UACORO

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Glicherie
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Message par Glicherie »

Concernant une éventuelle approbation du pseudo-rite des gaules par le Saint Synode Serbe:si elle se faisait, elle équivaudrait à assoire une pratique marginale dans son diocèse en France.

Car une telle pratique ne saurait, il me semble, s'effectuer plus amplement sans une concertation de tous les orthodoxes en France, une analyse rigoureuse de ce rite.

Qu'on se souvienne de l'époque où existait l'écof comme évéché catholique orthodoxe de France du Patriarcat Roumain, les autres juridictions en France lui ont refusé la communion.

Depuis, les choses en sont à tel point pour ce groupe et sa dissidence qu'il semble invraissemblable de voir surgir un diocèse ou un doyenné serbe de rite occidental!
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Anne-Geneviève,

Je ne sais pas dans quel sens l’Église serbe arrivera à clarifier sa position vis-à-vis des supporters du prétendu “rite des Gaules”, mais je peux vous assurer que personne ne pourra indéfiniment reporter une clarification de sa position personnelle à l’égard de la Tradition orthodoxe, la seule et la vraie, l’unique Église. On n’adopte pas l’Orthodoxie à doses homéopathiques.

La question liturgique n’est pas une question accessoire. C’est la Liturgie byzantine qui constitue de loin la meilleure catévhèse d’introduction à l’Orthodoxie. On pourrait même dire que c'est la seule. Vouloir constituer un monde à part, vouloir se distinguer au nom d’une tradition ethnique n’est pas la bonne route d’accès vers l’Église.

Sous le poids de leurs divers ethno-phylétismes, certains représentants de l’Église orthodoxe croyaient qu’il était de leur devoir de favoriser la création d’une branche occidentale de l’Orthodoxie. Nous voyons aujourd’hui que c’était une erreur, même lorsque des corrections dogmatiques ont été apportées aux textes liturgiques.

Je ne peux que m’associer à ce que dit Glicherie :
Si mes inquiétudes sont infondées, tant mieux.
Si vous vous préparez à la célébration de la liturgie orthodoxe en prévision d'intégrer l'Eglise, bravo. Je ne peux que m'en réjouir.

Nous souhaitons tous, j'en suis persuadé, que ce passage mortifère par un vide canonique et l'absence de la Communion aux saints corps et sang de notre Seigneur soit achevé et que vienne le temps pour vous de la Resurrection.
Jean-Louis Palierne
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Avant de voir vos réponses, j'avais préparé quelque chose. Je le mets quand même, en l'actualisant.
Jean-Louis Palierne a écrit :On comprend donc que certains membres de l’UACORO souhaitent rester dans l’état de choses actuel. D’autres souhaitent retourner à l’ÉCOF (en fait l’UACORO n’est guère autre chose qu’une organisation de l’opposition intérieure à l’ÉCOF). D’autres désirent se joindre au groupe dirigé au sein de l’Église copte (mais de rite occidental) par le père Alphonse Goettmann, et enfin certains envisagent d’entrer dans l’Église orthodoxe « de rite oriental ». On en saura plus à l’issue de la prochaine assemblée générale de l’UACORO en octobre. Cette AG risque fort d’être la dernière.


