harald a écrit :Merci, je suis impatient de découvrir cet ouvrage, et je connais quelques amis qui seront très intéressés aussi! En particulier dans notre paroisse 'belge', mais pas seulement. D'ailleurs, dans les paroisses de tradition russe (Moscou) en Belgique certains s'intéressent aussi aux saints locaux: plusieurs pélérinages ont déjà été organisés dans notre petit pays, et des prières à quelques saints 'de chez nous' ont étés écrites pour l'occasion (en slavon, traduites en français/néerlandais) avec la bénédiction de l'évêque.
Silouane-Harald
Je vous demande pardon pour le retard avec lequel je réponds à votre message.
Je ne manquerai pas de vous informer quand le livre sera disponible.
D’ores et déjà je vous signale que, l’éditeur n’ayant pas de diffuseur en Belgique et au Luxembourg, il faudra faire une commande directe sur son site internet.
Par ailleurs, le tirage sera forcément limité, et je me permets juste de rappeler quelques chiffres afin de faire comprendre à quel point l’édition de livres orthodoxes en français ne peut reposer que sur l’aide de bienfaiteurs.
En effet, si nous prenons en considération le public cible, c'est-à-dire les 3'500 orthodoxes francophones, il n'est pas réaliste d'espérer que plus de 3% d'entre eux achètent un tel livre, ce qui ferait 105 ventes pour l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord. Si nous ajoutons les exemplaires qui peuvent intéresser les deux pays encore de tradition orthodoxe où l'on trouve un public qui lit le français, disons que l'on peut espérer diffuser 10 exemplaires en Grèce et 5 au Liban.
Je mets à part le cas de l’Afrique noire, où il y a des dizaines de milliers d’orthodoxes francophones, mais qui ne peuvent tout simplement pas acheter les livres aux prix pratiqués en Europe. Les problèmes économiques de l’Afrique francophone sont tels qu’il arrivait, voici quelques années, qu’on rencontrât des livres avec deux prix (« prix Nord » et « prix Sud »). J’ai par exemple sous les yeux l'
Histoire du Zaïre d’Isidore Ndaywel è Nziem, Duculot, Louvain-la-Neuve 1997, ouvrage de 918 pages qui était vendu au prix de 250 francs français en Europe et de 60 francs français en Afrique. La différence était rendu possible par une subvention de l’Agence de la Francophonie. Maintenant que cette Agence de la Francophonie a disparu pour laisser la place à une fantomatique « Organisation internationale de la Francophonie », sorte de pâle copie de l’ONU qui a admis en son sein une bonne vingtaine de pays non francophones et dont la seule manifestation d’existence à l’heure actuelle semble être l’organisation de dispendieux sommets, parfois réunis dans des pays non francophones, et dont l’utilité principale est de donner l’occasion aux présidents successifs de la république française de prendre deux jours de vacances à l’étranger, on peut douter que le système soit maintenu. La diffusion d’un tel ouvrage en Afrique francophone ne peut donc reposer que sur un don de l’éditeur et de l’auteur. Alors, admettons qu’une dizaine d’exemplaires soient offerts, par exemple, au séminaire orthodoxe de Kinshasa.
On arrive ainsi à un tirage de 130 exemplaires à destination du public orthodoxe. Bien sûr, on peut espérer que des gens qui n’ont pas de contacts avec l’Orthodoxie, mais sont simplement intéressés à l’idée de connaître l’étymologie du nom de leur village, achètent un tel livre, mais cela ne fera que quelques dizaines d’exemplaires supplémentaires.
Si un tel ouvrage était publié en anglais, comme me l’avait un jour suggéré un professeur de théologie orthodoxe de Cluj-Napoca, me faisant observer l’absence de personnes capables de lire le français parmi ses étudiants, alors même que l’un d’entre eux voulait de la documentation sur les saints d’Occident, nous pourrions envisager un tirage
au moins cent fois supérieur. Pas seulement parce que nous aurions alors des lecteurs dans des pays à forte population orthodoxe autres que la Grèce et le Liban, mais aussi parce que nous aurions un public de convertis anglo-saxons qui est à l’heure actuelle cent fois supérieur à celui des convertis francophones d’Europe et d’Amérique du Nord – les seuls, malheureusement, qui puissent faire vivre l’édition à l’heure actuelle, les orthodoxes francophones du continent africain représentant des effectifs autrement plus conséquents, mais sans les moyens financiers qui permettent de telles publications. Mais je ne vois pas du tout quel intérêt il y aurait à parler en anglais des saints orthodoxes des pays latins, qui représentent tout de même une partie importante du livre.
Vous voyez donc à quel point l’absence de public rend précaire l’existence de publications en français sur l’Orthodoxie. D’un autre côté, la rareté des titres, qui découle elle-même de cette précarité et du fait que chaque livre publié dans ce domaine est un combat, fait obstacle l’augmentation de ce public.
On est ainsi pris dans un cercle vicieux et l’on ne peut que rendre, une fois de plus, hommage à tous ceux qui ont fait en sorte que l’Orthodoxie ne soit pas connue ici. Ils ont vraiment rempli leur mission au-delà de toute espérance. Et pour citer un grand écrivain français que ces gens-là n’ont sans doute pas plus lu que tout le reste :
« - Si vous me permettez, monseigneur, il n’y a pas de danger ! s’exclama le père Guérassime. Notre défaut serait plutôt le repli sur soi. Si les Grecs et les Slaves qui, fuyant les Turcs et le communisme, s’étaient montrés ne fût-ce qu’un tout petit peu prosélytes, aujourd’hui nous ne serions pas la poignée que nous sommes, nous serions des millions.
L’évêque Spiridon acquiesça. C’était exact, et si l’on comparait le nombre d’Occidentaux qui se tournaient vers le bouddhisme avec celui de ceux qui rencontraient le Christ au sein de l’Église orthodoxe, on pouvait avoir le sentiment que celle-ci faillissait à sa mission, n’était pas à la hauteur de la tâche que lui avait confiée la divine Providence…
- Pour moi, poursuivit-il, je suis convaincu que ce n’est qu’une fausse impression. La vérité est que nous ne voulons pas traiter les Français comme des sauvages à évangéliser. « France, pays de mission », certes, mais où les Églises romaine et réformée ont leur troupeau, et ce troupeau nous n’avons jamais cherché à le détourner à notre profit. Pour ma part, vous le savez, je suis toujours très attentif à ce que rien ne détériore les excellentes relations que j’ai avec l’épiscopat catholique et la Fédération protestante…
- Monseigneur, c’est notoire, vous êtes l’un de nos plus fins diplomates, fit le père Guérassime sur un ton mi-figue, mi-raisin. »
(Gabriel Matzneff,
Mamma, li Turchi ! , La Table ronde, Paris 2000, pp. 132 s.)