Propos pour l'Eglise

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samuel
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Propos pour l'Eglise

Message par samuel »

Je vous propose de lire ce texte, dont je n'indique pas le nom de l'auteur pour ne pas influencer vos impressions, et de communiquer ce qu'il vous inspire: l'analyse ecclésiologique vous semble t'elle pertinente?
La tendance "autocéphaliste" vous paraît elle traditionnelle et acceptable ?
Au bout du compte, est-ce une analyse qui convient à l'édification de l'Eglise Orthodoxe en France ?

Propos pour l'Eglise
« Les princes des peuples s’unissent au Dieu d’Abraham, car ils sont à Dieu,

les puissants de la terre, le Dieu très haut et très digne de louange. » Ps 47, 9.

L’Eglise du Christ joue un rôle difficile au cours de l’histoire, celui d’un nouveau peuple élu. Son élection n’est pas la même que celle du peuple juif et elle n’annule pas cette dernière dont elle est la conséquence.

Comment envisager ces deux « élections ». Saint Athanase, évêque d’Alexandrie en Égypte, au IVe siècle, cherchait à exprimer l’essence du christianisme. Il trouva à cet effet la formule lapidaire, magnifique : « Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu » ! On peut le dire encore ainsi : « Le Verbe s’est fait chair pour que la chair devienne Verbe. »

Qui a permis à Dieu de devenir homme ? Sinon le peuple juif attaché par excellence, depuis Abraham jusqu’à Moïse, à faire naître le Messie.

Et qui peut permettre à l’homme de devenir Dieu ? Sinon l’église du Christ attachée par excellence, avec l’Esprit-Saint, à engendrer les hommes à la vie divine.

Le peuple d’Israël est élu pour faire venir Dieu chez les hommes, tandis que le Christ élit l’église et envoie le deuxième Paraclet pour faire venir les hommes chez Dieu.

L’église est aussi formée de ces hommes appelés et qui aspirent à la vie divine. Ils y parviendront car le Verbe de Dieu, Jésus-Christ, né à la vie humaine, qui a vécu parmi les hommes, a ouvert la porte du Royaume des Cieux.

Les deux élections, celle du peuple juif, qui va permettre au Verbe de Dieu de s’adapter à l’humanité, et celle de l’église, qui va permettre à l’Esprit-Saint d’adapter les hommes à Dieu, sont admirablement décrites par saint Irénée :

« …Cet Esprit (l’Esprit-Saint) est aussi descendu dans le Fils de Dieu devenu ‘Fils de l’homme’, s’habituant avec lui à habiter dans le genre humain, à se reposer parmi les hommes, à habiter dans l’œuvre modelée par Dieu, opérant en ces hommes la volonté du Père et les renouvelant de leur vétusté dans la nouveauté du Christ »1.

Et encore : «… (cet Esprit) est descendu sur les disciples à la Pentecôte car c’est Lui qui a le pouvoir sur toutes les nations pour les introduire à la vie et pour leur ouvrir le Nouveau Testament. C’est pourquoi, dans l’accord de toutes les langues, ils chantaient une hymne à Dieu, l’esprit ramenant à l’unité les races éloignées et offrant au Père les prémices de toutes les nations. Telle est donc la raison pour laquelle le Seigneur, Lui aussi, nous a promis d’envoyer le Paraclet : c’est pour nous adapter à Dieu. »2.

L’église est ici désignée et connue comme le rassemblement, opéré par l’Esprit de Dieu, de personnes de toutes les nations de l’univers, librement associées, spécifiques de chacune de ces nations, pour être adaptées à Dieu (déifiées) et pour entraîner à leur suite ces mêmes nations avec la totalité de leurs peuples.

Historiquement, le Christ a envoyé ses disciples au cœur des nations pour enseigner et baptiser. Il s’est alors formé, non pas une église universaliste, mais des églises locales, chacune rassemblant sur un territoire limité un peuple donné et potentiellement baptisé avec sa culture, sa religion, sa civilisation…

Ces églises, voulues et discernées par l’esprit-Saint à travers les vicissitudes religieuses, politiques, sociales, locales des nations, sont travaillées, comme le dit saint Irénée, par les deux mains de Dieu, le Verbe et l’Esprit. Elles vivent sous l’action du Christ et sous l’action de l’Esprit, deux actions distinctes et conjointes : celle qui provient de l’adaptation de Dieu à l’homme et celle qui suscite l’adaptation de l’homme à Dieu.

Ces actions sont liturgiques en ce sens qu’elles qualifient l’être humain « et selon le Christ, et selon l’Esprit » (en esprit est en vérité). La liturgie du Christ et la liturgie du Saint-Esprit sont toutes les deux vécues et expérimentées dans les églises.

La liturgie du Christ propose d’enseigner et de montrer aux hommes, dans leur lieu et dans leur histoire, dans le temps et dans l’espace, comment Dieu pense et de mettre en œuvre la rénovation de la nature humaine par la vie ecclésiale. En cela Dieu est « avec » l’humanité.

L’autre liturgie, la liturgie de l’Esprit, propose de modeler les personnalités ethniques, les nations, de les entraîner à des relations communes et réciproques et de les pousser, avec leurs moeurs et leurs conditionnements, ensemble, à expérimenter perpétuellement la sagesse divine qui vient communiquer sa propre vie à tous les hommes. Dans cette liturgie de l’Esprit qui « a puissance sur toutes les nations » (saint Irénée) les peuples expérimentent non pas une rénovation ni une réformation physique, psychique et spirituelle mais la pénétration par l’Esprit de leur vie existentielle là où ils se trouvent, pénétration qui suscite et définit leur identité et leur génie propre, qui les oblige à des relations et qui les adapte progressivement à la vie évangélique.

