Antoine dit :
Pour les ariens, le terme d’engendrer non créé est très discutable et le terme homoousios est aussi très difficile. L’hérésie arienne est une hérésie compréhensible, conceptuellement compréhensible. C’est une hérésie théologique avant tout, même si Arius s'est pris une giffle de la part de Nicolas en plein concile.
Justement parce que l’arianisme est une erreur théologique et qu’il rejetait le salut offert par l’Incarnation du Verbe et Fils unique de Dieu, il ne pouvait conférer la Grâce. Les Pères le considéraient comme la pire de toutes les hérésies. Et cependant Arius avait conservé le Baptême trinitaire. Pourquoi ? peu importe. Tous les conciles ont répété qu’il ne fallait pas rebaptiser les hommes qui avaient été baptisés par les Ariens, mais respecter ce Baptême nul et sans effet et lui conférer la Grâce par un autre Mystère.
Voici les pièces essentielles du dossier. Ce sont des décisions prises par l’Église. Les canons de saint Basile et ceux du Concile local de Laodicée ont été inclus par le Quinisexte in Trullo dans la liste du
Corpus canonum de l’Église, qui inclut évidemment les canons du IIème Concile œcuménique (Constantinople) et du quinisexte Concile lui-même.
Canon 1 de saint Basile (Lettre 188 à saint Amphiloque d'Iconium, vers 374)
Puisque l'on a déjà évoqué le cas des cathares, tu as bien raison de rappeler qu'il convient de suivre l'usage de chaque contrée, étant donné que ceux qui ont alors pris une décision en ce qui les concerne ont statué différemment sur leur Baptême. Quant à celui des pépuziens, il me semble qu'il ne vaut pas la peine d'en parler et je me suis demandé comment il a bien pu échapper à Denys, un si bon canoniste. Lorsque les Anciens jugèrent en effet qu'il faut recevoir le Bap-tême, il s'agissait bien de celui qui ne s'écarte en rien de la foi. De là vient qu'ils parlaient pour certains d'hérésies, pour d'autres de schismes ou encore de parasynagogues.
Pour les hérétiques, il s'agit de ceux qui se sont complètement séparés et sont devenus comme des étrangers ; les schismes concernent ceux qui se sont séparés des autres pour des raisons de vie ecclésiale ou pour des causes que l'on pourrait éventuellement régler ; les parasynagogues sont des partis regroupant des gens sans instruction autour de presbytres ou d'évêques insoumis.
Par exemple si quelqu'un, convaincu de faute, s'obstinait à exercer ses fonctions tout en refusant de se soumettre à la règle revendiquant de pouvoir présider et d'exercer son service, et si quelques personnes délaissaient l'Église catholique pour se joindre à lui, on aurait là une parasynagogue. Un schisme serait par exemple un désaccord au sujet de la pénitence qu'il convient d'imposer à ceux qui ont quitté l'Église. Les hérésies sont par exemple celle des manichéens, des valentiniens, des marcionites ou justement celle des pépuziens, car la différence qui sépare ces groupes de l'Église porte directement sur la foi en Dieu elle-même.
Dès le début nos Pères ont décidé de rejeter complètement le baptême des hérétiques, mais d'accepter le baptême de ceux qui ont fait schisme, parce qu'ils sont encore de l'Église. Quant à ceux qui sont dans les parasynagogues, dès lors qu'ils se sont amendés par une juste pénitence et par un sérieux repentir, il est décidé de les réunir de nouveau à l'Église, si bien qu'il arrive fréquemment que des personnages qui ont un certain rang dans le clergé mais se sont joints aux insoumis, dès lors qu'ils se sont repentis de leur faute, soient réadmis dans leur rang.
Il est bien évident que les pépuziens sont des hérétiques : ils ont blasphémé contre l'Esprit saint en attribuant à Montan et à Priscille le titre de Paraclet en toute iniquité et en toute impudence. Ou bien on doit les condamner pour avoir déifié des hommes, ou bien ils ont blasphémé contre l'Esprit saint pour avoir osé le comparer aux hommes et ils sont soumis à la condamnation éternelle, car le blasphème contre l'Esprit saint ne connaît pas de pardon. Pour quel motif pourrait-on donc admettre le baptême de ceux qui baptisent au nom du Père et du Fils et de Montan ou de Priscille ? Ceux qui ont été baptisés en des noms qui ne nous ont pas été transmis par la Tradition n'ont pas été baptisés. Bien que cela ait échappé au grand Denys, nous ne devons pas persévérer dans cette er-reur. Leur insanité est l'évidence même, et saute aux yeux de tous ceux qui ont tant soit peu la faculté de raisonner.