Ce qui m’embête, dans la présentation que fait Jean Louis Palierne, ce sont deux inexactitudes. Tout d’abord, quand l’UACORO a été créée en tant que structure juridique provisoire, on ne peut plus parler d’opposition interne à l’ECOF. C’était même le signe d’un claquage de porte assez violent. Et cela fait 4 ans qu’elle n’a plus aucun rapport avec l’ECOF. Enfin si, un et un seul : comme le procès a donné à l’ECOF la propriété de tous les biens immobiliers, la paroisse de Juvisy s’est retrouvée, fort embêtée, avec l’ECOF comme propriétaire de ses locaux ; il a donc fallu avoir quelques contacts pour clarifier les choses, fixer un loyer, etc., comme il y en aurait eu avec n’importe quel propriétaire. Sur cette affaire dont la hauteur spirituelle n’échappera à personne, a couru la rumeur d’une reprise de contacts ecclésiaux. Cette rumeur n’est qu’un canard… Coin, coin.
La seconde inexactitude, et c’est celle qui me fait réagir, concerne l’ordre dans lequel Jean Louis présente les « projets d’avenir » des uns et des autres. Mais moi qui connais personnellement tous les membres du clergé et une bonne partie des paroissiens, y compris de province, je peux témoigner que, statistiquement, la majorité (= quasiment tous les anciens) hésite entre… intégrer une paroisse russe ou une paroisse roumaine. Pour la province, c’est plutôt une question de juridiction et la Roumanie a posé ses jalons. L’option copte a été discutée et rejetée lors de l’AG de 2004. D’autres options ne sont pas d’actualité, sinon peut-être pour une personne isolée ici ou là, il y a toujours des électrons libres et que serait, d'ailleurs, une vie spirituelle sans liberté ? Mais l’ordre que présente Jean Louis est exactement inverse de la réalité et donne donc une image de l’UACORO non seulement fausse mais injuste.
Que l’on rejette, avec des arguments clairs, la liturgie dite « des Gaules » est une chose. Que l’on combatte la collusion entre l’évêque Germain et la franc-maçonnerie, je suis la première à le faire. Que l’on insinue que les membres de l’UACORO sont la dernière sous-race d’hérétiques après les soliveaux et les ânes bâtés, c’est autre chose, d’une élégance plus douteuse. Et puis, mon cher Jean Louis et ceux qui vous emboîteront le pas, avez-vous pensé un instant à l’accueil que vous préparez pour tous ceux qui, venant de l’UACORO et tenant à l’orthodoxie comme à la prunelle de leurs yeux, vont entrer dans telle ou telle paroisse russe, roumaine ou serbe ? Ce ne sera sans doute pas facile mais, si vous les marquez d’avance au fer rouge… Faudra-t-il porter la lettre écarlate comme les adultères chez les Puritains de la première Amérique ?
J’arrête là, car sinon c’est moi que la souffrance rendrait injuste.

En fait, je reprends, parce que les derniers messages de Jean-Louis et de Glicherie sont d'un autre ton et de cette douceur nouvelle, je vous remercie tous deux.
Je sais bien, et tout le monde à l'UACORO sait que les Coptes ne sont pas en communion avec le patriarcat de Constantinople. Je ne suis pas sûre que la reconnaissance de leur orthodoxie dans les conditions actuelles soit une bonne chose, car cela brouille les cartes pour ceux qui ne sont pas au fait de toutes les nuances du discours diplomatique ecclésiastique, oecuménisme obligeant. Ou ils sont orthodoxes (je n'en suis pas sûre du tout, pour ma part) et je ne vois pas pourquoi cet ostracisme ; ou ils ne le sont pas et alors, pourquoi affirmer le contraire ? Mais cette absence de communion et de clarté quant à leur "degré d'orthodoxie" ont été les arguments qui ont fait rejeter cette option en 2004.
Quelles que soient les circonstances et les raisons qui ont prévalu dans les années 1920-1930, presque un siècle déjà, pour l'élaboration du "rite des Gaules", elles n'existent plus aujourd'hui. Et ce qui pouvait alors apparaître comme un argument missionnaire pourrait effectivement nourrir un ethnophylétisme.
Ceci posé, vous aurez beaucoup de mal, mon cher Jean-Louis, à me faire partager votre admiration pour Byzance. Je me sentirais beaucoup plus proche du désert d'Egypte, de la Cappadoce ou d'Antioche avant Nestorius que des fastes impériaux qui me donnent le plus souvent envie de me revendiquer comme barbare. Voire à rappeler comme je l'ai fait souvent l'existence d'une Eglise d'Irlande que Rome a détruite et qui a disparu sans verser dans l'hérésie. Je ne parle pas, bien entendu, des Irlandais actuels, romanisés de force au XIIe siècle. Pardonnez moi si les pages tapis du Book of Kells me font chanter l'âme plus que ce que je connais de Byzance.
Le mythe d'empire ne date pas de Byzance, pas même de Rome, il accompagne le rayonnement légendaire de Sargon d'Akkad. Les critères de l'Empire, perfection politique, religieuse, etc., sont nés là avant de passer à Hammourabi puis se répandre vers la Chine et vers la Méditerranée. On retrouve les mêmes dans tous les éloges de Byzance. Mais je connais trop l'histoire pour y voir un âge d'or, fût-il ecclésial, ou le lieu de naissance de "formes parfaites" comme vous l'avez écrit je ne sais plus sur quel fil.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Le « claquage de poirtes assez violent » n’empêche pas les fréquents conciliabules téléphoniques et les échanges d’informations.

