les canons

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Ploscaru Mihaela
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les canons

Message par Ploscaru Mihaela »

" je rejette toute distinction entre règles canoniques dogmatiques et règles canoniques disciplinaire...je rejette toute assemblée ou concile qui se déclarerait en contradiction avec eux ou projetterait leur annulation ou modification.." in une profession de foi non signée que l'on m'a transmise.
Donc, question, n'ya-t-il pas de distinction d'importance entre les canons dogmatiques et disciplinaire; et les canons disciplinaires sont-ils Saints et adaptés à n'importe qu'elle période dans le temps, ceux des années 400 des conciles locaux par exemple, toujours en vigueur obligée en 2006 etc..merci de bien vouloir me répondre Christ Est Ressuscité!!, Mihaela
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

La profession de foi en question est celle qui circulait dans les milieux vieux-calendéristes, matthéistes en particulier. Elle n'est donc pas une profession de foi de l'Eglise orthodoxe.

Si c'est bien la profession de foi à laquelle je pense - qui avait été publiée en annexe au livre Mission orthodoxe en Occident -, il doit aussi y avoir un passage "je rejette le changement de calendrier".

Le "je rejette la distinction entre les canons dogmatiques et les canons disciplinaires" est une proclamation polémique contre le fait que l'Eglise ait accordé à certaines de ses communautés le droit de célébrer Pâques selon le comput grégorien, bien que cela aboutisse parfois à célébrer Pâques en même temps que la Pâque juive - voire avant - contrairement aux prescriptions du concile de Nicée sur la paschalie. Pour mémoire, ce droit de calculer la date de Pâques selon le comput grégorien a été accordé:
- par le patriarcat de Moscou à l'Eglise d'Estonie en 1920,
- par le patriarcat de Constantinople à l'Eglise de Finlande en 1924,
- par l'Eglise russe hors frontières, puis par le patriarcat de Moscou, au diocèse orthodoxe néerlandais; à ma connaissance, dans tout ce diocèse, seul le monastère Saint-Jean-Baptiste (Heilige Joannes de Doper) continue à utiliser le calendrier grégorien;
- par le patriarcat de Moscou, puis par l'Eglise russe hors frontières, puis par le patriarcat de Roumanie à l'ECOF tant que ce diocèse faisait partie de l'Eglise orthodoxe.

Le but est de présenter l'ensemble de l'Eglise orthodoxe comme déchu puisque toutes les Eglises locales sont en communion avec ces diocèses qui célébrent parfois Pâques avant la Pâque juive, contrairement aux prescriptions de Nicée.

Réfléchissons aux conséquences de ce refus de la distinction entre questions dogmatiques et disciplinaires. Un des canons du concile de Nicée interdit de se mettre à genoux pendant la liturgie. Nous savons tous que s'est répandu dans plusieurs Eglises locales - sous des influences hétérodoxes qui visaient à substituer une piété démonstrative à la sobriété de la foi - l'habitude de se mettre à genoux pendant certains passages de la divine liturgie. Cette habitude est heureusement en train de s'effacer dans les Eglises de langue grecque, mais elle reste très forte en Roumanie, par exemple. Si nous suivons le raisonnement de la profession de foi que vous venez de décrire, nous devrions en déduire que la canon de Nicée sur l'agenouillement est dogmatique, que les orthodoxes qui se mettent à genoux pendant la liturgie ne sont plus orthodoxes et que le clergé qui le tolère n'est plus orthodoxe non plus. C'est tout simplement absurde.

Pour ma part, je me suis toujours battu pour le respect de ces canons, et, en particulier, j'ai essayé d'expliquer à un maximum de gens le canon sur l'agenouillement. Sans grand succès, je dois dire. Mais je n'ai jamais considéré que la foi était en jeu.