En cela les nations découvrent non seulement que Dieu est avec nous (le Christ a dit : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ») mais que Dieu est « en » elles, plus elles-mêmes qu’elles-mêmes.

Les églises sont ainsi le lieu de Dieu avec nous et le lieu de Dieu en nous, le lieu du Verbe fait chair et le lieu de Dieu dans la chair. Ceci fait de l’église la jonction concrète de ce que l’on croit en marchant avec Dieu - le Christ - et de ceux en qui Dieu croit, qui sont désignés, discernés par l’Esprit pour introduire les différents génies humains (« la gloire et l’honneur des rois des nations de la terre », dit l’Apocalypse) dans l’intimité divine, bibliquement nommée la Jérusalem céleste.

La première action, pour employer le langage contemporain, est structurante. Elle institue l’église, elle la fonde. La deuxième action est libératrice. Elle délivre du régime des autorités (toutes) pour installer l’histoire et le cœur des hommes en Dieu. Elle épanouit l’église. Selon un autre langage, la deuxième action fait de l’église l’épouse du Christ, enceinte de ses œuvres et engendrant les hommes à la vie de Dieu. La première action est le service du Christ, la deuxième le service du Saint-Esprit.

Deux mille ans de christianisme ont appris aux églises à marcher avec Dieu, avec le Christ, à garder ses commandements, à dégager progressivement le monde de l’emprise sans avenir du siècle (possession, jouissance, domination), à expérimenter le sacrement de la mort et de la résurrection, à initier quelques-uns à l’amour de Dieu pour les hommes. Les défaillances des églises n’ont pas empêché le Christ toujours présent de se donner aux hommes (par exemple par les sacrements), d’admirer leur foi, de fustiger leurs perversions, de guérir les malades, de maintenir l’élue - l’église - tournée vers le haut et d’opérer en ses disciples la volonté du Père : s’aimer les uns les autres.

Pendant ces mêmes temps, l’œuvre spécifique du Saint-Esprit - l’adaptation des hommes à la vie
divine - a connu et connaît toujours une carrière plus faible et plus lente que l’œuvre du Christ. L’église, particulièrement en Occident européen, n’a pas vraiment entrepris de « baptiser les nations » en plus de baptiser les individus.

Et qu’est-ce que le baptême des nations ? Les aider à assumer leur propre identité, leurs cadres physiques, psychiques, spirituels, religieux, et à expérimenter en même temps la présence de l’Esprit de Dieu. Cette présence, celle de Dieu en nous, sauvegarde la réalité des peuples, écarte leur dissolution dans une culture et une civilisation uniformes, tout en les dirigeant vers la civilisation divine (l’unité de la Trinité ou l’union de ceux qui sont distincts).

Le primat accordé par l’église à l’œuvre du Christ dans le monde par rapport à l’œuvre de l’Esprit fut sans doute nécessaire pour permettre de semer d’abord les graines de la puissance évangélique avant d’en espérer les fruits. Ce fut également nécessaire pour laisser l’Esprit de Dieu, qui pénètre au cœur des cultures et des civilisations, de différencier les nations de l’univers.

Une loi de l’histoire des peuples, après les crises de civilisation et après les guerres, se vérifie maintenant en ce début de XXIe siècle : les peuples, tous aimés de Dieu, tous discernés par l’Esprit, doivent être libérés par la vérité, par la prière et par la vie. Dieu prépare alors les conditionnements de cette libération. Il projette les églises des nations, celles qui se sont formées au sein des peuples durant les périodes successives de l’histoire, dans tous les territoires. Et ces églises se côtoient, se rencontrent et vivent maintenant partout dans l’univers sur un même territoire.

Alors tous ceux qui forment ces églises, tous ceux qui ont marché avec le Christ, se questionnent maintenant sur le chemin à prendre pour introduire les nations, telles que l’Esprit qui vit en elles les a suscitées, dans la mentalité et l’expérience libératrice du Nouveau Testament.

Cette question est précisée dans le Symbole de Nicée comme la tâche chrétienne de notre temps. Après avoir proclamé en effet « l’église une, sainte, catholique et apostolique » le Symbole de Nicée dit : « Je crois en un seul baptême pour la rémission des péchés... » L’église a été la grande question chrétienne entre le XVIe et le XXe siècle. Il s’agit maintenant de joindre «l’Esprit-Saint et l’église» pour baptiser les peuples.

Toute église qui voit clairement ce rôle et qui commence sa réalisation prépare le deuxième Avènement du Christ et la Jérusalem céleste où Dieu sera tout en tous.

1. Saint Irénée, Contre les hérésies, ch. 3, p. 303, éd. Sources chrétiennes.

2. Saint Irénée, Contre les hérésies, ch. 3, p. 305, éd. Sources chrétiennes
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

« Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu » Cette phrase de saint Athanase est certainement l’une des plus profonde qui ait jamais été prononcée poue résumer le mystère du Salut offert par le Dieu-homme. Mais je remarque que la suite du développement que nous cite Samuel met l’accent sur la liturgie comme expression de la prière communautaire. C’est un besoin que ressentent en général les plus conscients des chrétiens de notre époque : rappeler que c’est le peuple royal qui célèbre la communauté, car tous les baptisés sont rois, prêtres et prophètes. D’où le désir de minimiser le côté que j’appelle mystérique (les traditions occidentales dirait plutôt “sacramentel”) et en quelque sorte “professionnel” de l’action liturgique, de peur d’admettre une “séparation” entre le sanctuaire et le peuple, et pour favoriser la participation de celui-ci.

