S.O.S. ! la Prédestination ?

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eliazar
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S.O.S. ! la Prédestination ?

Message par eliazar »

Bravo - et un grand merci! - pour la mise en exergue de l'icône de Blandine, sans doute la première sainte martyre (témoin) du "priez sans cesse et demeurez toujours dans la Joie".

J'ai une question urgente, qui ne peut pas attendre le retour des absents.

Un ami, actuellement en proie à des tentations de toutes sortes, me pose la grande et délicate question de la prédestination, et je constate que je n’ai d’autre réponse pour lui que celle de ma foi, ma confiance pour ainsi dire « infuse » en ce que le Christ notre Sauveur est venu dans le monde non pour condamner, mais pour sauver – et que le Père ayant remis tout jugement entre Ses mains, ce Jugement aura donc pour effet irrépressible de nous sauver. Et que venu pour tous, Il ne sera empêché de nous sauver tous que par le seul refus d’être sauvés que pourra Lui opposer le libre-arbitre de certains d’entre nous.
... ou encore que le Feu auquel une bonne partie d’entre nous sera envoyée est ce même Feu de l’Amour divin qui a pour essence de nous purifier et de nous rendre perméables à ce même Amour, et de nous rendre aptes à le renvoyer (en un échange incessant) à sa source originelle pour le recevoir à nouveau, et tout ceci en un perpétuel mouvement de « circulation » de cet Amour – qui est diffusif de soi à l’infini. Et que ce Feu éternel n'est donc qu'un Feu curatif dont la douleur qu'il cause est appelée à se résoudre dans la Joie de la seconde naissance, et qui ne brûlera que pour un temps (le temps nécessaire à nous cautériser ) ceux que de toute manière il « justifiera » in fine – à la manière dont le « vil métal » est « changé en or pur » après avoir été éprouvé et purifié au creuset.
Ce qui (me) renvoie parallèlement à la réponse faite par Jésus à la Samaritaine Photinie à propos de l'Eau Vive qui découle du sein de Dieu et rejaillit du sein de celui qui l'a reçue (Jean 4, 13-14) - une promesse absolue, et irrévocable puisqu'elle a été proférée deux fois: cf Jean 7, 37-38.

Mais tout ceci n’est pour moi, qui ne suis pas théologien, qu'une certitude intérieure qu’il m’est difficile d’expliciter de manière raisonnable, et sans courir le risque de tomber dans des inexactitudes qui pourraient ouvrir la porte de mon ami, par ma faute, sur de nouveaux abîmes. Parce que mon manque de connaissance doctrinale risque sans cesse de me faire employer des notions mal à propos ou inadéquates, ou encore de me faire renvoyer à des catégories (ou de me laisser utiliser des termes) plus ou moins inapproprié(e)s.

J’ai donc un besoin sérieux (et assez urgent) d’aide. Qui va pouvoir me communiquer le ou les textes (patristiques) capables d’éclairer avec sûreté, par exemple, Romains 8, 28-30 :


« Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui L’aiment, ceux qui sont appelés conformément à Son dessein. Car ceux que d’avance Il a connus, Il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de Son Fils, pour qu’Il soit un premier-né parmi beaucoup de frères ; ceux qu’Il a prédestinés, Il les a aussi appelés ; et ceux qu’Il a appelés, Il les a aussi justifiés ; ceux qu’Il a justifiés, Il les a aussi glorifiés… »

Merci d’avance Éliazar
christian
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Message par christian »

Je ne sais si cela éclairera le débat, mais j'ai trouvé dans Jean et Barsanuphe les écrits suivants qui peuvent donner un autre éclairage à ce thème de la prédestination.




"Il faut aussi remarquer que souvent Dieu dans les divines Ecritures a parlé de ses serviteurs, et que c'est le contraire qui semble leur être arrivé. Par exemple Dieu dit : " je glorifierai ceux qui me glorifient" ( I R 2, 30), et nous constatons que certains saints jusqu'à leur mort ont vécu dans des humiliations et des afflictions nombreuses. Pouvons-nous donc dire que ceux-là, Dieu ne les a pas glorifiés? Tout au contraire, il les a glorifiés à l'excès ; mais ceux qui ne regardent pas des yeux du coeur ne voient pas leur gloire. Car c'est par cette endurance que Job a été glorifié."
" De même ce qui arrive aux autres saints est pour le bine de ceux qui les approchent. Et que dire des hommes alors que le Sauveur lui-même prie en ces termes : " Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi!" ( Mt 26, 39 )? En entendant cela les apôtres ne furent-ils pas scandalisés, ignorant que, selon un dessein providentiel, cela était pour le bien de tous les hommes?"

" Il n'est pas bon en tout cas de prendre l'initiative de demander d'être guéri d'une maladie, lorsque tu ignores si cela te sera utile, mais il faut abandonner la chose à celui qui a dit : " Votre Père qui est dans les cieux sait ce dont vous avez besoin avant que vous le lui demandiez " ( Mt 6, 8 ). Prie donc Dieu en ces termes . " Seigneur, je suis dans tes mains, aie pitié de moi selon ta volonté. Si cela m'est utile, hête-toi de me guérir." Demande aussi aux saints de faire la même prièreet crois sans le moindre doute que Dieu fera ce qui t'est utile. Rends-lui grâces en toutes choses, te rappelant le précepte de l'Apôtre : " En tout rendez- grâces " ( 1 Th 5, 18 ) et tu t'en trouvera bien d'âme et de corps."

Barsanuphe et Jean de Gaza
eliazar
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Prédestination

Message par eliazar »

Cher Christian, merci d’avoir essayé de répondre si vite.

Cependant, si ce texte de Barsanuphe et de Jean est utile, il ne concerne pas en effet le mystère de la prédestination, et ne répond pas à la question posée par les fausses lectures de ces deux versets de l’Épître aux Romains. Je sais que certains théologiens, notamment dans l’église de Rome, en ont déduit une idée qui me semble aussi folle que celle de l’Immaculée Conception de la Toute-Sainte : que Dieu créerait des hommes qu’Il pré-destine à la mort éternelle, et d’autres à la vie dans Son Royaume. Un peu comme un fabricant de soldats de plomb en fabriquerait avec un uniforme napoléonien et d’autres avec un uniforme de la guerre de 14-18. Alors que de toute évidence, Il n’est pas un fabricant d’objets finis, mais notre Père, qui donne la Vie à des enfants et observe leurs moindres mouvements, intérieurs et extérieurs, avec un continuel émerveillement, se réjouissant de leurs découvertes et de leurs premières réussites (si naïves fussent-elles) et s’inquiétant avec amour de leurs échecs, et des dangers qu’ils peuvent courir. Non qu’Il ait besoin de chercher à deviner ce qu’ils deviendront, mais parce que son Amour est prévenant, comme celui du père qui veille avec passion sur la croissance du petit être fragile qui doit traverser tant d’épreuves avant d’atteindre à la plénitude de son âge.

C’est dans ce sens que le prologue du Livre de Job, et la conversation entre Dieu et Satan, sont si fortement émouvants, et qu'on ne peut les lire sans avoir la gorge serrée.

Peut-être est-ce parce que je suis né myope, et que j’ai traversé une grande partie de mon enfance à voir le monde sous l’aspect de taches aux couleurs et aux contours indéfinis (qui cependant me suffisaient à distinguer ma mère d’un mulet - et par un processus cognitif de nature somme toute approchante, à distinguer aussi les deux formes d’amour qui me portaient vers l’une ou vers l’autre) j’ai de la peine à comprendre pourquoi des théologiens éprouvèrent le besoin de chercher à en savoir davantage. Cétait là l’essentiel, et il me semble aujourd'hui encore que chercher davantage est une perte bien inutile de temps et d’énergie. Un peu comme ces questions absurdes des amoureux qui se demandent pourquoi ils s’aiment , et "combien", et si c'est ou non pour toujours !
Pour celui qui aime Dieu, il va de soi que Sa seule existence est en soi une telle source jaillissante de joie qu’il importe bien peu de savoir si l’on sera sauvé ou pas : le seul fait de pouvoir l’aimer est déjà le Royaume, et ce Royaume est en effet déjà en nous. Même si nous devions disparaître à notre mort physique, quelle importance ? Un seul instant où nous avons été admis à percevoir Sa présence - et à L’aimer d’une manière aussi absolue qu’il est possible à notre nature encore imparfaite – contient déjà toute l’éternité de l'Amour ; tout le reste d’une vie n’est plus qu’attente paisible de ce qui va nous advenir demain. C'est comme pour la lecture d'un roman, ou la visualisation d'un film : curiosité et non vraiment désir, car dans le cas de l'Amour partage (ou plutôt "participé) de Dieu, le désir a été comblé une fois pour toutes et son seul souvenir est, à chaque fois, le reflet suffisant du paradis.

Seulement, la question que m’a posée cet ami - que j’aime beaucoup, peut-être à cause des tourments aberrants dans lesquels il se plonge lui-même sans arrêt, faute d’avoir trouvé déjà la paix – m’a donné l’envie de savoir ce que les Pères en avaient dit. Car ils n'ont rien dit sans raison, et cette raison (pour eux qui n'avaient plus besoin d'expliquer quoi que ce soit) était de nous instruire.

Le texte que vous m’avez envoyé me semble répondre surtout à une question inférieure, qui est simplement d’ordre pédagogique : comment est-il mieux de prier, et que vaut-il mieux demander ou ne pas demander. Naturellement, si je dis « inférieure », ce n’est pas dans l’ordre d’une (im)possible « qualité », mais dans l’ordre des degrés « progressifs » de notre vie de prière ; ou pour mieux dire : de notre perméabilité à la Prière qui vit au fond de notre cœur, et qui est la présence du Saint Esprit brûlant inaperçu en nous – ce Feu invisible qui nous donne et qui entretient la Vie, et dont la privation nous réduit à un état de « choses », et non « d’être(s) » ; bien proches de la mort.
… Le sommet de cette montée du Mont Carmel (comme disait Juan Yepez) étant de ne plus rien demander du tout - absorbés que nous serons tous, je l’espère bien, par la contemplation de ce que l’on ne voit pleinement que lorsqu’on est assis sur ce sommet.

Donc, j’attends avant de répondre à mon ami d’en savoir un peu plus sur l’enseignement de l’Église. Et d’ici là, un grand merci à vous, Christian, pour avoir apporté la première pierre…
Éliazar
< Demeurons dans la Joie. Prions sans cesse. Rendons grâce en tout... N'éteignons pas l'Esprit ! >
christianc
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Message par christianc »

A l'incitation d'Eliazar qui m'a répondu sur ma boite personnelle
Je me permet de poster une réponse possible sur la question
de la prédestination..


Votre question m'ayant intrigué aussi je me permets de vous
communiquer l'adresse d'un site (page personnelle assez documenté
sur ce point),

Malheureusement en anglais : - le site est certainement d'origine
protestante évangélique - chez les protestants la controverse sur la
prédestination a fait rage en son temps ..

http://www.jarom.net/greekdad.htm

Si je résume l'argumentation :


JUSTIN MARTYR (c.100-165 A.D.)

IRENAEUS de Gaule (c.130-200)

ATHENAGORAS d' Athèness (2eme siècle)

THEOPHILUS d' Antioche (2ème siècle)

TATIAN de Syrie (2ème siècle tardif)

BARDAISAN de Syria (c.154-222)

CLEMENT d'Alexandria (c.150-215)

TERTULLIAN de Carthage (c.155-225)

NOVATIAN de Rome (c.200-258)

ORIGEN (c.185-254)

METHODIUS d' Olympe (c.260-martyr 311)

ARCHELAUS

ARNOBIUS de Sicca (c.253-327)

CYRIL de Jerusalem (c. 312-386)

GREGORY de Nyssa (c.335-395)

JEROME (c.347-420)

JOHN CHRYSOSTOM (347-407)


Ils concluent (page 244(3)) que en ce qui concerne le "libre
arbitre " trois thèmes récurrents sont trouvés dans les écrits
primitifs des pères :


1. Le rejet de la libre-volonté est une vue hérétique.

2. Le livre arbitre est un don de Dieu - car rien ne peut être - de
manière ultime - indépendant de Dieu.

3. L'homme possède le libre arbitre car il est fait à l'image de Dieu
et Dieu a la Libre Volonté..

Je ne connais malheureusement pas d'autre textes patristiques, Justin
Martyr semble clair :

Dialogue cxli

"God, wishing men and angels to follow His will, resolved to create
them free to do righteousness. But if the word of God foretells that
some angels and men shall certainly be punished, it did so because it
foreknew that they would be unchangeably (wicked), but not because
God created them so. So if they repent all who wish for it can obtain
mercy from God." Justin Martyr

"Dieu, Souhaitant que les hommes et les anges suivent Sa volonté, a
résoul de les créer libres de faire ce qui est droit. Mais si la
parole de Dieu prédit que quelques anges et quelques hommes seront
certainement punis, il l'a fait ainsi parce qu'il préconnaissait
qu'il seraient irrémédiablement (mauvais), mais non parce que Dieu
les avait crée ainsi. Aussi si ils se repentent tous ceux qui le
souhaitent peuvent obtenir la grace/pardon de Dieu"..


La doctrine de l'élection ne peut être assise sur un seul verset du
Nouveau Testament mais elle doit reposer sur l'ensemble du socle des
écritures et des l'enseignement de l'église..


Mes connaissances personnelles ne portant pas sur la patristique mais
sur le Nouveau Testament je n'irai pas plus loin que ce que je vous
écris..

Plusieurs positions existent sur la prédestination :
- doctrine de la double prédestination :
- Dieu soutient par grace ceux qui croient
- Il détermine aussi par avance ceux seront punis
- Doctrine de la prédestination "simple"
- Dieu soutient par grâce ceux qui croient et persévèrent
- Tout homme est libre d'accepter ou de refuser
ou de s'endurcir..

La prédestination n'est pas la pré-détermination ..

Je ne sais si cela répond à votre question ....

Si je peux me permettre je pense que nous confondons trop souvent la croyance avec la confiance..

- la foi est ancrée sur les articles de foi et de doctrine, c'est vrai ,
- la foi est aussi ancrée dans la confiance personnelle que l'on met en Dieu et en Jésus Christ..

A l'inquiétude manifestée par certains "peur d'être rejetés" par Dieu , j'aurais envie de réponde - Paraphrasant un des Pères du Désert..
(Evagre du Pontique ou Marc L'Ascète)

"Comment celui qui a traversé le ciel et a souffert ce qu'il a souffert en vue de la joie qui lui était offerte (Epitre aux Hébreux) rejetterait il celui qui vient à Lui ?"

"Cette joie c'était celle de sauver les pécheurs"..
christianc
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Message par christianc »

La contexte de l'épitre aux romains doit aussi être envisagé
En 62, Jacques a été lapidé sur l'ordre du grand-prêtre Anan. En 64, le christianisme était considéré par Néron comme une religion illicite, rendant passible de la peine capitale: les chrétiens n'étaient plus protégés par les privilèges dont jouissait la religion juive
Source Revue réformée
,

Cette épitre est écrite dans un contexte ou les persécutions contre la communauté chrétienne sont en train de monter.. (v 35..)

Il faudrait alors lire que dans le contexte de persécution que vivent les Chrétiens de Rome, Dieu est celui qui les soutient et spécialement son amour manifesté en Jésus Christ..


Romains 8:28 à 39..

28 Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.
29 Car ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l'image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.
30 Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.
31 Que dirons-nous donc à l'égard de ces choses? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?
32 Lui, qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?
33 Qui accusera les élus de Dieu? C'est Dieu qui justifie!
34 Qui les condamnera? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!
35 Qui nous séparera de l'amour de Christ? Sera-ce la tribulation, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l'épée?
36 selon qu'il est écrit: C'est à cause de toi qu'on nous met à mort tout le jour, Qu'on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie.
37 Mais dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.
38 Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir,
39 ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur.
La prédestination - à être semblable à Christ devient alors un élément positif et consolant, dans ce contexte de souffrances et de difficultés.. Il s'agit du Soutien que Christ manifeste aux croyants..
Jean Béziat
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prédestination (et astrologie)

Message par Jean Béziat »

Pour Eliazar, et aussi pour Lecteur Claude...