Les cathares font eux aussi partie de ceux qui se sont séparés. Il a cependant été décidé par nos Pères, c'est-à-dire par Cyprien et chez nous par Firmilien, qu'on devrait les soumettre, tant cathares qu'encratites et hydroparastates, à cette même sentence parce que leur séparation avait pris naissance à propos d'un schisme, et que la grâce du saint Esprit ne reposerait plus sur ceux qui se sont séparés de l'Église en sorte que la continuité aurait été interrompue et que la transmission ferait donc défaut. Ceux qui ont été les premiers à se séparer de nos Pères portaient l'imposition des mains, et par cette imposition des mains, ils avaient possédé le don de l'Esprit. Mais redevenus laïcs du fait de leur séparation, ils auraient perdu le pouvoir, tant de baptiser que d'imposer les mains, car ils en auraient déchu. C'est pourquoi ces Pères avaient décidé de purifier par le vrai Baptême, celui qui est donné par l'Église, ceux qui ont été baptisés par eux lorsqu'ils viennent se joindre à l'Église. Mais puisque les Églises d'Asie ont décidé de recevoir globalement leur baptême pour des raisons d'économie, il convient que ce Baptême soit reçu.
Il faut que nous comprenions en quoi consiste le méfait des encratites : ils ont entrepris d'imposer le préalable d'un baptême qui leur fût particulier afin de se rendre irrecevables dans l'Église - c'est bien dans ce dessein qu'ils ont falsifié la coutume qui avait été la leur. Puisque rien n'a été décidé officiellement en ce qui les concerne, je crois qu'il faut que nous rejetions leur baptême et que nous baptisions donc quelqu'un qui après avoir reçu le baptême chez eux voudrait entrer dans l'Église.
Mais si cela devait constituer un obstacle à l'économie générale, il convient que nous suivions ici aussi la coutume et que nous observions les économies qui ont été instituées chez nous par les Pères. Je crains en effet que puisque nous cherchons à affaiblir leur hostilité à l'égard de notre Baptême, la rigueur de notre proposition ne constitue un empêchement pour ceux qui cherchent leur salut. S'ils venaient à admettre notre Baptême, cela ne suffirait pas à nous rendre conciliants, car notre devoir est non pas de leur rendre le même pour le même, mais d'observer exactement les canons. En tout état de cause, notre devoir est donc d'observer la pratique de chrismer ceux qui viennent chez nous, après leur Baptême, et en présence des fidèles, avant de les admettre aux saints Mystères.
Je sais bien aussi que nous avons reconnu aux frères qui s'étaient rangés avec Izoïs et Saturnin leur rang d'évêques, si bien que nous ne pouvons plus refuser l'appartenance à l'Église à ceux qui en faisaient partie, car en reconnaissant leurs évêques nous nous sommes fixé une sorte de règle.
Canon 7 du Concile local de Laodicée (vers 380)
On ne doit pas recevoir ceux qui reviennent de chez les hérétiques, c'est-à-dire de chez les novatiens ou de chez les photiniens ou de chez les quatordéci-mans, qu'ils y aient été baptisés ou qu'ils soient encore catéchumènes, tant qu'ils n'auront pas anathématisé toutes les hérésies et en particulier celle à la-quelle ils appartenaient. Ceux que dans ces sectes on considère comme des “fidèles” doivent apprendre par cœur le symbole de notre foi et doivent être oints du saint Chrême pour pouvoir communier aux sacro-saints Mystères.
Canon 7 du IIème Concile œcuménique (Constantinople 381)
Ceux qui reviennent de l'hérésie à l'Orthodoxie et à l'héritage des sauvés doivent être reçus selon la procédure requise selon l'usage. Les ariens et les macédoniens, les sabbatiens et les novatiens qui se qualifient de cathares, les aristeroi de même que les tétradites et les apollinaristes ne doivent être admis que sur présentation de déclarations anathématisant par écrit toute hérésie qui ne pense pas ainsi que pense la sainte Église de Dieu, catholique et apostolique ; ils doivent tout d'abord recevoir le sceau, c'est-à-dire être oints du saint Chrême sur le front, sur les yeux et sur les narines, sur la bouche et sur les oreilles ; et lorsque nous les oignons nous disons : Sceau du don du saint Esprit. Quant aux eunomiens, ceux qui ne baptisent qu'avec une seule immersion, aux montanistes, à ceux que l'on appelle ici les phrygiens et aux sabelliens qui enseignent la doctrine du Père-Fils et commettent d'autres choses abominables (et il en existe ici un certain nombre, surtout parmi ceux qui viennent du pays des Galates), tous ceux qui veulent passer à l'Orthodoxie, nous ne les recevons qu'en tant que païens, et le premier jour nous faisons d'eux des chrétiens, le second jour nous les faisons catéchumènes, le troisième jour nous les exorcisons en leur soufflant trois fois sur le visage et sur les oreilles, et ensuite nous les instruisons en les laissant venir à l'Église durant une année pour entendre les Écritures et après cela nous les baptisons.
Canon 95 du Quinisexte Concile œcuménique (Constantinople, In Trullo, 691)
Ceux qui reviennent du parti des hérétiques à l'Orthodoxie et à l'assemblée des rachetés, nous les recevons conformément au rite et à l'usage qui suivent. Les ariens, les macédoniens, les novatiens qui se disent “purs”, les aristériens, les quatordécimans ou tétradites et les apollinaristes, nous les recevons en leur faisant signer un libelle d'abjuration et anathématiser toute hérésie qui ne pense pas comme la sainte Église de Dieu, catholique et apostolique, nous les signons, c'est-à-dire que nous les oignons d'abord du saint chrême au front, aux yeux, aux narines, à la bouche et aux oreilles tout en disant ; Sceau du don du saint Esprit.
En ce qui concerne les sectateurs de Paul de Samosate qui décident de retourner dans l'Église catholique, il a été décidé qu'il est absolument nécessaire de les rebaptiser. Quant aux eunomiens qui sont baptisés par une unique immersion, et aux montanistes, qu'on nomme aussi Phrygiens, aux sabelliens, qui admettent l'identité du Père et du Fils et accomplissent aussi d'autres rites abominables et à tous les autres hérétiques, et ils sont fort nombreux, surtout ceux qui viennent du pays des Galates, tous ceux parmi eux qui veulent revenir dans l'Orthodoxie, nous devons les recevoir comme des païens. Le premier jour nous les signons du signe de la Croix, le second nous les admettons parmi les catéchumènes, le troisième jour nous les exorcisons en leur soufflant par trois fois sur le visage et sur les oreilles, et alors nous les instruisons et nous les admettons à assister dans l'église durant une année pour écouter la lecture des saintes Écritures, puis nous les baptisons. De même nous rebaptisons les manichéens et les marcionites et ceux qui viennent de semblables hérésies, les recevant comme des païens.
Tandis que les nestoriens et les eutychiens et les sévériens et ceux de semblables hérésies doivent présenter une déclaration écrite d'abjuration et anathématiser leur hérésie et Nestorius, et Eutychès, et Dioscore, et Sévère et les au-tres hérésiarques et leurs sectateurs et toutes les hérésies que nous avons citées, et alors seulement ils seront admis à la sainte communion.
En l’absence d’une décision nouvelle d’un Synode épiscopal qui aurait un jour autorité sur notre territoire, nous ne pouvons qu’appliquer les règles générales fixées par les Conciles qui viennent d’être cités. Un Concile local pourrait préciser et compléter ces règles ; un évêque local pourrait statuer sur des cas individuels. En l”absence d’une telle protection canonique nous pouvons gloser sur les intentions et les significations. Mais nous devons en tout état de cause nous souvenir que le Baptême est une réalité objective, peu importent les “impressions” que peuvent ressentir les nouveaux baptisés. L’Église applique les règles que son fondateur lui a imposées. Il lui a donné le pouvoir de les préciser en diverses circonstances (par exemple au début, lorsque les hérétiques nestoriens et monophysites se sont séparés de l’Église, elle imposait à ceux qy’ils avaient baptisés et qui voulaient revenir dans l’Église véritable de recevoir la Chrismation ; quelques siècles plus tard, l’hostilité des schismatiques s’étant en partie apaisée, l’Église a décidé de les traiter comme de simples “parasynagogues” et de recevoir leurs fidèles par une simple abjuration).
