Mouravieff (recherche sur)

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Antoine
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Mouravieff (recherche sur)

Message par Antoine »

Date : 02.05 17h36
auteur : lecteur Claude


J'ai entendu parler par hasard d'un émigré russe du nom
de Boris Mouravieff
professeur à l'Université de Genève dans les années
1950, et qui a écrit sur
"l'enseignement ésotérique de l'Orthodoxie orientale".

Quelqu'un sait-il quelque chose sur cet auteur? Pourrait-il
me donner des
renseignements? Etait-il orthodoxe ou gnostique?

Merci d'avance à toute personne susceptible d'éclairer ma
lanterne.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 02.05 19h01
auteur : Olia



Il existe une Association "Boris Mouravieff"
qui possède un site :
http://www.association-boris-mouravieff.com/

comportant de nombreux liens, dont la consultation pendant 1-
2 minutes m'a
laissé une impression d'opacité mêlée à un semblant (?) ou
une apparence de
religieusement "correct" ; ou est-ce de la discrétion ?

En l'absence totale de connaissances personnelles sur son
oeuvre, je ne pourrais
avoir un jugement sur ses appartenances...
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Boris Mouravieff était un disciple de Gurdjieff qui a ensuite fondé sa propre "boutique". Auteur d'un ouvrage intitulé Gnôsis, gnose donc, ce qui indique la couleur, en 3 tomes : exotérisme, mésotérisme, ésotérisme. Les deux premiers tomes se contentent de paraphraser ou développer le célèbre bouquin d'Ouspensky, l'autre disciple de Gurdjieff, Fragments d'un enseignement inconnu. Le troisième tome est centré autour d'une vision totalement gnostique du couple, qui n'hésite pas à séparer ce que Dieu a uni et à voir le salut dans... la brûlure.
Pas une ligne de ces trois livres n'est orthodoxe.
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Merci infiniment, Anne-Geneviève, pour cette réponse toujours utile, même deux ans après la question. Je ne peux donc que me féliciter rétrospectivement de n'avoir rien acheté de la production du dénommé Mouravieff.
eliazar
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Mouravieff

Message par eliazar »

On me cite (voire: on m'oppose) souvent GURDJIEFF, mais plus souvent encore OUSPENSKY, comme étant l'antidote à mes conceptions infantiles issues d'une doctrine orthodoxe un peu simpliste - et c'est pour ne pas me dire qu'elle est bêtifiante, sans doute!

Il va de soi que ces thuriféraires appartiennent plutôt à ce que mon analphabétisme viscéral appellerait " une élite intellectuelle qui me dépasse de cent années lumière". Quelque chose comme une paroisse Notre-Dame des Agrégés... face à un médiocre élève de l'école communale d'antan.

Pourrait-on me donner quelques éléments schématiques de réponse au sujet de ces deux illustres savants ès sagesse orientale?

Et est-il exact que Gurdjieff aurait été assez bien vu dans certains des cercles proches du nazisme "prophétique", genre Thulé, etc. ?
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eliazar
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Mouravieff

Message par eliazar »

J'ai eu la curiosité de consulter le site indiqué naguère par Olia. Il s'y trouve une courte notice sur Boris Mouravieff, dont voici l'essentiel:

"Boris Mouravieff, connu pour ses travaux d'historien ainsi que pour ses enseignements et écrits relatifs à l'ésotérisme chrétien, est né le 8 mars 1890 en Russie, à Cronstadt, base navale de St-Pétersbourg. Il est le deuxième des trois fils de l'amiral de la Flotte comte Piotr Petrovitch Mouravieff, dernier Secrétaire d'Etat à la Marine de guerre impériale.
Breveté officier de l'Ecole Supérieure de la Marine impériale russe en 1910, Boris Mouravieff gravit les échelons en servant notamment de 1909 à 1912 à bord du cuirassé « Aurora » qui donnera en 1917 le signal de la Révolution bolchevique. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert dans les forces navales de la mer Noire. En 1916-1917, lieutenant de vaisseau, il commande les flottilles de vedettes rapides lance-torpilles dont il avait été le promoteur.
A l'abdication du tsar en mars 1917, il est promu capitaine de frégate à 27 ans, avant d'être nommé chef de cabinet du ministre Alexandre Kerensky dans le premier gouvernement provisoire, dirigé par le prince Lvov. Il est ensuite nommé chef d'état-major adjoint de la flotte de la mer Noire par Kerensky, devenu à son tour chef du gouvernement russe jusqu'à son renversement par les Bolcheviques de Lénine lors de la Révolution d'Octobre 1917.
Au lendemain de la paix de Brest-Litovsk, en 1918, il quitte les armes. Il demeure alors en Crimée pour se consacrer à des travaux archéologiques ainsi qu'à ses recherches ésotériques et historiques.
Dès sa jeunesse, Boris Mouravieff s'intéresse à la tradition de l'Orthodoxie orientale, aidé par des indications laissées par Andréi Mouravieff, son grand-oncle (mort en 1874), qui fut le fondateur d'un ermitage à Saint Paul, l'un des grands monastères orthodoxes du Mont Athos. Ce dernier avait entrepris des recherches en Egypte, en Arménie, au Kurdistan et jusqu'en Perse pour retrouver des traces de cette tradition et des manuscrits des premiers siècles de notre ère.
A la fin de 1920, Boris Mouravieff quitte la Russie pour Constantinople puis la Bulgarie jusqu'en 1924.
A Constantinople, en 1920-21, Boris Mouravieff assiste aux conférences publiques données par Piotr Demianovich Ouspensky. C'est là que ce dernier met Boris Mouravieff en rapport avec Georges Ivanovitch Gurdjieff, avec lequel il aura par la suite plusieurs contacts, à Fontainebleau et à Paris.
Pendant de nombreuses années, Boris Mouravieff et P. D. Ouspensky, liés par une amitié fondée sur un même esprit de recherche, seront amenés à approfondir et à confronter leurs travaux à l'occasion de leurs rencontres à Paris ou à Londres. Ils se rencontreront pour la dernière fois au château de Lyne près de Londres en mai 1937.
En 1924, Boris Mouravieff arrive en France en qualité de réfugié puis s'installe à Bordeaux où, en 1935, il fait la connaissance de Larissa Bassof, née en 1901 à Tachkent, en Ouzbékistan. Larissa, ballerine, a un enfant d'un premier mariage, Boris Vsevolod Volkoff, né en 1928 à Neuilly. Boris Mouravieff l'épouse en 1936 et tous trois s'installent à Paris la même année.
Depuis 1921, Boris Mouravieff poursuit ses recherches relatives à l'histoire politique et diplomatique de la Russie, et en particulier à Pierre le Grand, qui donneront lieu à la publication de plusieurs ouvrages (cf. bibliographie).
Jusqu'en 1941, il travaille comme ingénieur-conseil pour diverses firmes pétrolières, tout en consacrant son temps libre à ses recherches historiques, ainsi qu'à la tradition ésotérique de l'orthodoxie orientale.
Le 11 juin 1940, Boris Mouravieff quitte Paris pour gagner le Midi de la France, à Carry-le-Rouet où s'était replié la firme qui l'employait. Il s'installe ensuite à Aix-en-Provence jusqu'en juillet 1943, et enfin en Haute Savoie, à Neuvecelle au-dessus d'Evian. Refusant de collaborer avec les Allemands, il est arrêté début 1944 par la Gestapo, interné à Annemasse, puis relâché sous surveillance. C'est alors que les résistants de la Gendarmerie Française du département organisent sa fuite et celle de sa famille le 9 mars 1944 pour la Suisse. Reçus comme réfugiés, Boris et Larissa Mouravieff sont d'abord assignés à résidence dans un camp de réfugiés à Randa dans le Valais. A la fin de la guerre, le couple est transféré à Genève à sa demande et installé provisoirement dans un établissement baptisé « Home pour réfugiés intellectuels » en attendant de vivre librement dans son appartement en ville.
Boris Mouravieff a 55 ans. Il lui faut de nouveau repartir de zéro. Sa situation matérielle est précaire : il gagne difficilement sa vie au moyen de leçons et de traductions industrielles.
Dès avril 1945, Boris Mouravieff sollicite son inscription en qualité d'étudiant à l'Institut des Hautes Etudes Internationales à Genève. En 1951, il obtient le diplôme de cet Institut pour son ouvrage : « L'Alliance Russo-Turque au milieu des guerres napoléoniennes ».
Vers la même époque, sa femme ouvre l'Ecole de danse classique Larissa Mouravieff qu'elle dirigera pendant un quart de siècle. Au début, Boris Mouravieff y participe en accompagnant les cours au piano.
