L'"évangile" selon Judas

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Stephanopoulos
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L'"évangile" selon Judas

Message par Stephanopoulos »

Bonjour à vous tous,

Voici un article paru dans le quotidien Suisse "Le Matin" le 30 mars 2005 avec pour titre L'Evangile selon Judas refait surface :

"Bâle. Près de deux mille ans après avoir semé la discorde entre les premiers chrétiens, l'Evangile selon Judas, attribué à l'apôtre qui a livré Jésus, a été découvert en Egypte et est en cours de traduction en Suisse. Le texte, écrit en copte dialectical, la langue des chrétiens d'Egypte, devrait être publié dans environs un ans, a indiqué la Fondation Maecenas pour l'art ancien. Selon le directeur de la fondation bâloise, Mario Jean Roberty, des tests de datation au carbone 14 font remonter le texte à une fourchette comprise entre le IIIème et le IVème siècle ap. J.C.
L'Eglise des premiers siècles a limité au Concile de Nicée (Turquie), en 325, à quatre les Evangiles transmettant l'enseignement du Christ, selon Jean, Luc, Matthieu et Marc. Mais une trentaine d'autres textes ont alors été écartés, car ils différaient des besoins politiques de l'empereur romain Constantin, le premier empereur chrétien." (fin de l'article)


Je trouve curieux, pour ne pas dire douteux, que ce genre de texte à été découvert en Egypte, comme le soi-disant "évangile" de Thomas, et nul part ailleurs dans la chrétienté comme c'était le cas, bien avant l'avènement de Constantin, avec les Evangiles canoniques ou les lettres de Saint Paul de Tarse qui ont voyagé par le système des postes de l'empire romain qui était efficace (facile, ils se servaient de codex et non de rouleaux comme les juifs; discret et pratique).

Autre point, pouquoi avoir fait un Concile si, comme le prétend l'article, l'empereur manipulait tout pour ses besoins politiques (peut-ont savoir lequels, depuis le temps que les journalistes en parlent)?
Encore, il me semble que l'empereur Constantin n'a reçu le baptême que sur son lit de mort. L'Eglise aurait-elle accepté qu'un non-baptisé influence l'issue d'un Concile?
Stephanopoulos
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Serait-il possible d'avoir des informations sur le débat que ce texte, attribué a Judas, a suscité au Concile de Nicée?

En fait, j'aurais aimé avoir plus de réactions à propos de l'article du "Matin"!

Merci.
Stephanopoulos
Emmanuel
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Re: L'"évangile" selon Judas

Message par Emmanuel »

Stephanopoulos a écrit :
L'Eglise des premiers siècles a limité au Concile de Nicée (Turquie), en 325, à quatre les Evangiles transmettant l'enseignement du Christ, selon Jean, Luc, Matthieu et Marc. Mais une trentaine d'autres textes ont alors été écartés, car ils différaient des besoins politiques de l'empereur romain Constantin, le premier empereur chrétien." (fin de l'article)
Ça c'est une soupe que les cercles gnostiques, esoteriques, maçonniques etc nous reservent regulièrement depuis des années et qui est bien commode pour accomoder la doctrine chretienne à la sauce que l'on veut.

Genre Jesus enseignait la réincarnation, etait végétarien et a epousé Marie Madeleine, c'etait marqué dans tel et tel texte que le sinistre empereur Constantin a fait disparaitre pour de funestes desseins politiques. Et depuis l'Eglise nous cache la verité, heureusement que des sociétés secrètes ont gardé le secret et l'ont transmis en secret jusqu'à aujourd'hui...

Le best seller "Da vinci Code" l'a remise au gout du jour, ça ne m'etonnerait d'ailleurs pas que ce soit la seule reference culturelles du brillant auteur de cet article.
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Absolument Emmanuel,

De plus l'auteur ne se mouille pas trop en signant "afp-Le Matin".
Et comme par hasard, c'est aux alentours de Pâques que les journaux sortent ce genre d'histoire!
Stephanopoulos
Claude le Liseur
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Re: L'"évangile" selon Judas

Message par Claude le Liseur »

Stephanopoulos a écrit :
Voici un article paru dans le quotidien Suisse "Le Matin" le 30 mars 2005 avec pour titre L'Evangile selon Judas refait surface :

