LE NOUVEAU PAPE

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Dzma
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Message par Dzma »

Je pense sincèrement que ces discussions autour de la papauté sont fatigantes, d'autant plus qu'elles interviennent sur un forum Orthodoxe où la position sur ce sujet est quand même claire depuis des lustres. Le plus important c'est la FOI et non autre chose. J'ai déja donné ma position sur le sujet sur ce même forum. On doit vivre sa foi pour DIEU et NON pour un évêque en particulier (n'oublions pas que beaucoup fondent l'oecuménisme, sur la plénitude de vérité, or le fondement de la primauté Romaine est en lui-même un mensonge, à savoir la succession pétrinienne que seul le patriarche Orthodoxe d'Antioche possède au sens strict...)


Le plus important pour l'unité c'est la FOI et le respect de l'identité de chaque Egliseet rien d'autres. Qu'il existe des variantes ou différences de mentalités et cultures entre les différentes Eglises c'est normal ... Mais la Foi doit être IDENTIQUE et ne pas être altérée ou supplantée par cette question rébarbative de la Papauté.


Quant au fait de reprocher aux Eglises Orthodoxes leur caractère trop "National", là encore pardon de me répéter mais j'aimerais que la Cardinal Kasper se rappelle également que dans des pays comme la Croatie ou la Pologne, le catholicisme Romain revêt également un caractère "National" amplifié comme en Russie ou en Serbie, sans que quiconque n'y trouve à redire.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

L’intrusion du caractère national dans l’ecclésiologie s’est produite en Occident. On peut considérer que la première affirmation officielle du nationalisme ecclésiastique fut le fait d’Henry VIII fondant l’Église d’Angleterre. Mais on pourrait trouver des précédents en France. L’ethnophylétisme a ravagé l’Église orthodoxe lorsque les peuples chrétiens des Balkans ont commencé à tenter de se libérer à la fois de la domination politique ottomane et de la domination ecclésiastique du Patriarcat de Constantinople. Ces deux causes leur paraissaient indissolublement liées. Théologiquement ils avaient tort. Mais il faut reconnaître que la domination des Phanariotes (les Grecs de Constantinople qui monopolisaient le fonctionnement du patriarcat) s’était faite arrogante et pesante auprès des populations chrétiennes.

Je n’ai pas l’impression que nous parlions vraiment trop du papisme sur ce Forum. Il faut bien reconnaître en effet que la question se pose parfois lorsque des Français s’orientent vers l’Orthodoxie, et aussi lorsque on évoque l’Histoire. Qu’on le veuille ou non le papisme fait partie des cadavres qui sont cachés dans les placard sde l’Orthodoxie occidentale. Il est donc préférable que nous en parlions de temps à autre, sans chercher à faire le silence.

D’autant que je crains que dans certaines réactions (comme celle de Dzma ?) il y ait une tentation de prendre ses distances vis-à-vis des “problèmes administratifs et hiérarchiques” et de se réfugier dans une foi ”pure”. Or l’Église est un corps vivant où les membres assument des fonctions diverses, des services réciproques, dont on ne doit pas nier, encore moins rejeter, l’interactivité. Et en particulier l’évêque occupe dans la communauté ecclésiale une fonction centrale.

Dans une communauté chrétienne locale il doit y avoir divers charismes : un évêque (et un seul), des prêtres, des diacres, des laïcs, des moines. Tous sont en communion avec l’évêque. C’est l’évêque qui administre les saints Mystères et c’est l’évêque qui assure la communion de la communauté locale (diocèse) qu’il préside avec toutes les autres Églises locales de l’Église répandue par tout l’univers.

L’introduction d’un prétendu principe “papiste” modifie substantiellement, altère fondamentalement cette structure de l’Église. Il est donc inévitable que nous soyons de temps à autre amenés à en parler.
Jean-Louis Palierne
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Dzma
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Message par Dzma »

Je ne nie pas qu'une hiérarchie est nécéssaire et je souhaite de tout coeur l'Unité, mais l'Unité dans la FOI de Dieu et non en autre chose. Hors j'ai plus l'impression que certains désirent une Unité qui ne s'interesse qu'aux Structures . Un ministère de communion, avec un primat d'Honneur, est nécéssaire; mais au nom de quoi serait-ce forcément l'Evêque de Rome qui l'assurerait? Que je sache nous ne sommes plus au temps de l'Empire Romain. Je respecte les fidèles Catholiques Romains où j'ai de nombreux amis (qui ne sont pas tous des Papistes et qui vivent leur foi pour Dieu), et souhaite qu'un jour la pleine communion soit possible... De même je ne nie pas que la Papauté est une réalité mais seulement dans cette Eglise et non dans les autres...

Je de ces hommes venus à l'Orthodoxie aprés une longue traversée où j'avais perdu tout espoir et j' y ai découvert ce que je cherchais: une Foi qui se vit exclusivement pour Dieu et plus proche de la Spiritualité que je ne percevais pas dans une autre confession .

Dieu nous guidera vers toute la Plénitude de Foi nécessaire à l'Unité. A nous de savoir comprendre et ne pas altérer ses paroles...
Antoine
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Message par Antoine »

Dzma a écrit :Je pense sincèrement que ces discussions autour de la papauté sont fatigantes, d'autant plus qu'elles interviennent sur un forum Orthodoxe où la position sur ce sujet est quand même claire depuis des lustres.
Comme vous repostez un deuxième message dans la rubrique, j'en conclue que vous n' êtes pas autant fatigué du sujet que vous le dîtes...

La réponse d'Anne Geneviève et son commendaire des prétentions de B.16 sont très utiles. Elles précisent un point qui n'avait pas été abordé avec autant de détails à savoir ce qu'était le patriarcat de Rome dans son étendue. Lecteur Claude l'avait déjà esquissé. De plus cette question est très importante. On voit comment le modèle papal est récupéré dans l'organisation même du patriarcat de Moscou .

Quant à la position des Eglise orthodoxe je n'arrive pas à déceler comme vous dans les différentes déclarations des évêques qu'elles soient unanimes. L'absence d'Eglise locale orthodoxe en Europe occidentale est dûe en grande partie à une reconnaissance d'un patriarcat romain actuel par les Eglises orthodoxes, alors que justement elles devraient en créer un. Cette compromission de nos évêques est contraire à toute l'ecclésiologie orthodoxe. Le patriarcat de Rome est vacant depuis mille ans. Il y a longtemps que nous aurions dû recréer un patriarcat orthodoxe apostolique à Rome et pratiquer sur ce plan ce que nous prônons. Entre l'écclésiologie orthodoxe des textes et l'ecclésiologie orthodoxe réellement pratiquée, que de de différences! Sommes nous encore crédibles?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Il ne s’agit pas de s’intéresser aux structures pour les structures. Mais elles sont nécessaires pour exprimer la communion dans la foi et dans l’Amour. Dieu a ainsi fait l’homme qu’il lui demande d’exprimer sa liberté dans le réalité concrète. Il n’y a pas de foi dans le Dieu d’amour sans réalisation de l’image qu’il a imprimée en nous. Et Dieu nous a révélé que cette réalisation comporte non seulement une certaine conduite personnelle, mais la fidélité à l’institution qu’il a fondée, et donc la fidélité à l’évêque qui enseigne et professe la foi véritable et qui est lui-même en communion avec tous les autres évêques de l’Église.

Personne ne pense que l’évêque de Rome est nécessairement le primat d’honneur de la communion universelle. Lorsque cet évêque a déchu de l’Orthodoxie ce primat a été attribué à Constantinople “la deuxième Rome”. On pourrait très bien imaginer qu’un jour les choses soient de nouveau modifiées, mais il y faudrait un Concile œcuménique (et il serait utile pour beaucoup d’autres raisons encore). Nul ne sait quand il aura lieu. J’espère qu’il aura lieu. Qui peut prévoir l’avenir ?
Jean-Louis Palierne
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Il faudrait aussi se pencher sur la question du "patriarcalisme" de certains théologiens orthodoxes qui justifient à la fois leurs compromissions avec le Vatican et des ambitions de leur hiérarchie. J'avais lu un texte de Mgr Hilarion (Alfeyev) qui faisait pratiquement des patriarcats une structure nécessaire de l'Eglise. On en était presque à remplacer "là où est l'évêque, là est l'Eglise" par un "là où est le patriarche, là est l'Eglise".

