le Dictatus Papae de Grégoire VII
Publié : jeu. 15 avr. 2004 12:14
Tout en vous demandant à tous pardon de ne pratiquement plus apporter de contribution à ce forum à cause de la pression des délais à respecter, je réponds ici à un correspondant qui m'a demandé le texte du Dictatus Papae de Grégoire VII auxquels j'ai fait plusieurs fois allusion sur ce forum. Je lui réponds sur le forum, car je crois ce texte susceptible d'intéresser plusieurs personnes.
Le moine toscan Hildebrand, devenu Grégoire VII en 1073 lors de son avènement sur le siège de l'Ancienne Rome, canonisé par Paul V en 1606, est l'une des idoles du catholicisme intégriste contemporain. On le comprend sans peine: peu d'hommes ont eu une pareille influence négative sur les destinées du monde. C'est lui qui a canonisé le système de Nicolas Ier pour rajouter à l'hérésie du filioquisme, adoptée à Rome en 1014, celle du papisme. Sa réforme a miné à jamais le monachisme et le clergé en Occident, notamment en imposant le célibat sacerdotal par de rudes moyens. Le pontificat de Grégoire VII marque le moment où la Papauté franke et filioquiste qui avait supplanté l'ancien patriarcat orthodoxe de Rome rompt ses liens de vassalité à l'égard de l'empereur germanique pour afficher des ambitions qui lui sont propres.
Le père Guettée décrit très justement Grégoire VII comme un homme qui a multiplié les "entreprises contre les Eglises et contre les trônes". S'il a réussi à humilier l'empereur germanique à Canossa en 1077, ses entreprises contre la France n'eurent pas le même succès. Son successeur Boniface VIII eut le tort de ne pas s'en souvenir deux siècles plus tard...
On comprend d'autant mieux la vénération que certains catholiques-romains de notre époque éprouvent à l'égard de Grégoire VII que l'on retrouve chez lui des traits de la Papauté post-concile Vatican II, à savoir à la fois l'affirmation de la toute-puissance papale et une islamophilie intéressante (il écrivit à un prince musulman "Nous croyons en un seul Dieu et l'honorons quoique d'une manière différente. Je vous souhaite la béatitude éternelle dans le sein d'Abraham.")
Je ne peux que souscrire au jugement sévère du père Guettée:
"Si Grégoire VII eut traité les rois chrétiens avec autant de tolérance, son pontificat n'aurait pas été rempli par des luttes qui couvrirent l'Europe occidentale de sang et de ruines. La papauté n'aurait pas autant dévié des vieux sentiers de l'orthodoxie, et le monde chrétien aurait revu les jours de son ancienne splendeur.
Grégoire VII était doué d'une activité prodigieuse. Mais grâce à la mauvaise direction qu'il donna à cette activité, il ne fit que du mal aussi bien à l'Eglise occidentale qu'à la société tout entière."
Au printemps 1075, Grégoire VII publia les 27 courtes thèses de son Dictatus Papae. L'historien jésuite Jean Mathieu-Rosay les a qualifiées de "principes qui resteront ceux de la papauté".
En attendant de trouver le texte latin et le texte complet des 27 points, j'en reproduis, pour répondre le plus vite possible à la demande de mon correspondant, les principaux:
"L'Eglise romaine a été fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le légat du pape, quoique d'un rang inférieur, préside tous les évêques dans les conciles.
Les causes majeures de tous les évêques doivent être portées au tribunal du pape.
L'Eglise romaine n'a jamais erré. (Il y avait encore des résistances au Filioque à ce moment-là, en Irlande, à Paris, en Provence, en Italie du Sud et à Rome même... -NdL)
On ne doit pas regarder comme catholique celui qui n'est pas d'accord avec l'Eglise romaine.
Le pape élu canoniquement devient incontestablement saint.
Le pape seul a le droit de porter les orenements impériaux.
On ne peut mentionner dans les offices d'autre nom que le sien.
Le pape seul peut établir de nouveaux évêchés, partager les anciens ou les unir à d'autres, et faire de nouvelles lois.
Le pape peut déposer les empereurs et absoudre du serment de fidélité les sujets qui l'ont prêté à des princes injustes."
Le moine toscan Hildebrand, devenu Grégoire VII en 1073 lors de son avènement sur le siège de l'Ancienne Rome, canonisé par Paul V en 1606, est l'une des idoles du catholicisme intégriste contemporain. On le comprend sans peine: peu d'hommes ont eu une pareille influence négative sur les destinées du monde. C'est lui qui a canonisé le système de Nicolas Ier pour rajouter à l'hérésie du filioquisme, adoptée à Rome en 1014, celle du papisme. Sa réforme a miné à jamais le monachisme et le clergé en Occident, notamment en imposant le célibat sacerdotal par de rudes moyens. Le pontificat de Grégoire VII marque le moment où la Papauté franke et filioquiste qui avait supplanté l'ancien patriarcat orthodoxe de Rome rompt ses liens de vassalité à l'égard de l'empereur germanique pour afficher des ambitions qui lui sont propres.
Le père Guettée décrit très justement Grégoire VII comme un homme qui a multiplié les "entreprises contre les Eglises et contre les trônes". S'il a réussi à humilier l'empereur germanique à Canossa en 1077, ses entreprises contre la France n'eurent pas le même succès. Son successeur Boniface VIII eut le tort de ne pas s'en souvenir deux siècles plus tard...
On comprend d'autant mieux la vénération que certains catholiques-romains de notre époque éprouvent à l'égard de Grégoire VII que l'on retrouve chez lui des traits de la Papauté post-concile Vatican II, à savoir à la fois l'affirmation de la toute-puissance papale et une islamophilie intéressante (il écrivit à un prince musulman "Nous croyons en un seul Dieu et l'honorons quoique d'une manière différente. Je vous souhaite la béatitude éternelle dans le sein d'Abraham.")
Je ne peux que souscrire au jugement sévère du père Guettée:
"Si Grégoire VII eut traité les rois chrétiens avec autant de tolérance, son pontificat n'aurait pas été rempli par des luttes qui couvrirent l'Europe occidentale de sang et de ruines. La papauté n'aurait pas autant dévié des vieux sentiers de l'orthodoxie, et le monde chrétien aurait revu les jours de son ancienne splendeur.
Grégoire VII était doué d'une activité prodigieuse. Mais grâce à la mauvaise direction qu'il donna à cette activité, il ne fit que du mal aussi bien à l'Eglise occidentale qu'à la société tout entière."
Au printemps 1075, Grégoire VII publia les 27 courtes thèses de son Dictatus Papae. L'historien jésuite Jean Mathieu-Rosay les a qualifiées de "principes qui resteront ceux de la papauté".
En attendant de trouver le texte latin et le texte complet des 27 points, j'en reproduis, pour répondre le plus vite possible à la demande de mon correspondant, les principaux:
"L'Eglise romaine a été fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le légat du pape, quoique d'un rang inférieur, préside tous les évêques dans les conciles.
Les causes majeures de tous les évêques doivent être portées au tribunal du pape.
L'Eglise romaine n'a jamais erré. (Il y avait encore des résistances au Filioque à ce moment-là, en Irlande, à Paris, en Provence, en Italie du Sud et à Rome même... -NdL)
On ne doit pas regarder comme catholique celui qui n'est pas d'accord avec l'Eglise romaine.
Le pape élu canoniquement devient incontestablement saint.
Le pape seul a le droit de porter les orenements impériaux.
On ne peut mentionner dans les offices d'autre nom que le sien.
Le pape seul peut établir de nouveaux évêchés, partager les anciens ou les unir à d'autres, et faire de nouvelles lois.
Le pape peut déposer les empereurs et absoudre du serment de fidélité les sujets qui l'ont prêté à des princes injustes."