L’Orthodoxie muselée par les Franks (VIe s.)
1. Le brigandage d’Orange (529).
a) Réactions précoces contre Augustin en Gascogne.
Les derniers écrits d'Augustin étaient loin de faire l'unanimité en Gaule, à commencer par son De correptione et gratia, où l'évêque d'Hippone, sans reculer devant aucune des conséquences de son principe, ... admettait que tous les hommes n'avaient pas en partage le pouvoir d'arriver au salut, et, par conséquent, que Jésus-Christ n'était pas mort pour tous, ou, du moins, que l'écoulement de son sang n'arrivait pas jusqu'à tous. (...) Si tous n'allaient pas jusqu'à lui reprocher de nier le libre-arbitre et de faire de Dieu l'auteur du mal moral et de la damnation, on s'accordait unanimement à trouver que son système conduisait à une espèce de fatalisme dangereux pour la vie chrétienne. (Malnory, ‘’Saint Césaire d’Arles’’ ; 1894, p. 145-147)
En Gascogne, cette opposition à Augustin se laissa premièrement voir chez Orientius et Sulpice-Sévère. Le livre des Consultationes Zacchei et Apollonii, rédigé en 410-411 et dont l'attribution au cercle monastique de Sulpice-Sévère est aujourd'hui généralement reconnue (voir plus haut ; cf. "Sources Chrétiennes" n° 401-402), constitue un véritable pamphlet anti-augustinien (plus virulent encore que le Commonitorium de saint Vincent de Lérins), comme le montrent à l'évidence les passages que nous allons citer.
Dans le Livre I, chapitre 29 (§ 4-18), sur le thème de la synergie des volontés humaine et divine, opposée à la prédestination augustinienne, l'auteur fait dire à Zaccheus :
Si, par ailleurs, il existe une nécessité venant de la fatalité, ce qu'il n'est pas permis de croire, Dieu est soit ignorant, soit injuste à l'égard de la vie humaine : injuste, s'il constitue lui-même des biens et des maux pour ceux qui n'ont encore fait l'expérience de rien ; ignorant, s'il permet que cela soit décidé par un autre sans lui. Car si les gens de bien existent par nécessité, pourquoi attribue-t-on des mérites à la volonté ? S'il en va de même pour les méchants, pourquoi alors un châtiment pour les crimes ? Donc la loi est inutile et je ne sais pour quelle raison sont rédigés les codes de droit de ce siècle, si ce que l'homme a fait avec justice doit être considéré comme l'effet des évènements et ce qu'il a fait à tort comme celui de la nécessité. En outre, pourquoi ce même Dieu, qui est plutôt le créateur des biens, tantôt menace-t-il du jugement dans de si nombreux livres des Ecritures et tantôt promet-il la béatitude ? Que font les prières religieuses des hommes et à quoi sert une supplication ardente, si quelque puissance de la fatalité fixe aux hommes qui n'ont l'expérience de rien et qui viennent de naître ce qui ne peut pas être évité et qui est son bon plaisir ? (...) Sauf erreur de notre part, la principale préoccupation de certains, constituant toute leur religion, est de ne pas ignorer le futur. Qu'ils le veuillent ou non, ils deviennent dépendants de celui par qui ils ont eu ce savoir, car ils le croient ; et aussi longtemps qu'ils s'attachent à cela, ils s'éloignent de la foi et de la religion et, ce qui est encore plus terrible, on ne prend pas garde au mal qui se cache sous une apparence d'innocence aussi longtemps qu'on ne croit pas qu'il peut être évité, et s'il s'agit d'un évènement favorable, on ne le demande pas à Dieu, car on espère qu'il arrivera nécessairement. (...) Dieu ne fixe pas de malheurs aux innocents, et n'impose pas de lourdes charges à ceux qui n'ont fait l'expérience de rien. (...) Se trouvant ainsi pris entre la connaissance et la prescience du futur, le culte de Dieu et l'amour de la justice sont affaiblis chez les hommes, lorsqu'il faut croire que Dieu a fixé des maux à ceux qui naissent ou qu'il ne peut pas faire disparaître ceux qu'un autre leur a préparés .
Consacré au thème des démons, le chapitre 31 (§ 5-9) réaffirme hautement la nature libre et volontaire des créatures spirituelles elles-mêmes.
Le chapitre 32 (§ 3-8) élargit la discussion au thème du mal, et c'est ici que l'enseignement augustinien semble le plus clairement visé :
Dieu n'a rien fait de mal au plus profond de son oeuvre et rien de nuisible n'a été placé dans ces créatures, mais le mal est plutôt ce qui est l'objet des désirs de ces dernières, car toutes choses ont été faites afin d'être agréables et non de nuire. Mais Dieu donna d'abord aux anges, ainsi que, plus tard, aux hommes une libre volonté, sinon, ils n'auraient surpassé en rien la nature des animaux privés de la parole. Cela veut dire, comme je l'ai déjà dit dans le cas de l'homme, que pour des êtres placés dans une sorte d'état d'inertie et d'ignorance, soit tout serait permis, soit tout serait nécessaire. Est-ce que donc Dieu, qui est source de toute raison, allait se créer des ministres sans raison ? Et quel caractère rationnel aurait leur faculté de penser si leur volonté n'avait aucun pouvoir ? Enfin quels seraient l'obéissance et le culte rendus à Dieu, si des ordres qu'il donne ne découlait pas aussi une ressemblance entre lui et ceux qui le servent ? Et s'il faut, à cause du mal volontaire fait par chacun, accuser le Créateur - c'est là un propos sacrilège -, on peut l'accuser de tout de la même façon, car toutes choses ont été faites en vue d'un bon usage, et elles produisent des résultats mauvais si on veut les utiliser autrement. (...) Les mers n'ont pas été rassemblées pour provoquer des naufrages, et pourtant, quand les navires y pénètrent au mauvais moment, elles les font chavirer .
Le chapitre 33 (§ 8-10) récapitule en des termes non moins lumineux: Dieu, arbitre de nos mérites, nous regarde chaque jour combattre et contemple avec bienveillance la victoire remportée par la faiblesse de notre corps sur leurs embûches spirituelles (celles des démons). (...) Bien qu'il (Satan) entraîne dans la mauvaise direction des hommes maîtres de leur propre volonté, il en pousse pourtant de plus nombreux encore, devant lui, vers la demeure de Dieu, en éprouvant leurs vertus et leur foi. Tu vois donc que le diable et ceux qui sont associés à lui ont été conservés pour le jugement futur par la Providence de Dieu avec même une certaine utilité pour les hommes : ce fut afin que la longanimité du Créateur donnât à ceux qui ont chuté l'occasion de faire pénitence et que, au cas où ces délais accordés par l'indulgence divine ne leur auraient servi à rien, ils fussent condamnés plutôt par leur propre sentence que par celle de Dieu.
Le Livre III n'est pas en reste. Consacré au plus haut degré de la vie chrétienne, c'est-à-dire au monachisme, il se termine comme le Commonitorium de saint Orens par une note eschatologique :
Le commandement ancien veut que la terre se remplisse par la procréation, mais le commandement nouveau que la continence et la virginité remplissent le ciel ; toutefois, la virginité n’est pas ordonnée de façon à être le produit d’une contrainte, mais préconisée de manière à dépendre de notre volonté. (ch. 5)
L'abandon de la foi chez l'homme et l'immensité de ses péchés pousseront ces évènements à arriver ; ils ne sont pas décrétés comme par une quelconque nécessité, mais une prescience les a annoncés, comme le révèle l'Ecriture parlant des Amorrhéens : Les péchés des Amorrhéens, est-il dit, n'ont pas encore atteint leur comble (Gn.; 15, 16). Daniel de même, parce que la pleine mesure des fautes doit encore venir, a garanti que la consommation de toutes choses la suivrait. (ch. 7, § 4).
Osons le dire : les Consultationes Zacchei et Apollonii de (?) Sulpice-Sévère sont un véritable réquisitoire contre Augustin et son prédestinatianisme.
Saint Orens d'Auch, tout comme Sévère et cet autre aquitain qu’était Paulin de Nole, ne semble guère avoir agréé le bavardage augustinien, tant dans les Fragmenta qui lui sont attribués (Laudatio, 8-9 ; Oratio XXIV, 21-22) que dans son grand ‘’Poème’’ ou Commonitorium (rédigé vers 409-410).
Le ‘’Livre 1’’ voit ainsi Orientius expliquer que, si Dieu nous accorde le premier des dons qui est la vie, c’est ensuite à l’homme de faire fructifier ce bien par ses propres actes :
La première vie, c’est l’unique naissance qui d’abord se donne à tous ; la seconde, nous l’obtenons par nos travaux et par nos propres mérites. Il n’est en notre pouvoir, ni de naître, ni de vivre longtemps ; la vie présente peut (cependant ) préparer la vie future. Mais bien que nous assumions l’une et l’autre, Dieu voulant, et que ni l’une ni l’autre ne nous advienne si Dieu ne le veut ainsi, la première est portée au déclin par un cycle rapide, celle qui la suit nous est donnée pour toujours. Nous venons dans la première étrangèrement à tout mérite, l'autre vient à nous acquise par un labeur extrême. (Vv. 49-58)
Et pourtant ce Dieu qui détient tout être, n’exige rien ; il suffit, serviteur aimé, que tu aimes ton Maître. (Vv. 169-170)
Les partisans d’Augustin affirmaient que Dieu n’était venu sauver qu’une partie de l’humanité, les élus , prédestinés à la félicité éternelle. C’est un tout autre discours que tient l’évêque d’Auch :
Et ne crois pas que ces préceptes invitent une portion seule de l’humanité à prendre les droits sentiers de la vie. (Vv. 443-444)
La femme, elle aussi, acquiert sa gloire ou mérite sa peine . (V. 446)
L’envie, agitée par d’implacables ardeurs, avait, hélas, précipité dans un véritable crime tous les hommes, en sorte qu’ils en étaient non point à ignorer, mais à ne vouloir pas croire que l’homme dût être alors glorifié par le Seigneur. (Vv. 479-482)
Et, si les biens te manquent, offre des souhaits, car, devant Dieu, la volonté ne périra pas, lors même que celui qui désire le bien-vouloir ne peut l’accomplir (Vv. 590-592).

Dans le ‘’Livre 2 ‘’, Orientius exhorte son lecteur à observer ses conseils, afin que les mérites de ta vie te rapprochent de Dieu (v. 12). Plus loin, s'inspirant de la Première Epître aux Corinthiens (9, 24), il ajoute :
Oui, ce labeur est grand, mais un grand salaire lui est réservé ; celui qui espère une récompense, qu’il fuie la paresse. Nul ne remportera la palme, s’il n’a combattu d’abord ; c’est au vainqueur, et à nul autre, qu’on accorde la flatteuse couronne. (Vv. 89-92)
Quant à la rétribution finale, nous dit à son tour saint Orens, ce sera une peine en rapport avec les actions (v. 274) ; dans l’éternité chacun se verra frappé d’un châtiment en harmonie avec ses fautes (vv. 291-292) ; bientôt, présidant à son éclatant tribunal, avec la même chair qu’il avait apportée au ciel, glorifiant l’homme, (Dieu) déroulera tout ce qui advint dans les siècles écoulés... (Vv. 369-371.)
Et Orientius de faire prononcer au Juge les paroles ultimes, ici adressées à la troupe des justes :
Reçois la rétribution que, sachant les mérites et la vie future, le Père te donne maintenant, mais que depuis longtemps il préparait. (Vv. 383-384).
Sous la plume des traducteurs français, bien évidemment, cette dernière phrase se retrouve défigurée : le Père "prédétermine" les mérites et la vie future...
Enfin, comme pour bien montrer que Dieu ne nous prédestine pas arbitrairement au salut, mais qu'il demande la collaboration de notre volonté, l'évêque d'Auch clôt son ouvrage par cette exhortation :
Si tes oreilles transmettent à ton âme, et qu’elle garde fidèlement empreintes les choses renfermées dans mes écrits, je le dis avec assurance, tu seras reçu dans les cieux, tu briseras les lourdes chaînes de la cruelle mort, et, d’enfant de la géhenne que tu étais d’abord, tu deviendras enfant du Dieu souverain. (Vv. 397-401).
Certes Orientius, comme Paulin de Nole, était loin d'être pélagien. Mais son oeuvre, comme celle de Sulpice-Sévère, ignore superbement le soi-disant génie sublime du prétendu "Docteur de la grâce".

b) Saint Fauste et les conciles de 470-475 : condamnation orthodoxe de la doctrine prédestinatianiste d’Augustin d’Hippone.
Les milieux provençaux, où rayonnaient les centres monastiques prestigieux de St. Victor (Marseille) et surtout de Lérins, étaient restés fidèles à la saine doctrine sur la grâce, réaffirmée par saint Jean Cassien, saint Honorat, saint Hilaire d’Arles et saint Vincent : La ferveur de l'homme ne suffit pas sans le secours de la grâce divine, et la grâce à son tour ne nous est d'aucun avantage sans la bonne volonté (Saint Jean Chrysostome, Homélies sur l’Evangile de Matthieu ; 82 ; 11, 4). Seul Augustin d’Hippone, relayé par son lieutenant Prosper d’Aquitaine, professait une doctrine opposée : le prédestinatianisme. Saint Fauste de Riez, issu de Lérins, eut à combattre vers 470-475 les théories prédestinatianistes du prêtre Lucidus ; Lucidus, à la suite d’Augustin d’Hippone, affirmait que l’homme est prédestiné au salut ou à la perte, et que la grâce divine seule peut sauver, niant toute nécessité du libre-arbitre humain et de la synergie des deux volontés, divine et humaine. Saint Léonce, évêque d'Arles, convoqua un concile pour démêler l'affaire. Rejetant la tradition patristique, Lucidus enseignait avec Augustin et Prosper que le Christ n'est pas mort pour tous les hommes et qu'il ne voulait pas le salut de tous : si en effet Dieu prédestine certains hommes à la perte, le Christ n’a pas pu venir dans le monde pour sauver tous les hommes. Fauste proposa 6 anathèmes, auxquels Lucidus était appelé à souscrire (cf. Hefele-Leclercq, "Hist. des Conc.", 1908; pp. 908-912). Le 6me anathème concernait justement la théorie augustinienne sur la volonté salvifique de Dieu, à laquelle Lucidus tenait tant (à savoir : Dieu désire-t-il vraiment sauver tous les hommes ?) Lucidus refusa d’y souscrire. Le concile donc le condamna avec sa théorie. Lucidus cependant se soumit ensuite dans une lettre adressée aux très saints maîtres et révérendissimes Pères dans le Christ présents au concile de 470-475, Fauste compris (cf. Munier, Concilia Galliae, 1963; p. 159; Hefele-Leclercq, op. cit., 1908; pp. 910 et 911) -.
Fauste publia à cette époque les deux livres de son De Gratia, où il rejette, avec un luxe de citations scripturaires, tant les erreurs de Pélage que celles d'Augustin, qui bien que considéré par l'évêque de Riez comme un saint homme, n'en était pas moins selon lui suspect en regard des plus grands docteurs (De gratia ; 2, 10). De nouvelles erreurs ayant ensuite été découvertes chez Lucidus, un nouveau concile dut être convoqué, vers 475, à Lyon. Fauste y assista. Le saint archevêque Patiens de Lyon présenta à ce concile un livre, De ecclesiasticis dogmatibus . L'auteur en était un disciple marseillais de Fauste, Gennade. Il fut décidé que ledit ouvrage serait ajouté au De Gratia, afin de parachever ce monument (cf. Hefele-Leclercq, op. cit., 1908; p. 912). Gennade, dans ce livre, reconnaît la nécessité de l'aide divine dans l'oeuvre du salut, mais soutient que, dans sa bonté à notre égard, Dieu veut que nous ayons l'initium salutis.