Il faudrait quand même se rendre compte que l'Empire romain est terminé et qu'il ne peut pas dicter l'agenda de l'Eglise jusqu'à la consommation des siècles. L'Eglise autocéphale de Grèce a probablement trois fois plus de fidèles que les quatre patriarcats anciens et apostoliques réunis et elle n'a pas de patriarche à sa tête et ne s'en porte pas plus mal.

On a tendance à ramener toute l'organisation ancienne de l'Eglise à la pentarchie: les patriarcats de Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Mais c'est oublier que l'organisation était déjà bien plus complexe au temps de la pentarchie. C'est oublier le catholicossat, c'est-à-dire le patriarcat, de Séleucie-Ctésiphon qui ne s'est séparé de l'Eglise qu'en 484. C'est oublier qu'il y avait déjà des Eglises autocéphales sans titre patriarcal. Nous connaissons tous l'exemple de l'Eglise de Chypre qui est autocéphale, avec un archevêque à sa tête, depuis l'an 431, parce que cette autocéphalie n'a pas connu d'interruption. Mais il y a eu des autocéphalies éphémères, sans titre patriarcal, dès l'époque de la pentarchie: ne serait-ce que l'archevêché de Justiniana Prima.
Et la fonction patriarcale des papes de Rome en Europe occidentale se limitait à un droit d'appel qui, dans toute l'histoire de l'Eglise des Gaules au temps des Mérovingiens (481-751), ne fut exercé qu'une seule fois, lors de l'affaire de Salonius d'Embrun et Sagittaire de Gap au temps du roi saint Gontran (cf. Mgr Louis Duchesne, L'Eglise au VIe siècle, De Boccard, Paris 1925, p. 531). Les Eglises d'Espagne, des Gaules et de Milan étaient autocéphales. Le pape de Rome n'était guère que le métropolitain de l'Italie suburbicaire.
Ce sont des circonstances inattendues qui ont permis au pape de Rome de devenir vraiment le patriarche d'Occident: le fait que les Anglo-Saxons se soient appuyés sur lui; l'incapacité de l'Eglise des Gaules à aller jusqu'au bout de son affirmation canonique en se dotant d'un siège comparable à ce que Tolède pouvait être pour la péninsule ibérique; le mépris des missionnaires d'Austrasie pour la tradition de l'Eglise des Gaules. Mais cela a pris du temps. Vers 1045, l'archidiacre Hildebrand, futur Grégoire VII, devait encore s'allier avec les hérétiques patarins pour venir à bout de l'Eglise de Milan.

On n'a guère relevé que la renonciation de Benoît XVI au titre de patriarche d'Occident fait partie d'un processus d'affirmation de la juridiction universelle du pape de Rome par dévalorisation du titre patriarcal qui a commencé il y a bien longtemps. On sait que l'archevêque de Venise porte le titre de patriarche, présenté comme un simple titre honorifique pour mieux faire oublier qu'il s'agit, via Grado, de l'héritage du patriarcat d'Aquilée qui, au moment de la querelle des Trois Chapitres, disputait le titre patriarcal à Rome pour des raisons dogmatiques. Comme pour mieux faire oublier que ce titre de patriarche de Venise a eu une toute autre signification dans un lointain passé, la Papauté s'est empressé de créer un patriarche de Lisbonne. On sait aussi que les croisades furent l'occasion de chasser les titulaires orthodoxes légitimes de leur siège à Antioche, Jérusalem et finalement Constantinople (le patriarcat oecuménique se repliant alors à Nicée) et de distribuer des titres de patriarche à des évêques francs.

Mais les principaux responsables de la dévalorisation du titre patriarcal sont bien sûr les uniates et les Maronites, dont les "patriarches" ont docilement accepté, depuis le XIXe siècle, de se faire créer cardinal à Rome, montrant ainsi le peu de cas qu'eux-mêmes font de leur prétendu titre patriarcal.