Mais nous présente-t-on ainsi une vision complète de l’Église ?

De tous les êtres que nous sommes susceptibles de rencontrer dans le monde où nous vivons, le plus étonnant pour nos yeux humains est sans nul doute l’Église. Cet événement unique, imprévisible et irrépétable, qu’est l’Église nous embarrasse parce que les instruments d’analyse dont dispose habituellement notre esprit humain (qui sont cependant d’une très grande puissance et d’une très grande efficacité dans tous les autres domaines de la vie humaine), se révèlent ici partiels, réducteurs, lorsqu’il nous faut parler de l’Église, décrire sa présence, son contenu et ses limites ou déterminer la position qu’il va nous falloir adopter devant elle. Nous restons incapables de définir son être, qui reste plus réel, plus concret, plus stable que toutes les constructions humaines concevables, nous échouons à rassembler toute l’expérience que nous avons d’elle en un exposé clair, démonstratif et didactique, pour conceptualiser l’anatomie et la physiologie de sa vie, son visage et son profil, dans des formules capables de satisfaire notre intelligence ; ses pasteurs peinent à transmettre à ses fidèles les instructions, les enseignements ou les principes qui doivent régir leur manière d’y vivre.

Et cependant c’est notre incorporation à l’Église qui donne toute la signification à notre existence tout entière, la purifie, l’instruit et la nourrit et qui nous apporte beaucoup plus même que tout ce que nous aurions osé désiré. La réalité de l’événement-Église fait d’elle l’être à la fois le plus inconcevable et le plus incontournable que puisse rencontrer l’intelligence humaine, en même temps que le plus immédiat pour notre expérience. Nous pouvons bien percevoir son existence en tout point de notre vie, nous échouons à la définir, à la circonscrire, à en décrire la vie et le fonctionnement. Elle est si infinie que sa réalité embrasse la totalité de la Création, et cependant elle connaît de strictes limites, elle impose des normes sévères et interdit à ses fidèles de les transgresser.

Beaucoup d’hommes n’auront jamais même rencontré le visage de l’Église. D’autres l’auront entrevu, mais n’auront pas su le reconnaître. Mais au fond de leur cœur c’est par elle que Dieu le Verbe, leur Créateur, et Dieu le saint Esprit, leur Inspirateur, leur donne la vie, l’intelligence, le souffle, l’élan qui les pousse à faire de tout leur être la ressemblance de Dieu, infiniment plus qu’un roseau pensant ou un animal rationnel. C’est par elle qu’il les conduit à des actes parfois héroïques jusqu’au jour où il viendra jusqu’à eux accueillir leur âme et les incorporer définitivement à cette communauté des Élus dont ils devront alors reconnaître qu’elle constituait la meilleure part d’eux-mêmes sans qu’ils aient su la nommer.

Nous savons où est présent l’Esprit : partout. Nous savons aussi qu’il souffle en plénitude dans l’Église, mais nous ne savons pas (sauf dans le cas de Judas) lesquels parmi les hommes seront parvenus à Le rejeter dans leur horrible obstination. Aussi chantons-nous : Roi du ciel, Consolateur, Esprit de vérité, Toi qui es partout présent et qui emplis tout… Ce que nous savons, c’est qu’il souffle en plénitude dans l’Église, et lorsque l’Église, réunie en Concile œcuménique, explicite le contenu de sa foi, rejetant certaines erreurs et leur demandant de s’incliner, les opposants doivent, ou bien se soumettre, ou bien se démettre en silence. S’ils ne se soumettent pas, l’Église ne peut plus que les remettre au jugement divin. C’est le sens en grec du mot “anathème”.

L’événement unique, imprévisible et non-répétable, qu’est Église, n’est pas en effet une réalisation humaine. Elle est le corps du Dieu-homme distribué par toute la terre. Elle récapitule en elle-même tout le mystère de la Création et de la Vie, elle accomplit le salut du genre humain, même celui des hommes qui n’auront pas eu la grâce de savoir que c’était par elle qu’ils vivaient. Elle est le Corps du Christ, répandu dans le temps et dans l’espace, en tout lieu et en tout instant de l’Histoire humaine. Elle est communion, c’est-à-dire qu’elle vit d’une vie unique, communiquée à une multitude de personnes. Cette communion participe à la consubstantialité des trois Personnes de la très-sainte Trinité, à la Divinité tri-unique du Père, du Fils et du saint Esprit, à leur étreinte mutuelle (ce que les Pères grecs appellent la “périchorèse”).

C’est à ce Foyer unique et sans crépuscule, c’est à cette coupe constamment débordante que l’Église puise la vie qui déborde sur toute l’Histoire du genre humain. Et en elle le Verbe et Fils et unique de Dieu, devenu le Premier-Né d’entre tous les hommes, le Fils de l’homme, réalise sa présence par le Mystère de l’Offrande eucharistique — où il est à la fois Celui qui offre et Celui qui est offert et aussi Celui qui se communique aux fidèles —, par le Mystère aussi du bain de la régénération (le Baptême) qui nous lave de la faute qu’Adam avait communiquée à tous les hommes par la voie de la génération et du sceau du don du saint Esprit (la Chrismation), qui fait de nous un peuple de prêtres, de rois et de prophètes, et par le Mystère enfin du ministère de l’évêque (le Sacerdoce), fondement de la communauté ecclésiale, serviteur de sa Présence, source de tous les ministères, enseignant la Parole de Dieu, jugeant, orientant et guérissant le comportement de tous les fidèles.