"Bâle. Près de deux mille ans après avoir semé la discorde entre les premiers chrétiens, l'Evangile selon Judas, attribué à l'apôtre qui a livré Jésus, a été découvert en Egypte et est en cours de traduction en Suisse. Le texte, écrit en copte dialectical, la langue des chrétiens d'Egypte, devrait être publié dans environs un ans, a indiqué la Fondation Maecenas pour l'art ancien. Selon le directeur de la fondation bâloise, Mario Jean Roberty, des tests de datation au carbone 14 font remonter le texte à une fourchette comprise entre le IIIème et le IVème siècle ap. J.C.
L'Eglise des premiers siècles a limité au Concile de Nicée (Turquie), en 325, à quatre les Evangiles transmettant l'enseignement du Christ, selon Jean, Luc, Matthieu et Marc. Mais une trentaine d'autres textes ont alors été écartés, car ils différaient des besoins politiques de l'empereur romain Constantin, le premier empereur chrétien." (fin de l'article)

(...)

Le Matin est un journal d'une inculture tellement crasse qu'il ne se soucie même pas d'être crédible quand il recycle le bric-à-brac gnostique des Pierre Plantard dit de Saint-Clair et Dan Brown son plagiaire, comme nous allons le voir maintenant. On notera que ces journaux qui n'ont de cesse de démolir les fondements du christianisme sont en même temps ceux qui font la plus grande promotion de l'adoration sentimentalo-doloriste du pontife romain; contradiction intéressante.

Un Evangile selon Judas? Mais qu'est-ce que l'Ecriture (notre seule source sur ce personnage) nous apprend à propos de Judas?
"Alors, Judas, le traître, le voyant condamné, fut pris de remords. Il rapporta aux grands prêtres et aux anciens les 30 pièces d'argent: "J'ai eu tort, leur dit-il; j'ai livré un innocent." Ils répondirent: "Que nous importe? Cela te regarde." Il jeta l'argent dans le temple, et alla se pendre." (Mt XXVII: 3-5)

Si l'on en croit l'Histoire sainte revue et corrigée par la maison Edipresse, Judas aurait eu le temps, dans la même journée, de rassembler des disciples autour de lui, de leur dicter un livre reflétant sa vision des choses et d'aller se pendre? Ce qui est intéressant, c'est que, dans leur combat contre le christianisme, les media ne reculent devant aucune invraisemblance.
Si ledit pseudo-Evangile selon Judas existe bien, il pourrait tout simplement s'agir d'un texte issu de la littérature juive anti-chrétienne, dans laquelle la figure de Judas est souvent exaltée.

C'est un fait que, dans les premiers siècles de l'Eglise, les sectes gnostiques ont fait circuler toutes sortes de textes, mêlant habilement le vrai et le faux, qui leur permettaient de distiller leurs idées tout en les attribuant à l'autorité d'un apôtre. L'Eglise a su rejeter ces textes tout en gardant, dans la tradition liturgique, des faits exacts, au moins sur le plan symbolique, faisant partie de la Tradition orale, qui ne se trouvent pas dans les Evangiles et que les gnostiques avaient repris dans leurs textes, selon leur tactique de mélanger le vrai et le faux. C'est ainsi que l'icône de la Nativité est fortement inspirée par le faux Evangile de Jacques, qui contenait des faits intéressants à propos du déroulement des événements, mais qui n'était pas un texte inspiré transmettant la parole de Dieu. Pour citer le moine Macaire de Simonos-Pétras, in Synaxaire, tome II, Editions To Perivoli tis Panaghias, Thessalonique 1988, note 2 page 219: "Les détails de ce récit ne sont pas relatés par les évangiles, mais sont issus de la tradition apocryphe, en particulier le Protévangile de Jacques. Comme pour la vie de la Mère de Dieu (voir notices du 8 septembre, 21 novembre, 8 décembre), il faut les considérer moins comme des faits rigoureusement historiques que comme des interprétations symboliques des événements, présentées sous la forme du récit. C'est ainsi que l'Eglise les a considérés, sans jamais les confondre avec le texte sacré, et les a largement utilisés dans l'iconographie et l'hymnographie."