c) Le ‘’Brigandage’’ d’Orange.

Césaire d'Arles, exilé à Bordeaux de 503 à 506 pour cause d'anti-arianisme par le roi wisigoth Alaric-II, avait été moine à Lérins, tout comme Fauste de Riez et Honorat d’Arles. Cela ne l'empêcha pas d'écrire un De Gratia et libero arbitrio où il défendait la doctrine d'Augustin et réfutait l'ouvrage de saint Fauste portant le même titre. Le pape Félix IV, dans une lettre particulière, loua le livre de Césaire et chercha à le répandre. Cet ouvrage est aujourd'hui perdu. Césaire alla même jusqu'à dénoncer de prétendues intrigues des Lériniens en Gaule, et demander à l'évêque de Rome son secours pour éradiquer ce qu'il voyait comme une erreur. Dans sa réponse, Félix IV envoya une série de capitula, dont quelques uns étaient extraits mot à mot des écrits d'Augustin (et en partie des "Sentences" de Prosper d'Aquitaine) ; mais dans sa préface, le concile réuni en 529 à Orange les attribua aux antiqui Patres, pour l'unique raison que Léon 1er, Gélase et Prosper avaient repris ces mêmes propositions d'Augustin (souvent en se servant des mêmes termes). Binius et d'autres savants, en particulier les bénédictins de St. Maur, ont presque partout découvert les passages d'Augustin d'où avaient été tirés les capitula du concile d'Orange. Ces 25 capitula sont insérés dans le procès-verbal, mais il est probable que le concile y a rajouté et retranché (cf. Malnory, op. cit., 1894, p. 152 : La liste adressée de Rome en contenait un plus grand nombre. Césaire s'est attribué le droit de supprimer ceux qu'il trouvait inopportuns ; tels furent ceux qui avaient trait à la prédestination.) Un manuscrit de St. Maximin de Trèves contient 19 capitula sancti Augustini envoyés, dit-on, de Rome (Labbe, Concilia , t. 4, col. 1676; Maassen, Concilia aevi merov., 1894, p. 44, note 3) : comme ils sont, sur plusieurs points, identiques à ceux d'Orange, on peut penser que c'est une copie de l'original envoyé de Rome. Hefele et Leclercq ("Histoire des Conciles", Livre XIII; 1908 ; p. 1089-1092) font la remarque suivante sur ce concile qui, le premier en Gaule, rendit une décision en matière de foi, et qui vit la polémique sur la "synergie" se localiser non en Orient ou en Afrique, mais en Gaule :
Non que le pélagianisme eut fait beaucoup d'adeptes dans ce pays. Au contraire, nulle part la doctrine du péché originel et de la nécessité de la grâce n'eut une aussi grande unanimité.
On voit bien là où pèche le raisonnement du papisme : pour lui la doctrine orthodoxe de la "synergie" n'a pu que dériver du pélagianisme, alors qu'en réalité elle lui préexistait. Pour ces "théologiens", toutes les questions relatives à ce problème avaient été résolues par saint Augustin, (...) coryphée de l'Eglise latine... (op. cit., p. 1090.) Aussi, loin d'être l'héritier de la tradition patristique, saint Jean Cassien, présenté comme l’’’instigateur’’ du semi-pélagianisme, n'est considéré par eux que comme un théologien qui cherchait une voie moyenne entre l'absolutisme augustinien touchant la nécessité de la grâce antécédente et l'absolutisme pélagien remettant tout au pouvoir de l'homme .
Réduire ainsi la pensée de Jean Cassien à la seule ambition de construire un pont entre deux doctrines diamétralement opposées, voilà qui s'avère être non seulement une vision simpliste des évènements, mais encore une grossière bévue historique. Cette vision faussée des choses remonte à ce lettré aquitain, Prosper, qui, ayant eu connaissance des écrits de Cassien, les avait signalés à Augustin vers 429. Ce dernier, mort en 430, avait laissé à ses disciples le soin de défendre sa doctrine, et Prosper se tint pour le fondé de pouvoirs authentique du "docteur" disparu (cf. Pro Augustino responsiones ad excepta quae de Genuensi civitate sunt missa ; Pro Augustino responsiones ad capitula objectionum vincentianarum ; Pro Augustino responsiones ad capitula objectionum Gallorum).
Le concile d'Orange se tint sur ces bases, et il faut le croire dicté par l'importance de l'opposition à la doctrine hérétique d'Augustin, laquelle opposition n'avait guère faibli, un siècle exactement après la polémique initiale.
Césaire d'Arles présidait le "brigandage" de 529 ; signèrent après lui : Julien, évêque de Vienne ; Constance, évêque ; Cyprien, évêque de Bordeaux ; Eucher, évêque ; Heraclien, évêque de Toulouse ; Principe, évêque ; Philagre, évêque ; Maxime, évêque ; Prétextat, évêque ; Astère, évêque ; Lupercien ou Lupicin, évêque d'Angoulême ; Vindémial, évêque ; Pierre, Marcellin, Félix, Libère ; les très illustres préfets du prétoire des Gaules et les patrices : Syagre, consul. Opilion, consul. Pantagate, consul. Déodat, consul. Cariatto, consul. Marcel, consul.
Les 25 "canons" édictés à Orange sont les suivants (la version utilisée est l'édition de 1642 des Cassiani Opera, d'après le manuscrit Cod. Parisiensis Lat. 1451 ; les annotations entre parenthèses sont les variantes de l'"Histoire des Conciles" de Hefele & Leclercq, 1908) :

1. Si quis per offensam praevaricationis Adae non totum, id est secundum corpus et animam, in deterius dicit hominem commutatum, sed animi (animae) libertate illaesa durante corpus tantummodo corruptioni credit obnoxium, Pelagii errore deceptus adversatur Scripturae dicenti : Anima quae peccaverit ipsa morietur (Ez. ; 18) ; et : Nescitis quoniam cui exhibetis vos servos ad oboediendum, servi estis ejus cui oboeditis (Rom. ; 6 . (4.)) ? et : A quo quis superatur, ejus et servus addicitur (II-P. ; 2).

Ce "canon" dit en résumé : "le péché d'Adam n'a pas seulement nui au corps, il a aussi nui à l'âme de l'homme." On trouve quelque chose de très semblable chez Augustin, De nuptiis et concupiscentia, II, 34.

2. Si quis soli Adae praevaricationem suam, non et ejus propagini adserit nocuisse aut certe mortem tantum corporis, quae poena peccati est, non autem et peccatum, quod mors est animae, per unum hominem in omne genus humanum transisse testatur, injustitiam Deo dabit, contradicens Apostolo dicenti : Per unum hominem peccatum intravit in mundo et per peccatum mors, (et ita) in omnes homines (mors) pertransiit, in quo omnes peccaverunt (Rm.; 5).

En résumé : "le péché d'Adam n'a pas seulement nui à son auteur, mais aussi à sa postérité, et non seulement la mort du corps, mais encore le péché, c'est-à-dire la mort de l'âme, est entrée dans le monde par un seul homme." C'est exactement ce que l'on trouve dans un écrit d'Augustin, Contra duas epistolas pelagianorum ; IV, 4.

3. Si quis invocatione humana gratiam Dei dicit posse conferri, non autem ipsam gratiam facere, ut invocetur a nobis, contradicit Isaiae prophetae vel Apostolo idem dicenti : Inventus sum a non quaerentibus me ; palam apparui his qui me non interrogabant (Is. ; 65 ; Rom. ; 10).

"La grâce ne nous est pas concédée uniquement parce que nous la demandons, mais c'est elle qui fait que nous la demandons."

4. Si quis, ut a peccato purgemur, volumtatem nostram Deum expectare contendit, non autem, ut etiam purgari velimus, per sancti Spiritus infusionem et operationem in nobis (nos) fieri confitetur, resistit ipsi Spiritui sancto per Salomonem dicente : Praeparatur volumtas a Domino (Prov. ; 8 - d'apr. Septante), et Apostolo salubriter praedicanti : Deus est, qui operatur in nobis (vobis) et velle et perficere pro bona volumtate (Phil. ; 2).

"Dieu n'attend pas que nous désirions d'être purifiés du péché, mais c'est lui qui fait naître en nous le désir par le Saint Esprit."