Si vous voulez une profession de foi réellement en usage dans l'Eglise orthodoxe, je peux à l'occasion saisir sur le présent forum la traduction française de la profession de foi que lisent les évêques avant leur consécration dans l'Eglise de Grèce.
Ploscaru Mihaela
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les canons

Message par Ploscaru Mihaela »

merci Claude et pardon, félicitations en retard pour vos fiançailles et beaucoup d'années !
effectivement, il y a un passage sur le calendrier. Je serais désireuse de connaitre la profession de foi que vous me proposez, merci d'avance; aussi, ne doit-on obéir aux canons locaux que dans la mesure où ils auraient été reconnus par des conciles oeucuméniques ?! ou l'obéissance est-elle requise quoiqu'il en soit ?!
Antoine
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Message par Antoine »

XB!
" je rejette toute distinction entre règles canoniques dogmatiques et règles canoniques disciplinaire.
La distinction évoquée ci-dessus n’est pas pertinente. Elle n’a jamais été en vigueur dans l’Eglise et enferme le postulant dans une fausse problématique.
La fonction des canons est de préserver l’unité de l’Eglise dans l’unicité de la foi. Les canons sont donc toujours inséparables du rapport qu’ils entretiennent avec le contenu de la Révélation. Dans ce cadre certains canons ont plus ou moins d’envergure ( et non pas plus ou moins d’autorité) selon qu’il traitent d’un problème général qui concerne la totalité de l’Eglise ou d’un problème spécifiquement local. Mais dans tous les cas il s’agit toujours de préserver la plénitude de la foi de toute déviation. C’est pour cela que pour une interprétation correcte chaque canon doit être replacé dans le contexte historico-transtemporel qui a prévalu à son élaboration théologique que celle ci apparaisse d’une façon explicite ou implicite. Ce sera donc la réception ecclésiale du canon par l’Eglise guidée par l’Esprit saint qui en fera l ‘interprétation ecclésiale. Ainsi nous ne trouverons pas forcément dans chacun des canons une adéquation immédiate entre le contenu du canon et la plénitude du contenu de la foi, mais en revanche nous trouverons, face un problème ecclésiastique précis pour un lieu et temps historique donné, une adaptation de l’Eglise, dans sa nature divino-humaine, au contenu de la foi .
C’est cette conscience de l’Eglise manifestée dans les canons qu’il nous est donné de retrouver lorsque nous les étudions.
Si l’on ne privilégie pas, lors de la lecture des canons, la lettre à l’esprit alors on voit que la distinction stupide évoquée ci-dessus entre « canons dogmatiques » et « canons disciplinaires » n’as pas lieu d’être faite. Elle ne peut l’être que dans des communautés qui n’ont pas de réception ecclésiale des canons et qui ne sont donc plus guidées par l Esprit Saint, n’appartenant plus au corps du Christ.
Une discipline qui ne serait plus une disposition canonique de vivre pleinement sa foi deviendrait un diktat. Le calendrier est un bon exemple de cette transformation du canon en diktat tel que les VCO l’exigent, ce qui comme par hasard, (ainsi que Claude l’a mentionné dans sa réponse) est intimement lié aux dispositions relatées ci-dessus par Mihaela.
Un canon est l’expression ecclésiale que la conscience ecclésiale guidée par l’Esprit Saint a de son ecclésialité .Il ne peut donc en aucun cas être coupé, du caractère sotériologique et eschatologique de la mission de l’Eglise vécu dans la transtemporalité dynamique du message de salut en Christ. Il ne s’agit donc pas de distinguer canons dogmatiques et canons disciplinaires, ce qui suppose que dans un cas comme dans l’autre cette distinction ou absence de distinction fige de toute évidence le message de salut dans un immobilisme contraire à l’action de l’Esprit Saint. La Tradition de l’Eglise est dynamique et se réactualise sans cesse. Une Tradition figée serait une Tradition morte.
Antoine
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Message par Antoine »