Il y a eu très tôt consensus sur le noyau central de l'Ecriture comme tradition écrite de l'Eglise. Ainsi que nous l'avons plusieurs fois mentionné sur ce forum, il n'y a eu divergence que sur l'inspiration de textes relativement secondaires, et la situation exacte des deutérocanoniques n'a jamais fait l'objet d'un consensus. Mais, dans l'Eglise, on s'en tient, aussi loin que l'on remonte, à quatre Evangiles canoniques et inspirés, qui sont le centre de la tradition écrite.
L'Eglise célèbre le 1er avril la mémoire de saint Méliton, évêque de Sardes en Lydie, qui fut le rédacteur du premier canon de l'Ecriture sainte qui nous soit parvenu. Saint Méliton est mort vers 190, bien avant le concile de Nicée!

Je noterais aussi que, dans l'article cité du Matin, la mention "Nicée (Turquie)" est en soi révélatrice des options du journal, à peu près autant que le ridicule article du Point de décembre 2004 où saint Nicolas de Myre devenait un "évêque turc". Je ne sais pas si Le Matin s'infligerait un jour le ridicule d'écrire "Nabuchodonosor, roi de Babylone (Irak)", mais je constate que la volonté de la presse mondialiste de nier le souvenir de l'Empire romain chrétien et l'existence de l'Eglise orthodoxe est une seconde nature qui transparaît jusque dans la plus petite mention géographique. Ce même quotidien Le Matin avait d'ailleurs publié, page 2 de son numéro du 27 octobre 2001, une réplique que j'avais écrite à leur éditorial du 22 octobre précédent, où on s'en prenait d'une manière grotesque à l'Eglise orthodoxe russe à propos de la Tchétchénie. Ceci pour dire que les options anti-orthodoxes de ce quotidien - options qui sont celles de la quasi-totalité de la grande presse- ne sont un secret pour personne.

Là où le petit article que nous cite Stephanopoulos aura de toute manière atteint son objectif de désinformation, c'est qu'aucun lecteur n'aura la curiosité de se plonger dans les décrets du concile de Nicée: "C'est écrit dans le journal, donc c'est vrai." Or, les décrets du concile de Nicée sont disponibles, en version française, chez un éditeur à grande diffusion:
Les Conciles oecuméniques. Tome II-1 Les Décrets, édition sous la direction de Giuseppe Alberigo, traduite de l'italien par A. Duval, B. Lauret, H. Legrand, J. Moingt et B. Sesboüé, Le Cerf, Paris 1994. Il suffit simplement de consulter ce texte pour constater qu'aucun des décrets du concile de Nicée ne fixe le canon des Ecritures ou même n'aborde le sujet.

Liste des décrets du concile de Nicée (325):

Exposition de la foi des 318 Pères

20 canons disciplinaires:
I. Sur ceux qui se rendent eux-mêmes eunuques et ceux qui le deviennent du fait d'autrui
II. Sur ceux qui sont admis dans le clergé aussitôt après le baptême
III. Sur les femmes qui demeurent avec des clercs
IV. Par combien d'évêques faut-il établir un nouvel évêque?
V. Sur les excommuniés
VI. Sur ceux qui occupent le premier rang en raison de la supériorité de certaines villes
VII.A propos de l'évêque d'Aelia (= Jérusalem)
VIII.Sur ceux qui sont dits "les purs"
IX. Sur ceux qui ont été promus au presbytérat sans examen
X. Sur ceux qui ont renié pendant la persécution et ont été promus dans le clergé
XI. Sur ceux qui ont renié et font partie des laïcs
XII. Sur ceux qui ont quitté les rangs de l'armée et sont retournés au monde
XIII. Sur ceux qui cherchent à être reçus dans la communion de l'Eglise à l'article de la mort
XIV. Sur les catéchumènes qui ont failli
XV. Sur le clerc qui passe de ville en ville
XVI. Sur ceux qui ne demeurent pas dans les Eglises dans lesquelles ils avaient été promus
XVII. Sur les clercs qui prêtent à intérêt
XVIII. Que les diacres ne doivent pas donner l'eucharistie aux prêtres
XIX. Sur ceux qui reviennent à l'Eglise de chez Paul de Samosate
XX. Qu'il ne faut pas fléchir le genou les dimanches et les jours de la Pentecôte

Lettre du concile de Nicée aux Egyptiens


On peut constater que rien de tout cela ne concerne le canon des Evangiles.
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