Quant aux projets, je n’ai pas les mêmes informations. Je ne marque personne au fer rouge, je n’en ai nulle envie, et je n’ai aucun pouvoir canonique. Je souhaite vivement que les chrétiens égarés, tant ceux de l’ÉCOF que ceux de l’UACORO, retournent dans l’Église orthodoxe et je suis persuadé qu’ils y seront bien accueillis. Mais ils auront du mal parce qu’il leur faut se défaire de leur habitude de vivre en groupe distinct, et des fausses idées que véhicule le prétendu rite des Gaules.

L’Église byzantine, ou plutôt l’Église orthodoxe telle que l’ont conservée les fidèles, n’est plus à Byzance, elle a inclu les déserts de Nitrie, de Scété et de Thébaïde et bien d’autres encore, mais aussi Alexandrie, qui lui a donné saint Athanase et Cyrille, elle a inclu l’Antioche antique, qui lui a donné saint Jean Chrysostome, elle a inclu l’Occident orthodoxe : saint Cassien, Grégoire de Rome, Ambroise etc, elle a inclu les Cappadociens, elle a connu la renaissance hésychaste avec Palamas, elle a inclu les Russes : saint Séraphim de Sarov, etc. etc.et aussi les Irlandais. Byzance désigne une synthèse, une confirmation, un centre de communion. Elle a aussi persécuté des saints.

L’Église orthodoxe est une, ce n’est pas une addition de traditions locales. J’espère qu’un jour elle accueillera le retour des frères égarés des Églises antchalcédoniennes. Ils auront moins de mal à s’y retrouver que les onnombrables groupes nés de l’hérésie occidentale.
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Jean-Louis Palierne a écrit :L’Église orthodoxe est une, ce n’est pas une addition de traditions locales.
Quand vous parlez de l'Eglise orthodoxe, je ne peux qu'être d'accord. Lorsque vous la qualifiez de byzantine, je ne sais pas où vous êtes, s'il s'agit de l'Eglise, de l'empire ou d'une civilisation particulière qui, personnellement, ne me fait pas battre le coeur plus que cela (je parle de la civilisation de l'empire d'orient entre Théodose et la chute de Byzance, en tant que civilisation particulière). Et c'est cette assimilation que vous faites très souvent entre "orthodoxe" et "byzantin" qui me trouble -- et me troublerait tout autant si j'étais venue à l'orthodoxie par d'autres voies. Mes réticences à l'égard des empires en général datent de plus loin.

Cela dit, rassurez-vous, la traduction du message du Saint Synode de Serbie est faite, il confirme la décision de l'AEOF. Comme elle a tardé, cela retarde les AG de quelques semaines, mais tout le monde sait que c'est le bout de la route.

Je ne sais pas à quels conciliabules vous faites allusion. S'il s'agit d'amitiés personnelles entre X et Y, et alors ? Je ne suis pas bouddhiste et j'ai des amis bouddhistes. Je ne suis pas catho et j'ai des belles-soeurs cathos que j'aime bien. Où est le problème ? Ce n'est pas la même chose que des contacts institutionnels.
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Message par Jean-Louis Palierne »

En ce qui concerne l’étiquette byzantine, je crois qu’il faut être bien clair. Il y a une histoire de l’unique Église, je parle bien sûr de l’Église orthodoxe. L’Église d’Occident s’en est séparée au cours d’un lent processus, dont nous avons souvent parlé. Certaines Églises orientales s’en sont séparées à l’occasion des hérésies nestorienne et monophysites, et elles persistent dans cette erreur, mais empiriquement parlant elles ne s’en sont guère éloignées. L’histoire de l’Église orthodoxe a été marquée par celle de l’Empire gréco-romain, devenu de plus en plus byzantin.

C’est en grec que sont écrites les archives de l’Église : la Sainte Écriture, le Symbole, les décisions dogmatiques et canoniques des Conciles, et 90 % de la littérature patristique. Il y a eu et il y a encore, Dieu merci, et de plus en plus, des Églises qui utilisent d’autres langues : le syriaque, le latin, l’arménien (qui nous a conservé beaucoup de textes disparus du grec), le géorgien, le slavon, le roumain puis maintenant pratiquement toutes les langues de la terre, y compris le français.