Durant cette période, il entreprend un travail de formalisation de la tradition ésotérique orientale, envisageant initialement une présentation de cette doctrine sous forme romanesque. En avril 1955, Boris Mouravieff devient privat-docent à l'Université de Genève où il donne deux cours jusqu'en 1962, l'un concernant l'histoire de la Russie avant 1917 et l'autre la philosophie ésotérique. Ce dernier cours s'intitulera précisément :
« Introduction à la philosophie ésotérique d'après la tradition ésotérique de l'Orthodoxie orientale ». Il réunira régulièrement entre dix et trente élèves.
Le discours introductif de l'année universitaire 1956 ayant pour thème le « Problème de l'Homme nouveau » sera publié par la revue « Synthèses ». D'autres articles succéderont à cette première publication (cf. bibliographie).
L'enseignement dispensé à l'Université de Genève servit de base à la rédaction de son oeuvre maîtresse,
« Gnôsis », dont le premier tome fut publié en 1961 par les éditions « La Colombe » à Paris. La maîtrise et la clarté de l'exposé furent reconnus et l'ouvrage obtint l'année suivante le prix de littérature ésotérique Victor-Emile Michelet.
Esprit rigoureux et concret, Boris Mouravieff présentait et commentait, au travers de cette oeuvre, la tradition ésotérique de l'Orthodoxie orientale dans un langage clair et accessible à une personne cultivée de notre temps.
Cette même année 1961, Boris Mouravieff crée le Centre d'Etudes Chrétiennes Esotériques (C.E.C.E.), basé à Genève, qu'il présidera et animera jusqu'à sa mort. Le but principal assigné au C.E.C.E. était de contribuer à la formation de l'Homme nouveau que Boris Mouravieff appelait de ses voeux, dans une période historique critique - la nôtre - qu'il qualifiait de « période de transition », entre un cycle qui s'achève et un nouveau cycle, porteur de promesses autant que de lourds dangers.
A la suite de la publication du tome I de Gnôsis, Boris Mouravieff reçut une correspondance volumineuse. Il ne se contenta pas de répondre aux personnes intéressées par l'enseignement divulgué dans Gnôsis : il encouragea la constitution de groupes d'études qui virent le jour à Genève, Paris, Lille, Bruxelles, Le Caire, au Congo etc. Ces groupes, constitués sous l'égide du C.E.C.E., avaient pour but d'approfondir en commun la doctrine exposée dans Gnôsis.
En 1962, Boris Mouravieff prend congé de l'Université de Genève pour se consacrer totalement aux activités du Centre et à la rédaction des deux derniers volumes de la trilogie de Gnôsis. Le tome II paraît en 1962, le tome III en 1965.
Dans le cadre du C.E.C.E., Boris Mouravieff voit son audience élargie à de multiples groupes dont il suit le travail, répondant personnellement au questionnement collectif ou individuel de leurs membres. Des visites soutiendront l'activité de certains groupes tels que Paris, Lille ou Bruxelles. De même, il effectue un voyage en Grèce en juillet 1964.
Pour informer les groupes et coordonner leur travail, des « Bulletins d'information » seront périodiquement publiés par le C.E.C.E. à l'intention des membres.
Le développement de l'activité du C.E.C.E. fut rendu possible grâce à un mécénat qui permit de disposer des moyens matériels nécessaires.
Les dernières années de la vie de Boris Mouravieff sont consacrées à cette activité d'enseignement. Dans une perspective d'éclaircissement, d'approfondissement et d'application pratique, il entreprend la rédaction d'un
« Recueil de Notes sur l'enseignement chrétien ésotérique : Les Stromates ».
Avec ces Stromates, regroupés sous le titre général de « l'Art de Vaincre », Boris Mouravieff engageait un vaste et ambitieux projet. Il s'agissait de compléter l'enseignement donné dans Gnôsis par des éléments pratiques répondant aux questions que l'étude de la doctrine suscitait chez les étudiants. Le premier chapitre parut en 1966. Deux autres chapitres furent publiés à titre posthume.
Cette activité intense retentit sur l'état de santé de Boris Mouravieff. En mars 1965, déjà, une crise cardiaque lui impose un court repos à Cannes. En juin 1966, il est terrassé par une crise de rhumatisme articulaire accompagné de fortes douleurs qui l'obligent à vivre alité.
Boris Mouravieff meurt à Genève d'une crise cardiaque, le 28 septembre 1966, à 20h15, à l'âge de 76 ans. Il repose au cimetière St Georges, à Genève.
Le C.E.C.E. cesse ses activités peu de temps après le décès de son fondateur.
Sa veuve, Larissa Mouravieff fait paraître en 1968 et 1970 les chapitres 2 et 3 des Stromates. Elle veille sur les archives du Centre et, en 1988 , les fait déposer à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève avant de partir au Canada rejoindre son fils. Larissa Mouravieff décède à Montréal le 26 septembre 1989, laissant Boris Vsevolod Volkoff seul héritier des droits.
Un Fonds Boris Mouravieff a été constitué par la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève, consultable par les chercheurs qui en font la demande.
L'Association Boris Mouravieff, quant à elle, s'est fixée pour but principal de veiller à la continuité de la diffusion de l'oeuvre ésotérique déjà publiée.