Mihaela a écrit :ne doit-on obéir aux canons locaux que dans la mesure où ils auraient été reconnus par des conciles oeucuméniques ?!
Antoine a écrit :Dans ce cadre certains canons ont plus ou moins d’envergure ( et non pas plus ou moins d’autorité) selon qu’il traitent d’un problème général qui concerne la totalité de l’Eglise ou d’un problème spécifiquement local. Mais dans tous les cas il s’agit toujours de préserver la plénitude de la foi de toute déviation. C’est pour cela que pour une interprétation correcte chaque canon doit être replacé dans le contexte historico-transtemporel qui a prévalu à son élaboration théologique que celle ci apparaisse d’une façon explicite ou implicite.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Les Canons ne peuvent pas être considérés comme de même nature que les décisions dogmatiques. Le Ier Concile de Nicée a reconnu dans le texte appelé “Canons apostoliques” une expression fidèle des règles que le Seigneur Lui-même avait remises à ses Apôtres (entre sa Glorieuse Résurrection et son Ascension) et que les Apôtres ont transmises aux premières évêques des Églises qu’ils ont fondées, puis ceux-ci aux évêques qu’ils ordonnaient et aux premiers synodes régionaux. Saint Irénée de Lyon et saint Hippolyte de Rome parlent de cette Tradition Apostolique, mais elle fut altérée et abusivement complétée par la transmission orale dans une multiplicité d’Église et il était urgent de la codifier par écrit, ce que fit un bienheureux resté anonyme dans les toutes premières années 300. Ces Canons Apostoliques fixent des règles de portée exclusivement disciplinaire, et ne parlent ni du contenu des dogmes, ni de la célébration des Saints Mystères, qui constituent donc des parties disinctes de la Révélation par la Tradition orale. Le Concile de Nicée ayant officialisé ces Canons, en même temps qu’il fixait le texte du Symbole baptismal (qui avait subi une altération analogue) saint Basile, dans son canon 1 donne une liste d’autres prescriptions transmises par la Tradition de nos Pères dans la Foi, comme la forme du Baptême, la prière eucharistique faite debout le huitième jour tournés vers l’Orient, dont il transmettra par ailleurs une première Anaphore etc.

Dès avant le Concile de Nicée (Concile de Gangres) et après, une série de Conciles locaux tenus dans les grands “diocèses civils” de l’Empire explicitèrent les Canons de l’Église dans un certain nombre de cas particuliers. Les Conciles œcuméniques aussi, et on recueillit aussi un certain nombre de règles canoniques dans les écrits des Pères, et tout d’abord les célèbres “Lettres canoniques” de saint Basile. L’ensemble (qui a été authentifié oar le Quinisexte Concile œcuménique, énumérant touis les canons antérieurs) fut complété par la suite et constitue le Corpus canonum de l’Église orthodoxe. Il s’impose à toutes les Églises locales sans exceptions. Mais certains évêques et conciles locaux peuvent compléter sur certains points ces règles, ou plutôt les interprêter en fonctions de circonstances particulières. Elles s’imposent dès lors à leur troupeau, mais n’ont pas la même portée que les règles du Corpus Canonum.

Mais ces décisions canoniques, qui précisent la discipline que l’Église doit tenir dans sa pratique, sont distincts des décisions dogmatiques des Conciles. Les Conciles œcuméniques prenaient soin de prendre deux séries de décisions distinctes : dogmatiques et canoniques. Les quatre premiers Conciles œcuméniques le firent. C’est parce que le Vème et le VIème Conciles n’avaient pas trouvé le temps de prendre les canons nécessaires pour résoudre une série de questions concrètes qui leur avaient été posées que l’empereur tapa du poing sur la table et reconvoqua les Pères du VIème Concile afin qu’ils se réunissent pour une seconde session pour terminer le travail : résoudre les questions disciplinaires posées aux Vème et VIème Conciles. Les Pères furent enfermés dans le Palais impérial et tinrent séance dans la grande salle à coupole (d’où vient qu’on donne à ce Concile le nom soit de “Quinisexte”, soit de “In trullo”). Les juristes impériaux avaient méthodiquement et savamment préparé le travail et le résultat est un texte capital, qui représente le premier essai de codification et de systématisation du Droit canonique de l’Église orthodoxe (et malgré l’intervention des juristes impériaux, pas du tout influencé par l’autorité impériale).

Sur certains points, les Conciles œcuméniques ont modifié certaines règles antérieures. Au début par exemple ils se contentaient de reconnaître l’existence d’ascètes qui consacraient leur vie à Dieu, ainsi que de “veuves” groupées autour de l’Église et protégées par elle. Peu à peu ils ont été amenés à contrôler les anachorètes qui se réfugiaient au désert, puis les groupes qu’ils constituaient. Les premières tentatives d’officialisation eurent peu de succès et c’est surtout le VIIème Concile œcuménique qui imposa des règles strictes au monachisme.

Dès avant les Églises locales avaient adopté l’usage de choisir leurs évêques parmi les moines (ou parmi les laïcs menant une vie d’ascèse et facilement moinisables). Le Quinisexte Concile œcuménique en fit une règle. C’est donc une évolution par rapport au Canon par lequel le Concile de Nicée avait interdit aux évêques de répudier leurs femmes. Ici nous considérons que cette évolution s’est faite sous l’inspiration du Saint Esprit.

Dans l’évolution “moderne” des Églises beaucoup de textes ont été considérés comme canoniques mais ne devraient pas être reconnus comme tels (ce qui ne veut pas dire que tout y soit à rejetter avec mépris). C’est en particulier (mais pas uniquement) le cas de ces chartes d’allure constitutionnelle dont se sont dotées le plupart des Églises autocéphales, et en tout premier lieu du “Règlement spirituel” imposé au XVIIIème siècle par le tsar Pierre le Grand à l’Église de Russie.

À partir du Concile russe de 1917/1918 à Moscou et du prétendu “Concile pan-orthodoxe” de 1923 à Constantinople, un autre style de réformes est apparu dans les Églises orthodoxes. Il est grand temps de revenir à la Tradition de nos Pères dans la Foi qui indique la véritable forme de l’Église.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

XB!
Mihaela a écrit :ne doit-on obéir aux canons locaux que dans la mesure où ils auraient été reconnus par des conciles oeucuméniques ?!
Antoine a écrit :Dans ce cadre certains canons ont plus ou moins d’envergure ( et non pas plus ou moins d’autorité) selon qu’il traitent d’un problème général qui concerne la totalité de l’Eglise ou d’un problème spécifiquement local. Mais dans tous les cas il s’agit toujours de préserver la plénitude de la foi de toute déviation. C’est pour cela que pour une interprétation correcte chaque canon doit être replacé dans le contexte historico-transtemporel qui a prévalu à son élaboration théologique que celle ci apparaisse d’une façon explicite ou implicite.
Mardi 16 Mai 2006 12:11 dans cette rubrique, Jean-LouisPalierne a écrit : Les Canons ne peuvent pas être considérés comme de même nature que les décisions dogmatiques..
Mais, ce même Mardi 16 Mai 2006 19:40, rubrique Patriarchat d'Occident, Jean-Louis a écrit :Les canons ne sont pas des procédés qui ont été inventés par la sagesse humaine pour permettre à l’Église de vivre dans un monde hostile et de se développer. Ils sont l’expression de la nature même de l’Église.
Ce qu’Antoine avait exprimé de la façon suivante :
Un canon est l’expression ecclésiale que la conscience ecclésiale guidée par l’Esprit Saint a de son ecclésialité .
Il n’y a pas de contradiction dans les citations ci-dessus: La foi est simultanément foi et praxis et les canons expriment ces deux facettes. L’Eglise, corps du Christ, a une double nature elle est divino-humaine.
La distinction canons dogmatiques / canons "disciplinaires" n'a aucune pertinence en ce qui en concerne l'observance.