5. Si quis sicut augmentum, ita etiam initium fidei ipsumque credulitatis affectum, quo in eum credimus, qui justificat impium, et ad regenerationem sacri baptismatis pervenimus, non per gratiae donum, id est per inspirationem Spiritus sancti corrigentem volumtatem nostram ab infidelitatem ad fidem, ab impietatem ad pietatem, sed naturaliter nobis inesse dicit, apostolicis dogmatibus adversarius adprobatur, beato Paulo dicente : Confidimus quia, qui coepit in vobis bonum opus, perficiet usque in diem Domini nostri Iesu Christi (die Iesu Christi ) (Phil. ; 1) ; et illud : Vobis datum est pro Christo non solum, ut in eum credatis sed (verum) etiam, ut pro illo patiamini (Phil. ; 1) ; et : Gratia salvi facti estis per fidem, (et hoc) non ex vobis, Dei enim donum est (Eph. ; 2). Qui enim fidem, qua in Deum credimus dicunt esse naturalem, omnes eos qui ab Ecclesia Christi alieni sunt quodammodo fideles esse diffiniunt (definiunt).

"Le commencement de la foi, le penchant vers la foi est en nous l'oeuvre de la grâce, et ne se produit pas naturellement comme la croissance. Si cette foi était naturelle en nous, tous ceux qui sont étrangers à l'Eglise du Christ devraient être appelés fidèles." C'est exactement le sommaire des ch. 1 à 9 du De praedestinatione sanctorum d'Augustin.

6. Si quis sine gratia Dei credentibus, volentibus, desiderantibus, conantibus, laborantibus, (orantibus,) vigilantibus, studentibus, petentibus, quaerentibus, pulsantibus nobis misericordiam dicit conferri divinitus, non autem, ut credamus, velimus vel haec omnia sicut oportet agere (agire) valeamus, per infusionem et inspirationem sancti Spiritus in nobis fieri confitetur, et aut humilitati aut oboedientiae humanae subjungit gratiae adjutorium, nec ut oboedientes et humiles simus, ipsius gratiae donum esse consentit, resistit Apostolo dicenti : Quid habes quod non accipisti ? et : Gratia Dei sum id, quod sum (I-Cor., 4).

"Il n'est pas juste de dire que la miséricorde divine s'exercera vis-à-vis de nous, si nous croyons (par nos propres forces), si nous la demandons, etc... C'est plutôt la grâce divine qui fait que nous croyons, que nous demandons, etc...; la grâce ne se contente pas de fortifier dans l'homme l'humilité et l'obéissance, mais c'est elle qui fait que l'homme est humble et obéissant." Comparer à Augustin, De dono perseverantiae ; 23, 64 ; et à Prosper, Contra Collatorem ; 2, 6.

7. Si quis per naturae vigorem bonum aliquod (aliquid ), quod ad salutem pertinet vivae (pertinit vitae) aeternae, cogitare, ut expedit, aut eligere sive salutari, id est evangelicae, praedicationi consentire posse confirmat absque inluminatione et inspiratione Spiritus sancti, qui dat omnibus suavitatem in consentiendo et credendo (crezento) veritati, haeretico fallitur spiritu, non intellegens vocem Dei in Evangelio dicentis : Sine me nihil potestis facere (Jn., 15), et illud Apostoli : Non quod idonei sumus cogitare aliquid a nobis quasi ex nobis, sed sufficientia nostra ex Deo est (II-Cor., 3).

"Sans la grâce et livrés à nos seules forces naturelles, nous ne pouvons rien penser ou rien choisir qui profite à notre salut éternel ; nous ne pouvons non plus adhérer à la prédication de l'Evangile." Comparer à Augustin, De gratia Christi ; I, 26.

8. Si quis alios misericordia, alios vero per liberum arbitrium, quod in omnibus qui de praevaricationem (praevaricatione) primi hominis nati sunt, constat esse vitiatum, ad gratiam baptismi posse venire contendit, a recta fide probatur alienus. (H)is enim non omnium liberum arbitrium per peccatum primi hominis adserit infirmatum aut certe ita laesum putat, ut tamen quidam valeant sine revelatione Dei mysterium salutis aeternae per semetipsos (posse) conquirere. Quod quam sit contrarium ipse Dominus probat, qui non aliquos, sed neminem ad se posse venire testatur, nisi quem Pater attraxerit (Jn.; 6), sicut et Petro dicit : Beatus es, Simon Bariona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus, qui in caelis est (Mt.;16); et Apostolus : Nemo potest dicere Dominum Iesum, nisi in Spiritu sancto (I-Cor.; 12).

"Il est faux de dire que les uns arrivent à la grâce du baptême par la miséricorde de Dieu, et les autres par leur propre volonté, qui a été contrariée par le péché d'Adam." Même chose chez Prosper, Contra Collatorem ; 5, 13 ; 13, 38 ; 19, 55 ; Responsio à la 6e définition de Cassien (Migne, "P. L."; t. 45, col. 1807, 1818, 1829).

9. (De adjutorio Dei.) Divini est muneris, cum et recte cogitamus et pedes nostros a falsitate et injustitia (con-)tinemus ; quoties enim bona agimus, Deus in nobis atque (adque) nobiscum, ut operemur, operatur.

"Toutes les bonnes pensées et toutes les bonnes oeuvres sont des présents de Dieu." Ce canon se trouve littéralement dans Prosper, Sententia sancti Prosperi ex Augustino delibata , 22 ("P. L."; t. 45, col. 1861).

10. De adjutorio Dei. Adjutorium Dei etiam renatis ac sanctis (sanatis) semper est implorandum, ut ad finem bonum pervenire vel in bono possint opere perdurare.

"Les saints ont aussi besoin du secours de Dieu." Même chose chez Prosper, Contra Collatorem ; 11, 34.

11. (De obligatione votorum.) Nemo quicquam Domino recte voverit (voveret), nisi ab illo accepit (ipso acceperit), (quod voveret,) sicut legitur : (Et) quae de manu tua accepimus (accipimus) damus tibi (I- Paralip.; 30).

"Nous ne pouvons consacrer à Dieu rien que nous n'ayons déjà reçu de lui." Ce canon est extrait d'Augustin, De civitate Dei ; XVII; 4, 7. Il forme la 54e sentence dans Prosper (cf. canon 9).

12. (Quales nos diligit (dilegat) Deus.) Tales nos amat Deus, quales futuri sumus ipsius dono, non quales sumus nostro merito.

"Ce que Dieu aime en nous est aussi un présent de Dieu." C'est la 56e sentence dans Prosper (cf. canon 9).

13. (De reparatione liberi arbitrii.) Arbitrium voluntatis in primo homine infirmatum nisi per gratiam baptismi non potest reparari ; quod amissum, nisi a quo potuit dari, non potest reddi, unde Veritas ipsa dicit : Si vos filius liberaverit, tunc vere liberi eritis (Jn.; 8).

"Le libre arbitre affaibli en Adam ne peut être relevé que par la grâce du baptême." Extrait d'Augustin, De civitate Dei ; XIV; 11, 1. C'est aussi la 152e sentence de Prosper (cf. canon 9).

14. Nullus miser de quantacumque miseria liberatur, nisi qui Dei misericordia praevenitur, sicut dicit Psalmista : Cito anticipet nos misericordia tua, Domine (Ps.: 78, 8) ; et illud : Deus meus, misericordia ejus praeveniet (praeveniat) me (Ps.; 58, 11).

"Un malheureux ne peut être délivré de sa misère que par la miséricorde divine qui le prévient." C'est la 211e (ou 212e) sentence dans Prosper.

15. Ab eo, quod formavit Deus, mutatur (mutatus est) Adam, sed in pejus per iniquitatem suam ; ab eo, quod operata est iniquitas, mutatur fidelis sed in melius per gratiam Dei. Illa ergo mutatio fuit praevaricatoris primi, haec secundum Psalmistam mutatio (est) dexterae Excelsi (Ps.; 76, 11).

"L'état d'Adam, tel que Dieu l'avait fait, a été modifié par le péché ; l'état de l'homme tel que le péché l'a fait, est modifié dans le fidèle par la grâce de Dieu." C'est la 225e (ou 226e) sentence dans Prosper ; comparer à Augustin, Enarratio in Ps.LVIII ; sermo 1, 2.

16. Nemo ex eo, quod videtur habere, glorietur tanquam non acciperit, aut ideo se putet accepisse (accipisse), quia littera extrinsecus vel, ut legeretur, apparuit, vel, ut audiretur, sonuit. Nam sicut Apostolus dicit : Si per lege(m) justitia, ergo Christus gratis mortuus est. Porro autem si non gratis mortuus est, Ascendens (Gal.; 2). (L'"Hist. des Conc." de 1908 s'arrête à mortuus est.)

"Tout ce que nous avons est un présent de Dieu. Quiconque ne reconnaît pas, pour quelque bien que ce soit, qu'il le tient de Dieu, n'a réellement pas ce bien, ou bien le perdra ." Extrait d'Augustin, De spiritu et littera, 29. C'est la 259e (ou 260e) sentence dans Prosper. Cf. Eph., 4 ; Ps. 67 ; Mt., 21.

17. (De fortitudine (furtitudine) christiana.) Fortitudinem (Furtitudinem) gentilium mundana cupiditas, fortitudinem (furtitudinem autem) Christianorum Dei caritas facit, quae diffusa est in cordibus nostris, non per voluntatis arbitrium (arbitrio), (quod est a nobis,) sed per Spiritum Sanctum, qui datus est nobis.
L'édition de 1642, seule, ajoute ici : nullis meritis gratiam praevenientibus (praevenire). Cette phrase, dans l'"Hist. des Conc." de 1908, passe en tête du canon 18.

"C'est la passion humaine qui donne de la force aux païens, mais c'est l'amour de Dieu qui donne de la force aux chrétiens, cet amour imprimé dans nos coeurs par le Saint-Esprit." Extrait d'Augustin, Opus imperfectum contra Julianum ; 1, 83. C'est la 295e sentence dans Prosper. Cf. Rom., 5 & 4.

18. (Nullis meritis gratiam praevenientibus (praevenire).) Debetur merces (mercis) bonis operibus si fiant ; sed gratia (gratia omis par "H. C.") quae non debetur, praecedit ut fiant.

"La grâce que l'on n'a pas méritée précède les oeuvres les plus méritoires ." Nous commençons à toucher là les conséquences les plus absurdes de la thèse augustinienne. Cf. Opus imperfectum contra Julianum, 1, 133. C'est la 299e sentence dans Prosper.

19. (Neminem nisi Deo (Dei) miserante salvari.) Natura humana, etiam si in illa integritate, in qua est condita, permanerit nullo modo se ipsam (ipsa) creatore suo non adjuvante servarit : unde cum sine Dei gratia salutem non possit custodire, quam accepit, quomodo sint Dei gratia poterit reparare quod perdidit.

"Même si la nature humaine possédait encore l'intégrité dans laquelle elle a été créée, elle ne pourrait la conserver sans le secours du Créateur. Si elle ne peut sans la grâce conserver le salut qu'elle a reçu, elle peut encore bien moins le recouvrer si elle l'a perdu." Extrait d'Augustin, "Lettre 186 (anciennement 106)’’; 11, 37 (la fameuse lettre à saint Paulin de Nole, restée sans réponse...) C'est encore la 308e (ou 310e) sentence dans Prosper.

20. (Nihil boni homine(m) posse sine Deo.) Multa (Deus) in homine bona fiunt (facit in homine bona), quae non facit homo ; nulla vero facit homo bona, quae non Deus praestat, ut faciat homo.

"Dieu fait dans l'homme beaucoup de bien sans la coopération de l'homme, mais l'homme ne peut pas faire de bien sans que Dieu ne lui accorde de le faire." Extrait d'Augustin, Contra duas epistolas pelagianorum ; II ; 8 & 9. C'est la 312e (ou 314e) sentence dans Prosper.

21. (De natura et gratia.) Sicut qui volentes in lege justificari (et) a gratia exciderunt (excederunt), verissime dicit Apostolus : Si ex lege justitia est, ergo Christus gratis mortuus est (Gal.; 2); sic et his (sic eis), qui gratiam, quam commendat et percipit fides (fidis) Christi, putant esse naturam, verissime dicitur : Si ex natura (per naturam) justitia (est), ergo Christus gratis mortuus est. Jam hic enim erat lex et non justificabat ; jam hic erat et natura, et non justificabat . Ideo Christus non gratis mortuus est, ut et lex per illum impleretur, qui dixit : Non veni legem solvere, sed adimplere (Mt.; 5); et natura per Adam perdita, per illum repararetur, qui dixit venisse se quaerere et salvare, quod perierat.

"La Loi ne justifie pas ; et la grâce ne consiste pas, ainsi que quelques uns le prétendent, dans la force naturelle de l'homme. La loi existait et elle ne justifiait pas ; la nature existait et elle ne justifiait pas. Mais le Christ est mort pour accomplir la Loi, et pour rétablir la nature corrompue par le péché d'Adam." Extrait d'Augustin, De gratia et libero arbitrio ; 13. C'est la 315e (ou 317e) sentence de Prosper. Cf. Lc.; 19.

22. (De his qua(e) hominum propria sunt.) Nemo habet (habit) de suo nisi mendacium et peccatum ; si quis (quid) homo veritatis atque (adque) justitiae ab illo fonte est, quem debemus sitire in hac eremo (herimo), ut ex eo quasi guttis quibusdam inrorati non deficiamus (dificiamus) in via.

"L'homme a reçu de Dieu ce qu'il possède de justice et de vérité, car il n'a par lui-même que mensonge et péché." Extrait d'Augustin, Tractatus V in Ioanne ; 19 (323e sentence dans Prosper). Formulation incroyablement imprécise et maladroite, car elle tend à vouloir dire que Dieu a laissé en l’homme déchu une volonté absolument mauvaise !... Ce capitulum et les explications identiques d'Augustin et Prosper, sont devenus une véritable croix pour les théologiens (catholiques-romains), et depuis des siècles beaucoup de ces derniers ont employé toute leur sagacité pour mettre d'accord avec le dogme la proposition d'Augustin et de ce concile (Hefele & Leclercq, op. cit., livre 13, p. 1100-1101). Il semble en effet découler de ce principe que rien de ce que l'homme déchu peut encore accomplir au point de vue moral n'a de valeur réelle aux yeux de Dieu (J. Ernst, Die Werke und Tugenden der Ungläubigen nach S. Augustinus ; Freiburg, 1871). Un tel principe devait fatalement aboutir au dogme hérétique de l'"Immaculée Conception"(1854).

23. (De voluntate Dei et hominis.) Suam voluntatem homines faciunt , non Dei , quando id agunt, quod Deo displicet (displicit); quando autem ita (id) faciunt, quod volunt, ut divinae serviant voluntati, quamvis volentes agant quod agunt (quod agunt omis par "H. C."), illius tamen voluntas est, a quo (et) preparatur et jubetur quod volunt.

"Lorsque l'homme fait le mal, il suit sa volonté propre ; mais lorsqu'il fait le bien, il se conforme à la volonté de Dieu, mais dans tous les cas, il est vrai, en agissant de sa propre volonté." Autrement dit, l'homme de bien se conforme volontairement à la volonté de Dieu. Bien que maintenant la thèse d’une volonté absolument mauvaise laissée en l’homme déchu, cette proposition semble contredire d'autres canons du même concile, notamment les canons 3, 4, 6, 8 et 22. Elle est extraite d'Augustin, Tractat. 19 in Ioann. ; 19. C'est la 338e (ou 340e) sentence dans Prosper. Cf. Jn.; 15.

24. (De palmitibus viti(i)s.) Ita sunt in vite palmites, ut viti (vite) nihil conferant, sed inde accipiant unde vivant : sic quippe vitis est in palmitibus, ut vitale alimentum subministret eis non sumat ab eis. Ac per hoc et manentem in se habere Christum et manere in Christo , discipulis (disciplinis) prodest utrumque non Christo. Nam preciso palmite potest de viva radice alius pullulare (pollolare) ; qui autem praecisus est sine radice non potest vivere.

"Quiconque a le Christ en lui et demeure lui-même dans le Christ, ne retire de là du profit que pour lui et non pas pour le Christ ." Extrait d'Augustin, Tractat. 81 in Ioann. ; 1. C'est la 366e (ou 364e) sentence dans Prosper.

25. (De dilectione qua diligimus Deum.) Prorsus donum Dei est diligere Deum. Ipse ut diligeretur dedit, qui non dilectus diligit. Displicentes amati sumus, ut fieret (fieri) in nobis unde placeremus (placerimus). Diffu(n)dit enim caritatem in cordibus nostris Spiritus Patris et Filii, quem cum Patre amamus et Filio.

"L'amour que nous portons à Dieu est aussi un présent de Dieu." Extrait d'Augustin, Tractat. 102 in Ioann. ; 5. C'est la 382e (ou 370e) sentence dans Prosper. Cf. Jn.; 4 et 14 ; Rom.; 5.

A la suite des 25 capitula, l'assemblée écrivit une profession de foi au sujet de la doctrine sur la grâce ; le texte latin est donné aux pages 1104 et 1105 de l'édition de 1908 de l'"Histoire des Conciles" de Dom Hefele (Livre XIII), d'après Noris, "Hist. Pelag."; livre 2, c. 23 (édition de 1729 ; t. 1, p. 524)2. On peut en retenir principalement que :
1) "Le libre arbitre a été affaibli par le péché d'Adam de telle sorte qu'à l'avenir, nul ne peut d'une manière satisfaisante aimer Dieu, croire en lui et faire quelque chose à cause de lui, si la grâce ne précède. C'est ainsi que cette foi admirable dont se glorifie l'Apôtre, a été accordée à Abel, à Noé, à Abraham, à Isaac et aux autres anciens Pères, non per bonum naturae , ainsi que cela avait eu lieu pour Adam, mais par la grâce de Dieu."
est le point nodal de toute la doctrine augustinienne sur la grâce : le libre-arbitre aurait été ‘’affaibli’’ par le péché d’Adam (cf. canon 8 d’Orange) ! Or c'est précisément le contraire de ce que les Pères de l’Eglise et saint Fauste avaient enseigné.
2) "Après avoir reçu la grâce par le baptême, tous peuvent avec la coopération de Dieu accomplir ce qui est nécessaire au salut de leur âme."
3) "Dans chaque bonne oeuvre, le commencement ne vient pas de nous, mais de Dieu qui, sans aucun mérite antérieur de notre côté, suscite en nous la foi et l'amour pour lui, de telle sorte que nous désirons le baptême, et après le baptême nous pouvons, avec son secours, accomplir la volonté de Dieu."
... Nouvelle aberration augustinienne, niant toute volonté salvifique chez l’homme.

Une lettre du pape Boniface II à Césaire d'Arles (Sirmond, Concilia Galliae ; t. 1, col. 223) montre qu'en qualité de président du concile, celui-ci envoya l'abbé Armenius à Rome remettre à Boniface, alors archidiacre du patriarcat romain, une lettre mandant de lui obtenir du pape Félix une confirmation des actes dudit synode. Félix mourant entre temps, Boniface lui succéda, mais ne différa pas pour autant la réponse, par la lettre dont nous avons parlé plus haut (datée du 25 janvier 530). Dans cette lettre, le nouveau pape se prononçait explicitement contre le principe pélagien que sans la grâce divine prévenante (praeveniens), et par leurs propres forces, certains hommes pouvaient arriver à la foi en Jésus-Christ ; et il poursuit en approuvant solennellement la profession de foi du concile d'Orange, conforme à l'enseignement des Pères (sic !) Ainsi, l'une des plus grandes autorités de l'Eglise cautionnait ce "brigandage" en attribuant aux "semi-pélagiens" (c'est-à-dire aux Lériniens orthodoxes) l'hérésie professée par les pélagiens - tout comme l’avait fait Prosper au Ve siècle. Césaire, prétendent certains, aurait tenté, à Orange, d’établir un juste équilibre entre la position des Provençaux du Ve s. et Augustin. D’autres écrits de l’évêque d’Arles montrent au contraire son augustinisme pur et dur ; ainsi, lorsqu’il tire prétexte d’un passage de Matthieu (20, 16) pour affirmer, dans son ‘’Explication de l’Apocalypse’’ (XV) : Tous ne sont pas appelés et élus. C’est précisément cette erreur qu’avaient condamnée les conciles de 470 et 475...


d) L’enseignement patristique sur la grâce et le libre arbitre.
Le prétexte d’un consensus patristique opposé au ‘’semi-pélagianisme’’ ne résiste pas à l’analyse la plus élémentaire. Ainsi,