L'adresse du site est toujours valable :
http://www.association-boris-mouravieff.com/
eliazar
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Mouravieff

Message par eliazar »

Juste une note pour ceux qui ne seraient pas très au fait de l'histoire russe.

Le fait que le jeune officier de marine Mouravieff ait été promu capitaine de frégate, puis appelé de toute urgence comme chef de cabinet de Kerensky, après l'abdication de Nicolas II (alors que la guerre continuait et qu'on ne devait pas avoir pléthore d'officiers de marine pour aller au casse-pipe) est déjà une indication précieuse sur ce que la notice ne dit pas. Sa nomination (à 27 ans!) comme chef-détat-major adjoint de la flotte de la mer Noire, confirmerait le coup de piston, s'il en était besoin.

Ces trois promotions éclair, entre mars et septembre de sa 27ème année, c'est ce qu'on appellerait en temps normal une éblouissante carrière - surtout dans la marine ! En réalité, ceux qui ont entouré Kérensky pendant le court intermède républicain qui a précédé la victoire du coup d'état bolchevique étaient dans la quasi totalité des frères maçons. Des "libéraux" comme on affectait de dire à l'époque.

Si donc je ne m'abuse, cela expliquerait parfaitement l'étuqette "spiritualiste" et "orientale" du futur Mouravieff de l'Université de Genève : deux termes en forme de clin d'oeil entre initiés, et qui disent bien ce qu'ils veulent dire, quand on sait lire entre les lignes. C'est bien évidemment une orientation aussi peu "orthodoxe" que celle des Gurdjieff, Ouspensky et assimilés.
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Merci, Eliazar, pour ces précisions tirées du site de Mouravieff. Elles m’ont remis en tête un détail que j’avais oublié et qui figure quelque part dans le seul livre lisible de Gurdjieff, Rencontres avec des hommes remarquables. Le petit groupe auquel Gurdjieff appartenait dans sa jeunesse, sous la direction d’un homme plus âgé dont j’ai oublié le nom, a recherché une tradition (la « tradition primordiale » de Guénon ?) en Egypte, en Arménie, au Kurdistan, en Perse et plus loin sur la route de la soie, en Afghanistan et jusqu’au Takla Makan et au désert de Gobi. Boris Mouravieff disciple de Gurdjieff suivait ainsi les traces de son grand-oncle mais avec une inflexion que ce dernier n’aurait pas forcément appréciée ! Cette convergence suggère en tout cas dans la Russie d’avant la guerre de 14 l’existence de tout un courant de « retour aux sources », des sources aux eaux assez mêlées de gnose, de soufisme et de bouddhisme à la sauce mongole. Ce que cherchaient Gurdjieff et ses émules, ce qu’a peut-être aussi cherché Mouravieff après 1918, ce n’est pas Dieu, c’est un état de conscience, une modalité de la nature humaine.
Gurdjieff a-t-il eu des liens avec la Thule Gesellschaft, la société secrète qui a instruit Hitler et transformé un peintre de talent mais sans génie, au bord de la paranoïa (j’ai vu des reproductions de ses toiles, publiées en Allemagne), en ce dictateur médiumnique, cette caricature du roi-prêtre païen dont le cauchemar nous hante encore. Vaste question, à laquelle il est difficile de répondre. Directement, non. Gurdjieff n’a jamais appartenu officiellement aux cercles ésotériques néo-païens qui ont façonné Hitler. Indirectement, c’est possible car ils puisaient aux mêmes sources : exercices soufis et surtout bouddhisme tibéto-mongol. Il existe des « blancs » dans la biographie de Gurdjieff, des périodes où personne ne sait ce qu’il a fait, où il est allé et qu’il effleure seulement dans Rencontres. On sait par les recherches de Raphael Lefort qu’il a reçu l’enseignement de maîtres soufis en Turquie, en Irak, à Tabriz, en Egypte, en Afghanistan. Werner Gerson (pseudonyme d’un franc-maçon français dont j’ai oublié le nom et j’ai la