lecteur Claude a écrit :Sylvie a écrit :Cher lecteur Claude,
Petite parenthèse au sujet.
Pourquoi dire "errances marie-madeleinesques" ? Est-ce qu'on va rappeler jusqu'à la fin des temps ses errances passées ? Ne peut-on que se souvenir de ses larmes de repentir et sa joie de Pâques ?
Sylvie - Madeleine
Au cas où vous ne le sauriez pas, la théorie du Da Vinci Code de Dan Brown reprenant le montage de Plantard, Ambelain & Cie repose sur une mythique descendance que Marie-Madeleine aurait eue de Notre Seigneur. C'est plus ou moins inspiré de la
Dernière Tentation du Christ de Kazantzakis, d'où mon allusion aux "errances marie-madeleinesques et post-kazantzakiennes" d'Ambelain.
S'il faut être encore plus clair, et pour éviter des trépignements dans les loges, quand j'écris "Amadou ne semble pas avoir suivi Ambelain dans toutes ses errances marie-madeleinesques et post-kazantzakiennes", je n'accuse pas l'illustre grand maître de Memphis-Misraïm Robert Ambelain d'avoir été une prostituée repentie qui a pleuré des larmes de repentir en recontrant Notre Seigneur, pas plus que je ne l'accuse d'avoir franchi les bornes de la décence en compagnie d'un "écrivain grec gauchiste" (qualificatif aimablement attribué à Kazantzakis par Roger Peyreffitte dans
L'Innominato). Je lui reproche plutôt d'avoir été de ceux qui sont allé un peu plus loin que Kazantzakis (qui, au moins, était romancier) et ont forgé toute la mythologie Marie-Madeleine / Béthanie / Béranger Saunière / Siegbert IV, abusivement présentée chez eux comme de l'histoire authentique et reprise par le sieur Dan Brown dans un livre bien révélateur du malaise de la société postchrétienne.
Chère Sylvie,
En outre, j’aurais d’autant moins eu la tentation de présenter sainte Marie-Madeleine comme une pécheresse et d’évoquer sa dissolution avant son repentir que je suis chrétien orthodoxe et attaché à la tradition de mon Eglise.
Voici la tradition de l’Eglise orthodoxe à propos de la vie de sainte Marie-Madeleine, telle qu’elle se trouve dans notre
Synaxaire ou vie des saints à la date du 22 juillet (traduction française du moine Macaire de Simonos-Petras, tome V, éditions To Perivoli tis Panaghias, Thessalonique 1996, p. 196) :
« Magdala (ou Magada ou Dalmanoutha), petit village de pêcheurs situé sur la rive occidentale du lac de Gennésareth, à cinq kilomètres de la ville de Tibériade, était la patrie de sainte Marie Madeleine. Vierge fortunée, elle vécut dans la crainte de Dieu et l’observation de Ses commandements, jusqu’au jour où elle se trouva possédée de sept démons (cf. Marc 16,9 ; Luc 8,2). Affligée et ne pouvant trouver aucun répit, elle apprit que Jésus-Christ était parvenu dans la contrée, après avoir traversé la Samarie, et qu’Il attirait de grandes foules à sa suite, par ses miracles et son enseignement céleste. Plein d’espoir, elle courut vers Lui et, ayant assisté au miracle de la multiplication des pains et des poissons, en nombre suffisant pour nourrir plus de quatre mille hommes (Mat. 15, 30-39), elle alla se jeter aux pieds du Sauveur et lui demanda de la guider sur la voie de la vie éternelle.
Ayant été délivrée de cette épreuve, elle renonça à ses biens et à tout attachement au monde pour suivre Jésus dans tous ses périples, et, avec les Apôtres, la Mère de Dieu et d’autres pieuses femmes qui s’étaient mises à son service après avoir été guéries par lui de diverses maladies : Marie, mère de Jacques le Petit et de Joset ; Marie de Clopas ; Jeanne, femme de Chouza ; Suzanne, et Salomé, mère des fils de Zébédée. »
Vous voudrez bien m'excuser d'attacher une certaine valeur historique à la tradition de l'Eglise orthodoxe dont je suis un fils. Je n'ai aucune raison de ne pas lui faire confiance et de vouloir lui substituer l'imagination d'un romancier. Je ne confonds pas la littérature, fût-elle aussi talentueuse que celle de Kazantzakis, et la tradition de l'Eglise. Il est vrai que cette attitude peut vous surprendre. Mais il se trouve que, d'expérience, je ne me suis jamais trouvé mal de faire confiance à la tradition de mon Eglise. Si, ailleurs, on trouve tant de spéculations ou de constructions personnelles plus ou moins fantaisistes, c'est peut-être que ces néo-théologiens n'ont, malgré leurs grandes proclamations, leur prosélytisme éhonté et leur usage patent de la désinformation, pas si confiance qu'ils le disent dans leur propre confession. Je comprends sans peine que l'importance que j'attache, en tant qu'orthodoxe, au trésor de la tradition écrite et non écrite de mon Eglise puisse vous surprendre; je vous assure toutefois que cette attitude est le fruit de l'expérience, de la réflexion et de la foi.
La possession (surtout avant la fondation de l’Eglise par NSJC, en un temps où les démons étaient plus puissants qu’ils ne le furent par la suite) ne suppose en aucun cas une vie de péché et peut arriver même aux vertueux. Je ne vois rien dans ce que m’enseigne mon Eglise qui me permette de parler des « errements » ou du repentir de sainte Marie-Madeleine. En revanche, je trouve bien chez Kazantzakis, Ambelain, Brown et autres une véritable mythologie marie-madeleinesque, blasphématoire contre la sainte et contre le Sauveur. (Même s'il me déplaît de devoir placer MM. Ambelain et Brown sur la même liste que l'écrivain qu'était M. Kazantzakis.) Mais, je le répète, tout ceci sort de la tête d’Ambelain, Plantard et autres ; je ne vois rien dans la tradition orthodoxe écrite et non écrite qui m’autorise à présenter sainte Marie-Madeleine autrement que comme une femme vertueuse qui fut, un temps, possédée par sept démons.
Et je ne franchirai pas le pas d'assimiler cette possession à des "errances".