Une petite offrande à Dieu
Publié : ven. 08 août 2003 1:05
Date : 09.06 01h16
auteur : Catherine
Une petite offrande à Dieu
J'avais l'habitude d'entendre mon entourage, dont les
membres étaient
de confessions diverses, critiquer les mœurs des orthodoxes,
en
particulier au sujet de la richesse qui se déploie dans nos
églises, des
vêtements des prêtres etc.
J'avais beau leur expliquer plusieurs fois que c'était de
pauvres
richesses matérielles que l'homme offrait ainsi à Dieu et que
c'était si
peu, comparé à la gloire qui Lui est due, ils n'entendaient pas
de cette
oreille. Cela les scandalisait, c'était pour eux des dépenses
inutiles :
comme Judas, ils pensaient que le Fils de Dieu, le Roi
d'Israël, le
Sauveur du monde ne méritait pas le parfum que Marie avait
répandu à
ses pieds, et qu'il fallait le vendre pour nourrir les pauvres.
Enfin, ce
n'était pas vraiment des Judas, mais de braves républicains,
des
bénévoles du Secours catholique et autres protestants,
puritains à
l'excès.
Une grande partie de ma famille et de nos amis se trouvant
réunis un
jour chez nous, j'en ai profité pour leur faire part enfin de ce
dont il n'était
plus possible de garder le secret : le départ de notre deuxième
fille pour
le monastère.
Je m'attendais à une réaction brusque, mais il n'en était rien.
Un long
silence gêné. Très, très long. Les gens baissent les yeux,
comme de
honte. Comme si je leur avais dit que ma fille se droguait, se
prostituait
ou pire encore : ils semblaient vraiment très gênés, confus.
Puis une amie a rompu timidement le silence disant, comme
pour
l'excuser : — C'est son choix. Il faut l'accepter.
Ma sœur, ne sachant pas trop que dire : — Quelle idée tout de
même !
Elle aurait pu se marier, avoir des enfants et une belle carrière
intellectuelle par dessus le marché !
Ma nièce, "compréhensive" : — Une déception amoureuse,
sans aucun
doute, il faut la comprendre.
Mon autre nièce : — Cela m'étonnerait. Ce n'était pas son
genre. Elle avait
tout pour réussir une vie NORMALE ! Les garçons tournaient
autour d'elle
comme des abeilles autour d'une fleur. Rappelle-toi, en
Hongrie, elle
plaisait même à des hommes mûrs. Mais elle était toujours
distante avec
eux, tout en restant aimable avec tous.
Une de ses amies du lycée : Dites donc ! Elle qui était si drôle,
toujours
prête à chahuter, à faire les quat'cents coups ! C'était la
terreur des profs,
qui n'osaient pourtant jamais rien lui dire, parce qu'elle avait
toujours les
meilleures notes de la classe ! En plus, elle avait un charme et
un sourire
si innocents qu'elle désarmait tout le monde. Tout lui était
permis. Et elle
en usait et abusait pour s'amuser.
Un ami, anxieux : — Pourra-t-elle revenir de temps en temps
vous voir au
moins ? Je ne vous comprends pas. Vous n'auriez pas dû la
laisser partir
pour une vie aussi triste. Elle qui était si gaie…
(Si tu savais, mon pauvre ami, combien elle est joyeuse
toujours ! Si tu
l'avais vue courir, comme moi un jour, avec une bouteille
d'eau bénite à la
main pour empêcher, par jeu, une autre jeune novice de la
prendre. Ou
faire la course avec une autre novice, chacune poussant une
brouette sur
la pente, ayant la "diaconie" d'aller brûler les feuilles mortes
au fond du
jardin du monastère ? Ou si tu avais entendu sa supérieure la
"gronder"
devant moi : "Tu souris et ris tout le temps. Regarde ta mère :
elle est
plus sérieuse que toi".)
Une autre amie : Et si douée pour les langues, la musique, le
dessin !
Elle te jouait de la flûte n'importe quelle mélodie qu'elle avait
entendue
pour la première fois ! Elle avait un sens de l'harmonie des
couleurs
extraordinaire et un goût si sûr, si affirmé pour s'habiller. La
voilà
maintenant tout en noir ! En uniforme ! A-t-on idée… ?!
Mon beau-frère, furieux : — S'enfermer dans un couvent pour
la vie ! À 19
ans ! Une fille si belle, si intelligente, si douée, si pleine de vie
! La voilà
perdue, morte, enterrée. Quel gâchis !
……
Seigneur ! Que dire à ces gens pour qui ta maison ne mérite
pas ce qu'il
y a de plus beau sur terre ?
Pensent-ils aussi peut-être qu'un monastère doit être un
dépotoir de
ratés ? Décidément, ils blasphèment en pensant que pour
devenir
moniale, une jeune fille devrait avoir des tares qui l'empêchent
de réussir
dans le monde, ou être telle qu'aucun homme n'en voudrait.
Ils préféreraient Te donner une fille bonne à rien comme
fiancée, à Toi,
Roi de l'univers ! Kyrie eleison ! Que leur répondre ? Quelle
est leur idée
du don de soi, de l'offrande à Dieu s'ils en ont une ?
— Hélas, aucun de nos enfants n'est assez raté pour être
envoyé au
monastère selon vos idées, alors que voulez-vous, il fallait
bien que celle
qui voulait y aller fasse un "gâchis" de sa vie.
auteur : Catherine
Une petite offrande à Dieu
J'avais l'habitude d'entendre mon entourage, dont les
membres étaient
de confessions diverses, critiquer les mœurs des orthodoxes,
en
particulier au sujet de la richesse qui se déploie dans nos
églises, des
vêtements des prêtres etc.
J'avais beau leur expliquer plusieurs fois que c'était de
pauvres
richesses matérielles que l'homme offrait ainsi à Dieu et que
c'était si
peu, comparé à la gloire qui Lui est due, ils n'entendaient pas
de cette
oreille. Cela les scandalisait, c'était pour eux des dépenses
inutiles :
comme Judas, ils pensaient que le Fils de Dieu, le Roi
d'Israël, le
Sauveur du monde ne méritait pas le parfum que Marie avait
répandu à
ses pieds, et qu'il fallait le vendre pour nourrir les pauvres.
Enfin, ce
n'était pas vraiment des Judas, mais de braves républicains,
des
bénévoles du Secours catholique et autres protestants,
puritains à
l'excès.
Une grande partie de ma famille et de nos amis se trouvant
réunis un
jour chez nous, j'en ai profité pour leur faire part enfin de ce
dont il n'était
plus possible de garder le secret : le départ de notre deuxième
fille pour
le monastère.
Je m'attendais à une réaction brusque, mais il n'en était rien.
Un long
silence gêné. Très, très long. Les gens baissent les yeux,
comme de
honte. Comme si je leur avais dit que ma fille se droguait, se
prostituait
ou pire encore : ils semblaient vraiment très gênés, confus.
Puis une amie a rompu timidement le silence disant, comme
pour
l'excuser : — C'est son choix. Il faut l'accepter.
Ma sœur, ne sachant pas trop que dire : — Quelle idée tout de
même !
Elle aurait pu se marier, avoir des enfants et une belle carrière
intellectuelle par dessus le marché !
Ma nièce, "compréhensive" : — Une déception amoureuse,
sans aucun
doute, il faut la comprendre.
Mon autre nièce : — Cela m'étonnerait. Ce n'était pas son
genre. Elle avait
tout pour réussir une vie NORMALE ! Les garçons tournaient
autour d'elle
comme des abeilles autour d'une fleur. Rappelle-toi, en
Hongrie, elle
plaisait même à des hommes mûrs. Mais elle était toujours
distante avec
eux, tout en restant aimable avec tous.
Une de ses amies du lycée : Dites donc ! Elle qui était si drôle,
toujours
prête à chahuter, à faire les quat'cents coups ! C'était la
terreur des profs,
qui n'osaient pourtant jamais rien lui dire, parce qu'elle avait
toujours les
meilleures notes de la classe ! En plus, elle avait un charme et
un sourire
si innocents qu'elle désarmait tout le monde. Tout lui était
permis. Et elle
en usait et abusait pour s'amuser.
Un ami, anxieux : — Pourra-t-elle revenir de temps en temps
vous voir au
moins ? Je ne vous comprends pas. Vous n'auriez pas dû la
laisser partir
pour une vie aussi triste. Elle qui était si gaie…
(Si tu savais, mon pauvre ami, combien elle est joyeuse
toujours ! Si tu
l'avais vue courir, comme moi un jour, avec une bouteille
d'eau bénite à la
main pour empêcher, par jeu, une autre jeune novice de la
prendre. Ou
faire la course avec une autre novice, chacune poussant une
brouette sur
la pente, ayant la "diaconie" d'aller brûler les feuilles mortes
au fond du
jardin du monastère ? Ou si tu avais entendu sa supérieure la
"gronder"
devant moi : "Tu souris et ris tout le temps. Regarde ta mère :
elle est
plus sérieuse que toi".)
Une autre amie : Et si douée pour les langues, la musique, le
dessin !
Elle te jouait de la flûte n'importe quelle mélodie qu'elle avait
entendue
pour la première fois ! Elle avait un sens de l'harmonie des
couleurs
extraordinaire et un goût si sûr, si affirmé pour s'habiller. La
voilà
maintenant tout en noir ! En uniforme ! A-t-on idée… ?!
Mon beau-frère, furieux : — S'enfermer dans un couvent pour
la vie ! À 19
ans ! Une fille si belle, si intelligente, si douée, si pleine de vie
! La voilà
perdue, morte, enterrée. Quel gâchis !
……
Seigneur ! Que dire à ces gens pour qui ta maison ne mérite
pas ce qu'il
y a de plus beau sur terre ?
Pensent-ils aussi peut-être qu'un monastère doit être un
dépotoir de
ratés ? Décidément, ils blasphèment en pensant que pour
devenir
moniale, une jeune fille devrait avoir des tares qui l'empêchent
de réussir
dans le monde, ou être telle qu'aucun homme n'en voudrait.
Ils préféreraient Te donner une fille bonne à rien comme
fiancée, à Toi,
Roi de l'univers ! Kyrie eleison ! Que leur répondre ? Quelle
est leur idée
du don de soi, de l'offrande à Dieu s'ils en ont une ?
— Hélas, aucun de nos enfants n'est assez raté pour être
envoyé au
monastère selon vos idées, alors que voulez-vous, il fallait
bien que celle
qui voulait y aller fasse un "gâchis" de sa vie.