Mais durant plus de mille ans l’Église (j'entends l’Église orthodoxe) a considéré comme de son devoir d’inspirer spirituellement un Empire qui l’avait adoptée. Cet Empire, comme du reste l’Église lorsqu’elle lui correspondait, a eu ses faiblesses, ses médiocrités et même ses crimes. L’un comme l’autre se sont parfois écartés de la voie de vérité.

Aujourd’hui l’Orthodoxie a le devoir de devenir mondiale. Au lieu de prendre cette voie elle s’enlise dans l’ethnophylétisme. Cependant elle n’oublie pas, et elle ne doit pas oublier l’héritage prestigieux de l’Église byzantine, qui lui a façonné une Liturgie, avec une immense hymnographie et tout un ensemble de saints Mystères, une iconographie et une musique, un héritage de sagesse monastique et aussi de préceptes canoniques, qui en font, même pour un regard purement profane, un cas unique dans l’histoire de l’humanité.

Ce que les traditions purement locales et ethniques peuvent présenter en regard de ce trésor ne sont que de faibles variantes, ou des balbutiements infantiles.
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Merci d'avoir clarifié l'emploi que vous faites du terme "byzantin". Je ne nie pas le trésor immense transmis en langue grecque, loin de là. Je pense même que cet empire d'orient aurait été bien pire si l'Eglise orthodoxe ne l'avait pas spirituellement irrigué et maintenu dans une vision chrétienne du monde. Et vous avez parfaitement raison lorsque vous parlez du lent processus d'éloignement de l'Eglise... je ne dirais pas d'occident à l'origine, mais étant donné le rôle des carolingiens dans l'adoption du filioque, je parlerais plutôt d'Eglise franko-romaine. Qui ensuite a empoisonné ce qui restait orthodoxe en occident. Nous en souffrons tous en profondeur.
Contrairement à ce que vous pouvez penser, je n'ai pas de tentation spéciale du côté de l'ethnophylétisme. Si je suis passée par l'ECOF comme beaucoup d'autres, c'est par le hasard des rencontres et non par choix culturel, d'autant que si je fais le compte de mes ancêtres, j'aurais du mal à choisir une racine plutôt qu'une autre : bretons, angevins, occitans, toscans, comtois, bourguignons, plus tous ceux que je n'ai pas pu identifier... Mais j'avais le sentiment à vous lire d'un certain ethnophylétisme byzantin (avec l'héritage russe par exemple comme de seconde zone) et c'est ce qui m'agaçait et me poussait à vous renvoyer d'autres balles pour crever une bonne fois cet abcès.
Nous sommes bien d'accord sur le fait que l'orthodoxie doit devenir mondiale ou, plus précisément, se réaffirmer comme universelle et locale.
Il se peut que nous nous heurtions encore sur les civilisations... Je me suis sentie en plein accord avec votre message jusqu'au mot qui tue, le dernier, "balbutiements infantiles". Mais laissons. Dans le contexte présent, ce serait se déchirer sur l'accessoire alors que nous sommes en communion sur l'essentiel.
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Message par Jean-Louis Palierne »

En ce qui concerne la formation de l'errance occidentale, je suis convaincu, mais comme je ne suis pas du tout historien, j'évite en général d'aborder le sujet, que le filioque n'a été qu'une étape décisive, mais tout de même qu'une étape, dans un processus d'altération beaucoup plus ancien. Je me rappelle le travail de Daniélou sur les origines du christianisme latin, utilisant principalement, selon son habitude, l'étude du vocabulaire, où il montre qu'alors que le christianisme hellénophone (et je répète que pour moi c'est la V.O.) a forgé son vocabulaire avec des emprunts très variés à la technologie, au commerce ou à la philosophie, sans parler des emprunts sémitiques, le christianisme latin a forgé uniquement son vocabulaire par des emprunts au monde juridique. Certes les latins étaient juristes, et même les Grecs le reconnaissaient, et les Byzantins ont continué a utiliser cette langue pour les canons. Mais c'est un peu insuffisant pour créer une théologie chrétienne.

Et puis il y a eu l'augustinisme, ou plutôt l'influence de l'augustinisme, qui ne coïncide pas avec sa réalité. Il a eu évidemment une énorme influence sur le développement de la pensée occidentale et sur sa passion pour l'analyse psychologique. Pensons seulement au nombre de chefs d'œuvre de la littérature française inspirés par les Confessions d'Augustin. Et d'un point de vue plus structurel c'est tout de même bien Augustin qui a argumenté l'appel de l'Église à l'autorité publique pour soutenir l'Église contre l'hérésie.