Au jour de la Pentecôte, l’Esprit saint est descendu sur tous les fidèles sous la forme d’une flamme unique qui s’est répandu comme de multiples langues de feu sur chacun des fidèles personnellement. C’est alors que nous a été révélé ce subtil mystère de l’Un et du Multiple qui tisse toute la trame de l’Église.

De tout temps l’homme a dû contempler avec tristesse le très peu d’effet de ses entreprises sur le devenir du monde : il semble que tout s’écoule et que tout revienne. De nombreux poètes, de nombreux philosophes ont exprimé cette constatation désabusée. Au-delà de ce monde visible l’homme pressent qu’autre chose existe, mais les cieux sont fermés au regard des hommes. Longtemps il a tenté de se concilier cet au-delà en ménageant dans le monde de l’expérience humaine un domaine réservé au Divin. Longtemps aussi les hommes se sont opposés sur la manière de concevoir ce Divin. Polythéisme, animisme, panthéisme, philosophies se sont succédé, les cieux restaient fermés, le Divin restait inaccessible.

Pour préparer les hommes à devenir ses frères, co-héritiers de la Divinité tri-unique, le Verbe donna d’abord aux hommes la loi adamique. Les hommes ayant cependant sombré dans la débauche qui leur valut le châtiment du Déluge, Dieu donna à Noé et à ses fils, qu’il avait sauvés des eaux, une nouvelle Loi, la loi noachique.

Puis un jour Dieu s’est manifesté à Abraham le premier des Patriarches à Mambré. La justice d’Abraham ne devait rien à aucune discipline proprement religieuse, il n’est pas même fait mention d’aucune religion païenne. Cette foi se communique dans un groupe familial, donc purement naturel. Elle se transmet jusque dans l’esclavage d’Égypte en tant qu’Alliance conclue entre la Divinité et les héritiers d’Abraham devenus un peuple.

Elle est menacée alors par des compromissions avec les cultes polythéistes des païens, les Égyptiens, dont les descendants d’Abraham étaient devenus les esclaves. C’est après la sortie d’Égypte, durant leur migration dans les déserts de la vie déchue et de la solitude, lorsqu’ils furent parvenus au bout de l’expérience de toutes les détresses du monde, que YHWH scella son Alliance en imposant sa Loi au Peuple qu’il avait élu. C’est la Loi mosaïque.

Il lui fait alors fabriquer une Arche d’Alliance pour y garder cette Loi, et il institue un Grand Prêtre pour présenter devant Lui la prière du Peuple. Ce Grand Prêtre n’était pas le prophète Moïse, celui qui conduisait le Peuple depuis la sortie d’Égypte, qui fut désigné comme Grand Prêtre, ce fut son frère, Aaron. Il ne s’agit pas là d’une prise de conscience d’abord intellectuelle. Il y a création d’une institution, d’un lien spécifique, de rites, d’objets, de lois et d’un clergé. Tout cela prend place dans l’histoire humaine, mais c’est pour y être la part du Divin (en grec la part d’héritage : le klèros), et c’est aussi pour être le lieu de la Grâce divine.

Nous voyons ainsi que sous l’inspiration de l’Esprit l’homme peut concevoir en son cœur le désir de la foi. Mais dans les détresses de ce monde, devenu un peuple, et un peuple errant conduit par Moïse, il lui faut une Église, qui garde la Loi, qui présente devant Dieu la prière et qui bénit le peuple, et cette Église de l’Ancien Testament était représentée par un Grand Prêtre, assisté par les serviteurs du sanctuaire. Les chefs qui conduisent le peuple et le dirigent dans son itinéraire et dans ses combats sont une chose ; l’Église, son Grand Prêtre et les serviteurs du sanctuaire en sont une autre. C’est là que l’apparition dans l’histoire humaine d’une part du Divin trouve sa justification; c’est un domaine très spécifique dans la vie des hommes. Plus tard la Tente du Témoignage cédera la place au Temple unique, le Temple de Jérusalem. C’est là l’apparition du culte.

Et un jour l’impensable est survenu : contrairement à toute attente le Divin s’est manifesté, manifestant sa bienveillance pour les hommes. C'estt le Jour où les Anges ont chanté en voyant le Verbe s’incarner dans la chair : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, Paix sur la terre et Bienveillance parmi les hommes. Aussi cette part du Divin que Dieu s’est ménagée dans la vie des hommes, leur reste toujours présente, toujours accessible et même offerte par l’effet de la bienveillance divine. Dieu y vit et y agit en permanence. L’Esprit est partout présent et emplit tout, mais il veut poser sa marque sur une partie de la Création, qui devient sa part, son klèros.

Par l’Église, l’homme acquiert une dimension dont il n’avait jamais jusque-là même conçu le désir : il accède au Divin, il peut présenter une prière agréable à Dieu, qui a montré sa bienveillance en venant vivre et résider parmi les hommes. Certains actes de l’homme, certains gestes, certaines paroles sont porteurs de la Grâce divine. Les cieux ne sont plus fermés. Dans le klèros, qu’il s’agisse d’un lieu, d’un rite, d’une institution ou d’une personne, la Grâce divine se fait présente et accessible, offerte et distribuée.

Dans l’Ancienne Alliance, le Grand Prêtre entrait une fois par an dans le Saint des saints pour y invoquer le nom de YHWH. Dans la Nouvelle Alliance, le Seigneur démultiplie en quelque sorte cette fonction du Grand Prêtre en la personne des évêques : chaque évêque, en chaque lieu de la terre, chaque jour de l’année, peut en permanence entrer dans le sanctuaire. Il n’en est pas moins le Grand Prêtre (en grec l’Archiiereus, d’où dérive le mot “hiérarchie” pour désigner le synode épiscopal — malheureusement ce mot a été pris à l’époque moderne en une acception sociologique pour désigner une structure pyramidale et bureaucratique !).