Il y a aussi un point que personne n'évoque à propos de la renonciation de Benoît XVI à son titre de patriarche d'Occident. Quand j'étais étudiant en droit à Fribourg, j'avais trouvé à la bibliothèque de la faculté de théologie (qui était logée dans le même bâtiment que notre faculté) d'anciens numéros d'un journal orthodoxe français qui évoquaient un incident qui avait dû se produire vers 1977. Au cours du congrès d'un organisme du type Fraternité orthodoxe en Europe occidentale, les orateurs les plus enflammés par l'oecuménisme avaient évoqué leur rêve d'une Orthodoxie en Europe occidentale se dissolvant dans le "patriarcat d'Occident". L'historien orthodoxe français Jean Besse avait rétorqué par un article expliquant que le pape de Rome ne se disait pas patriarche d'Occident, mais bien pontife universel. Naturellement, à l'époque, toute une intelligentsia ou se disant telle lui était tombé dessus en lui reprochant son intolérance, son lèse-oecuménisme, etc.

Il me semble que la décision de Benoît XVI lève au moins l'équivoque de ce côté-là. Maintenant qu'il a renoncé à ce titre désuet de patriarche d'Occident pour mieux affirmer sa monarchie universelle, j'aimerais entendre ceux qui (si mes souvenirs de lectures sont exacts) se sont jetés sur Jean Besse parce qu'il avait osé affirmer que ce titre de patriarche d'Occident n'avait pas l'importance que lui prêtaient les orthodoxes les plus engagés dans l'oecuménisme.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Puisqu’on parle des autocéphalies antiques, il ne faut pas oublier que durant plusieurs siècles l Église d’Afrique (grosso modo = Tunisie + Constantinois et une zône littorale d’Oran à Tripoli, avec un centre à Carthage) s’est voulue totalement indépendante de toute autorité non-africaine. Cependant ses canons constituent un élément important du Corpus Canonum de l’Église orthodoxe. Elle pratiquait uniquement la langue latine (avant même l’Église de Rome) et veillait avec une particulière attention à interdire tout rapport de ses évêques avec l’Église de Rome. Il y a aussi un canon où elle conseille fermement au pape de Rome de se réconcilier avec celui d’Alexandrie. Cette Église a malheureusement disparu sous les coups de divers groupes héréyiques, puis de l’invasion des Vandales, puis sous l’assaut de l’Islam

Le primat de cette Église, qui portait très modestement le titre "d'évêque du premier siège de l'Afrique, sans se croire obligé de s'affubler d'un titre de patriarche ou de pape, exerçait une autorité très forte sur toutes les provinces de l'Afrique. Il aurait pu prétendre être le patriarche d'une Église autocéphale.

Dans les œuvres de saint Basile, en particulier dans ses Lettres on voit que saint Basile avait placé un grand espoir dans une éventuelle intervention des Églises d’Occident (par la voie d’un Concile où les occidentaux seraient venus en nombre) dans les nombreuses divisions qui affaiblissaient l’Orient (hellénophone). Il s’adresse dans diverses directions aux évêques d’Espagne, de Gaule ou d’Illyrie, une fois seulement au pape de Rome, dont il respecte la préséance, mais dont il n'attend guère un geste positif (il n’aimait pas Damase). Jamais il n’évoque la faiblesse des structures de l’Occident. Il est convaincu que l’Occident est le grand frère et l’Orient le petit. Il demande au maximum à Damase, au cas où la convocation d’un Concile serait irréalisable, de désigner des délégués des églises d’Occident pour un Concile destiné à en terminer avec les querelles de l’Orient.

En Orient il y eut aussi la tentative de création d’un archevêxhé à Ohrid, et qui devait d’azilleurs connaître un compétiteur par la création d’une Église autocéphale serbe.

Les préséances du club des cinq capitales comportaient également dans leurs responsabilités celle de mandater les démarches des évêques de base qui venaient adresser leurs requêtes au pouvoir impérial pourvu qu’elles eussent été dûment autorisés par le synode de leur province. Le patriarche de la capitale devait s’assurer de cette autorisation synodale avant d’introduire la requête auprès des bureaux impériaux. Mais la préséance de Rome et de Constantinople, puis de Constantinople seule comportait également de statuer en cassation d’un jugement provincial, ou même diocésain mal jugé, et d’en renvoyer l’examen auprès du synode d’une autre province, complété éventuellement de juges délégués par le siège patriarcal. Puis on vit apparaître des jugements en second appel. et des tentatives de conciliation.