flemme de remuer des dizaines de bouquin pour retrouver où je l’ai lu) affirme qu’il aurait été vers 1918 un lama tibétain, proche du Dalaï Lama, et que Karl Haushofer, le fondateur de la géopolitique et le principal animateur de la Thule Gesellschaft aurait été son disciple au Tibet. L’ennui, c’est que Gerson affirme sans que ses sources soient vérifiables et que les autres auteurs qui ont abordé la question le pillent sans le vérifier. On n’a donc pas de preuve formelle d’une collusion directe entre Gurdjieff et les nazis. Ce qui semble le plus vraisemblable, c’est que Haushofer ait suivi un temps l’enseignement de Gurdjieff et qu’il en ait gardé une admiration pour son ancien maître, admiration qui permit à ce dernier de continuer à faire fonctionner son centre d’Avon même dans la France occupée. Qu’il ait profité de cette protection avec opportunisme, c’est évident. Qu’il ait partagé ou directement inspiré les délires doctrinaux du nazisme, personne n’en sait rien. En dehors de Haushofer, aucun dignitaire de l’ordre noir ne se réclame de lui, et il semble avoir été un électron libre dans le monde très trouble de l’ésotérisme occidental d’avant-guerre. Il reste que ses disciples, comme ceux de Guénon, se sont volontiers tournés vers le soufisme et que certaines missions de la SS ont eu pour but de contacter des soufis iraniens, sans parler de l’alliance bien connue entre les nazis et le grand mufti de Jérusalem. Les sources d’inspiration, soufies, tibétaines et mongoles, sont les mêmes.
Aujourd’hui, il est de bon ton de pleurer sur les pauvres Tibétains pacifistes et d’une « haute spiritualité » envahis par les méchants Chinois. L’ennui, c’est que le bouddhisme tibéto-mongol n’avait pas du tout cette image lénifiante dans les années 20-30. Voir ce que raconte Alexandra David Neel sur la magie noire au Tibet, à faire dresser les cheveux sur la tête d’un chauve, voir le célèbre Bêtes, hommes et dieux d’Ossendowski sur l’usage de l’hypnose par les lamas, voir aussi le journal de l’expédition Roerich et le témoignage de Marquès-Rivière. C’est à dire le témoignage des ésotéristes eux-mêmes ! Mais le Tibet et la Mongolie de l’entre-deux guerres attendaient un nouveau Gengis Khan pour leur redonner un empire et la domination du monde, un G.K. qui allierait la science moderne des armes avec les vieilles techniques magiques de pouvoir.
A suivre, faute de temps pour tout dire d’un coup.
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Message par Jean-Louis Palierne »

Puisque P. D. Ouspensky a été cité, je voudrais rappeler qu'il n'a rien de commun avec Léonide Ouspensky, iconographe parfaitement orthodoxe. De même qu'en France "il n'y a pas qu'un âne qui s'appelle Martin", en Russie le nom d'Ouspensky est relativement commun. Il renvoie à la fête de l'Ascension.

Léonide Ouspensky, après avoir été un peintre profane, est retourné dans l'Église orthodoxe et a été l'un des membres du groupe qui est resté fidèle au patriarcat de Moscou. Il a écrit un livre remarquable sur l'icône, plusieurs fois réédité.
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Merci, Jean Louis, de cette précision que j'aurais du donner en tête de message. Il est effectivement essentiel de ne pas confondre Piotr Demianovitch, ésotériste et disciple de Gurdjieff, avec Leonide, iconographe tout ce qu'il y a de plus orthodoxe.
C'est d'ailleurs parce qu'en Russie, il existe relativement peu de noms de famille différents que l'on a gardé l'usage du patronyme (exemple : fils de Pierre = Petrovitch) en plus du prénom pour éviter les confusions d'état-civil.
Je reviendrai bientôt sur Mouravieff and co.
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Message par Jean-Louis Palierne »

Rouge de confusion je me corrige. Le nom Ouspensky renvoie à la Dormition.

