", pour souhaiter une bonne fête aux jeunes couronnés :) ou aux personnes qui célèbrent la mémoire de leur saint patron.

J'en ai une expérience très directe et concrète : j'ai chanté de temps à autre à saint Serge, ainsi que 2 paroisses russes ; j'en ai visité un bon nombre d'autres. Pendant les vigiles, j'ai appris à chanter en 2ème voix (et un petit peu, en "isson") et l'effet était extrêmement modeste mais meilleur que l'unisson et ce n'était pas plus "opératique" que je ne suis stylite. Vous pourriez retourner à la rubrique "chant liturgique..." et écouter la musique disponibles sur les liens qui y sont indiqués. Il s'agit en grande partie de musique liturgique... polyphonique.

P.S. Je ne vais pratiquement jamais « à la rue Daru » (ni en haut ni à la crypte) – et j’ai rarement été obligée de chanter en « monophonie » : j’ai de la chance avec le chant.
Olia
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Message par Olia »

P.S Le chant auquel je fais référence est né d' une époque où l'opéra n'existait pas, dans ces pays-là...
Catherine
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chant et traduction

Message par Catherine »

Le véritable chant liturgique dans l’Église orthodoxe est plus que catéchèse, il est aussi prière et contemplation, et également ascèse : Jean-Louis n’a pas tort de le dire.
Un bon chantre orthodoxe doit avoir une démarche kénotique, comme un bon théologien, un bon peintre d’icône etc., ce qui veut dire que les conceptions, imagination et sentiments personnels du théologien, du peintre et du chantre doivent s’effacer pour faire place à l’expression de la Vérité divine dans toute sa pureté.
Le chantre est un serviteur de la Parole divine et son ascèse consiste à s’effacer devant la Parole : il doit chanter sans parler, sans s’exprimer lui-même — surtout sans se faire plaisir ! — mais en écoutant et laissant écouter au peuple la Parole de Dieu, tout en portant sa prière.
Une telle façon de chanter permet au peuple de rester en état de prière pendant les 3 ou 4 heures que dure en moyenne un office orthodoxe.
Être chantre n’est donc pas facile du tout et demande idéalement une certaine maturité spirituelle, autant, sinon plus, qu’une bonne voix et une justesse des notes.
(Je me rappellle, étant néophyte, avoir été émerveillée du chant d’une moniale, que je sentais porter ma prière pendant un office assez long. Quand j’en ai fait mention à d’autres sœurs, disant que je voudrais qu’on enregistre pour moi le chant de cette sœur pour mon apprentissage du chant byzantin, elles m’ont répondu en souriant : “Sœur Despina ? Ah, non, pas elle, elle chante faux”. Aujourd’hui, j’entends qu’elle chante faux, mais son chant est spirituel, et sa fausseté mélodique ne gêne pas du tout la prière.)

C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles traditionnellement tout le peuple ne chante pas dans l’église orthodoxe, ce qui choque souvent les gens qui viennnent de l’extérieur.
L’autre raison est que le chant exige une attention constante au maniement des différents livres des cycles liturgiques (ménée, octoèque), car c’est seulement tous les 59 ans qu’on a exactement la même divine Liturgie par exemple, et ces livres sont tous réunis sur le pupitre, auquel, pour des raisons évidentes, tout le peuple ne peut avoir accès.
Pour cette raison, être chantre est aussi un sacrifice, car bien souvent on préférerait se détendre et faire tranquillement son chapelet dans un coin sombre de l’église, mais, étant chantre, on ne peut pas.
Pour le chant byzantin, je pense qu’il n’est pas bête qu’il soit la base du chant orthodoxe français, puisqu’il est à l’origine de tous les autres (russe, grégorien).
Je pense que la monophonie est impérative pour le chant orthodoxe : chanter à l’unisson exprime l’unanimité du peuple de Dieu et risque moins de disperser l’esprit que la polyphonie.
Je ne connais pas bien le chant russe, mais il me semble que le byzantin est bien moins monotone, et la monophonie y est contre-balancée par la diversité mélodique et rythmique.
eliazar
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Traduction des offices en français - Psaltique et papadique

Message par eliazar »

Chère Katherine,

Je pense que vous êtes, sinon déjà rentrée, du moins sur le point de le faire. Et je voudrais revenir sur un sujet dont nous avions déjà débattu, mais pour lequel (parce qu'il me tient à cœur) j'avais quelques renseig,nements supplémentaires à vous communiquer.

C'est au sujet du sens d'un mot français que je ne peux vraiment pas laisser accoler à la musique byzantine, fut-elle du style papadique - bien caractérisé il est vrai, par son ornementation mélodique profuse.

Vous aviez écrit, le 18 août, à propos de la psaltique du rit byzantin : « Qualifier la psaltique d'"efféminée" ne vient pas de moi, mais d'un (ou même de plusieurs) spécialistes, que je ne peux pas vous citer maintenant, ayant prêté le livre qui contenait l'expression et ne me rappelant pas le nom des auteurs. »
Sans vous commander, si vous trouviez le temps de me rechercher ces fameux auteurs, j’aimerais bien en avoir les références. Ne s’agirait-il pas simplement d’auteurs kto (par exemple) mettant un certain intérêt à détourner leur lecteur des offices byzantins ?! Ce ne sont à mon avis ni des musiciens, ni des "orthodoxes".