Est-ce que Byzance est l'Orient ? Mais certainement pas ! Pour Byzance, l'Orient est à l'Est. Byzance a une signification de synthèse universelle. Par rapport à cette synthèse centrale, tant l'Occident que l'Orien nous présentent une série d'esquisses et de réalisations locales, touchantes, mais secondaires.
Jean-Louis Palierne
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eliazar
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UACORD

Message par eliazar »

Cher Jean-Louis,

Tu viens d'écrire :
"...le christianisme hellénophone (et je répète que pour moi c'est la V.O.) a forgé son vocabulaire avec des emprunts très variés à la technologie, au commerce ou à la philosophie, sans parler des emprunts sémitiques, le christianisme latin a forgé uniquement son vocabulaire par des emprunts au monde juridique."
Je ne résiste pas au plaisir de te communiquer un texte inédit qui t'intéressera certainement, sur ce sujet :
« Pour comprendre les nuances et la diversité des situations qualifiées de saintes, il est nécessaire d’approfondir la notion de base, le qadosh de l’Ecriture Sainte, avant toute analyse des variations historiques. Ce terme, curieusement, n’apparaît pas dans la Genèse. A Abraham et à sa descendance, Dieu révèle seulement sa bénédiction et sa fidélité. La première mention de la sainteté se trouve en Ex. 3-5: “Dieu dit: n’approche pas d’ici, ôte tes sandales de tes pieds, car l’endroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte.” C’est la seconde étape de la théophanie du Buisson Ardent, après la manifestation du Feu qui ne consume pas, la réponse au mouvement tournant de Moïse qui veut voir derrière l’apparence. Elle précède immédiatement le premier nom divin: “C’est moi le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob”, qui sera répété trois fois dans le chapitre.
Est saint ce que Dieu sanctifie par sa présence ardente, non ce qui aurait de soi-même atteint une quelconque perfection. Est saint ce que Dieu nomme tel. Poussant l’exégèse : Dieu communique d’abord la sainteté à la terre, à ce qu’il y a de plus commun, à ce que l’homme foule aux pieds à tous les instants. Le mouvement paradoxal unit les extrêmes tout en les distinguant de façon absolue, la kénose divine s’opère dans une tension maximale.

Reprenons étape par étape la théophanie décrite dans le livre de l’Exode. Après le Feu, après la révélation de la sainteté, après le premier Nom vient la mission de Moïse: “Maintenant, va, je t’envoie”; puis le signe de la Présence: “Je suis avec toi; et voici quel sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie : quand tu auras fait sortir d’Egypte le peuple, vous rendrez un culte à Dieu sur cette montagne.”; enfin le second Nom divin, l’intraduisible autant qu’imprononçable IHVH dont une approximation serait “source de vie” plutôt que la simple catégorie philosophique, un peu abstraite, de l’être ; la séquence s’achève par le don fait à Moïse: la capacité de manifester la puissance divine sur la création, afin que les autres croient. Tous les éléments de cette théophanie déterminent l’emploi ultérieur de qadosh. Les étapes successives apparaissent comme un pattern : fonction désignée par Dieu pour le peuple, liturgie comme lieu et signe de la Présence, actualisation du Buisson, expression de l’inexprimable, capacité d’opérer de nouveaux signes. En Lev. 19-12, Dieu précise et accentue la révélation: “Le Seigneur parla à Moïse et dit : parle à toute la communauté des israélites. Tu leur diras : vous serez saints car je suis saint, moi, le Seigneur votre Dieu.” - “Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth”, crient en écho les Seraphim dans la vision d’Isaïe.
Aghios, sanctus, saint, ne serait-ce pas, dans leur racine qadosh, le Nom de Dieu en tant qu’Il se communique ?