Lecteur Claude : Mar 16 Mai 2006 21:13 Rubrique: profession de foi des évêques de l'Eglise de Grèce a écrit :Quant aux saints Canons que nos bienheureux Pères, les ayant imposés pour la bonne organisation de la sainte Eglise du Christ ou pour régler les moeurs suivant les traditions apostoliques et l'esprit de l'enseignement divin contenu dans l'Evangile, ont transmis à l'Eglise, je les embrasse et j'aurai soin de m'y conformer pour diriger le ministère que, par volonté divine, le sort m'a confié, et pour instruire constamment tout le saint clergé et le reste du peuple de Dieu confié à ma garde spirituelle.
Dans la vie spirituelle il n'y a pas lieu de distinguer l'âme du corps.
«Celui qui n'est pas spirituel jusque dans son corps est charnel jusque dans son âme.» (Augustin)
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Pour comprendre quelle est l’unité profonde et l’immense valeur de ces textes fondamentaux de l’Église orthodoxe, les canons de portée disciplinaires et les dogmes explicités par les Conciles et par les Pères — et il faudrait aussi ajouter les textes des saints Mystères et toute l’hymnographie des offices divins —, il faut les replacer dans le cadre global de la Tradition de l’Église. Elle comprend en effet des éléments différents qui s’unissent dans une même expérience : l’expérience que l’Église a de la Vie qui est en elle. Je me permets de reprendre ici un texte que j’avais écrit le 22 novembre 2005 dans le fil “Église et Tradition”.

« Lorsque dans l’Église orthodoxe on parle de la Tradition il s’agit de tout autre chose que des traditions locales, ethniques ou culturelles. Il s’agit d’une notion centrale de la foi orthodoxe. La foi est par définition quelque chose qui est transmis, mais qui vient des origines de l’Église. S’il y avait co-existence de traditions multiples, ce ne serait pas la Tradition.

« On croit généralement que le contenu de la foi est défini par l’Écriture, et l’Écriture seule (sola scriptura). La divine Révélation s’identifierait au contenu de l’Ancien et du Nouveau Testament. C’est faux. Il existe à l’origine de l’Église une Tradition non-écrite, transmise par voie orale, remise par le Seigneur à ses Apôtres, puis par les Apôtres aux premiers évêques des Églises qu’ils ont fondées, puis dans les synodes épiscopaux, d’évêque en évêque. Comme l’Église est le Corps du Christ, les évêques des Églises locales ont le pouvoir et le devoir d’expliciter la Tradition, et celle-ci s’est développée et enrichie au cours de l’histoire de l’Église, mais elle reste l’ossature de l’unique Église.

« Le Concile de Nicée en 325, et d’ailleurs les sept Conciles œcuméniques font partie de la Révélation aussi bien que la sainte Écriture. Et ces conciles ont défini le texte du Canon des Écritures. Remarquons que cette définition exclut qu’il puisse exister “un original araméen qui ne nous est pas parvenu”. C’est le texte grec de la Septante et le texte grec des écrits du Nouveau Testament qui constitue la Sainte Écriture.

« L’Église orthodoxe a la convistion d’être l’héritière, non seulement du texte des Écritures, mais aussi de toute une Tradition extrêmement forte et riche. Mais s’agit-il seulement d’éléments liés à l’Histoire ? Comment l’Église a-t-elle pris conscience d’elle-même, de son originalité, de sa réalité concrète ? La création des structures qu’on lui connaît aujourd’hui est-elle le fruit des nécessités de l’époque ? Lorsqu’on essaye de comprendre comment les premiers chrétiens formulaient leur foi, on pense généralement qu’ils sont partis de convictions fortes et émouvantes, mais qu’ils ne pouvaient clairement exprimer, définir et analyser. Les fortes déterminations tant dogmatiques que structurelles que nous lui connaissons aujourd’hui ne seraient donc le fait que d’une évolution historique.

« Ce ne serait donc que sous la pression des faits et des événements, qu’ils auraient dû transcrire, tant les événements qu’ils avaient vécus que les enseignements reçus, et ce serait encore plus tard qu’ils songèrent à créer des structures pour leurs communautés, parce que la Venue du Royaume tardait. Et le Nouveau Testament serait la transmission écrite, codifiée au début du IIème siècle, des souvenirs de la Communauté primitive à la lumière de cette expérience difficilement exprimable. À l’époque moderne, telle qu’elle a été inaugurée par la Réforme, tout l’effort de la pensée religieuse est de faire découler toute affirmation théologique de l’Écriture, et de l’Écriture seule.

