Yiannis a écrit :L'année dernière, dans une émission à une chaîne privée grecque, on a permis pour la première fois de filmer l'intérieur de la loge maçonique d'Athènes. Au mur se trouvaient, parmi d'autres photos, ceux d'Athénagoras et de Meletios Metaxakis. Celle d'Athénagoras était de grande taille. Le maçon qui a parlé à l'émission a essayé de montrer qu'être maçon et chrétien orthodoxe sont deux choses compatibles et que la plus grande preuve en était l'appartenance de ces deux "grandes figures de l'Orthodoxie" à la franc-maçonerie. Aucune réaction de la part du patriarcat de Constantinople...
En réalité, le fait que Athénagoras et Meletios Metaxakis étaient des maçons est un "secret commun" parmi les fidèles Orthodoxes en Grèce. A la différence que jusqu'à cette émission, il ne s'agissait que des rumeurs.
Je précise que je ne suis pas vieux-caléndariste.
Ce en quoi Mélèce IV et Athénagoras se moquaient de leur propre patriarcat, puisqu'il faudrait ajouter à la liste que le patriarcat oecuménique de Constantinople aurait condamné la franc-maçonnerie dès 1745 ou 1748 si l'on en croit les témoignages de l'époque, tel celui de l'ambassadeur de France Roland Puchot, comte des Alleurs. Cependant, cette lettre synodale semble avoir disparu.
En revanche, on a bien conservé la lettre synodale du Patriarcat oecuménique de Constantinople de novembre 1793, condamnant, entre autres, le déisme de Voltaire, la franc-maçonnerie et les doctrines de Rousseau et Spinoza.
A ce point de mes recherches, je relève donc que quatre Eglises autocéphales (Constantinople en 1793 au plus tard, Chypre en 1815, la Grèce en 1933 et la Roumanie en 1937), la juridiction majoritaire de l'émigration russe (l'Eglise russe hors frontières) et une Eglise autonome (l'Eglise d'Amérique en 1955) ont porté les plus sévères condamnations contre la franc-maçonnerie. Peut-être que d'autres Eglises locales se sont aussi prononcées sur la question, mais je ne le sais pas.
On trouvera aussi beaucoup de condamnations de ce genre chez les chrétiens hétérodoxes, y compri, depuis 1987, une mise en garde de l'Eglise anglicane, pourtant autrefois si favorable à la maçonnerie.
Cela n'empêche pas, entrisme et secret maçonnique aidant, que, malgré les décisions prises dès le XVIIIème siècle, le patriarcat oecuménique de Constantinople ait eu pas moins de trois francs-maçons parmi ses patriarches: à Mélèce IV (Métaxakis) et Athénagoras (Spyrou), il faut en effet ajouter Basile III, patriarche oecuménique du 13 juillet 1925 au 29 septembre 1929, qui se fit initier
après son pontificat à la loge Wallwood de Londres (cf. Lambropoulos,
Dokoumenta tis ellinikis masonias, Editions Yannis V. Vardhekis, Athènes 1990, p. 340).
D'après Jérôme Rousse-Lacordaire,
B.A.-BA Antimaçonnisme, Editions Pardès, Puiseaux 1998, p. 67, auraient aussi été maçons les patriarches Joachim III de Constantinople (1878-1884, 1901-1912) et Photios Ier (Peroglou) d'Alexandrie (1900-1925), mais cet auteur n'avance aucune preuve à l'appui.
Je ne pense toutefois pas que le fait que deux ou trois personnages aient réussi à se hisser sur le trône patriarcal de Constantinople en dissimulant leurs appartenances enlève quoi que ce soit à la pertinence des condamnations portées contre la maçonnerie par quatre Eglises autocéphales et permette à M. Rousse-Lacordaire de tirer avantage des positions de l'actuel évêque de l'ECOF pour diminuer l'opposition de l'Eglise orthodoxe à la FM. Rousse-Lacordaire,
op. cit., p. 68:
"Mgr Germain de Saint-Denis participe volontiers à des colloques entre chrétiens et maçons où il exprime des opinions très favorables à l'endroit de la maçonnerie, surtout régulière. Dans un article consacré aux rapports entre l'Eglise et la franc-maçonnerie (
le livre de Rousse-Lacordaire contient ici un renvoi à un article de l'évêque de l'ECOF:Mgr Germain de Saint-Denis, "Sacrement et initiation: discerner et appliquer quelques propositions de la Sagesse Primordiale aux relations actuelles entre l'Eglise et la franc-maçonnerie", in Présence orthodoxe
n° 108, 1997, pp. 16-24 -NdL), il tient à distinguer la position de son Eglise à l'égard de la maçonnerie de celles de l'Eglise catholique romaine. Cette dernière, explique-t-il, percevrait la question à travers le prisme de la guerre médiévale des deux glaives et indentifierait ainsi Eglise et Royaume de Dieu, opposant alors, de manière dualiste, l'Eglise à une anti-Eglise démoniaque, alors que la ligne de partage est intérieure à l'Eglise et non extérieure. En revanche, les Eglises orthodoxes, ne procédant pas à ce dualisme externe tributaire de situations historiques précises, peuvent reconnaître la légitimité de l'initation maçonnique en tant que celle-ci édifie la fraternité et humanise le monde. Par conséquent, l'Eglise, qui, par les sacrements, fait venir Dieu dans le monde, et la maçonnerie, qui, par l'initiation, façonne et universalise l'humanité, peuvent et doivent collaborer."
Tout ça c'est bien joli; mais cela me semble un peu vite passer sous silence le fait que les Eglises locales de Constantinople, Roumanie, Chypre et Grèce ont bel et bien condamné la franc-maçonnerie, "prisme de la guerre médiévale des deux glaives" ou pas....