Traduire qadosh en grec puis en latin n’allait pas de soi. La solution retenue par les “Septantes” et reprise en général par les auteurs chrétiens consistait à écarter le terme ieros caractérisant les Olympiens, au bénéfice d’aghios. Ce dernier mot sortait considérablement enrichi de l’opération. Ce fait, qui peut-être ne posait pas de problème particulier de compréhension aux juifs de la diaspora, allait colorer la réflexion chrétienne bien au delà des premiers siècles. En effet, aghios comme agnos, évoque l’univers de la pureté et en particulier celle des objets cultuels. Kerenyi parle du “caractère précis à quoi se rapportent ces mots et qui, dans les personnages d’Apollon et d’Artémis, apparaissait aux Grecs comme une réalité suprême particulière : le pur, l’inaccessible, ce qui exige qu’on se tienne à distance.” Cet aspect intervient certes dans la théophanie du Buisson Ardent, ainsi que le feu sous-entendu par la racine ag, agn. Mais, nous l’avons vu, il dépend entièrement de la présence divine. L’aghios grec, lui, dépend d’abord de l’intouchabilité. L’opposition est manifeste. Dans le mode biblique, un élément ordinaire, la terre, devient qadosh parce que touchée du feu divin, Nulle part il n’est dit que le contact humain la profanerait. C’est pour l’homme qu’existe un danger potentiel et pour lui seul, comme le suggère Ex. 3-6: “Moïse se cacha le visage, car il craignait de diriger ses regards vers Dieu.”
Dans le monde grec, ce qui est ordinairement consacré serait souillé par l’attouchement de l’homme ou d’un objet profane. La pureté, rare et précieuse, n’en est que plus difficile à maintenir.

L’emploi chrétien de sanctus résulte d’une double traduction : de qadosh en grec, au prix d’une inversion difficile à saisir pour les païens convertis, puis d’aghios en latin. Or sanctus tire encore davantage la notion vers le respect d’une inviolabilité. Le terme s’applique aussi bien au culte des dieux qu’à celui des morts, ou même de la Cité. Marcianus le définit clairement : “Est saint ce qui est défendu et fortifié contre l’injure de l’homme.” et Ulpianus précise : “Nous appelons saint précisément ce qui n’est ni sacré ni profane mais protégé par quelque sanction pénale (...) ; ce qui est soumis à sanction, voilà ce qui est saint, même si ce n’est pas consacré à un dieu.”
Aucune ambiguïté ne subsiste quant à l’emploi païen de sanctus. Notons simplement que, contrairement à aghios, sanctus et sanctitas peuvent qualifier des hommes, dans leur relation à la fois juridique et morale à la sphère du sacré. Ainsi Cicéron peut-il, dans ses Topiques, distribuer des notions qui, chez la plupart des auteurs et dans ses autres ouvrages, s’équivalent : “L’équité comporte trois composantes: l’une s’applique aux dieux d’en-haut, la seconde aux mânes, la troisième aux hommes. La première se nomme piété, la seconde sainteté, la troisième justice ou équité.” Nous sommes très loin de la révélation de qadosh dans une théophanie, et le sens biblique en sera d’autant plus facilement oublié ou gauchi. Si l’emploi d’aghios oriente les Grecs vers une dialectique du pur et de l’impur, celui de sanctus va conduire les Latins, principalement en Afrique et en Italie, où n’existe pas de concurrence linguistique, vers une exigence de conformité des mœurs et de la fonction. Dans la Rome païenne, l’homme “saint” par excellence, le flamine, était soumis à une pointilleuse ritualisation du quotidien, à une kyrielle d’obligations et d’interdits qui s’étendait à sa famille, ses esclaves et ses biens.

Parenthèse certes anecdotique, mais qui illustrera ces nuances que nous traquons par la linguistique, on peut comprendre à partir de ces remarques les différences canoniques entre l’orient et l’occident à propos du mariage des clercs majeurs, et l’opposition de Rome au concile Quinisexte. Pour les Grecs, selon le canon 13, “quiconque sert dans le sanctuaire doit être pur” — entendons intouché — et ainsi “les sous-diacres, les diacres et les prêtres doivent s’abstenir d’avoir commerce avec leur femme dans le temps où ils exercent leurs saintes fonctions ”. Pour les Latins, le clerc majeur est tenu par sa fonction sans limitation de temps ni de lieu, à l’instar du flamine, d’où l’exigence de célibat lorsque le modèle monastique s’impose comme norme de perfection.