Vous aviez ajouté, entre autres considérations plus personnelles : « Par ailleurs, j'ai vérifié dans le dictionnaire : "efféminé" veut bien dire simplement "ayant un caractère féminin", et non "devenu féminin", même si le verbe "efféminer" vient du latin……… enfin, passons… comme je l'ai déjà dit : "…la philologie mène au pire" »

Vous comprendrez certainement que je me sois étonné de cette définition, ne serait-ce que parce que (à mon sens) avoir un caractère féminin n’implique vraiment pas qu’on soit efféminé, et moins encore que d’être efféminé(e) soit le propre des femmes en général : « conférer le caractère féminin » est la définition d’un autre verbe qu’EFFÉMINER (dont notre « efféminé » n’est jamais que le participe passé) : ce verbe, c’est FÉMINISER.
Mais enfin, ce dictionnaire inconnu que vous citiez là m’ayant fait quasiment douter de mon français, je m’en suis rapporté à mieux informé que moi sur cette langue, et voici ce que j’ai trouvé chez Pierre Larousse :

EFFÉMINÉ - 1 -Mou ; lâche ; dépourvu de vigueur physique ou morale : Homme efféminé. Personne EFFÉMINÉE. Cœur, caractère EFFÉMINÉS.
« En général, l'avortement des organes reproducteurs n'est pas un phénomène rare chez les deux sexes, et il en résulte un grand nombre d'individus EFFÉMINÉS. » (Virey.)
« Va, cœur efféminé, va, lâche, sors d'ici. » (Rotrou)
2 - Qui est propre aux personnes efféminées, qui convient à leur mollesse : Des habitudes EFFÉMINÉES. Un langage EFFÉMINÉ.
« L'éloquence chrétienne ne doit point affecter de charmer l'oreille par la mollesse d'un langage EFFÉMINÉ. » (Bossuet.)
« Pour la musique, on sait que les anciens croyaient que rien n'était plus pernicieux à une république bien policée que d'y laisser introduire une musique EFFÉMINÉE. » (Fénelon)
« On ne voit dans Isocrate que des discours fleuris et EFFÉMINÉS, que des périodes faites avec un travail infini pour amuser l'oreille. (Fénelon)
« La beauté de l'esprit n'a rien de mou ni d'EFFÉMINÉ. » (Bonhours)
« Les Polonais trouvent le dialecte bohême EFFÉMINÉ. » (Chateaubriand)

SYNONYMES : Efféminé, affaibli, amolli, énervé. - V. AFFAIBLI.


EFFÉMINER v. a. ou tr. - 1 - Rendre faible, mou, lâche… :
« Le luxe EFFÉMINE une nation ». (Dictionnaire de l’Académie)
« L'irréligion EFFÉMINE, avilit les âmes. » (J.-J. Rousseau)
« Les spectacles du théâtre ne sont propres qu'à amollir et à EFFÉMINER la jeunesse. » (St-Évremont)
2 - Affaiblir, en parlant d'une vertu morale, ou de ce qui était empreint d'une vertu de cette nature :
« II n'y a rien qui soit si capable d’EFFÉMINER le courage que l'oisiveté et les délices. » (Dictionnaire de l’Académie)
« A force d'adoucir l'éducation, nous l’AVONS EFFÉMINÉE. » (Rigault.)


S'EFFÉMINER v. pr. Être, devenir, se rendre efféminé :
« Les hommes S'EFFÉMINENT et les femmes s'hommassent» (Bernardin de St-Pierre)
« Par l'oisiveté l'innocence se mine / Notre âme s'abrutit, notre corps s'effémine» (Dubartas)


Quant à Paul Robert, qui pille allègrement le précédent, il ajoute tout de même aux siennes deux citations qui ne font qu’abonder dans le même sens :
« Il y avait à Tyr un jeune Lydien nommé Malachon, d’une merveilleuse beauté mais mou, efféminé, noyé dans les plaisirs » (Fénelon - Télémaque)
« Toutes les passions sensuelles logent dans des corps efféminés ; ils s’en irritent d’autant plus qu’ils peuvent moins les satisfaire. » ( Rousseau - Émile)

Avouez que l’usage que font ces auteurs classiques du mot « efféminé » a bien de quoi me faire douter de la pureté d’intention de ceux dont vous nous aviez parlé avant votre voyage ! Ils sentent la volonté de dénigrer la Sainte Liturgie à plein nez, c’est le moins que j’en puisse dire… Il n’y a pas une de ces citations qui ne soit l’opposé du chant liturgique. Qu’il soit grec, latin ou slavon.

Éliazar

PS - Mis à part ce point de lexicographie classique, je veux tout de même dire que la discussion qui s'était continuée pendant mon absence et dont j'ai pris connaissance depuis (entre J.L. Palierne, vous et quelques autres) corrigeait déjà cette apprécition du 18 août. Et ce que vous avez écrit en dernier lieu (le 23 août) m'a mis du baume au coeur; merci pour le chant byzantin! Je continue en effet, après toutes ces années et ces expériences diverses, à être persuadé qu'il est LE chant sacré par excellence - même s'il y a de très belles choses dans les autres liturgies : slav(onn)es, ou coptes, ou roumaines, etc...
Antoine
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Message par Antoine »

Je fais remonter cette rubrique afin de la rapprocher de celle créée par Jean-Louis:
Le livre de JM Gourvil sur le "Notre Père"

Je la "cadenasse" également pour que les débats éventuels se poursuivent sur cette dernière.
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