Canonicité territoriale

Échangez vos idées librement ici

Modérateur : Auteurs

Glicherie
Messages : 365
Inscription : ven. 18 juin 2004 14:41

Message par Glicherie »

Il s'agit dans ces cas, comme pour l'Eglise Roumaine, d'une chrismation, et non une re-chrismation, puisque l'on considère que, par économie, la transmission de l'Esprit Saint par l'onction va combler les sacrements reçus et qui étaient inopérants (voir Jean-Louis Palierne sur un autre fil su cette question).

Que je sache, en France, la pratique de recevoir les catholiques dans l'Eglise Orthodoxe par la chrismation est commune à toutes les juridictions.

Cela étant, ça ne change bien sur rien à la question comme dit Antoine.
Jean-Louis Palierne
Messages : 1044
Inscription : ven. 20 juin 2003 11:02

Message par Jean-Louis Palierne »

Glicherie,

Ma remarque voulait simplement dire qu’il n’y a jamais eu de décision canonique formelle de l’Église orthodoxe en sa plénitude concernant l’Église catholique. Il y a eu des prises de positions très importantes et très vigoureuses, par exemple par les patriarches d’Orient réunis, mais le Corpus canonique, qui n’a pas été mis à jour depuis le IXème siècle, reste muet. Et ce silence est tout de même un élément important. Un Concile œcuménique peut à nouveau se tenir. Je crois et j’espère qu’il se tiendra, mais nul ne peut dire quand. Il pourra (à mon sens il devra) non seulement prendre ses propres décisions, mais aussi canoniser un certain nombre de décisions qui ont été prises depuis la dernière mise à jour du Corpus canonique. Mais pour l’instant, sur une question comme celle que pose à l’Église orthodoxe l’existence de cette organisation qui prétend au titre d’Église catholique-romaine et qui est l’héritière infidèle d’un Patriarcat antique, sur cette question nous pouvons présenter des arguments et des convictions, pas des certitudes canoniques.

Je ne comprends pas pourquoi vous pouvez m’écrire :
Jean-Louis, votre analyse me semble vraiment pertinente. Mais ce que j'ai du mal à comprendre, c'est la relation avec l'Eglise catholique romaine: il n'y aurait pas de schisme ? Les russes reconnaitraient la validité des ordres ?
Je n’ai jamais eu la prétention de parler au nom de l’Église russe, qui se défend très bien toute seule, et à laquelle je n’appartiens pas. Alors pourquoi me poser cette question ?
Pourquoi alors, lors d'une conversion, l'on chrisme ou ("re") baptise le catéchumène ?
Je crois m’être longuement étendu sur cette question il y a un certain temps dans un autre fil de notre Forum. Saint Basile a clairement établi que la Tradition apostolique interdit de reconnaître les saints Mystères célébrés par des hétérodoxes. Mais cette même Tradition apostolique impose également de respecter la forme vide (nécessairement vide puisque donnée par des hétérodoxes) d’un saint Mystère célébré dans les règles (car les hétérodoxes généralement ne bouleversent pas totalement l’ensemble de la foi de l’Église qu’ils quittent, mais en gardent certains éléments) et de ne par réitérer le Baptême. Dans ce cas la Grâce baptismale, que l’hétérodoxe repenti n’avait pas reçue, lui est conférée par un autre geste de l’Église, par exemple la Chrismation.

Saint Basile a d’autre part rappelé que la Tradition apostolique ne place pas les hétérodoxes dans leur ensemble sur le même plan, et distingue, suivant l’ampleur de leur écartement, entre hérétiques, schismatiques et parasynagogues (et les définitions qu’il en donne ne coîncident pas avec la terminologie contemporaine). Le problème qui se pose dès lors est de savoir où classer les catholiques. Il semble évident qu’on ne peut les classer parmi les hérétiques, c’est-à-dire parmi ceux qui ont altéré la formule traditionnelle, trinitaire, du Baptême. Alors où ?
Les prêtres catholiques devenant ortodoxes ne sont ils pas ("re") ordonnés ? Le père Guetté par exemple ?
Ici le question posée est de savoir par quel saint Mystère on donne à un hérétique repenti la Grâce des sacrements dont il n’a reçu que la forme vide chez les hétérodoxes. Usuellement, si on ne les baptise pas (on ne devrait rebaptiser que ceux qui ont altéré la forme du Baptême), on leur confère la Chrismation. Mais les Conciles admettent aussi qu’on reçoive des “clercs” hétérodoxes en leur conférant le sacerdoce (qui leur confère alors la grâce baptismale et chrismale), ne serait-ce qu’en les réadmettant à l’autel. Je crois que c’est ainsi que le père René (devenu Vladimir) Guettée a été admis dans l’Orthodoxie.