Comment ce complexe sémantique sera-t-il reçu dans les cultures celtes et germano-scandinaves? La littérature chrétienne reste, sauf en Irlande, exclusivement latine. Le choix délibéré d’une langue véhiculaire renforce l’unité culturelle, favorise la circulation des hommes et des écrits. Mais sous l’usage savant du latin, nous discernons la permanence d’une oralité celtique, qui perdure selon les régions jusqu’au Ve, au VIIe, voire au IXe siècles, et reste encore vivante de la Bretagne à l’Irlande, l’Ecosse et le Pays de Galles. L’interpretatio romana n’obscurcissait pas les thèmes traditionnels. Mais, seule accessible à l’historien le plus souvent, elle rend simplement plus ardu leur déchiffrement. La réception de sanctus dans le monde rural gaulois, et même au sein de l’aristocratie romanisée, n’est pas directement palpable. Tout au plus pouvons nous, à ce stade de notre enquête, postuler une nuance plus existentielle que juridique, déplacer l’accent de la sanction pénale protectrice vers la métamorphose, la puissance propre, ou le geis. Les peuples germaniques ont à leur tour traduit sanctus par heilig, avec un glissement de sens considérable. Heil désigne le potentiel de chance, de destin positif , avec des nuances qui le rapprocheraient du concept de mana, et l’on pourrait sans forcer l’interprétation parler de “puissance heureuse”. Les résonances du terme sanctus dans les Gaules devenues Francia seraient complexes, difficiles à préciser sans ambiguïté. Pour espérer les dégager, il était nécessaire d’élucider au départ les apports propres des Grecs et des Latins. »

- - - - - - - Le juridisme romain suffisait pour induire le papisme et ses dérivés. Par contre, l’apport wisigoth explique l’adoption du filioque. Mais les Goths ne sont pas un peuple simplement germanique. Ils ont longtemps séjourné au bord de la mer Noire où ils ont intégré à la fois un peu d’hellénisme et tout ce qui bouillonnait entre Colchide, Taurus et Caucase. Leur lien culturel le plus profond est avec l’Arménie, d’où la tentation gnostique, dualiste, toujours présente et mortifère. Le fameux « viva la muerte ! » de la Phalange. Par contre, les Francs, Alamans, Thuringiens et autres Germains de Hallstadt ont apporté deux hérésies dont l’une n’a pas été reconnue comme telle : la première est liée à la traduction de sanctus par heilig, à la notion germanique de destin, c’est l’exacerbation de la notion augustinienne de prédestination ; la seconde qui n’a pas été vue sauf peut-être récemment est une vision « catastrophiste » de l’eschatologie, au double sens de rupture drastique et de passage par la souffrance la plus aiguë, bref le mythe du ragnarök à peine christianisé. Mais c’est la synthèse entre le sens frank ou lombard de la hiérarchie et de l’obéissance au chef et le juridisme romain qui a forgé le vaticanisme."
C'est un extrait de la thèse de théologie d'une dénommée Anne Geneviève B., et le dernier paragraphe en est un bref commentaire ponctuel, mais qui s'inscrit bien dans votre discussion ci-dessus.

Je profite de l'occasion pour te signaler qu'elle a ouvert récemment un "blog", où elle a placé une dizaine d'autres études - qui ne concernent pas forcément l'orthodoxie, mais qui forment un éventail très documenté sur de nombreuses connaissances annexes, connexes ou parallèles, éventail dont le tout comme les parties me semblent d'un très grand intérêt - même si certains points éveillent l'envie de la contredire - mais je crois qu'elle doit aimer çà !

Enfin, je m'avance peut-être... c'est d'enthousiasme, en tout cas.
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Glicherie
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Message par Glicherie »

As t'on du nouveau sur la réponse serbe à l'Uacoro et le devenir de celle-ci ?
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

En bref, car je n'ai pas encore le texte :

réception individuelle des paroissiens, mais après quoi les paroisses ne sont pas dispersées
célébration exclusive de la liturgie selon saint Jean Chrysostome
calendrier serbe (ancien) ou nouveau calendrier avec date de Pâques julienne, pas clair tant que je n'ai pas le texte

Les AG paroissiales vont se tenir en octobre, l'AG UACORO à la mi-novembre, pour faire les choses en règle, mais d'ores et déjà je peux dire que c'est le bout de la route pour l'UACORO, clairement annoncé par les membres du conseil.

Mon message est sec, faute de temps au cybercafé.
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Message par Glicherie »

Anne Geneviève a écrit :réception individuelle des paroissiens, mais après quoi les paroisses ne sont pas dispersées
célébration exclusive de la liturgie selon saint Jean Chrysostome
calendrier serbe (ancien) ou nouveau calendrier avec date de Pâques julienne.
Voilà déja qui est plus favorable que la décision de l'AEOF de 2004, qui elle dispersait les paroisses, soumettait les clercs à une formation en tutelle d'une durée d'1 ou 2 ans, avec engagement et protocole d'accord...examen canonique etc...