Antoine ajoute :
Mais l’hérésie filioquiste, elle, n’a pas ce passif conceptuel. Elle n'est que le fruit d’une machination franque, un désir de casser l’Eglise et l’empire, et d’instaurer une puissance papale contre l'Eglise. Pour la théologie filioquiste, l’aspect théologique de la question n’a été qu’un prétexte et cette théologie s’est livrée à toutes sortes de falsifications.
Bien sûr que si, l’hérésie filioquiste a un énorme passif conceptuel. Ce n’était pas un simple problème d’organigramme (comme l’a été par exemple le schisme de l’Église d’Angleterre sous Henry VIII par rapport à l’Église catholique), et c’est justement ce qui en fait un ennemi redoutable de la foi, allant jusqu’à créer “une autre civilisation”. Mais elle a conservé la juste et correcte forme du Baptême.
Jamais l’Église orthodoxe n’a prétendu que le Baptême par simple aspersion était sans valeur. Il y a eu dans l’Église orthodoxe des périodes de décadence où se pratiquait ce Baptême par aspersion (au XIXème-début XXème sous la pression du “modèle” catholique, considéré comme plus “évolué”). Lorsque l’Église a repris conscience de sa Tradition elle est revenue à la pureté et à la plénitude du rite et restauré l’usage de la triple immersion, mais n’a pas demandé à ceux qui avaient été baptisés par immersion de se faire immerger. Ils étaient baptisés.
La formule sacramentelle chère aux catholique (« ego te baptizo ») est mauvaise, mais ici encore l’Église orthodoxe n’en fait pas une cause d’invalidité (c’est la même chose pour la réconciliation des pécheurs). Le caractère défectif des “sacrements” de l’Église catholique vient de tout l’ensemble de cette énorme hérésie polymorphe qu’est le catholicisme (Filioque + infaillibilité pontificale + etc).
Et pouvons-nous croire que l’efficacité du Baptême est dépendante de la qualité de le foi de celui qui a baptisé «au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ?» La méthodes des Pères ne nous y autorisent pas. Les textes canoniques cités ne se fondent pas sur la subjectivité des hommes, mais sur l’objectivité des gestes et des paroles. C’est comme ça, c’est à prendre ou à laisser. Il faut prendre l’Église telle qu’elle est et non telle que nous la voudrions. Les décisions conciliaires, dogmatiques et canoniques s’imposent à tous les fidèles.
On peut d’ailleurs remarquer que les conditions mises à la validité du Baptême par les décisions conciliaires citées ne sont pas les mêmes que pour les autres saints Mystères de l’Église. Le Saint Chrême doit être consacré par un hiérarque de l’Église orthodoxe, et le saint Mystère de l’Eucharistie par lui (ou par sa délégation) S’il est interdit de réitérer le Baptême des schismatiques ‘catholiques compris), l’interdiction subsiste de prier avec eux (= anaphore eucharistique).
En fait la tripartition des hétérodoxes entre hérétiques, schismatiques et parasynagogues utilisée pour la discipline baptismale depuis saint Basile par les canons conciliaires cités n’est pas la même que la classification qui vaut pour les doctrines.
Antoine disait auparavant :
Les canons auxquels vous faites référence s’adaptent-ils encore à l’hérésie catholique romaine qui n’existait pas à l’époque. Les Pères les ont formulés dans un temps donné pour une situation donnée. Nous devons nous demander si l’autorité de certains canons est universelle et constitue un commandement absolu ou si nous devons nous en inspirer pour définir une conduite à tenir. L’hérésie catholique romaine est la pire des hérésies que l’Eglise ait connue. Comment les Pères réagiraient-ils aujourd’hui ? L’Eglise n’a-t-elle pas à renouveler sans cesse sa Tradition conformément à sa conscience pour qu’elle demeure Tradition Vivante ? Ce qui pourrait sembler contradictoire ce n’est pas le contenu de deux canons qui se différencieraient mais la façon dont nous les observerions. C’est de cette observance que naîtrait la contradiction.
Horresco referens ! J’aimais mieus quand Antoine écrivair, dans le fil : “Aveuglement, stupidité ou apostasie” :
Dès que l'on entend "nouveau, renouvellement, renouveau, innovations etc..." on peut être sûr que l'auteur manifeste une volonté de rupture d'avec la Tradition. "Nouveautés" s'apparente très vite à "hérésies".
Antoine aurait-il changé ?