Publié : lun. 24 avr. 2006 17:32
Afin de clarifier la nature du Congrès Mondial Populaire Russe, voici ce qu’on peut lire sur le site du REOR (Représentation de l’Eglise Orthodoxe Russe en Europe – à Strasbourg, cette fois et non à Bruxelles). Cet entretien annonçait la tenue de ce congrès. C’est moi qui souligne dans le texte.
Une remarque, en nous souvenant que comparaison n’est pas raison et que, s’il arrive que l’histoire bégaye, elle ne se répète jamais à l’identique. Un peuple avait autrefois inventé ce type de structure mixte – mais sans la distinguer du synode : les Wisigoths. Eglise et royaume tendaient à se confondre. Cela n’a pas porté que de bons fruits.
Je peux me tromper mais il me semble que la confusion entre Eglise et Etat, ou Eglise et culture est périlleuse. Ici, de plus, il est question, c’est encore moi qui souligne), des « religions traditionnelles de la Russie ». Lesquelles ? Si l’on prend en compte l’extension territoriale, cela signifie forcément l’islam, présent jusqu’à Kazan sur la moyenne Volga ; on peut aussi penser au bouddhisme mahayana pratiqué dans les régions mongoles donc au sud de la Sibérie comme au Tibet ; et toute la zone nord sibérienne est celle du chamanisme. Toutefois, ce dialogue des religions semble avoir ses limites et la notion de civilisation russe les rencontrerait aussi. Un article paru dans la Pravda du 17 novembre 2004 affirmait que la région d’Ulyanovsk était alors contrôlée par une organisation islamiste, la Jamaat dirigée par Abdulhabib Abdulkarimov, un intellectuel wahhabite de niveau universitaire. Si cette organisation s’attache d’abord à instaurer concrètement une version dure de la tradition islamique, persécutant non seulement chrétiens et agnostiques mais aussi les musulmans en désaccord avec son interprétation du Coran, elle comporte une branche spécialisée dans ce que le monde du renseignement baptise pudiquement « service action » ; en l’occurrence vols, enlèvements et assassinats. La Pravda ajoutait que cette Jamaat, si elle contrôlait d’ores et déjà Ulyanovsk, est active dans une douzaine de régions russes. Sa technique de recrutement consiste à cibler les adolescents et les très jeunes gens, y compris ceux dont les parents sont chrétiens orthodoxes, à les convertir et les endoctriner pour les lâcher contre les adultes. La vieille technique de « fabrication » des janissaires, me fit remarquer l’historien et journaliste monténégrin Komnen Becirovic lorsque j’ai répercuté cette information dans B.I. Notons que le Congrès semble faire l’impasse sur ces difficultés.
Toute l’ambiguïté vient évidemment de sa présidence par le patriarche Alexis II.Interview accordée au site de la Représentation de l'Eglise Orthodoxe Russe auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg par le métropolite Cyrille, de Smolensk et de Kaliningrad, président du Département des relations ecclésiales extérieures du Patriarcat de Moscou.
Du 4 au 6 avril 2006 à Moscou se tiendra le Xème Congrès Mondial Populaire Russe (CMPR) consacré au thème « La foi. L'homme. La terre. La mission de la Russie au XXIème siècle » A l'ordre du jour du Congrès figure la question des droits de l'homme. Nous avons demandé au métropolite Cyrille, de Smolensk et de Kaliningrad, président du Département des relations ecclésiales extérieures du Patriarcat de Moscou, et vice-président du CMPR de commenter ce futur événement.
Qu'est-ce que le Congrès Mondial Populaire Russe ? Quand est-il apparu et quels sont ses buts ?
Le Congrès mondial populaire russe est une organisation publique internationale qui a été créée en 1993. Le président de ce Congrès est Sa Sainteté Alexis II, Patriarche de Moscou et de toute la Russie. Il faut savoir que dans la tradition russe, en dehors des conciles purement religieux, des congrès publics étaient organisés pour résoudre les plus importants problèmes de la vie des gens et ces réunions portaient également le nom de conciles. C'est la raison pour laquelle maintenant chaque année au forum du CMPR se réunissent des personnes aux opinions politiques très diverses et qui représentent différentes couches de la société aussi bien en Russie qu'à l'étranger. A ces Congrès sont également invités des représentants de différentes traditions nationales et culturelles qui ont des liens étroits avec le monde russe.