C’est devant l’autel, dans le sanctuaire, qu’il a été lui-même consacré et institué, là même où il va offrir le sacrifice eucharistique, c’est là aussi qu’il consacre le saint Chrême qui conférera le don de l’Esprit au nouveau baptisé, et qu’il insti-tue les prêtres pour le service de l’autel. Par son ministère la Grâce se communique aux fidèles.

L’Assemblée des Saints de l’Église orthodoxe vit des saints Mystères qui sont célébrés en son sein, et sous la présidence de l’unique évêque du lieu, qui la met en communion avec la plénitude de l’Église répandue par tout l’univers. On ne peut pas réduire les saints Mystères à un pouvoir qui découlerait automatiquement de la “succession apostolique”, mais on ne peut pas les ramener au “sacrement du frère”.

L’Église célèbre le sacrifice non-sanglant sur l’unique autel sous la présidence de son unique évêque qui invoque le saint Esprit, au cœur même du sanctuaire. En remontant à ses toutes premières origines, tout sanctuaire de l’Église, et donc tout acte de l’Église, doit son existence à la sainteté immaculée de la Vierge acceptant de tisser la chair du Verbe incarné du saint Esprit.

La part de Dieu qui est présente parmi nous, le klèros, n’exclut jamais l’homme ; tout à l’inverse c’est de l’unique Autel du Christ, qui est l’Église, que sourd constamment un fleuve d’eau vive qui vient apporter la Grâce à l’homme. La Grâce s’est manifestée dans sa plénitude le jour où une vierge de Nazareth acquiesça à l’impensable appel de la Trinité. Voici comment l’hymnographie nous retrace cet instant inouï en un dialogue de l’Archange Gabriel avec la Déipare :
La Déipare

Venu m’annoncer la joie de la Bonne Nouvelle, la divine annonce qu’à le chair de mon corps va s’unir la Lumière immatérielle, tu t’écries maintenant ; Le fruit de tes entrailles est béni, ô toute-Pure.

L’Ange

Réjouis-toi, ô notre Reine et Vierge, réjouis-toi, ô toute-Pure, réjouis-toi qui contiens Dieu, réjouis-toi, luminaire de la Lumière, restauration d’Adam, libération d’Ève, sainte Montagne, sanctification éblouissante, chambre nuptiale de l’immortalité.

La Déipare

En descendant sur moi l’Esprit très-saint a purifié mon âme, il a sanctifié mon corps, il a fait de moi un temple habité par Dieu, une tente préparée pour Dieu, un sanctuaire spirituel, et la Mère toute pure de la Vie.

L’Ange

Je te vois comme une lampe resplendissante, comme un somptueux portique pour la naissance, comme l’arche couverte d’or. Reçois, ô toute Immaculée L’Auteur de la Loi daignant venir grâce à toi protéger notre race corrompue.
On voit que dès le premier instant le klèros, la part que Dieu se réserve dans l’économie de la Nouvelle Alliance, inverse le sens que les hommes avaient cru pouvoir donner au sacré et se fait toute accessibilité à l’homme. On comprend dès lors que les chrétiens aient voulu entourer l’autel unique de la Nouvelle Alliance, non plus d’un mur de séparation, mais d’une cloison d’icônes tournées vers les fidèles, un iconostase.

Des hommes peuvent certes recevoir la Grâce sans qu’on leur ait conféré un Mystère. Les Actes des Apôtres nous en rapportent un exemple :
Alors que Pierre prononçait encore ces mots, l’Esprit, l’Esprit saint, tomba sur tous ceux qui écoutaient la Parole. Et tous ceux de la Circoncision qui croyaient et qui avaient accompagné Pierre furent stupéfaits de ce que le don du saint Esprit se fût répandu même sur les Gentils, car ils les entendaient parler en langues et magnifier Dieu. Alors Pierre leur répondit : « Peut-on refuser l’eau du Baptême à ceux qui ont reçu l’Esprit, l’Esprit saint, tout comme nous ? » Et il commanda de les baptiser au nom du Seigneur.
Plus loin l’apôtre Pierre revient sur cet événement :
Et comme je commençais à parler, le saint Esprit tomba sur eux, comme il l’avait fait au commencement. Alors je me rappelai la parole du Seigneur, qu’il avait dite : Jean a baptisé avec de l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit saint. Car si Dieu leur a donné le même don qu’à nous qui avons cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je moi, pour pouvoir m’opposer à Dieu ?
Nous devons noter, bien sûr, nous aussi que la descente du saint Esprit sur ces hommes qui furent les prémices de l’Incirconcision, telle que les Actes nous la rapportent dans le passage que nous venons de citer, n’a pas dispensé ceux qui avaient cru de l’obligation de se faire baptiser dans l’eau afin de venir s’incorporer dans le sein de l’Église. Tous les hommes peuvent recevoir la Grâce de Dieu, même s’ils ignorent l’existence visible de son Église. Mais sitôt qu’ils ont appris son existence visible dans la chair, parmi les hommes, sitôt qu’ils ont reconnu son visage, ils doivent lui demander le Baptême, car chaque homme sera jugé selon la loi qu’il aura reçue durant sa vie, et tout homme qui aura reçu la grâce de croire au salut accordé dans et par le Christ doit demander le Baptême. Paul fera de même lorsque, terrassé par la Grâce, ayant vu le Seigneur, il ira lui aussi demander le Baptême.