Dans tous ces cas il ne s’agissait que de services rendus au bon fonctionnement des synodes probinciaux.

Au moment ou B16 s'efforce de nouer une alliance des grands chefs d'Église pour qu'ils se posent en interlocuteurs de l'Union européenne et de l'ONU, il semble qu'il ait voulu verrouiller tout espoir de réconciliation hiérarchique en renonçant à porter le seul titre qui pouvait servir de base à une discussion de fond avec les Orthodoxes. Face à ses deux principaux partenaires, le PŒ et le PM, il entend être le seul à avoir le droit de porter un titre universel. Autrement dit il élève son trône à un cran au-dessus des trônes de ses compétiteurs.
Jean-Louis Palierne
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Il me semble que c’est le lieu et le moment de s’intéresser de plus près au dénommé Hildebrand, pape Grégoire VII, auquel notre lecteur Claude vient de faire allusion.

Qui est Hildebrand ? Né à Soana en Toscane vers 1020, fils du charpentier Bonic ou Bonizon*, sans doute d’origine germanique, il a fait ses premières études à Rome, au couvent Sainte-Marie-sur-l’Aventin. Il y aurait eu pour maître Jean Gratien, futur pape Grégoire VI dont il devint le chapelain. Ou le secrétaire. Hildebrand le suivit lors de son exil en Allemagne et, après sa mort en 1048, se retira à Cluny. Il fut ensuite le conseiller des papes Léon IX dès 1048, Victor II, Etienne IV, Nicolas II, Alexandre II avant d’être élu lui-même après 25 ans de règne secret.

*On trouve un Bonizon évêque de Sutri, lui aussi partisan d’une réforme de l’Eglise dans les années 1040. Il peut y avoir eu confusion des biographes. A moins qu’il ne s’agisse d’un parent. On a donc deux sources possibles pour cet esprit de réforme très augustinien : Cluny qui vient d’inventer la centralisation monastique et la manière de soustraire les moines à l’autorité de l’évêque du lieu ; et certaines familles germaniques.