« Selon l’enseignement de l’Église orthodoxe cependant, l’Écriture doit être comprise à la lumière de la Tradition. Que faut-il entendre par Tradition ? Saint Basile le Grand disait deux siècles plus tard qu’il existe deux formes de la Tradition : la “Tradition écrite” (c’est-à-dire l’Écriture sainte, Ancien et Nouveau Testaments) et la “Tradition non-écrite”, toutes deux remontant aux Apôtres. Sous ce nom de Tradition non-écrite, il entendait, non pas des enseignements secrets et supérieurs, réservés à quelques-uns, mais une série d’éléments très concrets, s’imposant à la pratique de l’Église, et exprimant une part considérable de la Révélation dogmatique.

« Autrement dit dès le début l’Église s’est transmis une foi fortement structurée par les formules précises, les rites exacts qu’elle devait employer dans ses actions sacrées, les saints Mystères de l’Église.

« Une difficulté naquit rapidement de la multiplication des formes locales de la Tradition. Par exemple un certain nombre de formules locales existaient pour le Symbole de la foi que le catéchumène récitait au Baptême. De même pour les règes de fonctionnement de l’Église, c’est-à-dire les Canons. Un bienheureux anonyme nous a laissé une transcription des Canons apostoliques, tels qu’ils avaient été transmis par la Tradition orale.

« Mais il fallu qu’en 325, à l’initiative de l’empereur Constantin qui venait de reconnaître le Christianisme, un Concile œcumenique, le Ier Concile œcuménique réuni à Nicée, adopte un texte unique dit “{b]Symbole de Nicée[/b]” et reconnaisse l’authenticité de cette rédaction des “Canons apostoliques”. Bien d’autres éléments encore constituent la Tradition apostolique transmise par la succession des Synodes de l’Église. Elles les a explicités progressivement, à mesure que se posaient des questions dogmatiques ou pratiques.

« C’est ainsi que vers 390 saint Basile donnait pour exemple de traditions non-écrites : le signe de Croix, la prière faite tournée vers l’Orient en signe d’attente eschatologique, les rites du Baptême et de la Chrismation, et la conclusion de toutes les prières par une louange adressée aux trois Personnes de la Trinité (ce qui lui permettra d’écrire un ouvrage pour affirmer que le dogme trinitaire fait partie de la Révélation ; or il s’agit d’une Révélation non-écrite) : il cite aussi l’invocation de l’Esprit-saint faite sur le pain et le vin offerts, c’est-à-dire le texte de l’anaphore, élément central de l’Eucharistie, dont saint Basile nous a d’ailleurs laissé une transcription, que nous appelons la Liturgie de saint Basile.

« Et pour saint Basile la Tradition non-écrite est même plus vaste que la Tradition écrite (l’Écriture sainte), et elle la contient puisque c’est la première qui a fixé la liste des livres figurant dans l’Écriture sainte, le “Canon des Écritures”. C’est en effet la Tradition non-écrite de l’Église qui confirme pour notre usage, qui nous certifie et nous définit le texte même de la Sainte Écriture.

« Mais dès la fin du IIème siècle, vers 190, le disciple des disciples du Christ, saint Irénée, évêque de Lyon, s’était déjà exprimé sur ce sujet dans les termes que voici :
Ainsi donc la Tradition des Apôtres, qui a été manifestée dans le monde entier, c’est en toute Église qu’elle peut être perçue par tous ceux qui veulent voir la vérité. Et nous pourrions énumérer tous les évêques qui furent établis par les Apôtres dans les Églises, et leurs successeurs jusqu’à nous.
« Et un peu plus loin il ajoute :
S’il s’élevait une controverse sur quelque question de minime importance, ne faudrait-il pas recourir aux Églises les plus anciennes, celles où les Apôtres ont vécu, pour recevoir d’elles sur la question en cause la doctrine exacte ? Et à supposer même que les Apôtres ne nous eussent pas laissé d’Écriture, ne faudrait-il pas alors suivre l’ordre de la Tradition qu’ils ont transmise à ceux à qui ils confiaient ces Églises ?
« Saint Irénée venait de la région de Smyrne, où il avait connu saint Polycarpe et les Églises les plus anciennes de l’histoire.