Le but de l'organisation consiste à unir les forces spirituelles et intellectuelles des personnes de culture russe mais habitant dans différents pays du monde. Ceci est fait pour qu'elles puissent, en unissant leurs efforts, apporter leur contribution au développement de la civilisation humaine en forgeant paix et collaboration entre différents peuples et diverses cultures. D'après les dénominations des thèmes examinés par le passé lors de ces Congrès on peut juger des problèmes qui préoccupent les Russes, problèmes d'actualité pour de nombreux peuples du monde. Aux Congrès précédents les thèmes suivants étaient à l'ordre du jour : « La foi et le travail », « Le dialogue des civilisations », « La foi et le pouvoir », « Les menaces du terrorisme et du fascisme ». Parmi les participants aux Congrès on peut citer Monsieur V. Poutine, le Président de la Fédération de Russie, le Premier ministre russe, des leaders des plus importants partis politiques, d'éminentes personnalités du monde de la science et de la culture, les chefs des religions traditionnelles de la Russie.
En juillet 2005, le CMPR a obtenu un statut consultatif auprès du Conseil Economique et Social de l'ONU. Ceci permet à notre organisation d'entrer en dialogue avec des représentants d'autres civilisations et de témoigner de la tradition russe au plus haut niveau mondial.
En quoi le présent thème du Congrès est d'actualité et quels sont ses liens avec le problème des droits de l'homme ?
Dans notre monde contemporain, l'un des principaux problèmes est la préservation de l'identité culturelle et religieuse aussi bien d'un seul individu que de peuples tout entiers. Le processus de globalisation favorise des contacts très intenses entre diverses cultures. On voit se produire la rencontre entre diverses idées et différents modes de vie. On observe comment dans ces milieux certaines cultures prétendent imposer leur mode vie et d'autres admettent le droit de chaque civilisation à vivre selon ses propres usages.
Le peuple russe ne se pose aucun but expansionniste et ne veut pas imposer sa vision du monde aux autres peuples. Cependant, il aspire à sauvegarder son originalité dans sa foi, sa culture, sa vie publique. Et il en a totalement le droit. Mais cela ne doit pas conduire la Russie à se renfermer sur elle-même, à s'isoler des autres peuples. Au contraire, la prise de conscience de son originalité et le désir de la sauvegarder ouvre à la culture russe une voie créative pour édifier la vie de la communauté mondiale dans un rapport d'égalité avec les représentants des autres civilisations.
Ma conviction est que dans le monde actuel les normes de conduite doivent s'élaborer sur la base d'un dialogue effectif. Aucune des civilisations existantes ne peut affirmer que ses standards de vie son universels. Aujourd'hui ce défi est lancé par les partisans d'une interprétation déterminée de la conception des droits de l'homme. Incontestablement, les droits de l'homme occupent une place centrale dans le système du droit international et influent sur la vie de chaque individu. C'est la position assez largement répandue, qui affirme que seul le concept ultra libéral des droits de l'homme est le seul qui soit juste, qui, cependant, crée un problème pour le fonctionnement de ce concept. Sans aucun doute, dans cette interprétation il y a beaucoup de positif, mais il y a aussi beaucoup de choses qui entrent en contradiction avec la représentation de l'individu qui existe dans diverses religions traditionnelles. A mon avis, le temps est venu d'entamer une sérieuse discussion sur ce concept et de rechercher à nouveau un consensus dans la manière de le comprendre et de l'appliquer.
Selon votre opinion, quelle contribution la culture orthodoxe russe peut-elle apporter au développement du concept des droits de l'homme ?
Justement c'est le Congrès qui doit définir cette contribution. Après l'achèvement du forum on pourra donner la réponse la plus complète à cette question. Mais maintenant je voudrais vous faire part d'une seule considération qui, à mon sens, est très importante pour entamer la discussion.