Voici le texte, traduit sur le site Encyclopédie de la langue française (www.encyclopedie-universelle.com), de son Dictatus papae de 1075, un des sommets de la « querelle des investitures » comme on dit dans les manuels scolaires.
1. Que l'église Romaine a été fondée par Dieu seul.
2. Que le pontife Romain seul peut de droit être appelé universel.
3. Que lui seul peut déposer ou rétablir des évêques.
4. Que, dans un concile, son légat, même de grade peu élevé, est au-dessus de tous les évêques et peut prononcer la déposition de l'un d'eux.
5. Que le pape peut déposer quiconque en son absence.
6. Que, parmi d'autres choses, il ne nous est pas permis de rester dans la même maison que ceux qu'il a excommuniés.
7. Qu'il possède seul le droit, selon les besoins du temps, de faire de nouvelles lois, de rassembler de nouvelles communautés, de faire d'un chapitre canonial une abbaye; et, d'autre part, de diviser un riche évêché ou au contraire, d'en unir des pauvres.
8. Qu'il peut seul employer les insignes impériaux.
9. Qu'au pape seul, tous les princes embrasseront les pieds.
10. Que seul son nom sera prononcé dans les églises.
11. Que c'est là le seul nom dans le monde.
12. Qu'il lui est permis de déposer des empereurs.
13. Qu'il lui est permis de déplacer des évêques si besoin est.
14. Qu'il a le pouvoir d'ordonner un clerc de n'importe quelle église qu'il peut souhaiter.
15. Que celui qui est ordonné par lui peut diriger toute église, mais ne peut pas tenir de rang subalterne; et que nul ne peut obtenir un rang plus élevé d'aucun évêque.
16. Qu'aucun synode ne sera qualifié de général sans son ordre.
17. Qu'aucun chapitre et aucun livre ne sera considéré comme canonique sans son autorité.
18. Qu'un jugement prononcé par lui ne peut être annulé par quiconque; et que seul lui-même, parmi tous, peut le faire.
19. Que lui-même ne peut être jugé par personne.
20. Que personne n'ose condamner celui qui fait appel au siège apostolique.
21. Qu'il tranchera de manière définitive dans les cas les plus importants de chaque église.
22. Que l'Eglise Romaine ne s'est jamais égarée; elle ne s'égarera pas de toute l'éternité, comme en témoigne les saintes Ecritures.
23. Que le pontife Romain, s'il a été canoniquement élu, est fait saint, de manière indubitable, par les mérites de saint Pierre et saint Ennode, évêque de Pavie, qui témoignent pour lui, beaucoup de saints pères étant d'accord avec lui. Ainsi qu'il est écrit dans les décrets du pape Symmaque.
24. Que, par son pouvoir et son consentement, des subalternes auront le droit de porter des accusations.
25. Qu'il peut déposer et rétablir des évêques en dehors de toute assemblée ou concile.
26. Que celui qui n'est pas en paix avec l'Eglise Romaine ne peut pas être considéré comme catholique.
27. Qu'il peut délier des sujets de leur fidélité (féauté) à de mauvais hommes.
Comme je n'ai plus le latin en tête, il me semble que ce sont les grandes têtes de chapitre mais elles sont déjà fort explicites !
Soulignons la prétention à l’empire (v. 8 à 12 ; 27), la destruction systématique du principe de localité de l’Eglise (v. 3 à 7 ; 10, 11 ; 13 à 16 ; 21 ; 25), enfin le germe de l’infaillibilité pontificale (v. 22, 23), sans oublier l’immunité scandaleuse du v. 19.
Immédiatement, la résistance va s’organiser : le D.P. n’est publié ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni en Espagne. En Angleterre, Lanfranc de Canterbury amende le texte.

Le 24 janvier 1076, la diète de Worms déclare Grégoire VII hérétique, magicien, adultère, usurpateur de l’empire et déchu de la papauté ; les évêques lombards, lors de conciles à Plaisance et à Pavie, appuient ces décisions. Ces conciles de 1076 sont tellement explosifs que mon Dictionnaire du XVIIIe siècle ne les mentionne même pas. Le 12 février, en représailles, Grégoire jette l’interdit sur l’empire et excommunie tous les évêques récalcitrants. J’ignore comment il a pu l’obtenir, peut-être en mobilisant les moines clunysiens, mais de fait il obtient la reddition de tous les excommuniés qui implorent son pardon, jusqu’à l’empereur Henri IV qui ira donc à Canossa en costume de pénitent. On voit qu’il s’agit de bien autre chose que d’une question de préséance pour les investitures.
Après quoi, le même Grégoire va susciter une guerre civile en Allemagne, poussant les princes allemands à offrir le titre impérial à Rodolphe de Souabe en mars 1077. Cette fois, Henri va lui tenir tête, renouveler aux conciles de Mayence et de Brixen (1080) la condamnation de Grégoire et faire élire un autre pape, Guibert de Ravenne, sous le nom de Clément III. En 1084, il entre dans Rome. Grégoire, de son côté, avait fait appel aux troupes du normand Robert Guiscard, qui va le délivrer de sa prison au château Saint-Ange. Exilé à Salerne, Hildebrand mourut en 1085.
Ajoutons que c’est lui qui a rendu obligatoire le célibat des prêtres et qu’il a voulu l’étendre même aux clercs mineurs.
Comme autrefois Augustin et sa bande (voir les Confessions)
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Dans mon commentaire rapide du Dictatus papae, j’ai oublié un élément, le v. 6 qui représente un indice sûr de judaïsation.
Vérification faite, le texte est complet. Mais cela ressemble beaucoup aux têtes de chapitre d’un traité qui n’aurait jamais été écrit.
La destruction du principe de localité de l’Eglise, c’est déjà l’œuvre de Cluny qui s’autoproclame abbaye mère et ne laisse que très peu d’autonomie à ses « filles », en dehors de la gestion du quotidien. Benoît d’Aniane n’avait pas osé ! Quand le grand Charles lui a demandé de réformer les abbayes du royaume franc, il s’est contenté de revoir la règle de son illustre prédécesseur Benoît de Nursie et d’envoyer des moines formés à Aniane avec une copie dans leur besace se mettre au service des abbés qui en faisaient la demande.
Toutefois, on peut souligner que l’uniformisation et la centralisation sont un signe assez constant de cette tendance franque à la fois augustinienne, judaïsante et filioquiste.
Augustinisme évident lorsque Grégoire VII assimile moines et clergé, prêtrise et monachisme. Et même exige le monachisme des clercs mineurs (lecteurs et acolytes). C’est faire une sorte de christianisme à deux vitesses, une pseudo « cité de Dieu » dont les citoyens sont assimilables aux anges selon la rhétorique monastique classique depuis l’époque carolingienne et qui seuls ont droit d’entrer dans le saint des saints, une cité non seulement asexuée par le célibat mais uniquement mâle car les moniales, bien bouclées derrière leurs murailles, n’ont pas voix en ce qui concerne l’Eglise. Terminé, le temps des Radegonde, des Théodechilde et des Bathilde ! Et, à la vitesse inférieure, la masse des laïcs, de l’empereur au serf, qui n’a qu’un droit : se soumettre et la boucler. Le peuple n’est plus royal parce que, dans les faits, il n’y a plus de peuple mais seulement un troupeau. Ce cléricalisme hiérarchique n’aura plus qu’à officialiser la coupure, grâce à Innocent III qui interdit la lecture de la Bible en langue vulgaire et interdit aux laïcs la communion sous les deux espèces.
Entre l’époque carolingienne où le filioque « s’impose » à de nombreuses Eglises d’occident avec la bénédiction de Charlemagne qui n’en a sans doute pas vu les enjeux et la rupture finale sous Innocent III, il faut 4 siècles, 4siècles qui vont voir détruire l’une après l’autre les Eglises de nos terroirs et Rome se transformer en cette pieuvre totalitaire qui pourtant ne se maintiendra que de justesse.
Mais se maintient. Avec un incroyable culot, sans rien apprendre, rien comprendre des événements. On peut rapprocher deux histoires exemplaires. En 1453, dans Byzance assiégée, des théologiens discutent d’angélologie ; en 1870, dans Rome où le peuple applaudit l’unité italienne, le concile Vatican I déclare le pape infaillible. Quelle antithèse ! A Byzance où chacun sait la fin proche, on se préoccupe des abords du trône de Dieu ; à Rome, c’est de pouvoir universel et de totalitarisme qu’il est question au moment même où le pouvoir concret se dérobe. Et encore aujourd’hui, malgré l’implosion que ne cesse de nous rappeler avec raison Jean Louis Palierne, B16 commence sa carrière en se réaffirmant universel et, comme le dit très justement Jean Louis, en « élevant son trône un cran au dessus des trônes de ses compétiteurs ». J’avoue que je suis soufflée et parfois troublée de cette capacité de durer malgré tant de nuisance.
J’espère ne pas trop trahir mon devoir de réserve mais, lors d’une étude réalisée dernièrement, un des indicateurs devait être la façon dont les gens interrogés se définissaient du point de vue religieux. De nombreuses personnes que j’ai interrogées hésitaient et m’expliquaient que leurs parents… qu’ils avaient été baptisés bébés, mais… Quand je relançais gentiment : ils ne s’agit pas de vos parents, mais de vous, de votre religion si vous en avez une…alors avec un soulagement indicible, ils me répondaient « non, je n’en ai pas » ou se disaient croyants mais hors institution. Je n’oublierai jamais ce soulagement, comme s’il avait fallu ma permission, celle d’une enquêtrice lambda, pour qu’ils sortent d’une forme de joug psychique. Ce sont des gens qui ne pratiquent pas, qui même probablement ne croient pas en Dieu, rejettent la caricature haïssable qu’on leur a donné à la place de Dieu – et pourtant ils traînent comme un poids sur les épaules une sorte d’identité catho surajoutée, comme s’ils n’avaient pas le droit de s’en défaire. C’est dément.
J’ai l’impression que c’est le même phénomène qu’à Canossa. Quelque chose colle à l’âme. Mais quoi ?
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Avec Benoît d’Aniane et la fondation de l’ordre clunisien, ce n’est pas seulement l’ordre monastique mondial qui fait son apparition, c’est aussi e rejet d’un principe fondamental de l’ordre canonique traditionnel de l’Église, toujours valable dans l’Église orthodoxe : les higoumènes des monastères ne dirigent leur monastère qu’avec la bénédiction de l’évêque de l’Église locale, et les biens monastiques sont la propriété du diocèse. Ce n’est plus le cas dans l’Église catholique, où bien souvent, même aux époques de monolithisme maximum, l’évêque est à peine au courant de ce que font les “congrégations”.