« Sous le nom de Tradition, il faut également comprendre la réception dans l’Église des principes fondamentaux de sa structure, principes qui ont été posés par le Fondateur de l’Église Lui-même, remis aux Apôtres dans un enseignement intérieur qui n’est pas l’objet du Nouveau Testament, et transmis par les Apôtres aux premiers évêques des Églises qu’ils ont créés : c’est eux qui ont organisé l’Église et qui ont indiqué sur des points précis comment l’Église doit être gouvernée, et le Concile de Nicée a reconnu dans le texte appelé “les Canons apostoliques” l’expression exacte des consignes transmises par les Apôtres aux tout premiers évêques. Il y avait donc dans l’Église, dès les origines, à côté du texte de l’Écriture sainte, un ensemble précis de doctrines et de préceptes et de textes liturgiques qui constituaient la Tradition non-écrite, transmise par voie orale d’évêque en évêque.

« C’est alors que s’éclairent pour nous les allusions à cette Tradition qui se trouvent dans le Nouveau Testament. C’est ainsi que l’apôtre Paul écrit à Timothée pour lui rappeler les paroles par lesquelles il lui a dit comment bien exercer son gouvernement; et qu’en lui rappelant ce qu’il lui a indiqué, il lui recommande de le transmettre de même à des hommes fidèles qui soient capables d’en instruire encore d’autres. Dans leurs épîtres, les Apôtres disent aux évêques comment ils doivent gouverner les Églises. C’est ainsi que les plus importantes des institutions qui régissent la structure et de la vie de l’Église y ont été gardées par une tradition ininterrompue, d’un évêque à l’autre.

« Revenons donc à saint Basile, qui nous définit l’importance de la Tradition :
Parmi les dogmes que nous conservons dans l’Église, une partie d’entre eux nous sont parvenus par l’intermédiaire de la Tradition écrite, mais pour le reste nous les avons reçus dans le mystère de la Tradition qui nous a été transmise depuis les Apôtres. […] Si en effet nous entreprenions de rejeter les traditions non-écrites, sous prétexte qu’elles seraient sans valeur, nous porterions atteinte, même si c’était sans nous en apercevoir, à des points essentiels de l’Évangile, et plus même nous viderions de tout contenu le nom même de la prédication catéchétique (qui se fonde, elle sur la Tradition écrite). […] J’estime d’ailleurs que rester fidèle aux traditions non-écrites est également conforme au précepte de l’Apôtre, car il dit : Je vous loue de ce qu’en tout vous vous souvenez de moi et que vous gardiez les traditions telles que je vous les ai transmises.
« Par exemple c’est en se référant à la Tradition, confirmée par l’autorité des plus anciennes Églises, comme le conseillait déjà saint Irénée, que saint Basile tranche un délicat problème concernant la manière de recevoir dans l’Église les membres des groupes qui s’en sont écartés. Il est le premier à expliciter cette règle, qu’il attribue à la Tradition apostolique, selon laquelle on doit respecter le geste du Baptême qu’ont conféré certains non-orthodoxes, ceux qui ont procédé en observant les règles traditionnelles. Certes leur Baptême n’a pas de valeur et n’a pas pu apporter la Grâce, mais l’Église orthodoxe pourra et devra apporter cette Grâce à un Baptême nul, en donnant la Chrismation, c’est-à-dire l’onction des dons du Saint Esprit, normalement donnée après le Baptême.

