Claude le Liseur a écrit :Le hasard d'une navigation sur Internet me fait découvrir qu'il pourrait subsister une influence inattendue de l'arménien même dans la graphie actuelle (cyrillique) du slavon. En effet, on sait qu'en slavon, le mot богъ, sans le titlo, signifie idole, tandis que le même mot бгъ avec le titlo (que je n'arrive naturellement pas à reproduire sur mon traitement de texte - j'enrage!) signifie Dieu (cf. Militsa Tsarenkov, Grammaire slavonne, Monastère de l'icône de la Mère de Dieu de Korssoun, Grassac 1994, p. 8).
Or, d'après le site suivant consacré au grabar (գրաբար =arménien classique) http://www.kepeklian.com/blog/category/armenien/grabar/ , le même système se retrouve en arménien; je reproduis en entier cette très intéressante contribution:
Le badiv est une notation spécifique de l’arménien classique qui ressemble à un trait horizontal placé au-dessus d’un mot ou d’une partie de mot. Il signifie que le mot a été abrévié. Le mot arménien badiv պատիւ se traduit par honneur (pour voir un exemple).
Dans la « Grammatica linguae armeniacae » que H. Petermann publie à Berlin en 1837, on peut lire ceci à la page 5 :
La traduction du latin est : (Dieu) pour (Dieu), et j’inverse (a) (dieu) pour un dieu fictif.
Nulle part ailleurs je n’avais vu ce badiv inversé. Et Petermann ne cite malheureusement aucun exemple … Alors curiosité ou phantasme ?
De notre point de vue, l'important n'est pas qu'existe ou n'existe pas en arménien classique le badiv inversé de Petermann. Il n'y a pas, à ma connaissance, de titlo inversé en slavon. Ce qui est intéressant, c'est que le mot arménien pour "dieu" écrit avec le badiv signifie "Dieu", de même que le mot slavon pour "dieu" écrit avec le titlo signifie "Dieu". On voit que le badiv arménien et le titlo slavon jouent le rôle de la majuscule française. Je ne peux quand même pas m'empêcher de penser qu'il y a là une influence arménienne sur le slavon, ce qui irait dans le sens du livre du professeur Schramm.
Toutefois, il est possible que le titlo slavon ne découle pas du badiv arménien, mais que tous deux aient leur origine commune dans les nomina sacra rencontrés dans certains papyri grecs chrétiens du IIIe siècle, où Dieu était abrégé en ΘΣ (bon article sur Wikipédia: http://fr.wikipedia.org/wiki/Nomina_sacra ). Oui, mais voilà, les textes liturgiques en grec ne contiennent pas de telles abréviations (on écrit Θεός, et pas ΘΣ, dans les textes liturgiques), alors que les textes liturgiques en slavon ont toujours le titlo. Si l'usage s'est perdu depuis très longtemps en grec et qu'il existe en slavon, pourquoi serait-il absurde d'y voir une influence arménienne?
Dans le même fil, dans un message du 2 décembre 2009 à 17 heures 03, je précisais:
Claude le Liseur a écrit :J'aurais plutôt traduit le "diis fictitiis" du texte de Petermann (qui est de toute façon un pluriel) par "des idoles" plutôt que "un dieu fictif"... Ce qui nous ramène au coeur du sujet de ce fil, puisque богъ sans titlo, en slavon, veut précisément dire "idole"... Sans vouloir critiquer le moins du monde le site qui m'a fait découvrir le badiv arménien, d'où j'ai tiré l'extrait de la grammaire de Petermann et qui est une mine en arménologie.
Il me restait toutefois, ayant publié dans ledit fil l'exemple du mot arménien avec le badiv (= Dieu) et sans le badiv (= idole), à publier ici la comparaison avec le slavon.
J'ai téléchargé dans mon traitement de texte une police de caractères qui me permet d'écrire correctement en slavon, y compris avec le titlo, mais je n'ai jamais réussi les copier-coller qui m'auraient permis de poster sur le forum ce que je peux écrire dans un document Word.
Pour que chacun puisse faire la comparaison entre l'arménien et le slavon et se rendre compte de l'analogie troublante, je me suis permis de numériser le passage pertinent de la Grammaire slavonne de Madame Militsa Tsarenkov, Editions du Monastère de l'Icône de la Mère de Dieu de Korssoun, Grassac 1994, p. 8. Chacun pourra ainsi juger sur pièce:
