A propos de la nuit spirituelle
Publié : dim. 14 oct. 2007 14:19
Dans un message du 18 octobre 2006, que l’on peut retrouver ici viewtopic.php?p=13433 dans le fil « Le sort des juridictions russes en Occident », Sylvie / Madeleine posait la très pertinente question que voici :
« La sécheresse est un état maladif qui ne peut être durable ; elle n’a jamais été considérée par les auteurs ascétiques et mystiques de la tradition orientale comme une étape nécessaire et normale de la voie de l’union. Sur cette voie, c’est un accident très fréquent, mais toujours dangereux. Son affinité est trop grande avec l’ακηδία – la tristesse ou l’ennui, le refroidissement du corps qui produit l’insensibilité. C’est une épreuve qui pose l’être humain sur les limites de la mort spirituelle. Car l’ascension vers la sainteté, la lutte pour la lumière divine n’est pas sans péril. Ceux qui cherchent la lumière, la vie consciente en Dieu, courent un grand risque spirituel, mais Dieu ne les laisse pas errer dans les ténèbres.
« Souvent je voyais la Lumière, dit saint Syméon le Nouveau Théologien, parfois elle m’apparaissait à l’intérieur de moi-même, lorsque mon âme possédait la paix et le silence, ou bien elle ne paraissait qu’au loin, et même elle se cachait tout à fait. J’éprouvais alors une affliction immense, croyant que jamais plus je ne la reverrais. Mais, dès que je commençais à verser des larmes, dès que je témoignais d’un complet détachement de tout, d’une absolue humilité et obéissance, la Lumière réapparaissait à nouveau, pareille au soleil qui chasse l’épaisseur des nuages et qui se montre petit à petit, créant la joie. Ainsi Toi, Indicible, Invisible, Impalpable, mouvant tout, présent en toutes choses et toujours, remplissant tout, Te montrant et Te cachant à chaque heure, Tu disparaissais et Tu m’apparaissais de jour et de nuit. Lentement Tu dissipas la ténèbre qui était en moi, Tu chassas la nuée qui me couvrait, Tu ouvris l’ouïe spirituelle, Tu purifias la prunelle des yeux de mon esprit. Enfin, m’ayant fait tel que Tu voulais, Tu te révélas à mon âme lustrée, venant à moi, encore invisible. Et soudain, Tu apparus comme un autre Soleil, ô ineffable condescendance divine. » Ce texte nous montre que la sécheresse est un état passager qui ne peut devenir une attitude constante. En effet, l’attitude héroïque des grands saints de la chrétienté occidentale, en proie à la douleur d’une séparation tragique avec Dieu – la nuit mystique comme voie, comme nécessité spirituelle, est inconnue de la spiritualité de l’Église d’Orient. Les deux traditions se sont séparées sur un point de doctrine mystérieux, relatif au Saint-Esprit, source de la sainteté. Deux conceptions dogmatiques différentes correspondent à deux voies de sanctification qui ne se ressemblent guère. Les voies qui mènent à la sainteté ne sont pas les mêmes pour l’Occident et pour l’Orient après la séparation. Les uns prouvent leur fidélité au Christ dans la solitude et l’abandon de la nuit de Gethsémani ; les autres acquièrent la certitude de l’union avec Dieu dans la lumière de la Transfiguration. » (Wladimir Lossky, Essai sur la théologie mystique de l’Église d’Orient, Le Cerf, Paris 2005, pp. 223-225 ; 1ère édition, Aubier, Paris 1944).
Je demande pardon à Sylvie de revenir sur le sujet près d’un an plus tard. Toutefois, la question était profonde et garde toute son actualité. Aussi je me permets de reproduire ici quelques lignes écrites sur le sujet par le théologien orthodoxe Wladimir Lossky qui ne sont pas dépourvues d’intérêt.Sylvie a écrit :Les directeurs de conscience disent alors que c'est une nuit de l'esprit comme celles décrites par saint Jean de la Croix. De plus, comme elles peuvent durer pendant de nombreuses années, le directeur invite à la patience. Donc, la personne souffrant de cette nuit peu être ainsi pendant 5, 10, 15 ans peut-être d'avantage.
Il n'y a pas de telles nuits chez les orthodoxes ?
« La sécheresse est un état maladif qui ne peut être durable ; elle n’a jamais été considérée par les auteurs ascétiques et mystiques de la tradition orientale comme une étape nécessaire et normale de la voie de l’union. Sur cette voie, c’est un accident très fréquent, mais toujours dangereux. Son affinité est trop grande avec l’ακηδία – la tristesse ou l’ennui, le refroidissement du corps qui produit l’insensibilité. C’est une épreuve qui pose l’être humain sur les limites de la mort spirituelle. Car l’ascension vers la sainteté, la lutte pour la lumière divine n’est pas sans péril. Ceux qui cherchent la lumière, la vie consciente en Dieu, courent un grand risque spirituel, mais Dieu ne les laisse pas errer dans les ténèbres.
« Souvent je voyais la Lumière, dit saint Syméon le Nouveau Théologien, parfois elle m’apparaissait à l’intérieur de moi-même, lorsque mon âme possédait la paix et le silence, ou bien elle ne paraissait qu’au loin, et même elle se cachait tout à fait. J’éprouvais alors une affliction immense, croyant que jamais plus je ne la reverrais. Mais, dès que je commençais à verser des larmes, dès que je témoignais d’un complet détachement de tout, d’une absolue humilité et obéissance, la Lumière réapparaissait à nouveau, pareille au soleil qui chasse l’épaisseur des nuages et qui se montre petit à petit, créant la joie. Ainsi Toi, Indicible, Invisible, Impalpable, mouvant tout, présent en toutes choses et toujours, remplissant tout, Te montrant et Te cachant à chaque heure, Tu disparaissais et Tu m’apparaissais de jour et de nuit. Lentement Tu dissipas la ténèbre qui était en moi, Tu chassas la nuée qui me couvrait, Tu ouvris l’ouïe spirituelle, Tu purifias la prunelle des yeux de mon esprit. Enfin, m’ayant fait tel que Tu voulais, Tu te révélas à mon âme lustrée, venant à moi, encore invisible. Et soudain, Tu apparus comme un autre Soleil, ô ineffable condescendance divine. » Ce texte nous montre que la sécheresse est un état passager qui ne peut devenir une attitude constante. En effet, l’attitude héroïque des grands saints de la chrétienté occidentale, en proie à la douleur d’une séparation tragique avec Dieu – la nuit mystique comme voie, comme nécessité spirituelle, est inconnue de la spiritualité de l’Église d’Orient. Les deux traditions se sont séparées sur un point de doctrine mystérieux, relatif au Saint-Esprit, source de la sainteté. Deux conceptions dogmatiques différentes correspondent à deux voies de sanctification qui ne se ressemblent guère. Les voies qui mènent à la sainteté ne sont pas les mêmes pour l’Occident et pour l’Orient après la séparation. Les uns prouvent leur fidélité au Christ dans la solitude et l’abandon de la nuit de Gethsémani ; les autres acquièrent la certitude de l’union avec Dieu dans la lumière de la Transfiguration. » (Wladimir Lossky, Essai sur la théologie mystique de l’Église d’Orient, Le Cerf, Paris 2005, pp. 223-225 ; 1ère édition, Aubier, Paris 1944).