« Ce n’est qu’un exemple des préceptes que la Tradition transmet aux pasteurs des Églises, c’est-à-dire les évêques. Dans l’Église, la transmission de la foi est toujours assurée, garantie, confirmée par les saints Mystères que l’Église distribue, dont le centre est l’Autel de la célébration eucharistique, c’est-à-dire par l’évêque au centre de l’Église locale, et par la communion des évêques réunis en synode.
Nous demandons que l’on fasse dans l’Église tout ce qui nous est transmis par les saintes Écritures et les traditions apostoliques
dit le Concile de local de Gangres quelques années plus tard, plaçant donc l’autorité de la Tradition à égalité avec celle de la Sainte Écriture. Constamment les Conciles œcuméniques souligneront cette importance de la Tradition dans leurs canons, prescrivent que personne n’ose introduire quoi que ce soit de nouveau contre l’enseignement traditionnel de l’Église, afin que l’enseignement fondamental ne soit pas corrompu de cette manière. Dans son canon 7, le VIIème Concile œcuménique ordonne, après l’agitation qui avait été introduite dans l’Église par les tentatives de réformes des iconoclastes, que tout ce qui a été supprimé dans l’Église doive être restauré et remis en vigueur selon la Tradition écrite et orale, et qu’il faut déposer quiconque enfreint la Tradition ecclésiastique.

« C’est donc de la Tradition non-écrite qui a été remise par les Apôtres aux premiers évêques des Églises qu’ils avaient fondées, que l’Église tient cette dimension sacramentelle qui la distingue radicalement de toutes les institutions humaines, même de celles qui sont pieuses. C’est la Tradition non-écrite qui enseigne à l’Église comment elle doit baptiser, comment elle doit oindre les nouveaux baptisés du don du saint Esprit, célébrer l’Eucharistie, ordonner les évêques et les prêtres, et les paroles de ces saints Mystères qui ont joué un rôle capitale dans la formulation de la foi, et c’est aussi cette Tradition qui fixe les règles de fonctionnement de l’institution ecclésiale.

« Dans cette Tradition qui exprime la totalité de la vie de l'Église orthodoxe on trouve aussi tout le combat spirituel que doit livrer chaque chrétien pour reconquérir sa vie spirituelle. En particulier les commentaires du Notre Père montrent que les trois dernières demandes expriment exhaustivement le combar spirituel que doit livrer tout homme dans la situation d'après la chute, et la nécessité du repentir dans lequel l'homme doit demander au Père de lui remettre ses dettes, car il n'est point d'homme qui vive et qui ne pèche point, et c'est pourquoi nous demandons aussi au Père qu'il nous garde de consentir à la tentation du Malin.

« Maintenant, à côté de la réalité de l'Église, les histoires de complots secrets n'ont vraiment pas d'importance. Que Dieu se lève, et ses ennemis seront dispersés. »

Je voudrais seulement ajouter une chose au texte que je viens de recopier, c’est que pour notre mentalité moderne intellectualiste, les textes des saints Mystères (par exemple les anaphores de saint Basile et de saint Jean Chrysostome) et de l’hymnographie (par exemple les tropaires des fêtes de la Mère de Dieu) seraient la traduction poétique des conceptions dogmatiaues. Il en serait de même des textes canoniques, qui ne feraient que traduire dans la pratique l’ecclésiologie orthodoxe.

Il n’en est rien. Le combat que les Pères de l’Église livrèrent pour exprimer les dogmes christologiques et sotériologiques s’inspirait de l’expérience qu’ils avaient de la pratique de l’Église dans les saints Mystères, dans leurs paroles et dans leur discipline telles qu’elles leur avait été transmises par la Tradition apostolique. Les Pères ont combattu, non seulement pour l'expliciter, mais pour lui conserver son unité, en sorte qu'on ne peut pas dire qu'il y aurait une “tradition byzantine” à côté d'une “tradition latine” et d'une “tradition orientale”, voire d'une “tradition slave” etc.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
Claude le Liseur
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Re: les canons

Message par Claude le Liseur »

Ploscaru Mihaela a écrit :merci Claude et pardon, félicitations en retard pour vos fiançailles et beaucoup d'années !
effectivement, il y a un passage sur le calendrier. Je serais désireuse de connaitre la profession de foi que vous me proposez, merci d'avance; aussi, ne doit-on obéir aux canons locaux que dans la mesure où ils auraient été reconnus par des conciles oeucuméniques ?! ou l'obéissance est-elle requise quoiqu'il en soit ?!
Chère Mihaela,

Merci beaucoup pour vos voeux et excusez-moi pour mon retard.
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