Il me semblait que le nom de P. D. U. est orthographié Uspenskij ?
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

L'éditeur français de Fragments d'un enseignement inconnu écrit Ouspensky. Je crois que Uspenskij est une translittération anglaise, mais je n'en mets pas ma main au feu.
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Message par Anne Geneviève »

Suite
D’autre part, j’ai cru déceler dans les enseignements du « Tibétain » transmis ( ?) par Alice Bailey en 1919 une convergence si ce n’est une collusion entre Gurdjieff et le mouvement protéiforme du new age. N’oublions pas que l’expression new age ainsi que la stratégie de prise de pouvoir décrite dans l’ouvrage cité sur un autre fil, Extériorisation de la Hiérarchie, datent en fait de la création du mouvement théosophique par Helena Blavatsky. J’avais il y a quelques années commenté des extraits de ce livre pour des amis chrétiens et non chrétiens, en particulier pour les écofiens désireux de comprendre ce qui se tramait derrière la « mère Céleste », épouse morganatique de l’ex-évêque Babar et pour des bouddhistes pur beurre, mais ce commentaire pouvant intéresser aussi les orthodoxes (il vaut toujours mieux connaître l’adversaire), en particulier sur les à-côtés du mouvement œcuménique dès ses origines, je le recopie demain dans le fil ad hoc.
Parmi les « vitrines » du new age dans les années 50, on retrouve un pseudo-tibétain démasqué en Italie, anecdote que cite abondamment Gerson.
Nous sommes donc dans des zones très troubles où la politique si ce n’est l’espionnage se mêlent à la magie et aux doctrines les plus délirantes.
J’ignore la position exacte de P.D.Ouspensky dans cet échiquier mouvant et mille fois recomposé où le nazisme déclaré s’entremêle souvent à des humanismes en apparence gauchisants, écolos, etc. Mouravieff nous est présenté par ses disciples comme parfaitement blanc bleu face au nazisme. J’aimerais tout de même mettre un bémol car il n’était pas fréquent, c’est le moins qu’on puisse dire, que la Gestapo relâche ses proies. J’aurais plutôt tendance, en ce qui me concerne, à voir là l’écho d’une lutte d’influence interne et résolue par une « autorité supérieure ». Interne à quoi, c’est là toute la question.
A suivre encore.
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Re: Mouravieff

Message par Claude le Liseur »

eliazar a écrit :Juste une note pour ceux qui ne seraient pas très au fait de l'histoire russe.

Le fait que le jeune officier de marine Mouravieff ait été promu capitaine de frégate, puis appelé de toute urgence comme chef de cabinet de Kerensky, après l'abdication de Nicolas II (alors que la guerre continuait et qu'on ne devait pas avoir pléthore d'officiers de marine pour aller au casse-pipe) est déjà une indication précieuse sur ce que la notice ne dit pas. Sa nomination (à 27 ans!) comme chef-détat-major adjoint de la flotte de la mer Noire, confirmerait le coup de piston, s'il en était besoin.

Ces trois promotions éclair, entre mars et septembre de sa 27ème année, c'est ce qu'on appellerait en temps normal une éblouissante carrière - surtout dans la marine ! En réalité, ceux qui ont entouré Kérensky pendant le court intermède républicain qui a précédé la victoire du coup d'état bolchevique étaient dans la quasi totalité des frères maçons. Des "libéraux" comme on affectait de dire à l'époque.

Si donc je ne m'abuse, cela expliquerait parfaitement l'étuqette "spiritualiste" et "orientale" du futur Mouravieff de l'Université de Genève : deux termes en forme de clin d'oeil entre initiés, et qui disent bien ce qu'ils veulent dire, quand on sait lire entre les lignes. C'est bien évidemment une orientation aussi peu "orthodoxe" que celle des Gurdjieff, Ouspensky et assimilés.
Et voici des constatations de Nina Berberova qui vont dans le sens des réflexions d'Eliazar.
"L'apogée de la franc-maçonnerie russe se situe en 1917 si l'on considère que la première composition du gouvernement provisoire (mars-avril) comportait onze ministres dont dix francs-maçons. Milioukov était le seul "profane" du groupe. (...) Si des onze ministres de la première composition du gouvernement provisoire dix étaient francs-maçons, il en allait de même de la dernière composition, plus connue sous le nom de Directoire (septembre-octobre). C'est ainsi que lors du départ de Verkhovsky, ministre de la Guerre, tous les autres étaient francs-maçons, sauf Kartachev." (Nina Berberova, Les Francs-Maçons russes du XXe siècle, traduit du russe par Alexandre Pletnioff-Boutin, Noir sur Blanc / Actes Sud, Aix-en-Provence 2005, pp. 41 et 42; c'est la traduction française de Lioudi i loji publié en 1986.)