Nous savons que le rite donne la Grâce, mais la Grâce est partout et si elle est donnée avant le rite, elle ne dispense pas du rite. Dans l’Église l’homme retrouve le plein exercice de son intégralité, il n’est plus enchaîné à son corps, prisonnier d’une caverne : son illumination intérieure reste la plupart du temps invisible aux yeux de ses prochains, mais son appartenance à la part du divin dans la Création se manifeste par des gestes concrets, matériels, visibles. Inversement l’état de sainteté qu’ont atteint certaines âmes peut se constater à ce qu’une fois séparées de leurs corps ceux-ci restent mystérieusement incorruptibles. C’est l’homme intégral qui est lavé et nourri par la Grâce.

Mais nous ne devons pas chercher à attribuer dans l’Église une énergie particulière au saint Esprit et une autre au Verbe. Tous les actes de l’Église, tous ses saints Mystères, sont accomplis par l’invocation du saint Esprit , c’est-à-dire par une épiclèse, et toute l’action multiforme de l’Esprit saint dans l’Église est d’incorporer chaque chrétien dans l’Église, qui est le Corps du Christ, et d’en faire ainsi un participant de l’étreinte réciproque, c’est-à-dire la périchorèse trinitaire.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
hilaire
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Inscription : mer. 19 janv. 2005 12:26

Message par hilaire »

bonjour jean louis,

vous avez dit au début de votre message:

Mais je remarque que la suite du développement que nous cite Samuel met l’accent sur la liturgie comme expression de la prière communautaire. C’est un besoin que ressentent en général les plus conscients des chrétiens de notre époque : rappeler que c’est le peuple royal qui célèbre la communauté, car tous les baptisés sont rois, prêtres et prophètes. D’où le désir de minimiser le côté que j’appelle mystérique (les traditions occidentales dirait plutôt “sacramentel”) et en quelque sorte “professionnel” de l’action liturgique, de peur d’admettre une “séparation” entre le sanctuaire et le peuple, et pour favoriser la participation de celui-ci.
Mais nous présente-t-on ainsi une vision complète de l’Église ?

rien d'étonnant à cela lorsque l'on connaît l'auteur...

mais je ne dis pas qui c'est, cela influencerait le jugement des lecteurs, mais nous dirons que dans son milieu on parle davantage effectivement de "sacramentel" et non de "mystérique".
Georges Papathanassios
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Inscription : ven. 28 janv. 2005 11:12

Message par Georges Papathanassios »

Je ne suis pas sur de bien profiter de toutes les richesses du texte en réponse de Jean-Louis, mais il me semble pouvoir en déduire que finalement, le texte initial de Samuel (qui est l'auteur ?) se développe dans une bonne direction, mais dérape au niveau théologique en voulant distinguer deux énergies (celle du Christ, celle de l'Esprit) et des fruits séparés a ces deux économies (je me souviens que ce thème est développé par Lossky dans son Essai...), au lieu de concevoir, pourrait on dire, l'action du Père, par le Fils, dans l'Esprit Saint, Trinité inséparable.

Le risque serait de distinguer une "Eglise du Christ" et sa liturgie propre, et une "Eglise du Saint Esprit" et la sienne, et s'éloigner d'une vision Trinitaire de celle-ci (elle est Temple du Saint Esprit tout autant que Corps du Christ, lieu de l'Incarnation et du Salut et déification de l'homme).

J'ai vu certains auteurs affirmer cela, une sorte de succession historique de l'action des personnes divines: le temps du Père (ancien testament), celui du Fils (incarnation, resurrection, la christologie des conciles) et celui de l'Esprit (aujourd'hui, l'ecclésiologie). Je ne sais si cette vision "historique" de l'économie du Salut est juste.
Jean-Serge
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Inscription : mer. 14 juil. 2004 12:19
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De qui est le texte?

Message par Jean-Serge »

Je suis prêt à parier que le texte initial est de Berdiaev. Me trompé-je? Sinon je dis Olivier CLément qui d'ailleurs a découvert l'orthodoxie en lisant Berdiaev. Si l'une des deux réponses est juste, prière de me contacter pour les modalités du versement de mes 150 euros. Merci.
Priidite, poklonimsja i pripadem ko Hristu.
Monique
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Inscription : mer. 31 mars 2004 10:19

Message par Monique »

Et non ce ne sont pas eux.
Mais allez sur google, tapez « Propos pour l'Eglise » et vous trouverez.
hilaire
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Inscription : mer. 19 janv. 2005 12:26

Message par hilaire »

les propos sont de Germain, évêque déposé de l'ECOF. En ligne depuis quelques jours sur la page d'accueil du site.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je crois qu’Athanasios a bien résumé l’articulation de mon texte qui est j’avoue bien confus.

Il y a bien chez certains auteurs orthodoxes de notre époque un désir de survaloriser la dimension communautaire de la Liturgie, et de voir dans cette évolution le fruit d’une action de l’Esprit nous amenant à nous tourner vers le monde.

Je récuse totalement cette vision “historique” de l’économie du Salut.
Jean-Louis Palierne
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hilaire
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Message par hilaire »

la vision historique selon l'ECOF permet de légitimer son affranchissement progressif de toutes les règles, canons, autorités quelles quelles soient, pour arriver à une espèce d'Eglise libérée des contraintes structurantes pour laisser libre cours à l'esprit... en fait plutôt les innovations.

en gros, le canal historique permet de considérer les orthodoxes comme le peuple juif, et les écofiens français comme le peuple élu pour l'église de l'esprit. l'Eglise orthodoxe (la vraie pas le simili) serait condamnée en quelque sorte à la dimension structurante (c'est pour ça que ces idiots d'orientaux continuent à respecter les canons surannés, à ne pratiquer qu'une liturgie en négligeant la si belle et inspirée liturgie selon les frères kovalevsky, oeuvre collective au propre et au figuré, au moins eux ils préfigurent la deuxième église... et aussi c'est pour ça qu'ils n'aiment pas l'ECOF, ils ne peuvent pas comprendre pensez-vous... un peu comme les Pharisiens ont rejetés le Christ en son temps)

d'où les tirades du genre:

L’autre liturgie, la liturgie de l’Esprit, propose de modeler les personnalités ethniques, les nations, de les entraîner à des relations communes et réciproques et de les pousser, avec leurs moeurs et leurs conditionnements, ensemble, à expérimenter perpétuellement la sagesse divine qui vient communiquer sa propre vie à tous les hommes.

ou

les peuples expérimentent non pas une rénovation ni une réformation physique, psychique et spirituelle mais la pénétration par l’Esprit de leur vie existentielle là où ils se trouvent, pénétration qui suscite et définit leur identité et leur génie propre, qui les oblige à des relations et qui les adapte progressivement à la vie évangélique.

ou encore plus net:

La première action, pour employer le langage contemporain, est structurante. Elle institue l’église, elle la fonde. La deuxième action est libératrice. Elle délivre du régime des autorités (toutes) pour installer l’histoire et le cœur des hommes en Dieu. Elle épanouit l’église.

en fait les autres églises auraient en quelque sorte un métro de retard, c'est pour ça, ils n'ont pas l'esprit visionnaire, vous comprenez, tellement dans leur phase structurante, ils sont pas épanouis ces gens là (c'est peut être pour ça qu'ils ont du mal à accepter le mariage d'un évêque!) mais par charité évangélique on va leur pardonner toute la haine qu'ils déblatèrent sur nous, notamment sur le forum orthodoxe. patinez tout cela de deux ou trois citations de l'Evangile du genre: "Si quelqu'un dit : J'aime Dieu, et qu'il déteste son frère, c'est un menteur - celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne saurait aimer Dieu qu'Il ne voit pas" (1 Jn 4, 20) pour accuser ceux qui manquent de charité évangélique pour vous passer vos erreurs ou vos errances canoniques et c'est emballé!

c'est vrai que le site de l'ECOF est tellement visionnaire qu'il n'a de cesse de chercher à légitimer ses choix, ce site n'est qu'une tentative de justification de l'existence de cette verrue sur le nez de l'Eglise Orthodoxe sur le sol de France.

c'est vrai que l'ECOF est tellement visionnaire qu'elle va faire un pélerinage en Grèce cet été, la Grèce ce haut lieu d'arriérés de l'Eglise structurante, allez savoir peut être pour leur expliquer ce que c'est que la deuxième Eglise, celle de l'Esprit Saint !! ils risquent de se fairent accueillir à coups de cailloux!!

et c'est comme ça depuis 1972 il ne faut pas se leurrer, tous les deux ans il y avait un rappel de l'Eglise Roumaine... c'est induit dans le programme de la matrice ecofienne. Après on peut toujours se retrancher derrières les canons (dont on retrouve l'utilité au passage...) pour dire que la déposition n'est pas valide parce que pas dans les règles (on pourrait toujours rétorquer pour le coup que peut être les roumains ont été visionnaires ce coup là!!l'Eglise de l'Esprit arrive en Roumanie chouette!!) oh, juste tous les deux ans depuis 1972 il y avait constat d'échec des deux parties, vous multipliez ça par dix, ça explique peut être qu'en 1993 on n'a pas forcément cherché à convoqué 2 ou 3 fois l'Evêque pour qu'il se défende... après propos de jésuite: pas de procès pas de coupable. en gros c'est comme en droit pénal: pas de cadavre, pas de crime!
Georges Papathanassios
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Message par Georges Papathanassios »

Dernière modification par Georges Papathanassios le ven. 13 mai 2005 15:06, modifié 3 fois.
hilaire
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Message par hilaire »

Georges vous avez pleinement raison.

moi personnellement je ne trouve aucun motif à me réjouir de l'état de fait Ecofien.

l'autre soir à la télévision ils diffusaient "les autres"... une histoire d'enfants fantômes enfermés dans une maison, et qui n'ont pas conscience d'être des fantômes. la mère également est un fantôme et a tué ses enfants avant de se suicider. Du coup elle fait tout pour empêcher les enfants de sortir de la maison afin de les garder sous son étreinte.

L'ECOF c'est la maison, la mère je vous laisse deviner, et les enfants se sont les fidèles!

alors bien sûr pour tout fermer à clefs dans la maison, on laisse se déliter le système, on s'entoure de majordomes qui n'oublieront pas de fermer toutes les pièces de la maison derrière leur passage afin que personne ne sorte ou ne rentre (c'est dans le film "les autres" une recommandation de la maîtresse de maison), on s'isole conscienscieusement du reste du monde (liturgie et calendrier à part, institut de théologie spécifique,pas de développement du monachisme des fois qu'on vous propose un futur episcopable! etc.)

tout va bien jusqu'au jour où les enfants réussissent à sortir de la maison et tombent sur leurs tombes... ce qui leur fait comprendre qu'ils ont été abusés...

certains fidèles réussissent à sortir de temps en temps, et eux aussi se rendent compte qu'ils ont été captifs.

ou bien, pour prendre une autre image c'est comme dans Matrix: soit vous prenez la pilule qui vous fait sortir du système qui vous piège, soi vous avalez la pilule qui vous laisse paisiblement rester dans l'aveuglement...

je sais bien, ce n'est pas un développement d'une grande fulgurance théologique, j'espère que vous me pardonnerez ces prolongements, mais je les trouvaient illustrant.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je crois que Georges Papathanassios a parfaitement raison de souligner la parenté de ce texte d’origine écofienne (qui je crois est la reprise d’un texte beaucoup plus ancien de même origine) avec un certain nombre de spéculations de la philosophie religieuse moderniste.