Au centre du concept des droits de l'homme il y a la représentation d'une dignité équivalente pour chaque individu. Le christianisme n'a pas d'objection à avancer contre cette idée mais il se pose la question qu'est ce qui est sous-entendu dans l'idée de dignité de l'individu. Malheureusement on observe aujourd'hui la tendance à inclure dans cette conception des choses qui sont en contradiction avec la notion religieuse de la nature humaine. Jusqu'à maintenant le contenu de la dignité de l'individu se découvrait progressivement au cours de l'histoire. Ceci correspondait à l'élargissement du nombre des droits et des libertés dans différentes sphères de la société. Les premiers droits apparus furent les droits politiques, puis les droits économiques et, enfin, les droits culturels. Mais le développement actuel des droits de l'homme touche déjà les caractéristiques de la nature même de la personne. Dans le droits on inclut les problèmes de sexe, les caractéristiques génétiques, la notion de mort. En d'autres termes, nous touchons au plus près la tentative d'une définition juridique de ce qu'est l'être humain. Comme vous pouvez parfaitement le comprendre, cette question ne peut laisser la religion indifférente.
Bien entendu, il faut résoudre ce problème étant donné que le progrès scientifique va de l'avant, le mode de vie des gens change très rapidement, l'environnement se trouve menacé. Notre conviction est que pour résoudre ce problème ce n'est pas l'approche laïque et libérale qui doit dominer en qualité de solution universelle. Pourquoi tout le monde dans la société doit considérer que la vie humaine ne commence qu'au 14ème jour de l'embryon et non dès sa conception ? Pourquoi la société doit considérer que l'homosexualité est l'une des manifestations de la nature humaine et non un égarement exigeant un amendement patient ? Pourquoi considère-t-on qu'il est admissible de fabriquer des médicaments à partir d'embryons humains ? Je peut citer encore beaucoup de tels « pourquoi ». L'Eglise affirme que, par l'intermédiaire de ses commandements, Dieu a donné la représentation la plus précise sur la nature humaine. Par la révélation divine, nous savons ce qui peut lui nuire et ce qui est capable de la vivifier. Nonobstant la diversité des doctrines théologiques, la majorité des religions du monde s'accordent dans la définition de ce qui est mal et de ce qui est bien pour l'individu. Pourquoi alors impose-t-on à la société l'approche laïque à ces questions ?
C'est ainsi qu'à ce jour je formulerais les préoccupations qui troublent les orthodoxes. Nous verrons quelle réponse le Congrès donnera à ces questions.
Une remarque, en nous souvenant que comparaison n’est pas raison et que, s’il arrive que l’histoire bégaye, elle ne se répète jamais à l’identique. Un peuple avait autrefois inventé ce type de structure mixte – mais sans la distinguer du synode : les Wisigoths. Eglise et royaume tendaient à se confondre. Cela n’a pas porté que de bons fruits.
Je peux me tromper mais il me semble que la confusion entre Eglise et Etat, ou Eglise et culture est périlleuse. Ici, de plus, il est question, c’est encore moi qui souligne), des « religions traditionnelles de la Russie ». Lesquelles ? Si l’on prend en compte l’extension territoriale, cela signifie forcément l’islam, présent jusqu’à Kazan sur la moyenne Volga ; on peut aussi penser au bouddhisme mahayana pratiqué dans les régions mongoles donc au sud de la Sibérie comme au Tibet ; et toute la zone nord sibérienne est celle du chamanisme. Toutefois, ce dialogue des religions semble avoir ses limites et la notion de civilisation russe les rencontrerait aussi. Un article paru dans la Pravda du 17 novembre 2004 affirmait que la région d’Ulyanovsk était alors contrôlée par une organisation islamiste, la Jamaat dirigée par Abdulhabib Abdulkarimov, un intellectuel wahhabite de niveau universitaire. Si cette organisation s’attache d’abord à instaurer concrètement une version dure de la tradition islamique, persécutant non seulement chrétiens et agnostiques mais aussi les musulmans en désaccord avec son interprétation du Coran, elle comporte une branche spécialisée dans ce que le monde du renseignement baptise pudiquement « service action » ; en l’occurrence vols, enlèvements et assassinats. La Pravda ajoutait que cette Jamaat, si elle contrôlait d’ores et déjà Ulyanovsk, est active dans une douzaine de régions russes. Sa technique de recrutement consiste à cibler les adolescents et les très jeunes gens, y compris ceux dont les parents sont chrétiens orthodoxes, à les convertir et les endoctriner pour les lâcher contre les adultes. La vieille technique de « fabrication » des janissaires, me fit remarquer l’historien et journaliste monténégrin Komnen Becirovic lorsque j’ai répercuté cette information dans B.I. Notons que le Congrès semble faire l’impasse sur ces difficultés.