-Saint Denys l’Aréopagite ; ‘’La Hiérarchie Céleste’’ (fin-Ier s.) :
Unique est la Providence universelle, située de façon suressentielle au-dessus de toutes les puissances visibles et invisibles, et tous les Anges préposés à chaque nation, autant qu’il est en leur pouvoir, élèvent vers cette Providence, comme vers leur Principe propre, ceux qui les suivent librement. (IX, 4)

-Saint Irénée de Lyon ; "Contre les Hérésies" (fin-IIe s.) :
Cette parole : Que de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, et vous n'avez pas voulu (Mt.; 23, 37) illustrait bien l'antique loi de la liberté de l'homme. Car Dieu l'a fait libre, possédant, dès le commencement, sa propre faculté de décision, tout comme sa propre âme pour user du conseil de Dieu volontairement et sans être contraint par celui-ci. (...) Tous sont de même nature, capables de garder et de faire le bien, capables aussi de le rejeter et de ne pas le faire. (...) Dieu donne toujours à l'homme de quoi faire le bien (...) aussi celui-ci est-il jugé justement s'il ne le fait pas, puisqu'il pouvait le faire ; s'il le fait, il est justement récompensé, puisqu'il pouvait ne pas le faire. (IV ; 37, 1)
Et ce n'est pas seulement dans les actes, mais jusque dans la foi, que le Seigneur a sauvegardé la liberté de l'homme et la maîtrise qu'il a de soi-même : Qu'il te soit fait selon ta foi (Mt. ; 9, 29) dit-il, déclarant ainsi que la foi appartient en propre à l'homme par là même que celui-ci possède sa décision en propre. (IV; 37, 5)
Ce n'est pas l'art de Dieu qui est en défaut (...) mais celui qui ne se plie pas à cet art, celui-là est la cause de son propre inachèvement. (...) Ceux qui se sont séparés de la Lumière du Père et ont transgressé la loi de la liberté se sont séparés par leur faute, puisqu'ils avaient été faits libres et maîtres de leur décision. (IV ; 39, 3)

-Saint Ephrem le Syrien (IVe s.) :
Avec l’assistance de Ta grâce, j’espère recouvrer assez de force pour travailler désormais à l’oeuvre de mon salut. (Prière)
Il exauce les âmes qui Lui demandent leur salut avec persévérance. Il aurait pu nous amener au bien malgré nous, mais Il ne le veut pas, pour que notre volonté ne soit point privée du mérite qu’Il veut récompenser en nous.
Tant que nous sommes dans cette vie, nous pouvons désarmer la justice de Dieu et obtenir sa miséricorde. (...) Dans ce monde Dieu est lent à punir ; il laisse une pleine carrière ouverte à notre liberté.
C’est de la grâce et des puissances de la sainte Trinité tout entière que nous viennent tout notre salut et notre divinisation. (...) Or cette grâce ne nous est pas imposée par contrainte, elle est accordée à la foi libre que nous accordons sans aucune nécessité à notre merveilleux Seigneur le Christ, qui est véritablement l’unique vrai Dieu dans tous les mondes.
C’est dans la mesure de notre foi que la grâce vient résider en notre âme ; mais si notre coeur n’est pas pur, aussitôt la grâce le quitte. (...) Dieu n’attend de nous qu’une ferme résolution pour nous donner les forces et nous accorder la victoire. A peine as-tu désiré être sauvé que Dieu accourt à ton secours. La grâce ne repousse jamais un homme qui désire être sauvé ; Le salut par la grâce de Dieu se trouve à la mesure de notre foi et de notre amour.

-Saint Macaire d’Egypte (IVe s.) ; Homélies :
S'il était possible de réussir sans effort , le christianisme ne serait plus une pierre d'achoppement et un rocher de scandale (cf. I-P.; 2, 8) ; il n'y aurait plus ni foi, ni incrédulité. Tu ferais dès lors de l'homme un être soumis au déterminisme, incapable de se tourner vers le bien ou vers le mal . Ce n'est qu'à celui qui peut se tourner d'un côté ou de l'autre qu'une loi est donnée, à celui qui, ayant le libre arbitre, peut combattre la puissance adverse. Pour une nature soumise au déterminisme, aucune loi n'est établie. Ni le soleil, ni le ciel, ni la terre, ne sont soumis à une loi. En effet, ces créatures ont une nature soumise au déterminisme. Voilà pourquoi elles ne sont sujettes ni à récompense, ni à châtiment. Car l'honneur et la gloire sont préparés pour celui qui se tourne vers le bien; de même, la géhenne et le châtiment sont préparés pour cette nature incapable de changer, d'éviter le mal, de se décider pour le côté du bien et de la droite. Si tu ne lui attribues pas une nature douée de liberté, tu rends l'homme de bien indigne de louange. En effet, celui qui est par nature bon et excellent n'est pas digne de louange, même s'il a de l'agrément. En effet, il n'est pas digne de louange, même s'il a de l'agrément, le bien qui ne procède pas d'un choix libre. (27, 21)
La grâce pénètre pas à pas dans l’âme et la maîtrise en mettant à l’épreuve la liberté de l’homme. (41, 2)

-Saint Grégoire de Nazianze (vers 380) ; Discours 31 (5me Discours sur Dieu) :
Les hommes devaient être non pas contraints, mais persuadés. Car la contrainte ne produit pas un résultat durable, comme il arrive quand on contrarie le cours d’une rivière ou la croissance d’une plante, tandis que la persuasion est plus durable et plus sûre. Dans le premier cas, le résultat est l’oeuvre de celui qui a exercé la contrainte ; dans le second cas, il est l’oeuvre de celui qui a été persuadé. Une de ces méthodes convient à la bonté de Dieu, l’autre relève d’une puissance tyrannique. Dieu a donc jugé qu’il ne fallait pas faire du bien aux hommes malgré eux, mais leur accorder ses bienfaits quand ils les accepteraient.

-Saint Grégoire de Nysse (fin-IVe s.) :
Ce qui a été créé en tout point à l’image de la divinité devait posséder dans sa nature une volonté libre et indépendante, afin que la participation aux avantages divins fût la récompense de sa vertu. (...) Puisque le caractère propre de la liberté, c’est de choisir librement l’objet désiré, Dieu n’est pas responsable des maux dont vous souffrez aujourd’hui, Lui qui a créé votre nature indépendante et libre, mais bien votre imprudence qui a choisi le moins bon au lieu du meilleur. (Catéchèse ; 5)
Celui qui a la libre disposition de toutes choses, poussant jusqu’à l’extrême son respect de l’homme, a permis que nous ayons aussi notre domaine propre, dont chacun serait seul maître : c’est la volonté, faculté qui ignore l’esclavage, qui est libre et fondée sur l’indépendance de notre raison. (...) Dieu pouvait, s’Il le voulait, amener de force les récalcitrants à accepter la bonne nouvelle ? Où serait alors le libre arbitre ? (...) Si la volonté n’intervient pas, la vertu disparaît nécessairement, entravée par l’inertie de la volonté. (...) Chacun pourrait rétorquer : Rien ne dépend de notre volonté ; c’est une puissance supérieure qui conduit les volontés humaines à se ranger à la décision du souverain. Si la foi n’a pas pris naissance dans toutes les âmes, la faute n’en est pas à la bonté divine, mais à la libre disposition de ceux qui recevaient la prédication. (Catéchèse ; 30-31)
Ces traitements qui nous attendent dans l’autre monde sont, selon l’équitable jugement de Dieu, les résultats et l’épanouissement du libre choix de chacun dans la vie. Les esprits sensés doivent regarder non pas le présent, mais l’avenir, jeter dans cette vie brève et passagère les bases de l’ineffable félicité, tourner par libre choix leur volonté vers le bien, se garder de faire l’expérience du mal, aujourd’hui, pendant leur vie, comme plus tard, au moment de la rétribution éternelle. (Catéchèse ; 40)
La résurrection n’aurait pas eu lieu, si la mortification volontaire n’avait précédé. (...) J’ai reçu le pouvoir de ressusciter parce que j’ai mortifié mes membres terrestres ; j’ai accompli volontairement cette mortification de mes membres, mes mains n’ont pas été couvertes de myrrhe par quelqu’un d’autre, mais c’est par ma libre volonté qu’elles dégouttent de myrrhe ; et l’on peut voir que j’apporte sans cesse la même disposition d’âme dans toutes mes oeuvres de vertu, que le texte appelle mes doigts. (...) Nous avons deux natures : l’une est légère, spirituelle et subtile, tandis que l’autre est épaisse, matérielle et lourde. Chacune des deux nécessairement possède un élan qui lui est propre et qui est inconciliable avec celui de l’autre. (...) Il est impossible que l’une suive sa voie, si le mouvement naturel de l’autre n’est pas affaibli. Entre elles deux se tiennent notre libre arbitre et notre libre volonté, qui peuvent rendre fort l’élément faible et faible l’élément fort. Car l’élément auquel ils donnent leurs concours, c’est à lui qu’ils donnent la victoire contre l’autre. Ainsi, dans l’Evangile, on loue le serviteur fidèle et avisé - il représente, à mon avis, la libre volonté qui nous commande selon le bien - (...) La pratique de la vertu est volontaire. (Homélies sur le Cantique ; XII)

-Saint Jean Chrysostome (peu avant 400) :
Dieu n’attire jamais vers Lui par force et par contrainte : Il veut que tous se sauvent, mais sans jamais contraindre personne. (...) Dieu est prêt à sauver l’homme sans contrainte, sans forcer sa volonté, mais avec le concours de sa bonne volonté et de sa disposition. (De ferend. reprehensione, 6 ; P. G. n° 51, 144)
L’homme obtient la grâce à la mesure de sa foi.(Homélie sur l’aveugle-né)
L'Apôtre veut donc nous faire entendre que la foi n'est pas exclusivement le don de l'Esprit ; elle veut d'abord le concours de notre volonté. Ainsi, après que la docilité du coeur et la disposition à croire ont ouvert les premières voies, et préparé les fondements de la foi, l'intervention de l'Esprit Saint devient nécessaire pour la fortifier et la rendre fixe et immuable. Ni Dieu, ni la grâce de l'Esprit Saint, ne préviennent notre choix ; Dieu nous appelle ; mais tout en nous appelant, il nous attend, parce qu'il ne veut point contraindre notre volonté ; et c'est quand nous lui cédons librement, qu'il nous accorde son secours, parce que du moment où nous sommes en possession de ce précieux don, le démon cherche à nous l'enlever par ses artifices, s'efforce d'arracher de nos coeurs cette plante nouvelle, et d'en étouffer le germe sous l'ivraie qu'il sème à côté : c'est à l'Esprit Saint, comme un énergique laboureur, d'être là dans notre âme, d'environner de ses soins la foi, cette plante toute fraîche. (Homélie I sur II-Corinthiens ; 4, 13)
Dès qu’Il perçoit en l’homme un désir ardent et un éveil de l’intellect, le Saint Esprit lui accorde Sa grâce pour lui procurer Ses dons en abondance. (...) La grâce de Dieu est toujours disponible, elle cherche quelqu’un qui l’accueille sincèrement. (...) C’est à nous qu’il revient de faire sincèrement ce qui dépend de nous, la grâce reste disponible, cherchant qui la recevra en abondance. (...) Si nous désirons obtenir une aide du ciel, pratiquons les vertus : c’est ainsi que nous attirerons la grâce de l’Esprit Saint et que nous pourrons passer cette vie sans douleur et hériter du bonheur éternel. (Homélies sur la Genèse ; 3, 1 ; 9, 1 ; 16, 1 ; 68, 5)
Tout nous vient de Dieu, mais pas de manière à ruiner notre liberté : tout dépend à la fois et de nous et de Lui. Il nous faut avant tout choisir le bien ; lorsque nous l’avons choisi, il nous montre sa collaboration. Il nous revient de choisir et de concevoir le désir, ce qui revient à Dieu est d’accomplir et de parfaire.(Homélie sur l’Epître aux Hébreux ; 12, 3)
La grâce vient seulement chez ceux qui la désirent et s’occupent de l’obtenir. (...) C’est à Dieu qu’il revient d’accorder la grâce, à l’homme il n’incombe que de faire preuve de sa foi. (...) Le feu que nous avons reçu par la grâce de l’Esprit, nous pouvons, si nous le voulons, l’attiser, mais selon notre volonté, nous pouvons aussi bien l’éteindre aussitôt.(Homélie sur Jean ; 10, 2-3 ; 50, 3)
Voulez-vous embrasser le bien, personne ne peut vous en empêcher. Je me trompe néanmoins, le diable s'efforce de vous en empêcher ; mais il ne saurait y parvenir, quand vous attirez sur vous la protection divine par la direction de votre volonté. (...) Nous sommes seuls la cause de notre perte.(Homélies sur saint Matthieu; 12, 5)
Tout part de nous, par conséquent, et nous avons dans nos mains le jugement que nous aurons à subir. (Idem ; 19, 6)
La ferveur de l'homme ne suffit pas sans le secours de la grâce divine, et la grâce à son tour ne nous est d'aucun avantage sans la bonne volonté (...) C'est de ces deux éléments que se compose le travail de la vertu. (Idem ; 82; 11)
Bien qu’elle soit véritablement une faveur (kharis : grâce, faveur, don gratuit), elle sauve ceux qui le veulent, non ceux qui ne le veulent pas, se détournent d’elle et s’insurgent contre elle.(Homélie sur l’Epître aux Romains ; 18, 5)
De m
Claude le Liseur
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Re: prédestination (et astrologie)

Message par Claude le Liseur »

Jean Béziat a écrit :Pour Eliazar, et aussi pour Lecteur Claude...

L’Orthodoxie muselée par les Franks (VIe s.)
1. Le brigandage d’Orange (529).

Alors là, excusez-moi, je ne vois pas le lien entre les Franks et Orange.

En 529, Orange se trouvait en territoire ostrogoth, et la Provence n'allait être conquise par les Francs qu'en 537.

Comme les Ostrogoths étaient ariens, je ne pense pas qu'ils avaient beaucoup de raisons d'intervenir dans les affaires intérieures de l'Eglise orthodoxe, et je doute qu'ils soient intervenus dans un sens ou dans l'autre à Orange.
Jean Béziat
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Césaire et les Franks

Message par Jean Béziat »

Césaire était ouvertement pro-Frank (ce qui lui a valu l'exil à Bordeaux sous Alaric), les Franks étaient en Gaule depuis 507 et l'endroit géographique du concile ne change rien à l'affaire. Le noyautage augustiniste de l'orthodoxie gallo-romaine par les Franks a commencé par là, et ceci pour l'excellente raison qu'Augustin dans sa "Cité de Dieu" avait prophétisé le salut par les Barbares, ce que les Franks en toute humilité ont pris pour eux, trop contents de se désolidariser de Byzance. Et de nombreux évêques gallo-romains, à peine sortis d'un siècle d'oppression arienne, se sont laissés prendre au piège ...pour le regretter ensuite - mais un peu tard: entre temps, des peuples entiers comme les Vascons avaient renvoyé tout le monde dos à dos pour s'en retourner vers leur bon vieux paganisme. Beau résultat !
Désolé si nos deux visions de l'histoire ecclésiastique de la Gaule ne s'accordent pas. Votre chauvinisme de Suisse vaudrait-il plus que mon chauvinisme d'occitan ? Décidément, Augustin Thierry n'avait peut-être pas tort...
Jean
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Re: Césaire et les Franks

Message par Claude le Liseur »

Jean Béziat a écrit : Désolé si nos deux visions de l'histoire ecclésiastique de la Gaule ne s'accordent pas. Votre chauvinisme de Suisse vaudrait-il plus que mon chauvinisme d'occitan ? Décidément, Augustin Thierry n'avait peut-être pas tort...

Le chauvinisme suisse devrait plutôt me pousser à défendre les Burgondes contre les Francs.

En outre, je ne vois pas où est le chauvinisme dans le fait de vous faire remarquer que les Francs ne pouvaient pas contrôler un concile qui se passait chez les Ostrogoths.
Jean Béziat
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Message par Jean Béziat »

In fine le résultat sera le même pour mon pays. Il est vrai qu'à trop me polariser sur les Franks j'en arrive parfois à oublier les autres peuples germaniques. Ceci d'ailleurs ne change rien à mon discours : Franks, Burgondes, Ostrogoths, Wisigoths, même combat ! ...Après une longue période pagano-arienne, phylétisme et antisémitisme délirants, théologie approximative (mais, mais, mais ...augustinisme et filioquisme institutionnalisés), "élections" favorisées ou imposées d'évêques et d'abbés germains de préférence, etc... Et c'est tout ça, comme disait une ex-amie franc-maçon, qui a abouti à la civilisation européenne.
(PS : mon prêtre, le P. Cassien, est allemand, ce qui ne l'a pas empêché de retirer immédiatement Gontran de son calendrier en 2002)
Jean
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Ceci d'ailleurs ne change rien à mon discours : Franks, Burgondes, Ostrogoths, Wisigoths, même combat !

Surtout quand ils se battaient entre eux...

Après une longue période pagano-arienne,

L'honnêteté commande peut-être de dire que si Wulfila les a convertis à l'arianisme, c'est parce que c'était la religion professée à ce moment-là par les empereurs romains d'Orient.

phylétisme

Êtes-vous bien au clair sur la définition de ce mot? On l'emploie souvent à tort et à travers, et je ne vois pas ce qu'il vient faire dans ce contexte.

et antisémitisme délirants

Voulez-vous aussi vous en prendre au concile Quinisexte?

augustinisme et filioquisme institutionnalisés

J'ai un scoop: Augustin d'Hippone s'appelait en fait Lothar de Quedlinbourg.


mon prêtre, le P. Cassien, est allemand

Ce qui apporte quoi au débat?

ce qui ne l'a pas empêché de retirer immédiatement Gontran de son calendrier en 2002

Votre révisionnisme théologique pourrait aussi s'exercer à propos des 300 saints allemands de l'île de Chypre.
A propos: j'espère que vous avez aussi modifié les textes liturgiques en en retranchant toutes les mentions des péages aériens?
Jean Béziat
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Message par Jean Béziat »

Phylétisme : nationalisme religieux chauvin (comme en Grèce aujourd'hui).
Antisémitisme délirant : délirant par ses conséquences du style "bras séculier", non en matière de vraie théologie, laquelle ne peut en aucun cas aboutir au dit "bras" (mais on ne va pas reprendre le débat où quelqu'un excusait Augustin à ce sujet !...)
Jean
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Message par Claude le Liseur »

Jean Béziat a écrit :Phylétisme : nationalisme religieux chauvin (comme en Grèce aujourd'hui).
Les mots ont un sens. Le phylétisme, c'est le fait d'établir une juridiction orthodoxe pour sa propre nationalité sur le territoire canonique d'une autre juridiction. Ce n'est pas le nationalisme religieux chauvin, dont j'aimerais bien savoir, d'ailleurs, de quelle manière il se manifeste en Grèce aujourd'hui.
Barbare du Nord
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Message par Barbare du Nord »

Bonsoir,

Excusez moi de revenir à la question d'origine, pour poser une question qui vous semblera très certainement "basique", mais j'aimerais sur ce sujet une réponse précise...

Comment définissez vous cet Homme?

Est il absolument libre et indéfini, sans aucune inclination particulière?

Subit il une inclination au péché, tout en ayant la possibilité d'oeuvrer dans le sens du bien et de se racheter par lui même (donc sans le secours d'une grâce arbitrairement offerte à des élus)?

Faut il distinguer entre corps et âme, l'âme tendant vers le Bien (car partie divine) et le corps (partie animale) vers le péché (ces deux tendances s'annulant respectivement pour faire de l'Homme une créature indeterminée).
Cette dernière hypothèse ne verse t'elle pas dangereusement dans un dualisme/manichéisme simpliste (question elle-même due à l'influence pernicieuse d'Augustin?).

Le terme "nature déchue" s'applique t'il uniquement à la condition physique, corporelle, animale, finie de l'Homme, ou s'applique t'elle aussi à son âme?
Corps et âme sont ils également viciés par la Chute?


Et plus largement:
Comment le Mal entre t'il dans le Monde?
Y a t'il une autonomie du Mal (par le biais de Satan?) ou y a t'il "seulement" refus de Dieu par l'Homme?


Voilà...je vous prie de pardonner mon analphabétisme théologique mais voyez vous, je ne suis qu'un Barbare, et j'ai l'esprit aussi brumeux que le Heimat de mes ancêtres...
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