Comme dans cas du Baptême, il ne s'agit pas de "reconnaître" le sacerdoce des hétérodoxes (donc dans ce cas des catholiques) mais d'apporter la Grâce des saints Mystères de l'Église orthodoxes à des gestes sans effocacité que des hétérodoxes avaient accomplis.
Comment la succession apostolique peut-elle validement se transmettre lorsque la confession de la foi est altérée ?
Je n’avais absolument pas l’intention de prétendre que la “succession apostolique” garde un sens en l’absence de la foi et de la communion orthodoxe. C’est le patriarcat de Moscou qui le dit, et je crois que mon texte le lui attribuait clairement. Si le PM accorde de l’intérêt à cette succession (qui d’ailleurs pour les orthodoxes n’est pas “apostolique”, mais “épiscopale”), c’est probablement parce que depuis le XVIIIème siècle l’Église russe, faisant sienne les vues “latinisantes” du métropolite de Kiev Pierre Moghila (qui appartenait au patriarcat de Constantinople), considéraient que pour la réception des ex-catholiques entrant dans l’Église orthodoxes, il convenait de tenir compte de cette prétendue succession et de les recevoir selon la procédure des parasynagogues. L’Église russe continue à agir ainsi jusqu’aujourd’hui pour les ex-catholiques, cependant que pour les ex-protestants elle pratique la Confirmation.

Le motif en serait que puisque les évêques catholiques ont la succession apostolique, ils confèrent une “Confirmation” valide et qu’on ne peut donc pas leur administrer la Chrismation orthodoxe.

Cette confusion doctrinale explique qu’Antoine puisse poser la question :
comment l'Eglise Russe peut-elle reconnaître une succession apostolique et une validité sacramentelle aux catholiques romains et professer en même temps dans le même document que l'Eglise Orthodoxe est la seule et unique véritable Eglise du Christ?
Mais c’est justement là que l’on retrouve l’augustinisme sacramentel transmis par l’influence de Pierre Moghila.

Glicherie se demande aussi comment dans ce cas l’Église russe a pu accorder l’autocéphalie aux États-Unis à l’OCA (qui était antérieurement une métropole de l’Église russe). Effectivement c’est un paradoxe, d’autant que l’Église russe reconnaît que la primauté romaine s’étend à tout l’Occident. Par ailleurs cette reconnaissance ne l’a pas empêchée de créer depuis lors des diocèses du patriarcat de Moscou aux USA.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
GIORGOS
Messages : 286
Inscription : dim. 30 mai 2004 6:02
Localisation : Argentine

Message par GIORGOS »

(A ce que je vois je poste ce message assez tard !)
--------

Peut-être ce fil dérive vers d’autres questions distinctes auxquelles Antoine à voulu dans son premier message.
Mais, toutefois c’est la pratique constante dans des discussions dans le Forum (et dans la vie, tout court).
Je sais parfaitement que j’ai un « français », pour ainsi le nommer, assez pauvre et je me trouve fréquemment dans la situation d’avoir à expliquer ce que j’ai déjà dit très confusément. Surtout quand je crois qu’on ne m’a bien compris… C’est ainsi que, de temps en temps je garde silence, par prudence, et dans d’autres occasions je réponds.

Antoine me demande, paraît-il, pourquoi j’ai dit que : « je vois bien les conclusions de Anne-Geneviève ». Mais parce que je parlais de l’imitation d’un « neo-papisme moscovite et phanariote » … » à « imitation des politiques du prince du Vatican. C'est à dire la recherche du prestige et du pouvoir. Et là, je vois bien les conclusions de Anne-Geneviève »… qui parlais dans des trois paragraphes finaux de son message de « politique » et « géopolitique » clérical.

Mais Antoine insiste en écarter la responsabilité de l’ecclésiologie augustinienne, malgré non pas mes affirmations, mais les explications de Glicherie et Jean-Louis Palierne.
Eh bien, je traiterai de faire mon apport.
Si on parle de « augustinisme » c’est parce que pour le dire en bref, il y a une tendance à la reconnaissance des « sacrements » et de la maintien de la Grâce hors de l’ Eglise, soit par souci d’un œcuménisme irréfléchi ( mais sentimental ou, bien pire, politique…), soit pour chercher la manière presque commercial du profit clérical ( surtout à l’étranger, avec l’inclusion dans des diocèses orthodoxes de groupements para-ecclesiaux) ; ou du profit pséudo-clérical pour la constitution de ces mêmes groupements à courte durée et aux convictions fluctuantes.