Avec la création des ordres monastiques (bénédictins, cisterciens, chartreux et il y en eut d’autres) puis a fortiori avec la création des ordres militants (dominicains, franciscains, carmes, jésuites etc...) c’est toute la vie de l’Église d’Occident qui est défigurée. Il est significatif que ce sont surtout les ordres militants qui se sont lancés à l’assaut de l’Orthodoxie.

Au sujet du rejet par B16 du seul titre qui aurait pu lui permettre de négocier sur un pied de parité avec les patriarcats orthodoxes, en se mettant “un cran au-dessus”, j’avais en tête un gag du film de Chaplin “le Dictateur” où on voit Chaplin-Hynkel recevoir la visite de son collègue méridional dont j’ai oublié le nom dans le film. Il l’emmène dans son salon de coiffure privé avec deux fauteuils, et tourne une manivelle pour se trouver un cran au-dessus du collègue. Oui, je sais, ce n’est pas très spirituel...

Avant l’implosion, le virage à 180° de l’Église catholique produit des résultats inattendus. On va populariser les miracles de Lourdes et accélérer la procédure de leur reconnaissance par le Vatican (un certain nombre de fidèles catholiques se plaignent que “leurs miracles” ne soient pas reconnus). Officieusement c’est pour pouvoir lutter avec la concurrence des évangélistes, qui pratiquent l’imposition des mains à tour de bras. Mais comment les médias français, dont l’information religieuse est si soigneusement filtrée, peuvent-ils être au courant sans qu’on leur ait donné l’explication officieuse ?

En ce qui concerne les sondages d’opinion et autres études sur la mentalité française en matière “religieuse”, je persiste à recommander les travaux de Danièle Hervieu-Léger. Sa synthèse me paraît excellente, même si je ne me sens pas obligé d’en rester à ses exigences en matière d’objectivité et de neutralité scientifique.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
Sylvie
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Message par Sylvie »

"Suite aux commentaires sur la suppression du titre papal de " Patriarche d'Occident" dans l'Annuaire Pontifical 2006, le Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens a rendu public aujourd'hui un communiqué pour expliquer cette absence. "

http://212.77.1.245/news_services/press ... /a2_fr.htm
Alexandr
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Message par Alexandr »

Je croyais que
le IV Concile de Constantinople (869-870)
était annulé aussi par Rome. On découvre chaque jour des choses...
Sylvie
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Message par Sylvie »

À propos de ce concile, vous pouvez lire l'historique dans le fil de discussion sur le pape Jean VIII.

viewtopic.php?p=9773#9773

Sur Wikipedia j'ai trouvé ceci à propos de Théodore 1er qui, dit-on dans le communiqué, a été le premier à utiliser ce titre de patriarche d'Occident.
Théodore Ier, né à Jérusalem, d'origine grecque, 73e pape de 642 à 649.

Il fut le premier pape à reprendre le titre de pontife (en latin pontifex maximus), tombé en désuétude depuis le déclin de l'antique religion romaine. A partir de ce pape, on peut parler de pontificat sans commettre d'anachronisme.

il s'opposa au monothélisme, doctrine proposée par l'empereur byzantin Héraclius

Madeleine
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Sur Cluny, etc., je poste une réponse sur le fil Dictatus papae qui me semble plus adapté.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
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