L’avenir de l’ÉCOF est effectivement sur le déclin, et les ecclésioles qui apparaissent maintenant se réclament surtout du rite byzantin (en un sens ce serait un progrès !!!). Mais si elles peuvent continuer à proliférer, ce n’est pas seulement parce que la situation ecclésiastique de l’Ukraine suscite des espoirs parmi les aventuriers, c’est aussi parce que les juridictions orthodoxes présentes en France restent enfermées dans leur cadre ethnique au lieu d’œuvrer patiemment au développement des paroisses et du clergé.

Le modernisme de “l’École de Paris” n’offre pas une réponse orthodoxe à la demande croissante des indigènes de ce pays.
Jean-Louis Palierne
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samuel
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Message par samuel »

Je crois que la grande erreur des modernistes de tout poil (Ecole de Paris, ECOF) a été de vouloir convertir l'Orthodoxie à l'Occident, alors qu'il fallait convertir l'Occident à l'Orthodoxie.
Georges Papathanassios
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Message par Georges Papathanassios »

Samuel écrit:"

Je crois que la grande erreur des modernistes de tout poil (Ecole de Paris, ECOF) a été de vouloir convertir l'Orthodoxie à l'Occident, alors qu'il fallait convertir l'Occident à l'Orthodoxie.

C'est tout à fait cela!
Et le seul remède est ce qu'évoquaient Jean-Louis, Lecteur Claude et Antoine: diffuser la vraie théologie orthodoxe à travers ses auteurs méconnus ou mal traduits, appliquer vraiment les canons et l'ecclésiologie orthodoxe sur notre sol, et en fin de compte soumettre notre personne et notre mentalité à la sainte tradition orthodoxe, et non la tradition orthodoxe à notre mentalité en y injectant des considérations nationalistes ou autres, et notament appliquer le rite orthodoxe byzantin à notre être et non pas modeler le rite selon notre être, changer ce qui nous gène ou nous parait "étranger" pour obtenir un résultat confortable qui n'a aucune chance de nous mettre à la merci du Saint Esprit et de nous déifier.
Jean-Serge
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Message par Jean-Serge »

Georges Papathanassios a écrit :appliquer vraiment les canons et l'ecclésiologie orthodoxe sur notre sol, et en fin de compte soumettre notre personne et notre mentalité à la sainte tradition orthodoxe, et non la tradition orthodoxe à notre mentalité en y injectant des considérations nationalistes ou autres, et notament appliquer le rite orthodoxe byzantin à notre être et non pas modeler le rite selon notre être, changer ce qui nous gène ou nous parait "étranger" pour obtenir un résultat confortable qui n'a aucune chance de nous mettre à la merci du Saint Esprit et de nous déifier.
Oh oui, c'est vraiment ce qu'il nous faut. Je serai d'ailleurs favorable à ceux qu'on cessât de brandir le mot économie à tout bout de champs chaque fois qu'on s'écarte des canons. Si ça continue un jour on nous servira un mariage "gay" et on parlera d'économie. Tout le monde a ce mot à la bouche et acribie semble être devenu un gros mot. Pourtant je ne vois pas comment on peut éduquer un enfant (enfant car l'orthodoxie en France n'en est certainement pas aux aliments solides) en étant laxiste dès le départ.

Le défi est grand car d'une part la tendance moderniste nous envoie ses métastases et d'autres part l'on ne peut se contenter de reproduire exactement ce qui se passe dans les paroisses "ethniques". En effet, y compris dans ces paroisses, on peut trouver des traces de modernisme mais surtout les formes pratiquées en ces lieux (et que je suppose) importées des pays d'origine peuvent contenir des éléments pas très orthodoxes : je pense aux prosternations dominicales russes (légitimées certes par certains écrits, je pense à Saint Ignace Briantchaninov), aux agenouillements roumains (un peu catholiques dans la forme) et aux rangées de chaises chez les Grecs...

Tout cela suppose à mon avis de se renseigner, de tenter de lire en entier le Nomocanon et de comparer des Typicons, bref de tenter de revenir aux sources de la Tradition et de rédiger un Guide pour une vie orthodoxe... basé non sur les usages X ou Y mais sur la Tradition. Je regrette d'ailleurs l'absence d'un tel livre en français. A mes débuts, j'ai lu un tel livre en anglais écrit par des vieux calendéristes florinistes qui expliquaient tous les détails pratiques (il ne traitait pas de question dogmatiques) : comment vénérer une icône, les règles du jeûne, quelq gestes faire à quels moments etc... Un livre très complet, avec sans doute des erreurs par rapport à la Tradition -il admettait l'agenouillement dominicale tout en indiquant que cela ne devait guère se faire (sic)- mais qui a vraiment le mérite d'exister en anglais.

En français, il faut récupérer des bribes à droite et à gauche en observant la paroisse que vous fréquentez et puis un beau jour vous apprenez qu'il ne faut pas vous agenouiller le dimanche, qu'au moment du trisagion lors de la liturgie les fidèles ne doivent pas faire de métanies... Que les mariages ne se célèbrent pas samedi mais vous ne comprenez pas car vous en voyez tout plein le samedi...

Je serais curieux de savoir si les missions vieilles calendéristes et russe hors frontières en Occident parviennent à maintenir une certaine pureté et ne cèdent pas à la facilité. Si c'est le cas, il faudrait les imiter sur ce point...
Priidite, poklonimsja i pripadem ko Hristu.
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