Si les paroisses sont maintenues, avec comme seule "contrainte" de pratiquer le Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome, c'est une décision bienveillante des Serbes.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Oui, j'en suis consciente.
C'est aussi le résultat d'un cheminement avec monseigneur Luka qui nous connaît bien, contrairement à d'autres hiérarques, avec le père Jovan, etc.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Glicherie
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Message par Glicherie »

Extrait du site orthodoxie.com de Christophe Levallois et Père Jivko Panev:

Lettre du Saint-Synode de l’Église orthodoxe serbe concernant les conditions de réception des membres de l’UACORO dans l’Église orthodoxe
S. E. Monseigneur Luka, évêque du diocèse de France et d’Europe occidentale de l’Église serbe, a rendu publique la lettre que lui a adressée le Saint-Synode de l’Église serbe pour l’informer de la décision qu’il a prise en ce qui concerne les conditions de la réception des membres de l’UACORO (Union des Associations Cultuelles Orthodoxes de Rite Occidental) dans l’Église orthodoxe au sein de son diocèse.

Cette décision fait suite à la demande que l’UACORO avait adressée au patriarche Paul d’être reçue au sein de ce diocèse, et à l’examen de cette demande par l’Assemblée des évêques de l’Église serbe au mois de mai dernier.

Pour arrêter sa décision, l’Assemblée des évêques a pris en considération le rapport circonstancié, de près de cent pages, que lui a remis Mgr Athanase Jevtitch, qui présidait une commission d’experts désignée par le Saint-Synode pour étudier la situation passée et actuelle de l’UACORO et donner un avis quant aux possibilités de sa réception.

Mgr Athanase avait fait plusieurs séjours en France pour mener une série discussions avec les membres de l’UACORO, et consulter et informer des représentants de toutes les Églises orthodoxes membres de l’AEOF, dans un souci de concertation et de transparence.

Dans sa lettre, le Saint-Synode stipule que l’UACORO peut être reçue dans la juridiction de l’Église orthodoxe serbe : 1) à la seule condition d’accepter pleinement la Divine Liturgie ainsi que la tradition sacramentelle de l’Église orthodoxe ; 2) seulement au moyen d’adhésions individuelles de paroisses, fidèles et prêtres, et non comme une entité spécifique.

Les membres de l’UACORO devraient faire connaître leur réponse à cette proposition de l’Église serbe à l’issue de l’Assemblée générale de l’UACORO qui se tiendra au mois d’octobre prochain. L’UACORO est constituée d’un groupe de paroisses qui avait quitté l’ECOF (Église Catholique Orthodoxe de France) à la suite de la déposition de son évêque, Mgr Germain, par l’Église roumaine.

La proposition de l’Église serbe constitue pour les paroisses de l’UACORO la dernière chance d’intégrer l’Église orthodoxe et de mettre fin à une longue période d’errance au cours de laquelle le nombre de leurs fidèles n’a cessé de se réduire



Nous pouvons nous réjouir de cette proposition très ouverte qui permet l'adhésion de paroisses entières et constituées à l'Eglise Orthodoxe, ce qui est un acte d'économie que ne laissais présagé ni la décision de l'AEOF en 2004 ni les deux épitres de Monseigneur Athanase.

Souhaitons de tout coeur que les membres de l'UACORO intègrent enfin l'Eglise du Christ et cessent la longue errance qu'ils subissent depuis la déposition de l'ex-évèque Germain de l'ECOF par le Saint Synode Roumain.

http://orthodoxe.free.fr/files/ReceptionUACOR.pdf
Antoine
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Message par Antoine »

L’UACORO est constituée d’un groupe de paroisses qui avait quitté l’ECOF (Église Catholique Orthodoxe de France) à la suite de la déposition de son évêque, Mgr Germain, par l’Église roumaine.
Notons que la déposition de Germain est bien affirmée dans ce communiqué et donc bien reconnue comme telle par l'Eglise orthodoxe. Tout ce que cet ex-évêque aura consacré depuis n'a donc aucune validité: Baptème, Chrismation, ordination, eucharisitie etc...ainsi que tous les actes liturgiques des pretres ordonnés par lui.
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