Chère Olia,
Je me rappelle que nous avons déjà parlé ensemble sur l’autre Forum du fait que la spiritualité d’un pays imprègne sa culture, la mentalité du peuple et donc sa langue s’en enrichit forcément.
Le fait est que la France n’étant plus orthodoxe depuis mille ans environ, la culture, les mentalités et la langue ont eu le temps de se développer dans un sens défavorable à l’orthodoxie.
De ce fait, on est obligé de recourir à des néologismes, qui n’égaleront jamais à la fois la richesse, la beauté poétique ou l’exactitude des langues comme le grec et le russe, langues qui véhiculent l’orthodoxie depuis longtemps.
Je suis sûre cependant que pour les Slaves néophytes du Xe s., certains termes fraîchement traduits du grec devaient paraître aussi étranges. Mais l’esprit orthodoxe se répandant ensuite, ces mots sont entrés dans l’usage normal de la langue.
Le problème est épineux en effet, et la patience (ou “nonchalance” ?) de certains orthodoxes (accusés ici à tort de se croire infaillibles et refusant de penser !) en face d’un terme français imprécis ou maladroit s’explique aussi par le fait que, dans leur orgueil effréné, ils ne se jugent pas à même d’en imposer un autre de leur propre cru, mais en acceptent volontiers un qui soit venu d’ailleurs, qu’ils savent imparfait. PROVISOIREMENT.
Et ce en attendant que Dieu inspire à quelqu’un un terme adéquat, ou jusqu’à ce que l’orthodoxie imprègne tant soit peu les mentalités et que la langue s’y adapte. (C’est un peu comme le concile pan-orthodoxe, on peut l’attendre longtemps).

Ils sont, certes, favorables à trouver l’équivalent exact du grec, langue du peuple qui leur a enseigné l’orthodoxie, et souhaitent la “naturalisation” possible d’un nouveau terme un français.
Ils ont choisi par exemple, à leur corps défendant, de nommer la Theotokos “Enfantrice de Dieu”, parce que c’est plus authentiquement français, donc plus compréhensible pour le commun des mortels que “Deipare”, qui évoque en effet des termes scientifiques, mais qui n’en est pas moins exact et est moins lourd. Ce qui n’empêche pas que lors de la traduction des chants liturgiques, tous les deux posent des problèmes prosodiques et autres.
Il me semble cependant plus facile de chanter “Enfantrice de Dieu” que “Deipare” sur, disons, 8 syllabes musicales ou plus, comme cela arrive dans le genre “papadique” de la psaltique. Sans parler du fait que pour la psaltique, il faut des mots toniques, virils (problème très ardu pour une langue comme le français !) sinon, le chant perd sa vigueur, la psaltique étant un chant efféminé, qui est bien équilibré par la langue virile et tonique qu’est le grec.
Il y a d’autres termes qui ne sont pas traduits ou qui le sont mal.
Il y a des orthodoxes qui persistent à dire Theotokos et tout le monde le comprend dans les milieux orthodoxes. Mais pour les gens d’extérieur, cela demande déjà de la catéchèse.
Kénose, kérygme etc. sont aussi en usage chez beaucoup. Le premier, comme le terme “Théotokos”, véhicule un enseignement important et devrait être traduit, mais c’est également très difficile. Comment appeler l’acte par lequel le Christ s’est “vidé” pour ainsi dire de sa toute-puissance divine pour se soumettre à la condition mortelle ? Kérygme peut être dit “prédication”, sans problème, je crois.
Autrement, quelques remarques à Olia : “Théogénitor” n’est pas latin, mais grec, “Théopare” est un barbarisme mi-grec mi-latin et je crois que personne ne l’a proposé, “Mère de Dieu” n’est pas inexact, puisque celle qui a enfanté Dieu était aussi sa mère et le terme existe, mais il est moins porteur de théologie, puisqu’une mère peut être seulement mère nourricière, comme saint Joseph est appelé aussi père de Jésus dans l’évangile, alors qu’il n’était pas son vrai père, tandis que celle qui L'a enfanté ne peut être que sa vraie Mère.
Et à Éliazar : merci pour votre très joli post, venant du cœur de quelqu’un qui sait faire savourer la langue française à l’étrangère que je suis. Je ne proposerais pas Deigénitrix pour Génitrice de Dieu (à la rigueur Deigénitrice, non ? — je n'en sais rien), mais de toute façon, ce n’est pas l’équivalent de Théotokos, mais de “Théogénitor”.
Par ailleurs, si vous percevez de l’agressivité chez moi, pardonnez-moi : cela vient peut-être du fait que nous sommes trop souvent obligés d’être sur la défensive.
Je n’ai jamais dit que nos évêques ou prêtres ne se trompaient jamais, mais qu’ils gardent tous fidèlement et strictement la Tradition orthodoxe, ont un grand courage, beaucoup d’humilité et une grande rectitude morale, ce qui nous remplit de confiance à leur égard. Je n'y peux rien, aucun ne m'a jamais déçue.
Quant à moi, je vous ai déjà dit que je n’étais sur ce Forum que par pure vanité.
K.