Quant au « néo-papisme », il consiste dans l’émulation des modes et manières sociaux, politiques et « religieux» de l’Eglise du Pape, prenant le despotisme d’honneur par un « despotisme » politique ( bien réel et effectif cette fois !) et utile autant pour le maniement du clergé que pour l’élargissement diocésain.


Mais, Antoine, je ne vois pourquoi cela est il incompatible avec « que l'orthodoxie se confectionne un gros balai... »
Que voulez vous qu’on vous envoie pour vous aider dans la confection ?
Le manche ou les pailles ?
Dernière modification par GIORGOS le jeu. 01 sept. 2005 2:53, modifié 1 fois.
Giorgos
SEÑOR JESUCRISTO, HIJO DE DIOS, TEN PIEDAD DE MÍ PECADOR.
Antoine
Messages : 1782
Inscription : mer. 18 juin 2003 22:05

Message par Antoine »

Giorgos merci de votre offre de balai surtout que Matt 22,21 nous dit:
"Rendez donc Ocedar ce qui est Ocedar, et à Dieu ce qui est à Dieu."
Herve
Messages : 14
Inscription : sam. 23 oct. 2004 9:17
Localisation : Seine-et-Marne
Contact :

Message par Herve »

Bonjour,
Ma remarque voulait simplement dire qu’il n’y a jamais eu de décision canonique formelle de l’Église orthodoxe en sa plénitude concernant l’Église catholique. Il y a eu des prises de positions très importantes et très vigoureuses, par exemple par les patriarches d’Orient réunis, mais le Corpus canonique, qui n’a pas été mis à jour depuis le IXème siècle, reste muet. Et ce silence est tout de même un élément important.
Pensez vous que cela pourrait être une des raisons qui puisse expliquer la nomination par les patriarcats canonique d'évêque de Korsoun ou de Neamts... plutôt que des évêques de Paris, Lyon ou même Rome ?

Hervé
Glicherie
Messages : 365
Inscription : ven. 18 juin 2004 14:41

Message par Glicherie »

Je ne crois pas.

C'est plutôt qu'une Eglise à un territoire donné. Là, elle nomme les évêques pour des lieux physiques, et la population qui y est attachée.

Mais dés lors que l'on invente des exarcats, des diocèses à l'étranger pour ses ressortissants et la notion de diaspora, on rentre dans une dimention "virtuelle", puisque l'Eglise en question n'a aucun droit sur un territoire qui n'est pas le sien et ne peu y nommer un évêque de plein exercice.

Ex: l'Eglise Russe nomme ses évêques sur son territoire la Russie. Elle a des ressortissants en France. Il n'y a pas là d'Eglise locale à laquelle ils peuvent appartenir. On envoi un clergé russe pour s'en occuper. On nomme un évêque. Paris n'étant pas en Russie, l'Eglise Russe ne peut pas le nommer évêque de Paris. Elle ne peut lui donner que l'exercice sur un lieu russe...mais comme il n'y exercera pas vraiment puisqu'il sera à Paris...on prend un lieu qui n'existe plus: Korsun, par exemple.

C'est une version canonique du système "off shore" bien connu dans le monde économique.

Peut être la crainte de froisser l'Eglise catholique romaine est aussi présente, avec la peur de nommer des évêques "en doublon".

Le remède: construire l'Eglise locale, comme aux USA mais dans le respect des canons, tout en conservant les spécificités des juridictions ethniques suffisament pour accueillir les orthodoxes de l'immigration et aider leur intégration.

Une possibilité évoquée plusieures fois par Jean-Louis Palierne: que l'Etat français, selon la politique des cultes qui lui est propre, force le processus pour l'établissement d'une Eglise Orthodoxe de France, qui ne serait plus soumise à une hiérarchie "étrangère".
Jean-Louis Palierne
Messages : 1044
Inscription : ven. 20 juin 2003 11:02

Message par Jean-Louis Palierne »

Lorsque l’on s’écarte des prescriptions canoniques pour adopter des structures qu’on voudrait plus rationnelles, loin d’obtenir une structure plus logique, plus cohérente, plus adaptée aux besoins de la nature humaine, on s’en écarte et on obtient des structures incohérentes ou les grands principes se bousculent l’un l’autre et se contredisent. Le Fondateur de l’Église, qui est aussi le Créateur de la nature humaine, la connaît mieux que nous, et il a imposé à cette Église, qui est son Corps répandu à travers l’univers, une structure étonnante, mais finalement la seule structure cohérente possible.