A part cela, comme écrirait notre ami le "Vénérable", la maçonnerie n'est qu'une sympathique association qui "creuse des prisons pour le vice et construit des chapelles à la vertu" sans jamais s'occuper de politique.
eliazar
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Message par eliazar »

Je remercie Claude de m'avoir bien lu. Et je voudrais ajouter un mot très personnel, dont je ne prétends pas qu'il puisse exprimer ma parfaite orthodoxie - loin de là - mais dont je pense qu'il vaut d'être ajouté, même s'il résonne de manière insolite (à la façon d'une fausse note dans l'orchestre) au milieu d'un Forum qui fait tant d'efforts pour peaufiner sa (ses) connaissance(s) de l'Orthodoxie véritable.

Il m'est arrivé de me faire rappeler que ce Forum est dédié à la doctrine de vérité (c'est à dire à l'orthodoxie de l'Église) et que par principe on ne doit pas y mêler de sujets aussi profanes que les sujets dits "politiques".
Par principe, moi aussi, je n'ai pas cherché à défendre ma thèse personnelle, considérant que je ne participe pas à ce Forum pour étaler mes convictions, ni mon "vécu" comme il est de mode de l'écrire, mais pour apprendre moi-même.

Cependant, devant l'irritation (peut-être pas si innocente qu'il y paraît) dont le travail d'Anne Geneviève fait l'objet ici ou là, il me semble qu'il serait temps de comprendre que l'Église n'est pas du monde mais se compose des disciples à qui le Christ n'a pas du tout voulu éviter la collusion quotidienne avec ce monde.

Partant, que la "politique" étant (en principe!) l'art de gouverner la Cité - mais dans tous les cas, même les plus déviés de cette noble tâche, qu'elle est au moins l'art et la manière de tirer profit (pour quelques profiteurs plus doués) de la confiance que leur font les non-initiés - il me semble INDISPENSABLE d'aborder avec le maximum d'éclairage, même s'il paraît trop cru pour certains yeux très sensibles, le peu que nous pouvons connaître des menées plus ou moins occultes qui constituent aujourd'hui l'essentiel de ce qui fut jadis un art.

Non seulement parce que nous, chrétiens de base, faisons partie du gibier de ces chasseurs-là, mais parce que l'Église, en soi et aussi parce qu'elle est le corps mystique du Christ, demeure quoi qu'ils en prétendent leur ennemi de prédilection.

Et que nous ne pouvons pas nous borner à rappeler la doctrine concernant la manière de jeûner ou la meilleure date pour fêter Pâques, ou les nuances ethniques de la manière de se confesser, etc etc (ce qui devrait être la tâche des évêques et des prêtres - jusqu'au plus petit prêtre de la plus petite paroisse) et ce faisant, d'occulter à notre tour les dangers réels qui menacent l'Église et chacun d'entre nous comme si tous nos correspondants étaient trop ignares pour comprendre les choses de ce monde dans lequel ils baignent dès qu'ils sont sortis de leur petite église et de ses lampes brûlant calmement devant nos douces icônes.

Car nous agirions alors comme des chrétiens douillettement acagnardés dans leur petit ghetto parfumé aux bâtons d'encens, bien disposés à ne pas entendre les appels au secours de la Femme qui était courbée depuis 18 ans, quand on la bat et qu'on la viole sous nos fenêtres.

Se taire sur le new age, sur la maçonnerie, sur l'occultisme et l'ésotérisme malsains, sur les dessous "initiatiques" des catastrophes politiques qui nous cernent et dans lesquelles j'inclus naturellement les guerres mondiales et les autres - ce n'est pas se garder "purs de toute politique" : c'est être pharisiens bien plus gravement (dans l'état actuel du monde ET DE L'ÉGLISE) que les pharisiens auxquels Jésus s'est adressé dans Ses années d'enseignement.

C'est en tout cas mon opinion ...et je la partage, comme dit l'autre.
< Demeurons dans la Joie. Prions sans cesse. Rendons grâce en tout... N'éteignons pas l'Esprit ! >
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