L’évêque est au centre de l’Église au lieu et à la place du Christ. C’est sa présidence qui permet à la communauté rassemblée de présenter un sacrifice agréable à Dieu et d’invoquer l’Esprit saint sur les dons offerts pourqu’ils deviennent les prémices de la réalité eschatologique du Christ, notre Vie. Alors il vient se distribuer à nous pour notre salut. Les prêtres sont à la fois les Anciens de la Communauté et les mains de l’évêque. Et c’est à l’évêque d’enseigner la communauté, de guérir les maladies spirituelles, d’écarter les pécheurs en leur prescrivant un temps de pénitence, de promouvoir les clercs par degrés jusqu’au sacerdoce, etc.

Mais la compétence de l’évêque est strictement cadrée dans l’espace. Les Apôtres et les Disciples, à qui le Seigneur avait confié une mission itinérante et non-renouvelable, ont institué des évêques en chaque cité où ils fondaient une Église. Ils leur ont transmis la Tradition apostolique, ensemble de prescriptions non-écrites concernant la célébration des saints Mystères et les structures de l’Église. Ils doivent se réunir en synodes dans chaque province (au début c’était deux fois par an) et y mettre en commun leurs actions, leurs difficultés, débattre de la Transmission des vérités de la foi, sous la présidence du métropolite, l’évêque de la ville chef-lieu de la province.

Chaque Église locale, présidée par son évêque est l’Église universelle présente en lieu concret. Elle marque concrètement sa communion avec les autres Église en participant au synode provincial. En chaque lieu elle doit regrouper tous les fidèles vivant dans cette ville, hommes et femmes, anfants et vieillards, hommes libres et esclaves, de quelque race ou ethnie qu’ils soient issus, quelle que soit la langue qu’ils parlent et leur nationalité politique.

C’est dans ce Mystère de la Communion de l’ensemble du peuple chrétien que se manifeste l’imminence du Royaume à venir, c’est dans ce cadre aussi que se réalisent les saints Mystères de l’Église orthodoxe, qui tissent et nourrissent, qui guérissent et qui enseignent toute notre vie quotidienne.

Les préséances super-provinciales que sont les autonomies et les auro-céphalies, les Archevêchés et les Patriarcats, ne sont que des services rendus à la vie des synodes provinciaux : ils confirment les élections et les modifications de découpages des Églises locales et provinciales, ils jugent les conflits au deuxième degré, en appel, ils authentifient et recommandent les déplacements des évêques auprès des pouvoirs civils. Ils ne devraient cependant pas s’arroger le privilège de la consécration du Saint-Chrême, qui devrait être faite par l’évêque pour son diocèse (il y a un texte de saint Cyprien très clair sur ce point). Mais toute la vie “mystérique” de l’Église ne connaît comme cadre que l’Église locale — mais une Église locale en communion avec l’Église “répandue sur toute la terre” par l’intermédiaire du synode provincial.

Constamment l’Église a dû œuvrer à corriger les errances des Églises locales et de leurs évêques, le vagabondage des clercs, l’empiètement sur le domaine du voisin, le “vol de brebis” entre pasteurs, les prélats courtisans passant tout leur temps à la cour (en attendant plus tard les cardinaux-ministres), les accusations mensongères etc, etc. En lisant les canons de l’Église on peut constater la répétitions de canons cherchant à écarter les mêmes abus. Si les canons devaient se répéter, c’est probablement que le précédent n’avait pas suffi…

La grande tentation de l’époque moderne est, non plus la sécularisation dans l’Empire universel chrétien (c’était le cas avec Byzance) c’est maintenant la sécularisation par l’identification à l’État-Nation. Toutes les Églises autocéphales se veulent “nationales”, ce qui est anti-canonique. Une seule Église n’a pas officiellement adopté ce principe, c’est le patriarcat de Constantinople, mais dans les faits il se conduit en Ministère de l’émigration grecque. Aucune ne semble prendre conscience du drame spirituel que vivent les occidentaux.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
Répondre